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                                                     Mod´lisation d’´coulements
                                                        e            e
              4                                            pari´taux turbulents
                                                                e
                                                                  instationnaires

Aperçu
         1    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .        45
             1.1   Un premier aperçu des grandes classes de modélisation . . . . . . . . . . . . . .        46
             1.2   Contribution de la présente étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .    48
         2    Différentes approches dans la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .              48
             2.1   Simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes . . . . . . . . . .          49
             2.2   Simulations aux grandes échelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .     49
             2.3   Approches statistiques fondées sur la moyenne de Reynolds . . . . . . . . . . .          51
             2.4   Approches statistiques avancées - Organised Eddy Simulation . . . . . . . . . .          52
             2.5   Approches hybrides - Detached Eddy Simulation . . . . . . . . . . . . . . . . .          55
         3    Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la
              turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .      56
             3.1   Modélisation au second ordre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .     56
             3.2   Modèles au premier ordre linéaires fondés sur une viscosité de turbulence . . .          59
             3.3   Modèles non-linéaires et algébriques explicites . . . . . . . . . . . . . . . . . . .    65
         4    Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle . . . . . . . . . . . . . . .                71
             4.1   Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   72
             4.2   Physical analysis of turbulent stress-strain relation in the near-region . . . . . .     73
             4.3   Anisotropic OES modelling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .      75
             4.4   Numerical simulation of strongly detached flows around bodies . . . . . . . . .           77
             4.5   Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .   81
             4.6   Appendix A. Transport equations for the stress-strain projection coefficients . .          81
             4.7   Appendix B. Summary of the OES anisotropic first-order model . . . . . . . .              82
             4.8   Compléments à l’article . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .    83
         5    Prédiction d’écoulements turbulents compressibles . . . . . . . . . . . . . .                 87
             5.1   Quelle moyenne statistique dans le cas d’écoulements compressibles ? . . . . . .         87
             5.2   Equations de Navier-Stokes compressibles en moyenne de Favre . . . . . . . . .           88
             5.3   Modèles de fermeture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .     88
         6    Conclusion - modélisation “haute-fidélité” des écoulements turbulents . .                      89



1    Introduction
    Malgré de nombreuses avancées théoriques dans l’analyse physique des mécanismes fondamentaux de
la turbulence et le développement d’outils de calcul numérique de plus en plus performants, la prédiction
d’écoulements pariétaux instationnaires à grands nombres de Reynolds reste un problème difficile. En
effet, la résolution numérique directe des équations de Navier-Stokes tridimensionnelles et instationnaires

                                                                                                                 45
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



n’est généralement pas envisageable pour la prédiction d’écoulements réalistes et la mise en œuvre de
stratégies de modélisation de la turbulence est inévitable. De multiples méthodologies, notamment des
méthodes de macrosimulation, ont été développées dans ce sens. Plusieurs approches théoriques différentes
peuvent être considérées selon la configuration physique d’intérêt et la nature des résultats attendus, es-
sentiellement la prédiction de quantités physiques moyennes ou filtrées, stochastiques ou déterministes.
Dans le cadre de la présente étude, l’étape de modélisation de la turbulence par une méthode de macro-
simulation peut être considérée comme une première phase de “réduction de la dimension” du problème.
En effet, dans le contexte du développement d’une modélisation hiérarchique d’écoulements réalistes,
les simulations mettant en jeu une modélisation de l’effet de la turbulence non résolue constituent une
approximation du modèle physique “haute-fidélité” que représentent les équations de Navier-Stokes ins-
tationnaires tridimensionnelles. A l’inverse, les approches de simulation décrites dans ce chapitre peuvent
également être considérées comme des modèles physiques détaillés dont la complexité numérique peut
encore être réduite grâce à une méthode de modélisation d’ordre faible fondée sur la décomposition or-
thogonale aux valeurs propres. Ce point sera abordé dans les chapitres suivants. Dans une optique de
modélisation hiérarchique, l’étape de modélisation de la turbulence est donc cruciale pour le développe-
ment de modèles d’ordre réduit pertinents, représentatifs de l’écoulement réel.



1.1         Un premier aperçu des grandes classes de modélisation
    Dans le cadre de la prédiction d’écoulements instationnaires autour d’obstacles à grands nombres de
Reynolds, la simulation numérique directe ou Direct Numerical Simulation (DNS) nécessite des discréti-
sations spatiale et temporelle extrêmement fines pour capturer toutes les échelles des quantités physiques
aléatoires mises en jeu. Les approches les plus couramment considérées pour contourner cette difficulté
sont brièvement présentées. La méthodologie la plus proche de la simulation directe sur le plan théo-
rique est la simulation aux grandes échelles ou Large Eddy Simulation (LES). Cette approche, initiée par
Smagorinsky (1963) dans le domaine météorologique, consiste à appliquer un filtre spatial aux différentes
quantités physiques et à ne simuler que les grandes échelles, les échelles non résolues étant prises en
compte par l’introduction d’un modèle de fermeture dans les équations de Navier-Stokes filtrées. Cette
approche est, par nature, tridimensionnelle et comme cela sera explicité dans ce chapitre, elle donne
accès, comme la DNS, à des réalisations des variables aléatoires que constituent les quantités physiques
mises en jeu. La démarche proposée par la LES s’applique a priori à tous les types d’écoulements, qu’ils
présentent ou non une cohérence spatio-temporelle marquée par la présence de structures organisées. Une
des difficultés liées à cette approche est le traitement des résultats de simulation. En effet, une réalisation
de l’écoulement ne peut être considérée comme représentative de la moyenne d’ensemble que sous des
hypothèses d’ergodicité et d’homogénéité délicates à démontrer dans la pratique. Dans le cas général, plu-
sieurs résolutions successives doivent être envisagées avant d’accéder aux grandeurs statistiques. De plus,
la modélisation des échelles non résolues ou échelles de sous-maille passe en général par l’introduction
d’un concept de viscosité de turbulence qui est essentiellement adapté à la modélisation d’une partie du
spectre d’énergie cinétique turbulente dans le cas d’une turbulence homogène isotrope. Etant donné que
la taille du filtre spatial est dans la pratique liée à la finesse de la discrétisation spatiale, ce point implique
que l’approche LES doive tendre vers une simulation numérique directe dans les régions de proche-paroi.
Cela rend la LES difficilement applicable pour la modélisation d’écoulements pariétaux à grands nombres
de Reynolds dans un contexte industriel (Davidson et al., 2003) et justifie le développement de méthodes
de macrosimulation hybrides, couplant la simulation aux grandes échelles à des méthodes statistiques
plus adaptées à la simulation des écoulements en proche-paroi.

    Les méthodes statistiques constituent une alternative très largement répandue aux simulations di-
recte et aux grandes échelles. D’une manière générale, elles conduisent à décomposer l’ensemble des
variables physiques en termes moyen et fluctuant. L’approche la plus classique qui consiste à considérer
une moyenne d’ensemble1 conduit aux équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds ou Rey-
nolds Averaged Navier-Stokes (RANS). Les variables considérées sont alors déterministes et non plus
stochastiques comme dans le cas de la DNS ou de la LES, ce qui simplifie l’exploitation des résultats de
simulation. Les méthodes dérivées de cette approche ne sont en théorie valables que pour des écoulements
en équilibre statistique autrement dit des écoulements dont les quantités physiques caractéristiques sont
     1 La   moyenne d’ensemble peut être remplacée par une moyenne temporelle dans le cas de processus ergodiques.


46
1. Introduction



des processus stochastiques stationnaires2 et en équilibre dans le sens de la théorie de Kolmogorov (1941)
tels que la zone lointaine d’un sillage, d’un jet ou d’une zone de mélange par exemple. Le fait de considérer
les équations de Navier-Stokes en moyenne fait apparaître un terme supplémentaire traduisant la “perte
d’information” par rapport aux équations originelles définies dans un cadre stochastique : les corrélations
doubles des fluctuations de vitesse en un point, appelées tensions de Reynolds lorsque cette moyenne
est mise en œuvre et plus généralement contraintes turbulentes. Ainsi les équations de Navier-Stokes en
moyenne constituent un système ouvert et leur résolution nécessite une représentation (simulation ou
modélisation) des contraintes turbulentes. Deux types d’approches sont généralement distinguées : d’une
part l’approche dite “au second ordre” qui assure la prédiction des contraintes turbulentes au moyen
d’équations de transport supplémentaires associées à ces quantités où les termes inconnus tels que les
corrélations triples sont modélisés, d’autre part, les modèles “au premier ordre” qui relient algébrique-
ment les tensions de Reynolds aux grandeurs physiques moyennes. Les modèles au premier ordre les plus
répandus sont les modèles linéaires qui utilisent une hypothèse de fermeture fondée sur une analogie avec
la loi constitutive des fluides newtoniens : la loi de Boussinesq (1877). Le tenseur des contraintes est
alors relié linéairement au taux de déformation moyen grâce à un concept de viscosité de turbulence.
Comme cela sera détaillé dans ce chapitre, une relation constitutive linéaire peut conduire à une mo-
délisation erronée de certaines propriétés structurales de la turbulence entraînant d’importantes erreurs
d’estimation des quantités globales d’intérêt telles que les coefficients aérodynamiques par exemple. Afin
de pallier certaines limitations du modèle linéaire, des lois constitutives non-linéaires ont été développées.
Elles consistent à inclure, dans la relation constitutive, des tenseurs d’ordre supérieurs issus de combi-
naisons des tenseurs des taux de déformation et rotation moyens (Pope, 1975, par exemple). Plusieurs
approches ont été envisagées par analogie aux lois constitutives considérées en rhéologie pour les fluides
visco-élastiques ou à effet de mémoire donnant lieu aux Non Linear Eddy Viscosity Models (NLEVM)
(Shih et al., 1993, par exemple) ou encore en dégénérant les équations aux dérivées partielles de modèles
au second ordre pour en dériver des expressions algébriques des tensions turbulentes, Explicit Algebraic
Stress Modelling (EASM) (Pope, 1975; Gatski & Speziale, 1993; Wallin & Johansson, 2000). Ce type
d’approche a notamment pour objectif une meilleure capture de l’anisotropie des contraintes turbulentes
normales en proche-paroi par rapport au modèle linéaire fondé sur l’hypothèse de Boussinesq (1877) qui
prédit un comportement isotrope de ces tensions.

    Dans le cas où les processus physiques étudiés ne sont pas statistiquement stationnaires, par exemple
lorsque des structures organisées apparaissent dans l’écoulement, il semble que ces phénomènes puissent
être considérés non plus comme des fluctuations aléatoires mais comme des évolutions déterministes des
propriétés statistiques de ces processus. Cela conduit à l’approche RANS instationnaire ou Unsteady
RANS (URANS) qui est la méthodologie de modélisation des écoulements turbulents la plus largement
mise en œuvre. Les équations simulant l’évolution des quantités physiques moyennes sont les mêmes
que les équations RANS, au terme temporel près. Par ailleurs, les mêmes méthodes de fermeture que
dans le cas stationnaire sont généralement utilisées dans ce contexte qui ne correspond pas, a priori,
à leur domaine d’application. En particulier, les échelles caractéristiques de la turbulence évaluées par
ces approches ne sont plus nécessairement adaptées et peuvent conduire à des prédictions erronées. Une
reconsidération des approches statistiques classiques dans le cas de processus instationnaires est donc
cruciale.

    Afin d’étendre de manière rigoureuse les approches statistiques précédentes aux cas d’écoulements ins-
tationnaires caractérisés par la présence de structures organisées, une méthodologie fondée sur la décom-
position triple distinguant pour chaque processus, une composante moyenne, une composante fluctuante
organisée et une composante aléatoire a été imaginée (Reynolds & Hussain, 1972). Cette approche s’est
développée, à la fin des années 1970, alors que de nombreux travaux expérimentaux tentaient de quan-
tifier la partie cohérente du mouvement turbulent par des mesures conditionnelles telles que la moyenne
de phase (Cantwell, 1981; Boisson et al., 1983, par exemple). Dans la pratique, une distinction est faite
entre la partie cohérente du processus (composantes moyenne et fluctuante organisée) qui est considérée
comme une variable déterministe et sa partie aléatoire selon la décomposition proposée par Cantwell &
Coles (1983). Dans le cas où l’écoulement d’intérêt présente un fort caractère périodique, l’utilisation de
l’opérateur de moyenne de phase conduit à une dissociation efficace des quantités cohérentes et aléatoires

   2 La stationnarité d’un processus stochastique traduit l’indépendance de ses différents moments statistiques (moyenne,

corrélations doubles...) par rapport à l’origine des temps.


                                                                                                                     47
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



dans ce sens. L’effet de cette distinction sur le plan spectral est détaillé dans ce chapitre au §2.4. Substi-
tuer cette moyenne conditionnelle à la moyenne d’ensemble conduit aux mêmes équations que le système
URANS. Cette approche a été utilisée pour la mesure et la prédiction d’écoulements autour de profils
d’aile oscillants à grand nombre de Reynolds (McCroskey et al., 1982, notamment). Sur le plan théorique,
une telle méthodologie implique le calcul des quantités organisées correspondant à la turbulence résolue
et la modélisation des effets des processus aléatoires. Par rapport à l’approche RANS, la modélisation du
tenseur des contraintes turbulentes apparaissant dans les équations en moyenne doit être reconsidérée, y
compris dans le cas où une loi constitutive linéaire est mise en œuvre. Pour cela, l’approche Organised
Eddy Simulation (OES) a été proposée par Dervieux et al. (1998), Braza (2000), Abalakin & Dervieux
(2000), Hoarau (2002) et Braza et al. (2006). La modification des fermetures turbulentes dans le contexte
OES est décrite au §2.4.

    Le principal écueil rencontré quant à l’utilisation de la LES pour la simulation d’écoulements autour
de corps est la finesse de discrétisation de la région de proche-paroi. Afin de limiter l’usage de la simu-
lation aux grandes échelles à son domaine optimal d’application, des méthodes hybrides couplant LES
et approches statistiques peuvent être considérées. En particulier, la méthode Detached Eddy Simulation
(DES) (Spalart et al., 1997; Travin et al., 2000) combine les approches LES et RANS par une sélection
locale de l’échelle de longueur de la turbulence.

   Les approches de modélisation des écoulements turbulents présentées dans cette section introductive
correspondent à un premier aperçu des méthodes détaillées dans ce chapitre. Il est important de noter
que le tour d’horizon ici proposé n’est en aucun cas exhaustif.


1.2    Contribution de la présente étude
    Les développements effectués dans le cadre de cette thèse s’inscrivent dans le contexte de l’approche
de modélisation Organised Eddy Simulation. La contribution de la présente étude concerne l’améliora-
tion de la capture des propriétés structurales de la turbulence grâce à l’introduction d’une nouvelle loi
constitutive des tensions turbulentes incluant une viscosité de turbulence tensorielle. Plus précisément, les
non-linéarités apparaissant dans un écoulement instationnaire fortement détaché entre le tenseur d’ani-
sotropie des contraintes turbulentes et le tenseur des taux de déformations moyens sont examinées sur
la base de résultats expérimentaux détaillés. Cette analyse illustre les limitations des approches linéaires
fondées sur l’hypothèse de Boussinesq (1877). Afin de prendre en compte la non-colinéarité des tenseurs
d’anisotropie des contraintes turbulentes et de déformation ainsi mise en évidence, une alternative aux
modèles non-linéaires les plus répandus (NLEVM et EASM) est suggérée sous la forme d’une loi consti-
tutive modifiée. De plus, un modèle de fermeture permettant la mise en œuvre pratique de cette loi de
comportement des contraintes turbulentes est proposé. Ces développements sont détaillés au §4 de ce
chapitre et ont été rapportés dans deux articles publiés dans le cadre de cette thèse (Bourguet et al.,
2007b, 2008).

    Les différentes approches de modélisation précédemment évoquées sont plus précisément décrites au §2,
notamment du point de vue de l’introduction des opérateurs de filtrage ou de moyenne dans les équations
de Navier-Stokes. Après avoir mis en évidence le problème pratique de la fermeture des équations de
Navier-Stokes en moyenne, le choix de modèles de turbulence adaptés dans le contexte des approches
statistiques est détaillé au §3. En particulier, les modifications induites par la reconsidération des échelles
caractéristiques de la turbulence dans le cadre de l’approche OES sont présentées. La contribution de
la présente étude à l’amélioration des capacités prédictives des modèles OES est décrite au §4. Pour
plus de clarté, l’ensemble des approches de modélisation ainsi que les développements menés dans cette
thèse sur ce thème sont en premier lieu présentés dans le contexte des écoulements incompressibles. La
transposition au cas d’écoulements compressibles est proposée au §5.


2     Différentes approches dans la littérature
   Dans cette section les principales approches de modélisation d’écoulements turbulents à grands nombres
de Reynolds sont présentées. Pour chacune d’elles, les équations de Navier-Stokes filtrées ou en moyenne


48
2. Différentes approches dans la littérature



sont détaillées et, le cas échéant, la nécessité d’introduire des modèles de fermeture est mise en évidence
dans l’optique d’une résolution numérique de ce système.

2.1    Simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes
    La simulation directe consiste à résoudre numériquement les équations de Navier-Stokes tridimen-
sionnelles instationnaires qui correspondent, dans le cas d’écoulements incompressibles, à l’équation de
continuité et aux trois équations de conservation de la quantité de mouvement, pour i = 1, 2, 3 :

                                     uα,α = 0
                                                                                                        (4.1)
                                     ui,t + (ui uα ),α = − ρ p,i + νui,αα ,
                                                           1



où ui désigne la ième composante de la vitesse, ρ la masse volumique du fluide supposée constante dans
le cas incompressible, p la pression et ν la viscosité cinématique également supposée constante dans ce
contexte. ,t et ,i représentent respectivement les dérivées temporelle et spatiale dans la direction i. Pour
plus de clarté, les indices grecs sont utilisés pour indiquer les sommations implicites.
    La résolution directe de ces équations, munies de conditions initiales et aux limites, conduit à la
simulation de toutes les échelles de structure dans l’écoulement et ne nécessite donc pas de modélisation
supplémentaire. En ce sens, ce type d’approche peut être considéré comme une véritable “expérience
numérique” (Chassaing, 2000) utile pour la compréhension des propriétés de la turbulence, notamment
dans l’optique du développement d’approches de modélisation. Le principal obstacle à la mise en œuvre
pratique d’une telle méthode pour des écoulements réalistes à grands nombres de Reynolds est la finesse
de discrétisation nécessaire à la capture de l’ensemble du spectre comme cela a déjà été évoqué. Par
ailleurs, l’accès aux propriétés statistiques d’écoulements simulés par DNS ne peut être envisagé qu’a
posteriori, chaque simulation correspondant à une réalisation d’un processus aléatoire. Dans la pratique,
la simulation directe reste encore un outil d’investigation scientifique dans le contexte de la prédiction des
écoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds ; des méthodes de modélisation de la turbulence
doivent nécessairement être mises en œuvre pour la simulation d’écoulements turbulents instationnaires
autour de géométries complexes.

2.2    Simulations aux grandes échelles
    En considérant que la principale limitation de la simulation directe est la finesse de discrétisation
nécessaire à la capture de l’ensemble des structures de l’écoulement, la simulation aux grandes échelles
constitue une alternative où seuls les processus de grande taille sont simulés alors que l’effet des petites
structures est modélisé par une loi de “sous-maille”. L’idée directrice de cette méthode est que la partie du
spectre négligée correspond aux petites structures obéissant aux hypothèses d’équilibre de la turbulence
homogène isotrope dont l’effet peut, par conséquent, être modélisé simplement par l’introduction d’un
terme assurant la dissipation de l’énergie provenant des structures résolues de plus grande taille. Un
schéma comparatif de la simulation aux grandes échelles et de l’approche OES sera présenté par la
suite dans le plan spectral (figure 4.1). Les équations issues du filtrage spatial et un exemple de fermeture
classiquement appliquée en LES sont décrits dans cette section. La LES n’a pas été utilisée dans la présente
étude ; la présentation proposée est par conséquent succincte, l’objectif étant de situer l’approche mise
en œuvre dans le cadre de cette thèse par rapport aux autres méthodes existantes. Pour plus de détails
concernant la simulation aux grandes échelles, le lecteur pourra se référer aux articles et ouvrages de
référence de Rogallo & Moin (1984), Lesieur & Métais (1996) et Sagaut (2002).

Equations filtrées spatialement
    La mise en œuvre de la simulation aux grandes échelles implique la définition d’un filtre spatial
permettant de distinguer les structures résolues de celles dont les effets devront être modélisés. Pour une
quantité stochastique de dépendance spatio-temporelle v, la moyenne spatiale filtrée v est définie comme
suit :
                                  v (x, t) =   G (x, x , ∆) v (x , t) dx ,                            (4.2)
                                               Ω

où G(x, x , ∆) désigne l’opérateur de filtrage spatial au point x, ∆ représente la plus petite échelle de
structure résolue ou plus généralement un paramètre caractéristique de la coupure spectrale de ce filtre.


                                                                                                          49
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



L’opérateur de filtrage est supposé normé :

                                                       G (x, x , ∆) dx = 1.                                              (4.3)
                                                   Ω

L’ensemble des variables de l’écoulement peuvent alors être décomposées comme suit :

                                              v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) ,                                           (4.4)

où v désigne la fluctuation de v par rapport à la moyenne spatiale filtrée. v étant un processus stochas-
tique, les termes v et v sont également des variables aléatoires. Comme le souligne Chassaing (2000),
l’accès aux propriétés statistiques de v pose donc un problème méthodologique conséquent. Par ailleurs,
afin de conduire à une forme simple des équations de Navier-Stokes filtrées, l’opérateur G doit commuter
avec les opérations de dérivations spatiale et temporelle. Ainsi, un filtre gaussien normé dont l’écart-type
est proportionnel à la taille de la maille locale de discrétisation peut par exemple être considéré.
    Il est important de noter les propriétés suivantes, liées à la définition de la moyenne spatiale filtrée :

                          v = v et par conséquent v = v − v = 0 dans le cas général.                                     (4.5)

     L’application du filtre spatial aux équations de Navier-Stokes (4.1) conduit au système filtré suivant :

                                           uα,α = 0
                                                                                                                         (4.6)
                                           ui,t + (ui uα ),α = − ρ p,i + νui,αα .
                                                                 1


Afin d’exprimer la moyenne filtrée du produit des vitesses en fonction du produit des vitesses filtrées, la
décomposition suivante est généralement utilisée :

                                                ui uj = ui uj + Lij + Rij ,                                              (4.7)

avec
                                  Lij = ui uj − ui uj et Rij = ui uj + ui uj + ui uj .                                   (4.8)
Le terme Lij correspond aux tensions de Leonard qui peuvent être évaluées directement et le terme Rij
représente la contribution des tensions de sous-maille. Le système (4.6) ainsi obtenu est ouvert du point
de vue des variables filtrées et une représentation de l’effet des échelles non résolues doit être introduite
via une modélisation du tenseur Rij .

Un exemple de fermeture - le modèle de Smagorinsky
   Le premier modèle de fermeture ou modèle de sous-maille, proposé par Smagorinsky (1963), relie le
tenseur des contraintes non résolues Rij aux grandeurs filtrées simulées comme suit :

                                  1                                  2
                             Rij − Rαα δij = −2νt S ij où νt = (Cs ∆)                2S αβ S αβ .                        (4.9)
                                  3
où δij est le symbole de Kronecker, Cs est la constante de Smagorinsky. L’échelle de longueur caractéris-
tique est celle du filtre ∆ et la vitesse caractéristique est estimée grâce au tenseur des taux de déformation
moyens :
                                                     1
                                             S ij = (ui,j + uj,i ) .                                    (4.10)
                                                     2
    Ce modèle est le plus largement utilisé mais présente le défaut de dissiper trop d’énergie sans assurer
sa redistribution dans le cas où les structures non résolues après la troncature spectrale ne sont pas
strictement dissipatives3 . Dans la littérature, de très nombreux modèles de sous-maille ont été développés
pour pallier les limitations du modèle original de Smagorinsky. Pour ne citer que quelques exemples, le
modèle mixte de Bardina et al. (1983) autorise une redistribution de l’énergie vers les échelles résolues,
le modèle de Schumann (1975) inclut une équation de transport de l’énergie cinétique de sous-maille
utilisée pour déterminer la viscosité de turbulence νt . Plus récemment, Germano et al. (1991) et Germano
(1992) ont introduit le concept de modèle dynamique qui autorise une variation du coefficient Cs . Ce
   3 En particulier dans les régions pariétales, où les discrétisations spatiales théoriquement nécessaires ne peuvent pas être

mises en œuvre pour des raisons de coût numérique de résolution.


50
2. Différentes approches dans la littérature



type d’approche se fonde théoriquement sur l’introduction d’une coupure spectrale “test” en amont de la
coupure induite par la discrétisation, où le transfert énergétique peut être évalué, puis transposé au niveau
de la coupure effective. Malgré de nombreux développements, parmi les plus récents la Variational Multi-
Scale (VMS) LES (Hughes, 2000), il semble que la simulation aux grandes échelles ne soit effectivement
applicable, pour la prédiction d’écoulements pariétaux autour de géométries réalistes, qu’à des nombres de
Reynolds relativement modérés, de l’ordre de 104 concernant les écoulements autour de surfaces portantes
par exemple (Davidson et al., 2003). Néanmoins, l’utilisation de la LES pour la simulation de ce type
d’écoulements, à grands nombres de Reynolds, est envisageable au sein de méthodologies hybrides telles
que la DES présentée au §2.5.

2.3    Approches statistiques fondées sur la moyenne de Reynolds
    Les approches statistiques fondées sur l’utilisation de la moyenne de Reynolds ou moyenne d’ensemble
sont les plus largement utilisées y compris dans des contextes industriels. Initialement développées pour
la simulation d’écoulements stationnaires (RANS), ces méthodes ont par la suite été étendues au cas
instationnaire (URANS). D’un point de vue général, l’avantage de ce type d’approches par rapport aux
DNS et LES réside dans le fait que les quantités résolues sont supposées déterministes et ne nécessitent
par conséquent pas une capture effective de fluctuations supposées aléatoires, notamment dans les régions
de proche-paroi. Une conséquence directe est que les discrétisations spatiales mises en jeu peuvent être
significativement plus “larges”. Dans cette section, les équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds
sont présentées dans le cas instationnaire et le problème lié à la fermeture de ce système est détaillé. Des
analyses théoriques approfondies d’écoulements turbulents libres et en présence de parois solides ainsi
que de leur modélisation statistique sont rapportées dans les ouvrages de référence de Chassaing (2000)
et Durbin & Pettersson Reif (2001).

Equations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds
   Pour un processus stochastique de dépendance spatio-temporelle v, la moyenne d’ensemble v est définie
comme suit, dans le cas discret et de dimension finie4 :
                                                             N
                                                         1
                                            v (x, t) =             v i (x, t) ,                               (4.11)
                                                         N   i=1

où {v i } représente une famille de N réalisations du processus v. La variable aléatoire v peut ainsi être
décomposée comme suit :
                                       v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) ,                            (4.12)
où la moyenne statistique v est une quantité déterministe5 alors que la fluctuation v est un processus
aléatoire . Par rapport à la moyenne filtrée mise en œuvre en LES, la moyenne d’ensemble présente les
propriétés suivantes :
                                   v = v et par conséquent v = 0.                              (4.13)
De plus, l’opérateur de moyenne d’ensemble commute avec les dérivations temporelle et spatiale. v et w
étant deux variables stochastiques :
                                             vw = v w.                                          (4.14)
   L’application de l’opérateur de moyenne d’ensemble aux équations de Navier-Stokes dans lesquelles les
variables sont décomposées selon (4.12) conduit aux équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds :
                            
                            uα,α = 0
                                                                                                 (4.15)
                            ui,t + (ui uα ),α + ui uα  = − ρ p,i + νui,αα .
                                                             1
                                                              ,α

La présence du terme temporel ui,t différencie les approches URANS et RANS. Dans le cas où la vitesse
est un processus statistiquement stationnaire, ce terme s’annule. De même que dans le cas des équations de
Navier-Stokes en moyenne filtrée (LES), un terme supplémentaire associé aux contributions des processus
  4 Ce cas correspond à la situation effectivement rencontrée, que les “expérimentations” soient menées en soufflerie ou

numériquement.
  5 Contrairement à la moyenne filtrée en LES.




                                                                                                                  51
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



non résolus apparaît. Dans le cas où la moyenne de Reynolds est utilisée, ce terme correspond aux
moyennes d’ensemble des produits des fluctuations de vitesse ui uj , nommées tensions de Reynolds ou
contraintes turbulentes.

Problème de fermeture
    Le système d’équations (4.15) est ouvert et une estimation des tensions de Reynolds est nécessaire
pour envisager sa résolution. Dans ce contexte, les contraintes turbulentes sont des quantités déterministes
qui peuvent être évaluées par différentes approches. D’un point de vue général, deux stratégies peuvent
être distinguées pour la représentation de ce terme :
    – Une simulation des ui uj comme des variables supplémentaires du système physique via des équations
      aux dérivées partielles spécifiques correspond à l’approche dite au second ordre,
    – Une modélisation des contraintes turbulentes via une loi constitutive algébrique relative aux gran-
      deurs moyennes conduit à une approche au premier ordre. L’utilisation d’une loi constitutive pour
      représenter les tensions de Reynolds implique néanmoins dans la plupart des cas la résolution
      d’équations aux dérivées partielles supplémentaires utilisées pour l’évaluation locale des échelles
      caractéristiques de la turbulence à modéliser.
Un grand nombre de modèles au premier et second ordres ont été rapportés dans la littérature et divers
exemples sont détaillés au §3.

    Remarque : Les variables physiques mises en jeu dans les équations de Navier-Stokes en moyenne de
Reynolds sont des quantités déterministes correspondant à des moyennes d’ensemble. Dans la pratique,
l’introduction d’un terme temporel conduit dans la plupart des cas à des solutions instationnaires. Cela
signifie que les processus simulés présentent des moyennes statistiques instationnaires, y compris dans
des configurations théoriquement stationnaires du point de vue de la moyenne d’ensemble comme, par
exemple, l’écoulement en aval d’un obstacle dans un domaine muni des conditions aux limites station-
naires. Dans ce cas, la dérivée temporelle présente dans les équations en moyenne de Reynolds devrait
s’annuler, ce qui n’est généralement pas le cas. Cette incertitude quant à la nature de l’opérateur sta-
tistique effectivement mis en œuvre dans l’approche URANS a notamment été soulignée par Carpy &
Manceau (2006) qui remarquent cependant que d’une manière générale, les résultats obtenus par moyenne
temporelle de simulations URANS sont en meilleur accord avec l’expérience que ceux issus de l’approche
RANS. Ce point faible dans la définition de la méthodologie URANS justifie le développement d’ap-
proches statistiques avancées fondées sur l’utilisation de moyennes conditionnelles comme l’approche
OES présentée dans la section suivante.

2.4    Approches statistiques avancées - Organised Eddy Simulation
    Dans le contexte de la simulation d’écoulements présentant des structures spatio-temporelles organi-
sées liées par exemple à un échappement tourbillonnaire, la méthodologie OES (Dervieux et al., 1998;
Hoarau, 2002; Braza et al., 2006) repose sur une décomposition des processus physiques aléatoires en
un terme moyen déterministe associé à la partie cohérente des processus, et un terme aléatoire associé
aux fluctuations chaotiques autour de la partie moyenne. Du point de vue spectral, cette décomposition
conduit à une séparation du spectre d’énergie cinétique turbulente en deux parties, de même que la simu-
lation aux grandes échelles. Cependant, dans le cas de l’OES, ce dual spectrum splitting ne consiste pas à
simuler les processus de plus basses fréquences et modéliser la région dissipative. En effet, comme illustré
sur la figure 4.1, le ou les pics associés à la présence de structures organisées dans l’écoulement corres-
pondent à la partie résolue alors que le spectre résiduel s’entendant continûment des basses aux hautes
fréquences est modélisé. Compte tenu de la nature du spectre associé aux processus non résolus (spectre
continu sur l’ensemble des nombres d’ondes), l’utilisation des concepts de modélisation statistique semble
adaptée à la prise en compte de l’effet de ces quantités fluctuantes sur les processus organisés (Braza et al.,
2006). Néanmoins, il apparaît que la présence de structures cohérentes dans l’écoulement conduit à une
modification importante de la forme du spectre d’énergie cinétique turbulente par rapport au spectre en
équilibre décrit par la théorie de Kolmogorov (1941). D’une part, les structures organisées se traduisent
par l’apparition d’un ou plusieurs pics dans le spectre pour des longueurs d’ondes ou fréquences carac-
téristiques de ces structures. D’autre part, la présence de structures cohérentes induit une modification
de la pente du spectre dans la zone inertielle en principe décrite par la loi en κ−5/3 où κ représente le
nombre d’onde. Ce phénomène a été quantifié expérimentalement comme en attestent les spectres obtenus


52
2. Différentes approches dans la littérature




Fig. 4.1 – Représentation schématique de la décomposition spectrale considérée dans le cadre de l’ap-
proche OES : la distinction entre les parties résolue et modélisée se fonde sur le caractère organisé (marqué
par la présence de pics dans le spectre) ou aléatoire des processus considérés. La partie (2) correspond aux
processus à modéliser en mettant en œuvre des modèles de turbulence statistiques avancés pour prendre
en compte la modification spectrale liée à la présence de structures cohérentes dans l’écoulement. Pour
comparaison, la décomposition considérée en LES est également présentée, d’après Braza et al. (2006).


à partir de mesures Laser Doppler Velocimetry (LDV) (Djeridi et al., 2003) et Particle Image Velocimetry
(PIV) (Braza et al., 2006) dans le proche sillage d’un cylindre circulaire pour un nombre de Reynolds égal
à 1.4 × 105 (figure 4.2). Par conséquent, une modélisation efficace des processus aléatoires en présence
de structures organisées doit se fonder sur une reconsidération des échelles de la turbulence par rapport
aux fermetures statistiques classiques (RANS), adaptées aux écoulements présentant une turbulence en
équilibre. Ce point sera abordé au §3.2 où les modifications de certains modèles de turbulence classiques
dans le contexte de l’OES seront présentées.

Capturer les structures cohérentes - la moyenne de phase
    Un point important de la définition de l’approche OES est le choix de la moyenne conditionnelle
considérée pour “extraire” les processus cohérents. Dans le cas d’écoulements présentant un fort caractère
(quasi-)périodique, qu’il s’agisse de configurations où la périodicité est forcée par exemple par le tan-
gage d’une aile, ou d’une périodicité apparaissant en raison de l’amplification d’instabilités naturelles, la
moyenne de phase peut être adoptée. Dans ce contexte, un processus stochastique v peut être décomposé
selon l’approche suggérée par Reynolds & Hussain (1972) comme suit :

                                    v (x, t) = v (x) + v (x, t) + v (x, t) ,
                                                       ˜                                              (4.16)

où v représente la moyenne temporelle stationnaire, v est une quantité déterministe représentant l’évolu-
                                                      ˜
tion périodique de v et v désigne la partie fluctuante aléatoire. Un regroupement des termes déterministes
conduit à la décomposition en moyenne de phase (Cantwell & Coles, 1983) telle que :

                                       v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) ,                               (4.17)


                                                                                                          53
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires




Fig. 4.2 – (a) Comparaison des spectres d’énergie cinétique turbulente obtenus à partir de données
LDV et PIV. (b) Spectres d’énergie cinétique turbulente obtenus à partir de données PIV avant et après
l’opération de moyenne de phase. Mesures dans le sillage proche d’un cylindre circulaire à Re = 1.4 × 105 ,
d’après Braza et al. (2006).


où · désigne l’opérateur de moyenne de phase définie par :
                                                                      N
                                                                 1
                                                    v (x, t) =             v i (x, t) ,                                    (4.18)
                                                                 N   i=1

où {v i } représente une famille de N réalisations en phase6 du processus v.

Equations de Navier-Stokes en moyenne de phase
   L’opérateur de moyenne de phase (4.18) possède les mêmes propriétés que la moyenne de Reynolds,
en particulier :
                              v = v , v = 0 et v w = v w ,                                  (4.19)
pour deux processus aléatoires v et w.

   Remarque : Si · désigne la moyenne temporelle : v = v et v v = 0. Ainsi, si les quantités résolues
correspondent aux moyennes de phase des processus aléatoires, la moyenne temporelle peut être simple-
ment calculée a posteriori pour comparaison avec des résultats expérimentaux par exemple.

    Comme l’opérateur de moyenne d’ensemble, l’opérateur de moyenne de phase commute avec les déri-
vations temporelle et spatiale. Les équations de Navier-Stokes en moyenne de phase s’écrivent donc :

                                   uα ,α = 0
                                                                                                                           (4.20)
                                   ui ,t + ( ui uα ),α + ( ui uα ),α = − ρ p
                                                                         1
                                                                                          ,i   + ν ui   ,αα .

Ce système d’équations est le même que celui obtenu par l’approche URANS. Néanmoins, en tenant
compte des remarques précédentes concernant la modification du spectre d’énergie cinétique turbulente
sous l’effet des structures organisées, les fermetures classiquement utilisées pour estimer les tensions
turbulentes devront être reconsidérées pour la modélisation des corrélations doubles des fluctuations de
vitesse en moyenne de phase (cf. § 3.2).

Généralisation de la moyenne de phase
  La moyenne conditionnelle actuellement utilisée pour définir l’OES est la moyenne de phase. Cette
moyenne présente l’avantage de conduire à une formulation des équations de Navier-Stokes identique à
     6 Selon   les cas (instationnarité naturelle ou forcée), la détermination d’une procédure de mise en phase peut être délicate.


54
2. Différentes approches dans la littérature



celle issue de l’approche statistique classique. Néanmoins, dans l’optique d’une généralisation de cette
méthodologie pour la prédiction d’écoulements présentant des structures organisées d’échelles de temps
caractéristiques incommensurables et donc moins périodiques, une extension de l’opérateur de moyenne
de phase peut être recherchée. L’idée directrice étant la capture d’évènements présentant une certaine
cohérence spatio-temporelle, la décomposition orthogonale aux valeurs propres ou Proper Orthogonal De-
composition (POD) pourrait par exemple être utilisée. Comme cela sera présenté au chapitre 5, cette
approche peut être considérée comme une extension de l’analyse de Fourier et permet notamment d’ex-
traire les dynamiques prédominantes de l’écoulement, sans que celles-ci soient strictement périodiques.


2.5    Approches hybrides - Detached Eddy Simulation
    Afin de pouvoir envisager une mise en œuvre de la simulation aux grandes échelles pour la prédiction
d’écoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds, des approches hybrides couplant les méthodes
statistiques en proche-paroi et la LES dans les régions plus éloignées ont été développées. La DES (Spalart
et al., 1997; Travin et al., 2000) est une approche fréquemment utilisée dans ce contexte. D’un point de
vue général, cette méthode peut être définie comme une simulation hybride tridimensionnelle et insta-
tionnaire utilisant un seul modèle de turbulence fonctionnant comme un modèle de sous-maille dans les
régions suffisamment finement discrétisées pour être traitées par LES et comme un modèle statistique
ailleurs. Une des particularités de cette approche est que le passage d’une méthode de modélisation à
l’autre est déterminé localement et théoriquement de manière dynamique grâce à une évaluation des
échelles de longueur caractéristiques des deux méthodes. Ainsi, le modèle est sensible à la finesse du
maillage conduisant, dans la pratique, à une diminution de la dissipation du modèle RANS au-delà des
régions de proche-paroi, où l’approche statistique standard est utilisée.

   La première version de la DES, proposée par Spalart et al. (1997), se fonde sur le modèle de turbulence
à une équation de Spalart & Allmaras (1992) présenté dans la section suivante. Dans ce modèle, l’échelle
de longueur caractéristique est estimée comme la distance à la paroi la plus proche d. La DES vient
modifier cette échelle de longueur (d → dDES ) en introduisant le test suivant :

                                          dDES = min (d, CDES ∆) ,                                     (4.21)

où ∆ représente la plus grande dimension du volume de discrétisation local et CDES une constante
calibrée grâce à une simulation de turbulence homogène isotrope. La modification de l’échelle de longueur
caractéristique a essentiellement un effet sur le terme de destruction dans le modèle de Spalart & Allmaras
(1992). Par rapport à une simulation statistique pure, cette diminution de d a généralement pour effet
de limiter la viscosité de turbulence hors des régions RANS.
    Bien que la DES ne nécessite pas, a priori, la prescription d’une interface entre les régions de l’écoule-
ment simulées par LES ou approche statistique, un défaut majeur de l’approche fondée sur le modèle de
Spalart & Allmaras (1992) est que cette transition est essentiellement gouvernée par des considérations
géométriques (dépendance en d, la distance à la paroi). L’utilisation d’un modèle de fermeture à deux
équations permet par contre d’exploiter cette propriété de la DES. Dans ce cas également, une diminution
de l’échelle de longueur dans le modèle statistique a pour effet une augmentation du terme de dissipation
dans l’équation de transport de l’énergie cinétique turbulente et de fait une diminution de la viscosité
de turbulence par rapport à une approche classique. L’implantation pratique de la DES pour ce type de
modèles sera détaillée dans la section suivante. En tenant compte des limitations des modèles RANS/U-
RANS classiques, il apparaît intéressant de modifier l’approche de modélisation statistique utilisée en
DES dans le sens de l’OES. Ce point sera également abordé par la suite. Par ailleurs, un certain nombre
de variations ont été proposées dans la littérature sur la base de l’approche hybride DES. En particulier
la méthode Delayed Detached Eddy Simualtion (DDES) proposée par Spalart et al. (2006) permet d’évi-
ter une transition de l’approche statistique vers la LES dans les couches limites, ce phénomène étant à
l’origine de décollements artificiels induits par la méthode.

    D’un point de vue pratique, une des difficultés essentielles liées à l’utilisation de ce type d’approches
hybrides est le traitement des résultats pour parvenir à une comparaison consistante avec les bases de
données expérimentales de référence. Les approches URANS et LES conduisent indépendamment l’une de
l’autre à des incertitudes quant au choix des opérateurs de moyenne à appliquer a posteriori et il semble
encore plus délicat de traiter l’ensemble de l’écoulement, simulé localement par une de ces deux approches,


                                                                                                           55
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



d’une manière unique. Néanmoins, la stratégie couramment adoptée qui consiste en une moyenne tem-
porelle des données issues de la simulation peut conduire à des résultats très encourageants, y compris
dans le cas d’écoulements autour de géométries complexes et à grands nombres de Reynolds comme en
attestent les conclusions du programme Detached Eddy Simulation for Industrial Aerodynamics (DESI-
DER, Peng & Haase (2008)).

    Dans le cadre de cette thèse, aucun développement spécifique n’a été mené dans le contexte de ces
approches hybrides. Néanmoins, la contribution proposée concernant l’amélioration de la prédiction des
propriétés de la turbulence hors-équilibre dans le cadre de l’approche OES pourrait participer à accroître
la pertinence de la DES grâce à une meilleure modélisation des contraintes turbulentes dans les régions
de proche-paroi.


3     Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statis-
      tique de la turbulence
    Dans le contexte de la modélisation statistique des écoulements turbulents, les équations de Navier-
Stokes en moyenne constituent un système ouvert. Par rapport aux équations originales, de nouvelles
inconnues, associées à la moyenne des corrélations doubles des fluctuations de vitesse apparaissent. Ces
contraintes turbulentes traduisent l’effet des processus non résolus sur les grandeurs moyennes simulées.
Afin d’envisager une résolution numérique des équations exprimées en termes de quantités moyennes, une
estimation des contraintes turbulentes est nécessaire. Les différentes stratégies généralement adoptées
sont décrites dans cette section. Cette présentation inclut les approches de modélisations statistiques
URANS et OES7 . D’une manière générale, l’opérateur de moyenne est noté · qu’il s’agisse de la moyenne
d’ensemble ou de la moyenne de phase et la décomposition suivante est adoptée :

                                              v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) .                                    (4.22)

Les modifications induites par la reconsidération des échelles caractéristiques de la turbulence modélisée
dans le contexte de l’OES sont spécifiées au § 3.2.

3.1     Modélisation au second ordre
    La modélisation au second ordre consiste à introduire de nouvelles équations relatives aux six com-
posantes du tenseur des contraintes turbulentes8 . Dans un premier temps, ces équations sont décrites.
Il apparaît que ces nouvelles équations constituent encore un système ouvert et que des hypothèses de
modélisation supplémentaires sont nécessaires.

Equations de transport des contraintes turbulentes
    A partir des équations de Navier-Stokes et des équations moyennées où est mise en jeu la décomposition
(4.22), les équations de transport suivantes sont dérivées, pour i, j = 1, 2, 3 :

                              ui uj        + uα ui uj        = Pij + Πij + Dij + Dij − εij ,
                                                                            t     ν
                                                                                                                  (4.23)
                                      ,t                ,α

où :
   – Pij est le terme de production qui peut être évalué exactement à partir des variables du système
     physique sans modélisation supplémentaire :

                                               Pij = − ui uα uj,α + uj uα ui,α .                                  (4.24)

     – Πij désigne le terme de corrélation pression/déformation :
                                                              1
                                                    Πij =       p ui,j + uj,i .                                   (4.25)
                                                              ρ
   7 Il a été montré précédemment que l’approche OES fondée sur l’utilisation de la moyenne de phase conduisait aux mêmes

équations que la moyenne de Reynolds.
   8 En effet, ce tenseur est symétrique.




56
3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence



     Cette quantité qui fait intervenir les fluctuations de vitesse et de pression qui ne sont pas des
     variables du système, doit être modélisée.
       t
   – Dij inclut la diffusion turbulente mettant en jeu les corrélations triples des fluctuations de vitesse
     ainsi que les corrélations doubles vitesse/pression et doit être modélisé :

                                                                       p ui       p uj
                                         Dij = − ui uj uα +
                                          t
                                                                            δjα +      δiα            .            (4.26)
                                                                        ρ          ρ
                                                                                                 ,α

     Comme l’indique Chassaing (2000), la contribution du terme de corrélation vitesse/pression est
     souvent considérée comme étant insignifiante et sera donc négligée dans la suite.
                                                              ν
   – Le terme de diffusion visqueuse ou diffusion moléculaire Dij s’exprime exactement comme suit :

                                                              ν
                                                             Dij = ν ui uj              .                          (4.27)
                                                                                  ,αα

   – εij est le tenseur de pseudo-dissipation visqueuse9 à modéliser :

                                                              εij = 2νui,α uj,α .                                  (4.28)

Dans le cadre d’une approche au second ordre, la modélisation ne porte donc pas directement sur les
contraintes turbulentes mais sur certains termes présents au second membre de leurs équations de trans-
port. Ce point justifie le caractère plus “universel” généralement attribué aux modèles au second ordre. Au
§ suivant, les approximations de ces différents termes sont présentées dans le cas du modèle de Speziale
et al. (1991), qui sera utilisé par la suite dans le développement d’un modèle à viscosité de turbulence
tensorielle (§ 4).

Modèle de fermeture au second ordre
    Pour des nombres de Reynolds élevés, la pseudo-dissipation visqueuse εij est généralement supposée
isotrope (Durbin & Pettersson Reif, 2001) de telle sorte que :

                                                                     2
                                                             εij =     εδij .                                      (4.29)
                                                                     3
ε représente ainsi une variable supplémentaire du système qui doit être simulée. Un grand nombre de
modèles ont été proposés pour définir une équation de transport de la pseudo-dissipation. Dans la pratique,
le modèle de Hanjalić & Launder (1972) est utilisé par Speziale et al. (1991) pour la mise en œuvre de
leur modèle au second ordre :

                                                      εuα uβ                    ε2          k
                            ε,t + uα ε,α = −cε1                uα,β − cε2          + cε       u u ε,β          ,   (4.30)
                                                         k                      k           ε α β         ,α


où k = 1/2uα uα désigne l’énergie cinétique turbulente. Les constantes communément utilisées sont
cε1 = 1.44, cε2 = 1.92 et cε = 0.15 (Chassaing, 2000).

                         t
   Le terme de diffusion Dij peut être modélisé par le schéma “de gradient généralisé” de Daly & Harlow
(1970) :
                            t          k
                           Dij = CD      u u uu             où CD = 0.22.                        (4.31)
                                       ε α β i j ,β ,α


    La modélisation du terme de corrélation pression/déformation Πij est un point délicat. Dans la suite
de la présente étude, l’approche proposée par Speziale et al. (1991) est adoptée. Ce modèle a été largement
mis en œuvre dans la littérature et conduit à des résultats en très bon accord avec l’expérience pour la
simulation d’écoulements-types tels que l’écoulement turbulent homogène cisaillé, de zone de mélange
bidimensionnelle plane, ainsi qu’en présence de parois solides comme le rapporte Chassaing (2000). De
  9 Le   tenseur de dissipation est défini par        = 2ν sjα ui,α + siα uj,α       avec sij = 1/2 ui,j + uj,i .
                                                ij



                                                                                                                      57
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



plus, ce modèle présente l’avantage d’autoriser des projections relativement simples sur le sous-espace
constitué des matrices principales de déformation moyenne comme cela sera détaillé par la suite.
    La démarche de modélisation du terme de corrélation pression/déformation dans le modèle de Speziale
et al. (1991) peut être résumée comme suit. Une première étape consiste à déterminer une forme générale
de Πij dépendante des tenseurs des taux de déformation et rotation moyens ainsi que des grandeurs
turbulentes k, ε et du tenseur d’anisotropie des contraintes turbulentes défini par :
                                                   ui uj   2
                                             aij =       − δij .                                        (4.32)
                                                     k     3
Cette expression des corrélations pression/déformation doit satisfaire au principe d’invariance par chan-
gement de repère. La représentation obtenue est ensuite grandement simplifiée par l’étude de sa forme
admissible dans les configurations d’équilibres des invariants du tenseur d’anisotropie pour des écoule-
ments turbulents homogènes plans arbitraires. Les coefficients constants mis en jeu dans ce modèle de
Πij sont ensuite évalués sur la base d’analyses asymptotiques et de résultats théoriques et expérimentaux
notamment dans le cas d’écoulements turbulents cisaillés plan et en rotation, ainsi que dans le cas d’une
turbulence homogène anisotrope retournant à l’isotropie. L’objectif n’étant pas ici une réévaluation de ces
différents paramètres, seules les grandes lignes du développement de ce modèle sont présentées et pour
plus de détails concernant sa calibration, le lecteur pourra se référer à l’article original de Speziale et al.
(1991).
   Le modèle obtenu pour les corrélations pression/déformation s’exprime comme suit :
                                                             1                    1
               Πij   = − (c1 ε + c1 Pk ) aij + c2 ε aiα aαj − δij IIa + c3 − c3 IIa kSij
                                                                                  2

                                                             3
                                                     2
                       +c4 k aiα Sjα + aαj Siα − aβγ Sβγ δij + c5 k (aiα Ωjα + ajα Ωiα ) ,              (4.33)
                                                     3
où
                                    1                         1
                               Sij =  (ui,j + uj,i ) et Ωij = (ui,j − uj,i )                       (4.34)
                                    2                         2
représentent respectivement les tenseurs des taux de déformation et de rotation moyens. De plus, IIa =
aαβ aαβ est le second invariant du tenseur d’anisotropie et la production d’énergie cinétique turbulente,
Pk s’écrit :
                                     Pk = −uα uβ uα,β = −kaαβ Sα,β .                               (4.35)
Les constantes du modèle, évaluées par Speziale et al. (1991), sont c1 = 1.7, c∗ = 0.90, c2 = 1.05, c3 = 0.8,
                                                                               1
c∗ = 0.65, c4 = 0.625 et c5 = 0.2.
 3


    Remarque : Comme le soulignent Speziale et al. (1991), ce modèle du terme de corrélation pres-
sion/déformation ne peut satisfaire le principe d’invariance par changement de repère que si le tenseur
de rotation présenté ci-dessus est remplacé par le tenseur de rotation absolue qui inclut une éventuelle
rotation du repère d’observation sous la forme :
                                           Ωabs = Ωij + eαji Ωrep ,
                                            ij                α                                         (4.36)
où eijm est le tenseur des permutations circulaires et    Ωrep
                                                           i le taux de rotation du repère d’observation
dans la ième direction. Cette remarque est également vraie pour les équations de transport de contraintes
turbulentes auxquelles doivent être ajoutés les termes liés à la force de Coriolis. Le cas des repères en
rotation n’est pas été abordé dans la présente étude.

    L’ensemble des termes dépendants des quantités fluctuantes (autres que les contraintes turbulentes)
étant modélisés, une résolution numérique du système des équations de Navier-Stokes en moyenne couplées
aux sept équations du modèle de turbulence au second ordre peut être envisagée. Comme le rapportent
Chassaing (2000) et Durbin & Pettersson Reif (2001), l’utilisation d’une fermeture au second ordre conduit
généralement à une meilleure prédiction des propriétés physiques de la turbulence, et en particulier à une
capture plus réaliste de l’anisotropie des contraintes turbulentes normales. Néanmoins, un point important
est que la plupart de ces modèles ont été calibrés dans des configurations d’écoulement homogènes souvent
stationnaires et que leur validité doit être examinée en détail pour des écoulements massivement décollés
et fortement instationnaires.
    Dans la section suivante, une alternative à la modélisation au second ordre fondée sur l’introduction
d’une loi constitutive des contraintes turbulentes est présentée.


58
3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence



3.2    Modèles au premier ordre linéaires fondés sur une viscosité de turbulence
    Afin d’estimer les corrélations doubles des fluctuations de vitesse apparaissant dans les équations de
Navier-Stokes en moyenne, les approches “au premier ordre” se fondent sur l’introduction d’une loi consti-
tutive reliant les contraintes turbulentes aux grandeurs physiques moyennes. La relation linéaire proposée
par Boussinesq (1877) par analogie avec la loi de Newton pour les contraintes d’agitation moléculaire,
s’exprime comme suit :
                                                2
                                      − ui uj + kδij = νt (ui,j + uj,i ) ,                           (4.37)
                                                3
où le coefficient scalaire νt est appelé “viscosité de turbulence” ou “viscosité turbulente”. Cette loi consti-
tutive relie ainsi linéairement les contraintes turbulentes au tenseur des taux de déformation moyens. La
simplicité de cette relation ne va pas sans un certain nombre de limitations propres à cette approche et
qui justifient le développement de relations constitutives étendues qui seront présentées aux § 3.3 et 4.

    Afin de pouvoir utiliser la relation de Boussinesq (1877) pour la fermeture des équations de Navier-
Stokes en moyenne, une estimation de la viscosité de turbulence est indispensable. Une analyse dimen-
sionnelle de la viscosité de turbulence montre que cette quantité peut s’écrire :

                                                  νt = Cµ u˜
                                                          ˜l,                                         (4.38)

où u et ˜ représentent respectivement les échelles de vitesse et de longueur de “l’agitation turbulen-
    ˜    l
te” (Chassaing, 2000) alors que Cµ est une constante sans dimension appelée coefficient de diffusivité
turbulente. De nombreuses approches ont été imaginées pour estimer ces échelles caractéristiques de la
turbulence à modéliser. Outre les fermetures algébriques initialement développées dans les années 1920-
1930, la plupart des méthodes actuellement utilisées se fondent sur le transport, via des équations aux
dérivées partielles supplémentaires, de nouvelles quantités physiques. Dans cette section, certaines ap-
proches généralement mises en œuvre dans ce contexte sont présentées. Par ailleurs, dans l’optique de la
prédiction d’écoulements turbulents pariétaux, des modèles spécifiques incluant des lois d’amortissement
de la turbulence dans les régions de proche-paroi sont également détaillés. Enfin, les modifications ap-
portées aux modèles à deux équations dans le cadre de l’approche OES, ainsi que les implications de ces
modifications sur la DES, sont décrites.

Modèles à une équation de transport
    Les modèles incluant une nouvelle variable physique évaluée grâce à une équation de transport spéci-
fique conduisent à la simulation d’une des deux échelles de la turbulence à modéliser et à la modélisation
de la seconde. Ainsi par exemple, le modèle de Glushko (1965), consiste en une équation de transport de
l’énergie cinétique turbulente et une estimation empirique de l’échelle de longueur caractéristique de la
turbulence ˜ de telle sorte que la viscosité de turbulence puisse être évaluée comme suit :
            l
                                                 √
                                         νt = Cµ k˜ avec Cµ = 1.
                                                    l                                              (4.39)

    Le modèle de Spalart & Allmaras (1992) est la fermeture à une équation de transport la plus largement
utilisée en raison de sa simplicité d’implantation et de sa robustesse. L’équation additionnelle porte
directement sur la viscosité de turbulence qui est donc la nouvelle variable du système. L’équation de
transport établie par Spalart & Allmaras (1992) grâce à l’analyse dimensionnelle est la suivante :

                                                                                    ˜2
                                       ˜ ˜ 1 ((ν + ν ) ν,α ) + cb2 ν,α ν,α − cω1 fω ν .
                    ν,t + uα ν,α = cb1 S ν +
                    ˜        ˜                     ˜ ˜ ,α          ˜ ˜                                (4.40)
                                             ρ                                      d2

La viscosité de turbulence est calculée ainsi :

                                                              χ3          ν
                                                                          ˜
                               νt = ν fv1 avec fv1 =
                                    ˜                               et χ = .                          (4.41)
                                                          χ 3 + c3
                                                                 v1       ν

De plus,
                                                  ν
                                                  ˜                           χ
                          ˜
                          S=     2Ωαβ Ωαβ +         fv2   avec fv2 = 1 −           .                  (4.42)
                                              κ2 d2                        χ + fv1

                                                                                                          59
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



Spalart & Allmaras (1992) introduisent la fonction d’amortissement fω qui doit annuler le terme de
destruction en dehors de la couche limite :
                                                                  1
                                                      1 + c6ω3
                                                                  6

                                            fω = g                    ,                               (4.43)
                                                      g 6 + c6
                                                             ω3

où g limite la valeur de fω :
                                                                    ν
                                                                    ˜
                                   g = r + cω2 r6 − r     avec r =       .                            (4.44)
                                                                  ˜ 2 d2
                                                                  Sκ
Ainsi, r et fω sont égaux à 1 dans la région logarithmique de la couche limite et décroissent à l’extérieur.
Les constantes préconisées par les auteurs sont cb1 = 0.1355, cb2 = 0.622, κ = 0.41, σ = 2/3, cω1 =
cb1 /κ2 + (1 + cb2 )/σ et cω2 = 0.3.
     Malgré un nombre important de constantes et de fonctions d’amortissement empiriques, le modèle
de Spalart & Allmaras (1992) est généralement considéré comme un compromis convenable entre les
approches algébriques et les modèles à deux équations présentés dans la section suivante. Par ailleurs,
cette fermeture turbulente est également le modèle sous-jacent des approches DES et DDES dans leur
version originale.

Modèles à deux équations de transport
    Les modèles de fermeture à deux équations de transport conduisent à la simulation de deux variables
physiques “turbulentes” complémentaires permettant ainsi une évaluation des deux échelles caractéris-
tiques de la turbulence à modéliser. D’une manière générale, la première variable turbulente considé-
rée est l’énergie cinétique turbulente k. Cela se justifie par le fait qu’une contraction de l’équation de
transport des contraintes turbulentes conduit à une équation de transport pour k ; équations dont cer-
tains termes doivent néanmoins être modélisés. Concernant la seconde variable turbulente, le choix de la
pseudo-dissipation conduit aux modèles k − ε alors que le choix de l’échelle caractéristique de fréquence
temporelle conduit aux modèles k − ω. D’autres approches sont rapportées dans la littérature, notam-
ment les modèles k−ω 2 , k−l où l est l’échelle de longueur de la turbulence à modéliser ou encore k−k×l...

   Quel que soit le modèle considéré, une première étape consiste à définir une équation de transport
pour l’énergie cinétique turbulente. L’équation exacte issue de l’équation de transport des corrélations
doubles des fluctuations de vitesse s’écrit :

                                                     p
                    k,t + uα k,α = −uα uβ uα,β −       + k uα              + νk,αα − νuα,β uα,β .     (4.45)
                                                     ρ
                                                                      ,α

     En considérant la loi de Boussinesq (4.37), le terme de production est modélisé de la manière suivante :

                                     − uα uβ uα,β = νt (uα,β + uβ,α ) uα,β .                          (4.46)

     Le terme de diffusion turbulente est modélisé par une forme en gradient généralisé de telle sorte que :

                                                p          νt
                                           −      + k ui =    k,i ,                                   (4.47)
                                                ρ          σk
où σk est le nombre de Prandtl d’énergie cinétique turbulente supposé constant et dont les valeurs diffèrent
d’un modèle à l’autre.
   Enfin, le terme de dissipation peut être évalué grâce à la seconde variable turbulente :

                                                                  k 3/2
                                         − νuα,β uα,β = ε = Cd          ,                             (4.48)
                                                                    l
où Cd est une constante sans dimension et l une longueur représentative de l’échelle caractéristique des
structures énergétiques à modéliser.

   Dans le cas où la pseudo-dissipation est considérée comme seconde variable turbulente, la viscosité de
turbulence s’exprime ainsi :
                                                       k2
                                               νt = Cµ ,                                           (4.49)
                                                        ε

60
3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence



où Cµ est une constante du modèle. Une équation de transport doit être dérivée pour ε. Ce point a déjà
été abordé dans le contexte de la modélisation au second ordre mais dans le cas présent une étape de
modélisation supplémentaire est introduite étant donné que les contraintes turbulentes sont approchées
par la loi de Boussinseq. D’une manière générale, l’équation de transport de ε est de la même forme que
celle de k (Chassaing, 2000) :

                                 ε,t + uα ε,α = Production + Diffusion − Destruction.                                                   (4.50)

Ainsi, le terme de production est inspiré de celui de l’équation de k :

                                       Production = Cε1 Cµ k (uα,β + uβ,α ) uα,β .                                                     (4.51)

Un schéma de type gradient est adopté pour le terme de diffusion visqueuse :

                                                                    Cµ k 2
                                           Diffusion =        ν+                  ε,α         .                                         (4.52)
                                                                     εσε                ,α

Le terme de dissipation est généralement modélisé comme suit :

                                                                             ε2
                                                  Destruction = −Cε2            .                                                      (4.53)
                                                                             k
Cε1 , Cε2 et σε sont des constantes du modèle.

   Le modèle obtenu par ces différentes modélisations est le modèle à deux équations de Jones & Launder
(1972) qui peut être résumé comme suit :

                                         Cµ k 2                                         Cµ k 2
                      k,t + uα k,α =            (uα,β + uβ,α ) uα,β +            ν+                   k,α             − ε,             (4.54)
                                          ε                                              εσk                     ,α

                                                                                       Cµ k 2                                 ε2
                   ε,t + uα ε,α = Cε1 Cµ k (uα,β + uβ,α ) uα,β +             ν+                  ε,α             − Cε2           ,     (4.55)
                                                                                        εσε                 ,α                k
                                                                    k2
                                                          νt = Cµ      ,                                                               (4.56)
                                                                    ε
avec
                             Cµ = 0.09, Cε1 = 1.44, Cε2 = 1.92, σk = 1.0 et σε = 1.3.                                                  (4.57)



    Cette fermeture semble représenter le modèle à deux équations “standard” pour la modélisation d’écou-
lements à grands nombres de Reynolds. Pour la prédiction d’écoulements pariétaux autour de surfaces
portantes à des nombres de Reynolds de l’ordre de 105 − 106 , de multiples versions de ce modèle ont
été proposées, notamment via l’adjonction de lois d’amortissement de la turbulence près des parois. Un
exemple de ces fermetures “bas-Reynolds” est le modèle k − ε de Chien (1982) :

                                                                                  νt                                  2νk
                      k,t + uα k,α = νt (uα,β + uβ,α ) uα,β +              ν+            k,α          −ε−               2
                                                                                                                          ,            (4.58)
                                                                                  σk             ,α                    yn

                             νt ε                                 νt                              ε2  2νε      y+
     ε,t + uα ε,α = Cε1 f1        (uα,β + uβ,α ) uα,β +     ν+             ε,α         − Cε2 f2      − 2 exp −                       , (4.59)
                              k                                   σε              ,α              k    yn       2
                                                                     k2
                                                       νt = Cµ fµ       ,                                                              (4.60)
                                                                     ε
avec
                             Cµ = 0.09, Cε1 = 1.44, Cε2 = 1.92, σk = 1.0 et σε = 1.3                                                   (4.61)
et
                                                   2
                                          k 2 / (εν)
       f1 = 1, f2 = 1 − 0.22exp −                         et fµ = 1 − exp −0.0002 y + − 0.000065 y +2 ,                                (4.62)
                                               36


                                                                                                                                          61
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



où y + = yn Uτ /ν est une distance non-dimensionnelle à la paroi. yn est la distance normale à la paroi et
Uτ la vitesse de friction à la paroi.
    Dans ce modèle, de nouveaux termes de destruction apparaissent dans les équations de k et ε. Ces dis-
sipations supplémentaires sont issues de développements limités des différentes quantités turbulentes à la
paroi et ont pour objectif un meilleur comportement asymptotique notamment pour la pseudo-dissipation.
Des fonctions d’amortissement issues de calibrations sont également introduites. En particulier, une fonc-
tion d’amortissement de la viscosité de turbulence à la paroi est considérée. Comme cela a été souligné
par Jin & Braza (1994) dans le cas de l’écoulement autour d’un profil d’aile à forte incidence, ce type de
lois est nécessaire pour une prédiction rigoureuse en proche-paroi par un modèle à deux équations.

   Lorsque la fréquence caractéristique des processus turbulents à modéliser ω = ε/(Cµ k) est considérée
comme seconde variable physique turbulente, la viscosité de turbulence s’exprime comme suit :
                                                                k
                                                         νt =     .                                                   (4.63)
                                                                ω
Comme l’indique Chassaing (2000), l’obtention d’une équation de transport pour la fréquence ω est tout
aussi délicate que pour la pseudo-dissipation et par conséquent une stratégie analogue est mise en œuvre en
considérant une forme d’équation prototype inspirée de l’équation de k. La fermeture “haut-Reynolds” 10
généralement considérée comme référence est le modèle de Wilcox (1988) :

                                       k                                     kσ
                      k,t + uα k,α =     (uα,β + uβ,α ) uα,β +         ν+         k,α        − Cµ kω,                 (4.64)
                                       ω                                      ω         ,α

                                                                             kσ
                        ω,t + uα ω,α = α (uα,β + uβ,α ) uα,β +         ν+         ω,α        − βω 2 ,                 (4.65)
                                                                             ω          ,α
avec
                            σ = 0.5, σ = 0.5 , Cµ = 0.09, α = 5/9 et β = 3/40.                                        (4.66)
    Contrairement aux modèles k − ε pour lesquels des conditions de Dirichlet homogènes peuvent être
prescrites sur les parois solides (k = 0 et ε = 0), la condition de paroi théorique pour la fréquence
caractéristique est ω → ∞ (Wilcox, 1988). Dans la pratique, plusieurs stratégies peuvent être adoptées
pour prescrire une valeur finie à cette quantité sur la paroi et le choix d’une approche particulière s’avère
avoir des effets similaires à l’introduction d’une fonction d’amortissement de la viscosité de turbulence
près de la paroi dans les modèles k − ε. Ainsi, les modèles k − ω ne nécessitent généralement pas de
loi d’amortissement supplémentaire et semblent donc présenter, dans la région proche, un comportement
plus universel que les modèles k − ε “bas-Reynolds”. En tenant compte de cette remarque et du fait que
les modèles k − ω s’avèrent, contrairement aux modèles k − ε, sensibles à la définition des conditions de
l’écoulement lointain (Menter, 1992), Menter (1993, 1994) suggère de définir un modèle mixte à deux
équations, possédant les caractéristiques d’une fermeture k − ω près des obstacles et celles d’un modèle
k − ε dans le champ lointain. Ce modèle nommé k − ω Baseline (BSL) s’exprime comme suit :

                                       k                                     kσ
                      k,t + uα k,α =     (uα,β + uβ,α ) uα,β +         ν+         k,α        − Cµ kω,                 (4.67)
                                       ω                                      ω         ,α

                                                           kσ                                    1
       ω,t + uα ω,α = α (uα,β + uβ,α ) uα,β +         ν+         ω,α      − βω 2 + 2 (1 − F1 ) σω k,α ω,α .           (4.68)
                                                           ω           ,α                        ω
Outre l’ajout d’un terme de couplage entre k et ω, la spécificité de ce modèle réside dans l’évaluation des
constantes empiriques mises en jeu qui sont telles que, pour chaque constante c :

                                                c = F1 c1 + (1 − F1 ) c2 ,                                            (4.69)

où c1 et c2 représentent respectivement les constantes des modèles de Wilcox (1988) précédemment
détaillées et celles du modèle k − ε transformé en k − ω selon Menter (1993). Les constantes de ce second
modèle sont celles du modèle k − ε de Launder & Sharma (1974) :

                  σ = 1, σ = 0.856, σω = 0.856, Cµ = 0.09, α = 0.44 et β = 0.0828.                                    (4.70)
 10 “Haut-Reynolds”   signifiant ici sans loi d’amortissement à la paroi, par opposition aux modèles “bas-Reynolds”.


62
3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence



De plus, la fonction de mélange des deux modèles est définie comme suit :
                                                 √                              4
                                                                                     
                                                     k 500ν      4σω k
                        F1 = tanh  min max            ,       ,                     ,                 (4.71)
                                                 Cµ ωy ωy 2      Ckω y 2

où y est la distance normale à la paroi et
                                                  1
                                    Ckω = max 2ρσω k,α ω,α , 10−10 .                                    (4.72)
                                                  ω

   Ayant constaté une surestimation de la viscosité de turbulence en proche-paroi, Menter (1994) propose
une version modifiée du modèle BSL sous la forme du modèle k − ω Shear-Stress Transport (SST) qui
redéfinit la viscosité turbulente de la manière suivante :
                                                         a1 k
                                             νt =                    ,                                  (4.73)
                                                    max (a1 ω, ΩF2 )
où Ω désigne la norme de Frobenius du tenseur des taux de rotation moyens, a1 = 0.31 et
                                                   √             2
                                                                    
                                                   2 k 500ν
                              F2 = tanh  max           ,           .                                  (4.74)
                                                   Cµ ωy ωy 2

La constante associée au terme de diffusion de l’équation de l’énergie cinétique turbulente dans le premier
modèle (Wilcox, 1988) est modifiée σ = 0.85. Le modèle ainsi obtenu s’avère relativement polyvalent
et robuste quelle que soit la configuration considérée sans nécessiter d’adaptation particulière comme en
attestent les études comparatives menées dans le cadre des programmes européens FLOMANIA (Haase
et al., 2006) et DESIDER (Peng & Haase, 2008).

    Les modèles à deux équations de transport fondés sur la relation constitutive linéaire de Boussinesq
(1877) sont les fermetures turbulentes les plus largement utilisées. Ces modèles sont généralement pré-
férés en raison d’une certaine facilité d’implantation, d’un surcoût numérique raisonnable par rapport
aux modèles au second ordre et surtout d’une grande robustesse, permettant d’envisager la simulation
d’écoulements complexes sans modification ou calibration de constantes empiriques. Néanmoins, comme
le souligne Chassaing (2000) et malgré de nombreux développements récents, ces approches souffrent
d’un grand nombre de limitations. Si l’équation de l’énergie cinétique turbulente dérive directement des
équations des contraintes turbulentes, la schématisation de l’équation de transport associée à la seconde
variable turbulente (pseudo-dissipation, fréquence caractéristique..) est une difficulté et l’empirisme de
l’expression retenue une faiblesse de la méthode. Cette remarque est également valable pour les modèles
au second ordre. Par ailleurs, dans le cas de la modélisation au premier ordre, la relation constitutive
linéaire ne permet pas une restitution fiable de certaines propriétés locales de la turbulence telles que l’ani-
sotropie des contraintes ou l’apparition de régions de productions d’énergie cinétique turbulente négative.
Pour pallier ces dernières limitations, des approches fondées sur des lois constitutives étendues peuvent
être considérées (§ 3.3 et 4). Dans la section suivante est abordée la reconsidération des fermetures au
premier ordre dans le contexte de l’approche de modélisation statistique avancée OES.

Reconsidération des échelles caractéristiques dans le contexte OES
    L’approche Organised Eddy Simulation présentée au § 2.4 se fonde sur une décomposition des quan-
tités physiques via une moyenne statistique conditionnelle et non une moyenne d’ensemble comme les
méthodes RANS/URANS. L’objectif est ainsi la simulation des processus cohérents ou organisés et la
modélisation des effets des processus chaotiques sur les structures résolues par des fermetures turbulentes
adaptées. Lorsque l’opérateur de séparation des processus aléatoires est la moyenne de phase, il a été
montré précédemment que les équations de Navier-Stokes en moyenne sont les mêmes que dans le cas de
l’approche URANS. Par ailleurs, comme illustré sur la figure 4.2, la présence d’évènements cohérents d’un
point de vue spatio-temporel dans l’écoulement conduit à une modification significative de la pente du
spectre d’énergie cinétique turbulente par rapport au cas de la turbulence en équilibre. Afin de prendre
en compte ce phénomène traduisant le caractère hors-équilibre de la turbulence et parvenir à une modéli-
sation efficace de l’ensemble du spectre d’énergie cinétique turbulente associée aux processus chaotiques,


                                                                                                            63
Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires



une reconsidération des modèles de fermeture URANS est indispensable (Braza et al., 2006). Plus pré-
cisément, en conservant la même approche de fermeture des équations moyennes que précédemment par
l’introduction d’une relation constitutive des contraintes turbulentes, ce sont les échelles caractéristiques
de la turbulence à modéliser qui doivent être réévaluées. Les développements rapportés dans cette sec-
tion notamment ceux concernant la modification de la relation constitutive se fondent sur l’hypothèse de
linéarité Boussinesq. Une modification de cette relation est proposée dans le cadre de cette thèse comme
cela est présenté au § 4.

    Une première modification concerne la réévaluation de la constante de diffusivité turbulente Cµ mise en
jeu dans la relation constitutive (4.37). Dans le contexte de l’approche RANS, ce coefficient a initialement
été évalué expérimentalement comme suit. Dans le cas où la viscosité de turbulence s’exprime comme
νt = Cµ k 2 /ε (fermeture à deux équations k − ε), l’expression du cisaillement turbulent en couche limite
turbulente bidimensionnelle plane conduit à l’expression suivante :

                                                      ε −u1 u2
                                              Cµ =             .                                       (4.75)
                                                     k 2 u1,2

Dans une région d’équilibre où production et dissipation d’énergie cinétique turbulente sont égales, il
apparaît que :
                                                                                 2
                                                                         u1 u2
                            − u1 u2 u1,2 = ε et par conséquent Cµ =                  .                 (4.76)
                                                                           k2
Les résultats expérimentaux de Bradshaw et al. (1967) montrent que dans une couche limite turbulente
à incidence nulle le rapport u1 u2 /k est sensiblement constant et égal à ≈ 0.3, ce qui conduit à la valeur
usuelle du coefficient de diffusivité turbulente Cµ = 0.09. Dans le cas d’un écoulement hors-équilibre, en
particulier en présence d’un gradient de pression adverse, cette estimation conduit à une surévaluation
de la viscosité de turbulence. En effet, Rodes (1999) et Hoarau (2002), proposent une détermination de
la valeur de la constante de diffusivité turbulente grâce à la modélisation au second ordre en utilisant le
modèle de Launder et al. (1975) dans l’écoulement autour d’un profil d’aile de type NACA0012 à 20o
d’incidence pour un nombre de Reynolds égal à 105 . La prédiction du tenseur des contraintes turbulentes
permet d’accéder à l’énergie cinétique turbulente sans invoquer l’hypothèse de Boussinesq (1877) et la
pseudo-dissipation est prédite via une équation auxiliaire comme cela a été présenté précédemment. En
supposant une relation linéaire entre les contraintes turbulentes et le tenseur des taux de déformation
moyens (relation de type Boussinesq), une “viscosité de turbulence équivalente” νt peut alors être obtenue
                                                                                 ˜
et conduire à une estimation du coefficient de diffusivité turbulente : Cµ = νt ε/k 2 . Les valeurs obtenues
                                                                              ˜
pour ce coefficient dans le proche sillage apparaissent relativement constantes et de l’ordre de 0.02. Ce
type d’analyse a été mené par différents auteurs (Cazalbou & Bradshaw, 1993, notamment) et conduit
systématiquement à une diminution de la valeur standard de la constante Cµ . Dans la pratique la valeur
adoptée dans le cadre des approches OES fondées sur une relation constitutive linéaire est :

                                               Cµ OES = 0.02.                                          (4.77)

Cette réévaluation a conduit à une amélioration significative des capacités prédictives des modèles de tur-
bulence à deux équations de transport, notamment pour la simulation d’écoulements fortement détachés
autour de surfaces portantes à forte incidence comme rapporté dans la thèse de Hoarau (2002).

    L’introduction de nouvelles fonctions d’amortissement de la turbulence en proche-paroi fait également
partie de la reconsidération des modèles initialement calibrés dans le contexte de la turbulence en équilibre.
Ainsi, des lois d’amortissement adaptées à l’approche OES ont été développées par Jin (1994), Rodes
(1999) et Hoarau (2002) notamment sur la base de simulations numériques directes. Dans le cadre de
cette étude, la loi d’amortissement proposée par Jin & Braza (1994) pour l’écoulement autour d’un profil
d’aile à forte incidence est utilisée. Cette fonction d’amortissement s’exprime comme suit :

                             fµ y + = 1 − exp −0.0002 y + − 0.000065 y +2 ,                            (4.78)

où, comme précédemment, y + = yn Uτ /ν est une forme adimensionnelle de la distance normale à la paroi
yn , Uτ étant la vitesse de friction.


64
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  • 2. Chapitre Mod´lisation d’´coulements e e 4 pari´taux turbulents e instationnaires Aperçu 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 1.1 Un premier aperçu des grandes classes de modélisation . . . . . . . . . . . . . . 46 1.2 Contribution de la présente étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 2 Différentes approches dans la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 2.1 Simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes . . . . . . . . . . 49 2.2 Simulations aux grandes échelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 2.3 Approches statistiques fondées sur la moyenne de Reynolds . . . . . . . . . . . 51 2.4 Approches statistiques avancées - Organised Eddy Simulation . . . . . . . . . . 52 2.5 Approches hybrides - Detached Eddy Simulation . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 3 Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 3.1 Modélisation au second ordre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 3.2 Modèles au premier ordre linéaires fondés sur une viscosité de turbulence . . . 59 3.3 Modèles non-linéaires et algébriques explicites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 4 Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle . . . . . . . . . . . . . . . 71 4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 4.2 Physical analysis of turbulent stress-strain relation in the near-region . . . . . . 73 4.3 Anisotropic OES modelling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 4.4 Numerical simulation of strongly detached flows around bodies . . . . . . . . . 77 4.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 4.6 Appendix A. Transport equations for the stress-strain projection coefficients . . 81 4.7 Appendix B. Summary of the OES anisotropic first-order model . . . . . . . . 82 4.8 Compléments à l’article . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 5 Prédiction d’écoulements turbulents compressibles . . . . . . . . . . . . . . 87 5.1 Quelle moyenne statistique dans le cas d’écoulements compressibles ? . . . . . . 87 5.2 Equations de Navier-Stokes compressibles en moyenne de Favre . . . . . . . . . 88 5.3 Modèles de fermeture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 6 Conclusion - modélisation “haute-fidélité” des écoulements turbulents . . 89 1 Introduction Malgré de nombreuses avancées théoriques dans l’analyse physique des mécanismes fondamentaux de la turbulence et le développement d’outils de calcul numérique de plus en plus performants, la prédiction d’écoulements pariétaux instationnaires à grands nombres de Reynolds reste un problème difficile. En effet, la résolution numérique directe des équations de Navier-Stokes tridimensionnelles et instationnaires 45
  • 3. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires n’est généralement pas envisageable pour la prédiction d’écoulements réalistes et la mise en œuvre de stratégies de modélisation de la turbulence est inévitable. De multiples méthodologies, notamment des méthodes de macrosimulation, ont été développées dans ce sens. Plusieurs approches théoriques différentes peuvent être considérées selon la configuration physique d’intérêt et la nature des résultats attendus, es- sentiellement la prédiction de quantités physiques moyennes ou filtrées, stochastiques ou déterministes. Dans le cadre de la présente étude, l’étape de modélisation de la turbulence par une méthode de macro- simulation peut être considérée comme une première phase de “réduction de la dimension” du problème. En effet, dans le contexte du développement d’une modélisation hiérarchique d’écoulements réalistes, les simulations mettant en jeu une modélisation de l’effet de la turbulence non résolue constituent une approximation du modèle physique “haute-fidélité” que représentent les équations de Navier-Stokes ins- tationnaires tridimensionnelles. A l’inverse, les approches de simulation décrites dans ce chapitre peuvent également être considérées comme des modèles physiques détaillés dont la complexité numérique peut encore être réduite grâce à une méthode de modélisation d’ordre faible fondée sur la décomposition or- thogonale aux valeurs propres. Ce point sera abordé dans les chapitres suivants. Dans une optique de modélisation hiérarchique, l’étape de modélisation de la turbulence est donc cruciale pour le développe- ment de modèles d’ordre réduit pertinents, représentatifs de l’écoulement réel. 1.1 Un premier aperçu des grandes classes de modélisation Dans le cadre de la prédiction d’écoulements instationnaires autour d’obstacles à grands nombres de Reynolds, la simulation numérique directe ou Direct Numerical Simulation (DNS) nécessite des discréti- sations spatiale et temporelle extrêmement fines pour capturer toutes les échelles des quantités physiques aléatoires mises en jeu. Les approches les plus couramment considérées pour contourner cette difficulté sont brièvement présentées. La méthodologie la plus proche de la simulation directe sur le plan théo- rique est la simulation aux grandes échelles ou Large Eddy Simulation (LES). Cette approche, initiée par Smagorinsky (1963) dans le domaine météorologique, consiste à appliquer un filtre spatial aux différentes quantités physiques et à ne simuler que les grandes échelles, les échelles non résolues étant prises en compte par l’introduction d’un modèle de fermeture dans les équations de Navier-Stokes filtrées. Cette approche est, par nature, tridimensionnelle et comme cela sera explicité dans ce chapitre, elle donne accès, comme la DNS, à des réalisations des variables aléatoires que constituent les quantités physiques mises en jeu. La démarche proposée par la LES s’applique a priori à tous les types d’écoulements, qu’ils présentent ou non une cohérence spatio-temporelle marquée par la présence de structures organisées. Une des difficultés liées à cette approche est le traitement des résultats de simulation. En effet, une réalisation de l’écoulement ne peut être considérée comme représentative de la moyenne d’ensemble que sous des hypothèses d’ergodicité et d’homogénéité délicates à démontrer dans la pratique. Dans le cas général, plu- sieurs résolutions successives doivent être envisagées avant d’accéder aux grandeurs statistiques. De plus, la modélisation des échelles non résolues ou échelles de sous-maille passe en général par l’introduction d’un concept de viscosité de turbulence qui est essentiellement adapté à la modélisation d’une partie du spectre d’énergie cinétique turbulente dans le cas d’une turbulence homogène isotrope. Etant donné que la taille du filtre spatial est dans la pratique liée à la finesse de la discrétisation spatiale, ce point implique que l’approche LES doive tendre vers une simulation numérique directe dans les régions de proche-paroi. Cela rend la LES difficilement applicable pour la modélisation d’écoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds dans un contexte industriel (Davidson et al., 2003) et justifie le développement de méthodes de macrosimulation hybrides, couplant la simulation aux grandes échelles à des méthodes statistiques plus adaptées à la simulation des écoulements en proche-paroi. Les méthodes statistiques constituent une alternative très largement répandue aux simulations di- recte et aux grandes échelles. D’une manière générale, elles conduisent à décomposer l’ensemble des variables physiques en termes moyen et fluctuant. L’approche la plus classique qui consiste à considérer une moyenne d’ensemble1 conduit aux équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds ou Rey- nolds Averaged Navier-Stokes (RANS). Les variables considérées sont alors déterministes et non plus stochastiques comme dans le cas de la DNS ou de la LES, ce qui simplifie l’exploitation des résultats de simulation. Les méthodes dérivées de cette approche ne sont en théorie valables que pour des écoulements en équilibre statistique autrement dit des écoulements dont les quantités physiques caractéristiques sont 1 La moyenne d’ensemble peut être remplacée par une moyenne temporelle dans le cas de processus ergodiques. 46
  • 4. 1. Introduction des processus stochastiques stationnaires2 et en équilibre dans le sens de la théorie de Kolmogorov (1941) tels que la zone lointaine d’un sillage, d’un jet ou d’une zone de mélange par exemple. Le fait de considérer les équations de Navier-Stokes en moyenne fait apparaître un terme supplémentaire traduisant la “perte d’information” par rapport aux équations originelles définies dans un cadre stochastique : les corrélations doubles des fluctuations de vitesse en un point, appelées tensions de Reynolds lorsque cette moyenne est mise en œuvre et plus généralement contraintes turbulentes. Ainsi les équations de Navier-Stokes en moyenne constituent un système ouvert et leur résolution nécessite une représentation (simulation ou modélisation) des contraintes turbulentes. Deux types d’approches sont généralement distinguées : d’une part l’approche dite “au second ordre” qui assure la prédiction des contraintes turbulentes au moyen d’équations de transport supplémentaires associées à ces quantités où les termes inconnus tels que les corrélations triples sont modélisés, d’autre part, les modèles “au premier ordre” qui relient algébrique- ment les tensions de Reynolds aux grandeurs physiques moyennes. Les modèles au premier ordre les plus répandus sont les modèles linéaires qui utilisent une hypothèse de fermeture fondée sur une analogie avec la loi constitutive des fluides newtoniens : la loi de Boussinesq (1877). Le tenseur des contraintes est alors relié linéairement au taux de déformation moyen grâce à un concept de viscosité de turbulence. Comme cela sera détaillé dans ce chapitre, une relation constitutive linéaire peut conduire à une mo- délisation erronée de certaines propriétés structurales de la turbulence entraînant d’importantes erreurs d’estimation des quantités globales d’intérêt telles que les coefficients aérodynamiques par exemple. Afin de pallier certaines limitations du modèle linéaire, des lois constitutives non-linéaires ont été développées. Elles consistent à inclure, dans la relation constitutive, des tenseurs d’ordre supérieurs issus de combi- naisons des tenseurs des taux de déformation et rotation moyens (Pope, 1975, par exemple). Plusieurs approches ont été envisagées par analogie aux lois constitutives considérées en rhéologie pour les fluides visco-élastiques ou à effet de mémoire donnant lieu aux Non Linear Eddy Viscosity Models (NLEVM) (Shih et al., 1993, par exemple) ou encore en dégénérant les équations aux dérivées partielles de modèles au second ordre pour en dériver des expressions algébriques des tensions turbulentes, Explicit Algebraic Stress Modelling (EASM) (Pope, 1975; Gatski & Speziale, 1993; Wallin & Johansson, 2000). Ce type d’approche a notamment pour objectif une meilleure capture de l’anisotropie des contraintes turbulentes normales en proche-paroi par rapport au modèle linéaire fondé sur l’hypothèse de Boussinesq (1877) qui prédit un comportement isotrope de ces tensions. Dans le cas où les processus physiques étudiés ne sont pas statistiquement stationnaires, par exemple lorsque des structures organisées apparaissent dans l’écoulement, il semble que ces phénomènes puissent être considérés non plus comme des fluctuations aléatoires mais comme des évolutions déterministes des propriétés statistiques de ces processus. Cela conduit à l’approche RANS instationnaire ou Unsteady RANS (URANS) qui est la méthodologie de modélisation des écoulements turbulents la plus largement mise en œuvre. Les équations simulant l’évolution des quantités physiques moyennes sont les mêmes que les équations RANS, au terme temporel près. Par ailleurs, les mêmes méthodes de fermeture que dans le cas stationnaire sont généralement utilisées dans ce contexte qui ne correspond pas, a priori, à leur domaine d’application. En particulier, les échelles caractéristiques de la turbulence évaluées par ces approches ne sont plus nécessairement adaptées et peuvent conduire à des prédictions erronées. Une reconsidération des approches statistiques classiques dans le cas de processus instationnaires est donc cruciale. Afin d’étendre de manière rigoureuse les approches statistiques précédentes aux cas d’écoulements ins- tationnaires caractérisés par la présence de structures organisées, une méthodologie fondée sur la décom- position triple distinguant pour chaque processus, une composante moyenne, une composante fluctuante organisée et une composante aléatoire a été imaginée (Reynolds & Hussain, 1972). Cette approche s’est développée, à la fin des années 1970, alors que de nombreux travaux expérimentaux tentaient de quan- tifier la partie cohérente du mouvement turbulent par des mesures conditionnelles telles que la moyenne de phase (Cantwell, 1981; Boisson et al., 1983, par exemple). Dans la pratique, une distinction est faite entre la partie cohérente du processus (composantes moyenne et fluctuante organisée) qui est considérée comme une variable déterministe et sa partie aléatoire selon la décomposition proposée par Cantwell & Coles (1983). Dans le cas où l’écoulement d’intérêt présente un fort caractère périodique, l’utilisation de l’opérateur de moyenne de phase conduit à une dissociation efficace des quantités cohérentes et aléatoires 2 La stationnarité d’un processus stochastique traduit l’indépendance de ses différents moments statistiques (moyenne, corrélations doubles...) par rapport à l’origine des temps. 47
  • 5. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires dans ce sens. L’effet de cette distinction sur le plan spectral est détaillé dans ce chapitre au §2.4. Substi- tuer cette moyenne conditionnelle à la moyenne d’ensemble conduit aux mêmes équations que le système URANS. Cette approche a été utilisée pour la mesure et la prédiction d’écoulements autour de profils d’aile oscillants à grand nombre de Reynolds (McCroskey et al., 1982, notamment). Sur le plan théorique, une telle méthodologie implique le calcul des quantités organisées correspondant à la turbulence résolue et la modélisation des effets des processus aléatoires. Par rapport à l’approche RANS, la modélisation du tenseur des contraintes turbulentes apparaissant dans les équations en moyenne doit être reconsidérée, y compris dans le cas où une loi constitutive linéaire est mise en œuvre. Pour cela, l’approche Organised Eddy Simulation (OES) a été proposée par Dervieux et al. (1998), Braza (2000), Abalakin & Dervieux (2000), Hoarau (2002) et Braza et al. (2006). La modification des fermetures turbulentes dans le contexte OES est décrite au §2.4. Le principal écueil rencontré quant à l’utilisation de la LES pour la simulation d’écoulements autour de corps est la finesse de discrétisation de la région de proche-paroi. Afin de limiter l’usage de la simu- lation aux grandes échelles à son domaine optimal d’application, des méthodes hybrides couplant LES et approches statistiques peuvent être considérées. En particulier, la méthode Detached Eddy Simulation (DES) (Spalart et al., 1997; Travin et al., 2000) combine les approches LES et RANS par une sélection locale de l’échelle de longueur de la turbulence. Les approches de modélisation des écoulements turbulents présentées dans cette section introductive correspondent à un premier aperçu des méthodes détaillées dans ce chapitre. Il est important de noter que le tour d’horizon ici proposé n’est en aucun cas exhaustif. 1.2 Contribution de la présente étude Les développements effectués dans le cadre de cette thèse s’inscrivent dans le contexte de l’approche de modélisation Organised Eddy Simulation. La contribution de la présente étude concerne l’améliora- tion de la capture des propriétés structurales de la turbulence grâce à l’introduction d’une nouvelle loi constitutive des tensions turbulentes incluant une viscosité de turbulence tensorielle. Plus précisément, les non-linéarités apparaissant dans un écoulement instationnaire fortement détaché entre le tenseur d’ani- sotropie des contraintes turbulentes et le tenseur des taux de déformations moyens sont examinées sur la base de résultats expérimentaux détaillés. Cette analyse illustre les limitations des approches linéaires fondées sur l’hypothèse de Boussinesq (1877). Afin de prendre en compte la non-colinéarité des tenseurs d’anisotropie des contraintes turbulentes et de déformation ainsi mise en évidence, une alternative aux modèles non-linéaires les plus répandus (NLEVM et EASM) est suggérée sous la forme d’une loi consti- tutive modifiée. De plus, un modèle de fermeture permettant la mise en œuvre pratique de cette loi de comportement des contraintes turbulentes est proposé. Ces développements sont détaillés au §4 de ce chapitre et ont été rapportés dans deux articles publiés dans le cadre de cette thèse (Bourguet et al., 2007b, 2008). Les différentes approches de modélisation précédemment évoquées sont plus précisément décrites au §2, notamment du point de vue de l’introduction des opérateurs de filtrage ou de moyenne dans les équations de Navier-Stokes. Après avoir mis en évidence le problème pratique de la fermeture des équations de Navier-Stokes en moyenne, le choix de modèles de turbulence adaptés dans le contexte des approches statistiques est détaillé au §3. En particulier, les modifications induites par la reconsidération des échelles caractéristiques de la turbulence dans le cadre de l’approche OES sont présentées. La contribution de la présente étude à l’amélioration des capacités prédictives des modèles OES est décrite au §4. Pour plus de clarté, l’ensemble des approches de modélisation ainsi que les développements menés dans cette thèse sur ce thème sont en premier lieu présentés dans le contexte des écoulements incompressibles. La transposition au cas d’écoulements compressibles est proposée au §5. 2 Différentes approches dans la littérature Dans cette section les principales approches de modélisation d’écoulements turbulents à grands nombres de Reynolds sont présentées. Pour chacune d’elles, les équations de Navier-Stokes filtrées ou en moyenne 48
  • 6. 2. Différentes approches dans la littérature sont détaillées et, le cas échéant, la nécessité d’introduire des modèles de fermeture est mise en évidence dans l’optique d’une résolution numérique de ce système. 2.1 Simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes La simulation directe consiste à résoudre numériquement les équations de Navier-Stokes tridimen- sionnelles instationnaires qui correspondent, dans le cas d’écoulements incompressibles, à l’équation de continuité et aux trois équations de conservation de la quantité de mouvement, pour i = 1, 2, 3 : uα,α = 0 (4.1) ui,t + (ui uα ),α = − ρ p,i + νui,αα , 1 où ui désigne la ième composante de la vitesse, ρ la masse volumique du fluide supposée constante dans le cas incompressible, p la pression et ν la viscosité cinématique également supposée constante dans ce contexte. ,t et ,i représentent respectivement les dérivées temporelle et spatiale dans la direction i. Pour plus de clarté, les indices grecs sont utilisés pour indiquer les sommations implicites. La résolution directe de ces équations, munies de conditions initiales et aux limites, conduit à la simulation de toutes les échelles de structure dans l’écoulement et ne nécessite donc pas de modélisation supplémentaire. En ce sens, ce type d’approche peut être considéré comme une véritable “expérience numérique” (Chassaing, 2000) utile pour la compréhension des propriétés de la turbulence, notamment dans l’optique du développement d’approches de modélisation. Le principal obstacle à la mise en œuvre pratique d’une telle méthode pour des écoulements réalistes à grands nombres de Reynolds est la finesse de discrétisation nécessaire à la capture de l’ensemble du spectre comme cela a déjà été évoqué. Par ailleurs, l’accès aux propriétés statistiques d’écoulements simulés par DNS ne peut être envisagé qu’a posteriori, chaque simulation correspondant à une réalisation d’un processus aléatoire. Dans la pratique, la simulation directe reste encore un outil d’investigation scientifique dans le contexte de la prédiction des écoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds ; des méthodes de modélisation de la turbulence doivent nécessairement être mises en œuvre pour la simulation d’écoulements turbulents instationnaires autour de géométries complexes. 2.2 Simulations aux grandes échelles En considérant que la principale limitation de la simulation directe est la finesse de discrétisation nécessaire à la capture de l’ensemble des structures de l’écoulement, la simulation aux grandes échelles constitue une alternative où seuls les processus de grande taille sont simulés alors que l’effet des petites structures est modélisé par une loi de “sous-maille”. L’idée directrice de cette méthode est que la partie du spectre négligée correspond aux petites structures obéissant aux hypothèses d’équilibre de la turbulence homogène isotrope dont l’effet peut, par conséquent, être modélisé simplement par l’introduction d’un terme assurant la dissipation de l’énergie provenant des structures résolues de plus grande taille. Un schéma comparatif de la simulation aux grandes échelles et de l’approche OES sera présenté par la suite dans le plan spectral (figure 4.1). Les équations issues du filtrage spatial et un exemple de fermeture classiquement appliquée en LES sont décrits dans cette section. La LES n’a pas été utilisée dans la présente étude ; la présentation proposée est par conséquent succincte, l’objectif étant de situer l’approche mise en œuvre dans le cadre de cette thèse par rapport aux autres méthodes existantes. Pour plus de détails concernant la simulation aux grandes échelles, le lecteur pourra se référer aux articles et ouvrages de référence de Rogallo & Moin (1984), Lesieur & Métais (1996) et Sagaut (2002). Equations filtrées spatialement La mise en œuvre de la simulation aux grandes échelles implique la définition d’un filtre spatial permettant de distinguer les structures résolues de celles dont les effets devront être modélisés. Pour une quantité stochastique de dépendance spatio-temporelle v, la moyenne spatiale filtrée v est définie comme suit : v (x, t) = G (x, x , ∆) v (x , t) dx , (4.2) Ω où G(x, x , ∆) désigne l’opérateur de filtrage spatial au point x, ∆ représente la plus petite échelle de structure résolue ou plus généralement un paramètre caractéristique de la coupure spectrale de ce filtre. 49
  • 7. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires L’opérateur de filtrage est supposé normé : G (x, x , ∆) dx = 1. (4.3) Ω L’ensemble des variables de l’écoulement peuvent alors être décomposées comme suit : v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) , (4.4) où v désigne la fluctuation de v par rapport à la moyenne spatiale filtrée. v étant un processus stochas- tique, les termes v et v sont également des variables aléatoires. Comme le souligne Chassaing (2000), l’accès aux propriétés statistiques de v pose donc un problème méthodologique conséquent. Par ailleurs, afin de conduire à une forme simple des équations de Navier-Stokes filtrées, l’opérateur G doit commuter avec les opérations de dérivations spatiale et temporelle. Ainsi, un filtre gaussien normé dont l’écart-type est proportionnel à la taille de la maille locale de discrétisation peut par exemple être considéré. Il est important de noter les propriétés suivantes, liées à la définition de la moyenne spatiale filtrée : v = v et par conséquent v = v − v = 0 dans le cas général. (4.5) L’application du filtre spatial aux équations de Navier-Stokes (4.1) conduit au système filtré suivant : uα,α = 0 (4.6) ui,t + (ui uα ),α = − ρ p,i + νui,αα . 1 Afin d’exprimer la moyenne filtrée du produit des vitesses en fonction du produit des vitesses filtrées, la décomposition suivante est généralement utilisée : ui uj = ui uj + Lij + Rij , (4.7) avec Lij = ui uj − ui uj et Rij = ui uj + ui uj + ui uj . (4.8) Le terme Lij correspond aux tensions de Leonard qui peuvent être évaluées directement et le terme Rij représente la contribution des tensions de sous-maille. Le système (4.6) ainsi obtenu est ouvert du point de vue des variables filtrées et une représentation de l’effet des échelles non résolues doit être introduite via une modélisation du tenseur Rij . Un exemple de fermeture - le modèle de Smagorinsky Le premier modèle de fermeture ou modèle de sous-maille, proposé par Smagorinsky (1963), relie le tenseur des contraintes non résolues Rij aux grandeurs filtrées simulées comme suit : 1 2 Rij − Rαα δij = −2νt S ij où νt = (Cs ∆) 2S αβ S αβ . (4.9) 3 où δij est le symbole de Kronecker, Cs est la constante de Smagorinsky. L’échelle de longueur caractéris- tique est celle du filtre ∆ et la vitesse caractéristique est estimée grâce au tenseur des taux de déformation moyens : 1 S ij = (ui,j + uj,i ) . (4.10) 2 Ce modèle est le plus largement utilisé mais présente le défaut de dissiper trop d’énergie sans assurer sa redistribution dans le cas où les structures non résolues après la troncature spectrale ne sont pas strictement dissipatives3 . Dans la littérature, de très nombreux modèles de sous-maille ont été développés pour pallier les limitations du modèle original de Smagorinsky. Pour ne citer que quelques exemples, le modèle mixte de Bardina et al. (1983) autorise une redistribution de l’énergie vers les échelles résolues, le modèle de Schumann (1975) inclut une équation de transport de l’énergie cinétique de sous-maille utilisée pour déterminer la viscosité de turbulence νt . Plus récemment, Germano et al. (1991) et Germano (1992) ont introduit le concept de modèle dynamique qui autorise une variation du coefficient Cs . Ce 3 En particulier dans les régions pariétales, où les discrétisations spatiales théoriquement nécessaires ne peuvent pas être mises en œuvre pour des raisons de coût numérique de résolution. 50
  • 8. 2. Différentes approches dans la littérature type d’approche se fonde théoriquement sur l’introduction d’une coupure spectrale “test” en amont de la coupure induite par la discrétisation, où le transfert énergétique peut être évalué, puis transposé au niveau de la coupure effective. Malgré de nombreux développements, parmi les plus récents la Variational Multi- Scale (VMS) LES (Hughes, 2000), il semble que la simulation aux grandes échelles ne soit effectivement applicable, pour la prédiction d’écoulements pariétaux autour de géométries réalistes, qu’à des nombres de Reynolds relativement modérés, de l’ordre de 104 concernant les écoulements autour de surfaces portantes par exemple (Davidson et al., 2003). Néanmoins, l’utilisation de la LES pour la simulation de ce type d’écoulements, à grands nombres de Reynolds, est envisageable au sein de méthodologies hybrides telles que la DES présentée au §2.5. 2.3 Approches statistiques fondées sur la moyenne de Reynolds Les approches statistiques fondées sur l’utilisation de la moyenne de Reynolds ou moyenne d’ensemble sont les plus largement utilisées y compris dans des contextes industriels. Initialement développées pour la simulation d’écoulements stationnaires (RANS), ces méthodes ont par la suite été étendues au cas instationnaire (URANS). D’un point de vue général, l’avantage de ce type d’approches par rapport aux DNS et LES réside dans le fait que les quantités résolues sont supposées déterministes et ne nécessitent par conséquent pas une capture effective de fluctuations supposées aléatoires, notamment dans les régions de proche-paroi. Une conséquence directe est que les discrétisations spatiales mises en jeu peuvent être significativement plus “larges”. Dans cette section, les équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds sont présentées dans le cas instationnaire et le problème lié à la fermeture de ce système est détaillé. Des analyses théoriques approfondies d’écoulements turbulents libres et en présence de parois solides ainsi que de leur modélisation statistique sont rapportées dans les ouvrages de référence de Chassaing (2000) et Durbin & Pettersson Reif (2001). Equations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds Pour un processus stochastique de dépendance spatio-temporelle v, la moyenne d’ensemble v est définie comme suit, dans le cas discret et de dimension finie4 : N 1 v (x, t) = v i (x, t) , (4.11) N i=1 où {v i } représente une famille de N réalisations du processus v. La variable aléatoire v peut ainsi être décomposée comme suit : v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) , (4.12) où la moyenne statistique v est une quantité déterministe5 alors que la fluctuation v est un processus aléatoire . Par rapport à la moyenne filtrée mise en œuvre en LES, la moyenne d’ensemble présente les propriétés suivantes : v = v et par conséquent v = 0. (4.13) De plus, l’opérateur de moyenne d’ensemble commute avec les dérivations temporelle et spatiale. v et w étant deux variables stochastiques : vw = v w. (4.14) L’application de l’opérateur de moyenne d’ensemble aux équations de Navier-Stokes dans lesquelles les variables sont décomposées selon (4.12) conduit aux équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds :  uα,α = 0 (4.15) ui,t + (ui uα ),α + ui uα = − ρ p,i + νui,αα . 1 ,α La présence du terme temporel ui,t différencie les approches URANS et RANS. Dans le cas où la vitesse est un processus statistiquement stationnaire, ce terme s’annule. De même que dans le cas des équations de Navier-Stokes en moyenne filtrée (LES), un terme supplémentaire associé aux contributions des processus 4 Ce cas correspond à la situation effectivement rencontrée, que les “expérimentations” soient menées en soufflerie ou numériquement. 5 Contrairement à la moyenne filtrée en LES. 51
  • 9. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires non résolus apparaît. Dans le cas où la moyenne de Reynolds est utilisée, ce terme correspond aux moyennes d’ensemble des produits des fluctuations de vitesse ui uj , nommées tensions de Reynolds ou contraintes turbulentes. Problème de fermeture Le système d’équations (4.15) est ouvert et une estimation des tensions de Reynolds est nécessaire pour envisager sa résolution. Dans ce contexte, les contraintes turbulentes sont des quantités déterministes qui peuvent être évaluées par différentes approches. D’un point de vue général, deux stratégies peuvent être distinguées pour la représentation de ce terme : – Une simulation des ui uj comme des variables supplémentaires du système physique via des équations aux dérivées partielles spécifiques correspond à l’approche dite au second ordre, – Une modélisation des contraintes turbulentes via une loi constitutive algébrique relative aux gran- deurs moyennes conduit à une approche au premier ordre. L’utilisation d’une loi constitutive pour représenter les tensions de Reynolds implique néanmoins dans la plupart des cas la résolution d’équations aux dérivées partielles supplémentaires utilisées pour l’évaluation locale des échelles caractéristiques de la turbulence à modéliser. Un grand nombre de modèles au premier et second ordres ont été rapportés dans la littérature et divers exemples sont détaillés au §3. Remarque : Les variables physiques mises en jeu dans les équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds sont des quantités déterministes correspondant à des moyennes d’ensemble. Dans la pratique, l’introduction d’un terme temporel conduit dans la plupart des cas à des solutions instationnaires. Cela signifie que les processus simulés présentent des moyennes statistiques instationnaires, y compris dans des configurations théoriquement stationnaires du point de vue de la moyenne d’ensemble comme, par exemple, l’écoulement en aval d’un obstacle dans un domaine muni des conditions aux limites station- naires. Dans ce cas, la dérivée temporelle présente dans les équations en moyenne de Reynolds devrait s’annuler, ce qui n’est généralement pas le cas. Cette incertitude quant à la nature de l’opérateur sta- tistique effectivement mis en œuvre dans l’approche URANS a notamment été soulignée par Carpy & Manceau (2006) qui remarquent cependant que d’une manière générale, les résultats obtenus par moyenne temporelle de simulations URANS sont en meilleur accord avec l’expérience que ceux issus de l’approche RANS. Ce point faible dans la définition de la méthodologie URANS justifie le développement d’ap- proches statistiques avancées fondées sur l’utilisation de moyennes conditionnelles comme l’approche OES présentée dans la section suivante. 2.4 Approches statistiques avancées - Organised Eddy Simulation Dans le contexte de la simulation d’écoulements présentant des structures spatio-temporelles organi- sées liées par exemple à un échappement tourbillonnaire, la méthodologie OES (Dervieux et al., 1998; Hoarau, 2002; Braza et al., 2006) repose sur une décomposition des processus physiques aléatoires en un terme moyen déterministe associé à la partie cohérente des processus, et un terme aléatoire associé aux fluctuations chaotiques autour de la partie moyenne. Du point de vue spectral, cette décomposition conduit à une séparation du spectre d’énergie cinétique turbulente en deux parties, de même que la simu- lation aux grandes échelles. Cependant, dans le cas de l’OES, ce dual spectrum splitting ne consiste pas à simuler les processus de plus basses fréquences et modéliser la région dissipative. En effet, comme illustré sur la figure 4.1, le ou les pics associés à la présence de structures organisées dans l’écoulement corres- pondent à la partie résolue alors que le spectre résiduel s’entendant continûment des basses aux hautes fréquences est modélisé. Compte tenu de la nature du spectre associé aux processus non résolus (spectre continu sur l’ensemble des nombres d’ondes), l’utilisation des concepts de modélisation statistique semble adaptée à la prise en compte de l’effet de ces quantités fluctuantes sur les processus organisés (Braza et al., 2006). Néanmoins, il apparaît que la présence de structures cohérentes dans l’écoulement conduit à une modification importante de la forme du spectre d’énergie cinétique turbulente par rapport au spectre en équilibre décrit par la théorie de Kolmogorov (1941). D’une part, les structures organisées se traduisent par l’apparition d’un ou plusieurs pics dans le spectre pour des longueurs d’ondes ou fréquences carac- téristiques de ces structures. D’autre part, la présence de structures cohérentes induit une modification de la pente du spectre dans la zone inertielle en principe décrite par la loi en κ−5/3 où κ représente le nombre d’onde. Ce phénomène a été quantifié expérimentalement comme en attestent les spectres obtenus 52
  • 10. 2. Différentes approches dans la littérature Fig. 4.1 – Représentation schématique de la décomposition spectrale considérée dans le cadre de l’ap- proche OES : la distinction entre les parties résolue et modélisée se fonde sur le caractère organisé (marqué par la présence de pics dans le spectre) ou aléatoire des processus considérés. La partie (2) correspond aux processus à modéliser en mettant en œuvre des modèles de turbulence statistiques avancés pour prendre en compte la modification spectrale liée à la présence de structures cohérentes dans l’écoulement. Pour comparaison, la décomposition considérée en LES est également présentée, d’après Braza et al. (2006). à partir de mesures Laser Doppler Velocimetry (LDV) (Djeridi et al., 2003) et Particle Image Velocimetry (PIV) (Braza et al., 2006) dans le proche sillage d’un cylindre circulaire pour un nombre de Reynolds égal à 1.4 × 105 (figure 4.2). Par conséquent, une modélisation efficace des processus aléatoires en présence de structures organisées doit se fonder sur une reconsidération des échelles de la turbulence par rapport aux fermetures statistiques classiques (RANS), adaptées aux écoulements présentant une turbulence en équilibre. Ce point sera abordé au §3.2 où les modifications de certains modèles de turbulence classiques dans le contexte de l’OES seront présentées. Capturer les structures cohérentes - la moyenne de phase Un point important de la définition de l’approche OES est le choix de la moyenne conditionnelle considérée pour “extraire” les processus cohérents. Dans le cas d’écoulements présentant un fort caractère (quasi-)périodique, qu’il s’agisse de configurations où la périodicité est forcée par exemple par le tan- gage d’une aile, ou d’une périodicité apparaissant en raison de l’amplification d’instabilités naturelles, la moyenne de phase peut être adoptée. Dans ce contexte, un processus stochastique v peut être décomposé selon l’approche suggérée par Reynolds & Hussain (1972) comme suit : v (x, t) = v (x) + v (x, t) + v (x, t) , ˜ (4.16) où v représente la moyenne temporelle stationnaire, v est une quantité déterministe représentant l’évolu- ˜ tion périodique de v et v désigne la partie fluctuante aléatoire. Un regroupement des termes déterministes conduit à la décomposition en moyenne de phase (Cantwell & Coles, 1983) telle que : v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) , (4.17) 53
  • 11. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires Fig. 4.2 – (a) Comparaison des spectres d’énergie cinétique turbulente obtenus à partir de données LDV et PIV. (b) Spectres d’énergie cinétique turbulente obtenus à partir de données PIV avant et après l’opération de moyenne de phase. Mesures dans le sillage proche d’un cylindre circulaire à Re = 1.4 × 105 , d’après Braza et al. (2006). où · désigne l’opérateur de moyenne de phase définie par : N 1 v (x, t) = v i (x, t) , (4.18) N i=1 où {v i } représente une famille de N réalisations en phase6 du processus v. Equations de Navier-Stokes en moyenne de phase L’opérateur de moyenne de phase (4.18) possède les mêmes propriétés que la moyenne de Reynolds, en particulier : v = v , v = 0 et v w = v w , (4.19) pour deux processus aléatoires v et w. Remarque : Si · désigne la moyenne temporelle : v = v et v v = 0. Ainsi, si les quantités résolues correspondent aux moyennes de phase des processus aléatoires, la moyenne temporelle peut être simple- ment calculée a posteriori pour comparaison avec des résultats expérimentaux par exemple. Comme l’opérateur de moyenne d’ensemble, l’opérateur de moyenne de phase commute avec les déri- vations temporelle et spatiale. Les équations de Navier-Stokes en moyenne de phase s’écrivent donc : uα ,α = 0 (4.20) ui ,t + ( ui uα ),α + ( ui uα ),α = − ρ p 1 ,i + ν ui ,αα . Ce système d’équations est le même que celui obtenu par l’approche URANS. Néanmoins, en tenant compte des remarques précédentes concernant la modification du spectre d’énergie cinétique turbulente sous l’effet des structures organisées, les fermetures classiquement utilisées pour estimer les tensions turbulentes devront être reconsidérées pour la modélisation des corrélations doubles des fluctuations de vitesse en moyenne de phase (cf. § 3.2). Généralisation de la moyenne de phase La moyenne conditionnelle actuellement utilisée pour définir l’OES est la moyenne de phase. Cette moyenne présente l’avantage de conduire à une formulation des équations de Navier-Stokes identique à 6 Selon les cas (instationnarité naturelle ou forcée), la détermination d’une procédure de mise en phase peut être délicate. 54
  • 12. 2. Différentes approches dans la littérature celle issue de l’approche statistique classique. Néanmoins, dans l’optique d’une généralisation de cette méthodologie pour la prédiction d’écoulements présentant des structures organisées d’échelles de temps caractéristiques incommensurables et donc moins périodiques, une extension de l’opérateur de moyenne de phase peut être recherchée. L’idée directrice étant la capture d’évènements présentant une certaine cohérence spatio-temporelle, la décomposition orthogonale aux valeurs propres ou Proper Orthogonal De- composition (POD) pourrait par exemple être utilisée. Comme cela sera présenté au chapitre 5, cette approche peut être considérée comme une extension de l’analyse de Fourier et permet notamment d’ex- traire les dynamiques prédominantes de l’écoulement, sans que celles-ci soient strictement périodiques. 2.5 Approches hybrides - Detached Eddy Simulation Afin de pouvoir envisager une mise en œuvre de la simulation aux grandes échelles pour la prédiction d’écoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds, des approches hybrides couplant les méthodes statistiques en proche-paroi et la LES dans les régions plus éloignées ont été développées. La DES (Spalart et al., 1997; Travin et al., 2000) est une approche fréquemment utilisée dans ce contexte. D’un point de vue général, cette méthode peut être définie comme une simulation hybride tridimensionnelle et insta- tionnaire utilisant un seul modèle de turbulence fonctionnant comme un modèle de sous-maille dans les régions suffisamment finement discrétisées pour être traitées par LES et comme un modèle statistique ailleurs. Une des particularités de cette approche est que le passage d’une méthode de modélisation à l’autre est déterminé localement et théoriquement de manière dynamique grâce à une évaluation des échelles de longueur caractéristiques des deux méthodes. Ainsi, le modèle est sensible à la finesse du maillage conduisant, dans la pratique, à une diminution de la dissipation du modèle RANS au-delà des régions de proche-paroi, où l’approche statistique standard est utilisée. La première version de la DES, proposée par Spalart et al. (1997), se fonde sur le modèle de turbulence à une équation de Spalart & Allmaras (1992) présenté dans la section suivante. Dans ce modèle, l’échelle de longueur caractéristique est estimée comme la distance à la paroi la plus proche d. La DES vient modifier cette échelle de longueur (d → dDES ) en introduisant le test suivant : dDES = min (d, CDES ∆) , (4.21) où ∆ représente la plus grande dimension du volume de discrétisation local et CDES une constante calibrée grâce à une simulation de turbulence homogène isotrope. La modification de l’échelle de longueur caractéristique a essentiellement un effet sur le terme de destruction dans le modèle de Spalart & Allmaras (1992). Par rapport à une simulation statistique pure, cette diminution de d a généralement pour effet de limiter la viscosité de turbulence hors des régions RANS. Bien que la DES ne nécessite pas, a priori, la prescription d’une interface entre les régions de l’écoule- ment simulées par LES ou approche statistique, un défaut majeur de l’approche fondée sur le modèle de Spalart & Allmaras (1992) est que cette transition est essentiellement gouvernée par des considérations géométriques (dépendance en d, la distance à la paroi). L’utilisation d’un modèle de fermeture à deux équations permet par contre d’exploiter cette propriété de la DES. Dans ce cas également, une diminution de l’échelle de longueur dans le modèle statistique a pour effet une augmentation du terme de dissipation dans l’équation de transport de l’énergie cinétique turbulente et de fait une diminution de la viscosité de turbulence par rapport à une approche classique. L’implantation pratique de la DES pour ce type de modèles sera détaillée dans la section suivante. En tenant compte des limitations des modèles RANS/U- RANS classiques, il apparaît intéressant de modifier l’approche de modélisation statistique utilisée en DES dans le sens de l’OES. Ce point sera également abordé par la suite. Par ailleurs, un certain nombre de variations ont été proposées dans la littérature sur la base de l’approche hybride DES. En particulier la méthode Delayed Detached Eddy Simualtion (DDES) proposée par Spalart et al. (2006) permet d’évi- ter une transition de l’approche statistique vers la LES dans les couches limites, ce phénomène étant à l’origine de décollements artificiels induits par la méthode. D’un point de vue pratique, une des difficultés essentielles liées à l’utilisation de ce type d’approches hybrides est le traitement des résultats pour parvenir à une comparaison consistante avec les bases de données expérimentales de référence. Les approches URANS et LES conduisent indépendamment l’une de l’autre à des incertitudes quant au choix des opérateurs de moyenne à appliquer a posteriori et il semble encore plus délicat de traiter l’ensemble de l’écoulement, simulé localement par une de ces deux approches, 55
  • 13. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires d’une manière unique. Néanmoins, la stratégie couramment adoptée qui consiste en une moyenne tem- porelle des données issues de la simulation peut conduire à des résultats très encourageants, y compris dans le cas d’écoulements autour de géométries complexes et à grands nombres de Reynolds comme en attestent les conclusions du programme Detached Eddy Simulation for Industrial Aerodynamics (DESI- DER, Peng & Haase (2008)). Dans le cadre de cette thèse, aucun développement spécifique n’a été mené dans le contexte de ces approches hybrides. Néanmoins, la contribution proposée concernant l’amélioration de la prédiction des propriétés de la turbulence hors-équilibre dans le cadre de l’approche OES pourrait participer à accroître la pertinence de la DES grâce à une meilleure modélisation des contraintes turbulentes dans les régions de proche-paroi. 3 Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statis- tique de la turbulence Dans le contexte de la modélisation statistique des écoulements turbulents, les équations de Navier- Stokes en moyenne constituent un système ouvert. Par rapport aux équations originales, de nouvelles inconnues, associées à la moyenne des corrélations doubles des fluctuations de vitesse apparaissent. Ces contraintes turbulentes traduisent l’effet des processus non résolus sur les grandeurs moyennes simulées. Afin d’envisager une résolution numérique des équations exprimées en termes de quantités moyennes, une estimation des contraintes turbulentes est nécessaire. Les différentes stratégies généralement adoptées sont décrites dans cette section. Cette présentation inclut les approches de modélisations statistiques URANS et OES7 . D’une manière générale, l’opérateur de moyenne est noté · qu’il s’agisse de la moyenne d’ensemble ou de la moyenne de phase et la décomposition suivante est adoptée : v (x, t) = v (x, t) + v (x, t) . (4.22) Les modifications induites par la reconsidération des échelles caractéristiques de la turbulence modélisée dans le contexte de l’OES sont spécifiées au § 3.2. 3.1 Modélisation au second ordre La modélisation au second ordre consiste à introduire de nouvelles équations relatives aux six com- posantes du tenseur des contraintes turbulentes8 . Dans un premier temps, ces équations sont décrites. Il apparaît que ces nouvelles équations constituent encore un système ouvert et que des hypothèses de modélisation supplémentaires sont nécessaires. Equations de transport des contraintes turbulentes A partir des équations de Navier-Stokes et des équations moyennées où est mise en jeu la décomposition (4.22), les équations de transport suivantes sont dérivées, pour i, j = 1, 2, 3 : ui uj + uα ui uj = Pij + Πij + Dij + Dij − εij , t ν (4.23) ,t ,α où : – Pij est le terme de production qui peut être évalué exactement à partir des variables du système physique sans modélisation supplémentaire : Pij = − ui uα uj,α + uj uα ui,α . (4.24) – Πij désigne le terme de corrélation pression/déformation : 1 Πij = p ui,j + uj,i . (4.25) ρ 7 Il a été montré précédemment que l’approche OES fondée sur l’utilisation de la moyenne de phase conduisait aux mêmes équations que la moyenne de Reynolds. 8 En effet, ce tenseur est symétrique. 56
  • 14. 3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence Cette quantité qui fait intervenir les fluctuations de vitesse et de pression qui ne sont pas des variables du système, doit être modélisée. t – Dij inclut la diffusion turbulente mettant en jeu les corrélations triples des fluctuations de vitesse ainsi que les corrélations doubles vitesse/pression et doit être modélisé : p ui p uj Dij = − ui uj uα + t δjα + δiα . (4.26) ρ ρ ,α Comme l’indique Chassaing (2000), la contribution du terme de corrélation vitesse/pression est souvent considérée comme étant insignifiante et sera donc négligée dans la suite. ν – Le terme de diffusion visqueuse ou diffusion moléculaire Dij s’exprime exactement comme suit : ν Dij = ν ui uj . (4.27) ,αα – εij est le tenseur de pseudo-dissipation visqueuse9 à modéliser : εij = 2νui,α uj,α . (4.28) Dans le cadre d’une approche au second ordre, la modélisation ne porte donc pas directement sur les contraintes turbulentes mais sur certains termes présents au second membre de leurs équations de trans- port. Ce point justifie le caractère plus “universel” généralement attribué aux modèles au second ordre. Au § suivant, les approximations de ces différents termes sont présentées dans le cas du modèle de Speziale et al. (1991), qui sera utilisé par la suite dans le développement d’un modèle à viscosité de turbulence tensorielle (§ 4). Modèle de fermeture au second ordre Pour des nombres de Reynolds élevés, la pseudo-dissipation visqueuse εij est généralement supposée isotrope (Durbin & Pettersson Reif, 2001) de telle sorte que : 2 εij = εδij . (4.29) 3 ε représente ainsi une variable supplémentaire du système qui doit être simulée. Un grand nombre de modèles ont été proposés pour définir une équation de transport de la pseudo-dissipation. Dans la pratique, le modèle de Hanjalić & Launder (1972) est utilisé par Speziale et al. (1991) pour la mise en œuvre de leur modèle au second ordre : εuα uβ ε2 k ε,t + uα ε,α = −cε1 uα,β − cε2 + cε u u ε,β , (4.30) k k ε α β ,α où k = 1/2uα uα désigne l’énergie cinétique turbulente. Les constantes communément utilisées sont cε1 = 1.44, cε2 = 1.92 et cε = 0.15 (Chassaing, 2000). t Le terme de diffusion Dij peut être modélisé par le schéma “de gradient généralisé” de Daly & Harlow (1970) : t k Dij = CD u u uu où CD = 0.22. (4.31) ε α β i j ,β ,α La modélisation du terme de corrélation pression/déformation Πij est un point délicat. Dans la suite de la présente étude, l’approche proposée par Speziale et al. (1991) est adoptée. Ce modèle a été largement mis en œuvre dans la littérature et conduit à des résultats en très bon accord avec l’expérience pour la simulation d’écoulements-types tels que l’écoulement turbulent homogène cisaillé, de zone de mélange bidimensionnelle plane, ainsi qu’en présence de parois solides comme le rapporte Chassaing (2000). De 9 Le tenseur de dissipation est défini par = 2ν sjα ui,α + siα uj,α avec sij = 1/2 ui,j + uj,i . ij 57
  • 15. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires plus, ce modèle présente l’avantage d’autoriser des projections relativement simples sur le sous-espace constitué des matrices principales de déformation moyenne comme cela sera détaillé par la suite. La démarche de modélisation du terme de corrélation pression/déformation dans le modèle de Speziale et al. (1991) peut être résumée comme suit. Une première étape consiste à déterminer une forme générale de Πij dépendante des tenseurs des taux de déformation et rotation moyens ainsi que des grandeurs turbulentes k, ε et du tenseur d’anisotropie des contraintes turbulentes défini par : ui uj 2 aij = − δij . (4.32) k 3 Cette expression des corrélations pression/déformation doit satisfaire au principe d’invariance par chan- gement de repère. La représentation obtenue est ensuite grandement simplifiée par l’étude de sa forme admissible dans les configurations d’équilibres des invariants du tenseur d’anisotropie pour des écoule- ments turbulents homogènes plans arbitraires. Les coefficients constants mis en jeu dans ce modèle de Πij sont ensuite évalués sur la base d’analyses asymptotiques et de résultats théoriques et expérimentaux notamment dans le cas d’écoulements turbulents cisaillés plan et en rotation, ainsi que dans le cas d’une turbulence homogène anisotrope retournant à l’isotropie. L’objectif n’étant pas ici une réévaluation de ces différents paramètres, seules les grandes lignes du développement de ce modèle sont présentées et pour plus de détails concernant sa calibration, le lecteur pourra se référer à l’article original de Speziale et al. (1991). Le modèle obtenu pour les corrélations pression/déformation s’exprime comme suit : 1 1 Πij = − (c1 ε + c1 Pk ) aij + c2 ε aiα aαj − δij IIa + c3 − c3 IIa kSij 2 3 2 +c4 k aiα Sjα + aαj Siα − aβγ Sβγ δij + c5 k (aiα Ωjα + ajα Ωiα ) , (4.33) 3 où 1 1 Sij = (ui,j + uj,i ) et Ωij = (ui,j − uj,i ) (4.34) 2 2 représentent respectivement les tenseurs des taux de déformation et de rotation moyens. De plus, IIa = aαβ aαβ est le second invariant du tenseur d’anisotropie et la production d’énergie cinétique turbulente, Pk s’écrit : Pk = −uα uβ uα,β = −kaαβ Sα,β . (4.35) Les constantes du modèle, évaluées par Speziale et al. (1991), sont c1 = 1.7, c∗ = 0.90, c2 = 1.05, c3 = 0.8, 1 c∗ = 0.65, c4 = 0.625 et c5 = 0.2. 3 Remarque : Comme le soulignent Speziale et al. (1991), ce modèle du terme de corrélation pres- sion/déformation ne peut satisfaire le principe d’invariance par changement de repère que si le tenseur de rotation présenté ci-dessus est remplacé par le tenseur de rotation absolue qui inclut une éventuelle rotation du repère d’observation sous la forme : Ωabs = Ωij + eαji Ωrep , ij α (4.36) où eijm est le tenseur des permutations circulaires et Ωrep i le taux de rotation du repère d’observation dans la ième direction. Cette remarque est également vraie pour les équations de transport de contraintes turbulentes auxquelles doivent être ajoutés les termes liés à la force de Coriolis. Le cas des repères en rotation n’est pas été abordé dans la présente étude. L’ensemble des termes dépendants des quantités fluctuantes (autres que les contraintes turbulentes) étant modélisés, une résolution numérique du système des équations de Navier-Stokes en moyenne couplées aux sept équations du modèle de turbulence au second ordre peut être envisagée. Comme le rapportent Chassaing (2000) et Durbin & Pettersson Reif (2001), l’utilisation d’une fermeture au second ordre conduit généralement à une meilleure prédiction des propriétés physiques de la turbulence, et en particulier à une capture plus réaliste de l’anisotropie des contraintes turbulentes normales. Néanmoins, un point important est que la plupart de ces modèles ont été calibrés dans des configurations d’écoulement homogènes souvent stationnaires et que leur validité doit être examinée en détail pour des écoulements massivement décollés et fortement instationnaires. Dans la section suivante, une alternative à la modélisation au second ordre fondée sur l’introduction d’une loi constitutive des contraintes turbulentes est présentée. 58
  • 16. 3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence 3.2 Modèles au premier ordre linéaires fondés sur une viscosité de turbulence Afin d’estimer les corrélations doubles des fluctuations de vitesse apparaissant dans les équations de Navier-Stokes en moyenne, les approches “au premier ordre” se fondent sur l’introduction d’une loi consti- tutive reliant les contraintes turbulentes aux grandeurs physiques moyennes. La relation linéaire proposée par Boussinesq (1877) par analogie avec la loi de Newton pour les contraintes d’agitation moléculaire, s’exprime comme suit : 2 − ui uj + kδij = νt (ui,j + uj,i ) , (4.37) 3 où le coefficient scalaire νt est appelé “viscosité de turbulence” ou “viscosité turbulente”. Cette loi consti- tutive relie ainsi linéairement les contraintes turbulentes au tenseur des taux de déformation moyens. La simplicité de cette relation ne va pas sans un certain nombre de limitations propres à cette approche et qui justifient le développement de relations constitutives étendues qui seront présentées aux § 3.3 et 4. Afin de pouvoir utiliser la relation de Boussinesq (1877) pour la fermeture des équations de Navier- Stokes en moyenne, une estimation de la viscosité de turbulence est indispensable. Une analyse dimen- sionnelle de la viscosité de turbulence montre que cette quantité peut s’écrire : νt = Cµ u˜ ˜l, (4.38) où u et ˜ représentent respectivement les échelles de vitesse et de longueur de “l’agitation turbulen- ˜ l te” (Chassaing, 2000) alors que Cµ est une constante sans dimension appelée coefficient de diffusivité turbulente. De nombreuses approches ont été imaginées pour estimer ces échelles caractéristiques de la turbulence à modéliser. Outre les fermetures algébriques initialement développées dans les années 1920- 1930, la plupart des méthodes actuellement utilisées se fondent sur le transport, via des équations aux dérivées partielles supplémentaires, de nouvelles quantités physiques. Dans cette section, certaines ap- proches généralement mises en œuvre dans ce contexte sont présentées. Par ailleurs, dans l’optique de la prédiction d’écoulements turbulents pariétaux, des modèles spécifiques incluant des lois d’amortissement de la turbulence dans les régions de proche-paroi sont également détaillés. Enfin, les modifications ap- portées aux modèles à deux équations dans le cadre de l’approche OES, ainsi que les implications de ces modifications sur la DES, sont décrites. Modèles à une équation de transport Les modèles incluant une nouvelle variable physique évaluée grâce à une équation de transport spéci- fique conduisent à la simulation d’une des deux échelles de la turbulence à modéliser et à la modélisation de la seconde. Ainsi par exemple, le modèle de Glushko (1965), consiste en une équation de transport de l’énergie cinétique turbulente et une estimation empirique de l’échelle de longueur caractéristique de la turbulence ˜ de telle sorte que la viscosité de turbulence puisse être évaluée comme suit : l √ νt = Cµ k˜ avec Cµ = 1. l (4.39) Le modèle de Spalart & Allmaras (1992) est la fermeture à une équation de transport la plus largement utilisée en raison de sa simplicité d’implantation et de sa robustesse. L’équation additionnelle porte directement sur la viscosité de turbulence qui est donc la nouvelle variable du système. L’équation de transport établie par Spalart & Allmaras (1992) grâce à l’analyse dimensionnelle est la suivante : ˜2 ˜ ˜ 1 ((ν + ν ) ν,α ) + cb2 ν,α ν,α − cω1 fω ν . ν,t + uα ν,α = cb1 S ν + ˜ ˜ ˜ ˜ ,α ˜ ˜ (4.40) ρ d2 La viscosité de turbulence est calculée ainsi : χ3 ν ˜ νt = ν fv1 avec fv1 = ˜ et χ = . (4.41) χ 3 + c3 v1 ν De plus, ν ˜ χ ˜ S= 2Ωαβ Ωαβ + fv2 avec fv2 = 1 − . (4.42) κ2 d2 χ + fv1 59
  • 17. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires Spalart & Allmaras (1992) introduisent la fonction d’amortissement fω qui doit annuler le terme de destruction en dehors de la couche limite : 1 1 + c6ω3 6 fω = g , (4.43) g 6 + c6 ω3 où g limite la valeur de fω : ν ˜ g = r + cω2 r6 − r avec r = . (4.44) ˜ 2 d2 Sκ Ainsi, r et fω sont égaux à 1 dans la région logarithmique de la couche limite et décroissent à l’extérieur. Les constantes préconisées par les auteurs sont cb1 = 0.1355, cb2 = 0.622, κ = 0.41, σ = 2/3, cω1 = cb1 /κ2 + (1 + cb2 )/σ et cω2 = 0.3. Malgré un nombre important de constantes et de fonctions d’amortissement empiriques, le modèle de Spalart & Allmaras (1992) est généralement considéré comme un compromis convenable entre les approches algébriques et les modèles à deux équations présentés dans la section suivante. Par ailleurs, cette fermeture turbulente est également le modèle sous-jacent des approches DES et DDES dans leur version originale. Modèles à deux équations de transport Les modèles de fermeture à deux équations de transport conduisent à la simulation de deux variables physiques “turbulentes” complémentaires permettant ainsi une évaluation des deux échelles caractéris- tiques de la turbulence à modéliser. D’une manière générale, la première variable turbulente considé- rée est l’énergie cinétique turbulente k. Cela se justifie par le fait qu’une contraction de l’équation de transport des contraintes turbulentes conduit à une équation de transport pour k ; équations dont cer- tains termes doivent néanmoins être modélisés. Concernant la seconde variable turbulente, le choix de la pseudo-dissipation conduit aux modèles k − ε alors que le choix de l’échelle caractéristique de fréquence temporelle conduit aux modèles k − ω. D’autres approches sont rapportées dans la littérature, notam- ment les modèles k−ω 2 , k−l où l est l’échelle de longueur de la turbulence à modéliser ou encore k−k×l... Quel que soit le modèle considéré, une première étape consiste à définir une équation de transport pour l’énergie cinétique turbulente. L’équation exacte issue de l’équation de transport des corrélations doubles des fluctuations de vitesse s’écrit : p k,t + uα k,α = −uα uβ uα,β − + k uα + νk,αα − νuα,β uα,β . (4.45) ρ ,α En considérant la loi de Boussinesq (4.37), le terme de production est modélisé de la manière suivante : − uα uβ uα,β = νt (uα,β + uβ,α ) uα,β . (4.46) Le terme de diffusion turbulente est modélisé par une forme en gradient généralisé de telle sorte que : p νt − + k ui = k,i , (4.47) ρ σk où σk est le nombre de Prandtl d’énergie cinétique turbulente supposé constant et dont les valeurs diffèrent d’un modèle à l’autre. Enfin, le terme de dissipation peut être évalué grâce à la seconde variable turbulente : k 3/2 − νuα,β uα,β = ε = Cd , (4.48) l où Cd est une constante sans dimension et l une longueur représentative de l’échelle caractéristique des structures énergétiques à modéliser. Dans le cas où la pseudo-dissipation est considérée comme seconde variable turbulente, la viscosité de turbulence s’exprime ainsi : k2 νt = Cµ , (4.49) ε 60
  • 18. 3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence où Cµ est une constante du modèle. Une équation de transport doit être dérivée pour ε. Ce point a déjà été abordé dans le contexte de la modélisation au second ordre mais dans le cas présent une étape de modélisation supplémentaire est introduite étant donné que les contraintes turbulentes sont approchées par la loi de Boussinseq. D’une manière générale, l’équation de transport de ε est de la même forme que celle de k (Chassaing, 2000) : ε,t + uα ε,α = Production + Diffusion − Destruction. (4.50) Ainsi, le terme de production est inspiré de celui de l’équation de k : Production = Cε1 Cµ k (uα,β + uβ,α ) uα,β . (4.51) Un schéma de type gradient est adopté pour le terme de diffusion visqueuse : Cµ k 2 Diffusion = ν+ ε,α . (4.52) εσε ,α Le terme de dissipation est généralement modélisé comme suit : ε2 Destruction = −Cε2 . (4.53) k Cε1 , Cε2 et σε sont des constantes du modèle. Le modèle obtenu par ces différentes modélisations est le modèle à deux équations de Jones & Launder (1972) qui peut être résumé comme suit : Cµ k 2 Cµ k 2 k,t + uα k,α = (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ k,α − ε, (4.54) ε εσk ,α Cµ k 2 ε2 ε,t + uα ε,α = Cε1 Cµ k (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ ε,α − Cε2 , (4.55) εσε ,α k k2 νt = Cµ , (4.56) ε avec Cµ = 0.09, Cε1 = 1.44, Cε2 = 1.92, σk = 1.0 et σε = 1.3. (4.57) Cette fermeture semble représenter le modèle à deux équations “standard” pour la modélisation d’écou- lements à grands nombres de Reynolds. Pour la prédiction d’écoulements pariétaux autour de surfaces portantes à des nombres de Reynolds de l’ordre de 105 − 106 , de multiples versions de ce modèle ont été proposées, notamment via l’adjonction de lois d’amortissement de la turbulence près des parois. Un exemple de ces fermetures “bas-Reynolds” est le modèle k − ε de Chien (1982) : νt 2νk k,t + uα k,α = νt (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ k,α −ε− 2 , (4.58) σk ,α yn νt ε νt ε2 2νε y+ ε,t + uα ε,α = Cε1 f1 (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ ε,α − Cε2 f2 − 2 exp − , (4.59) k σε ,α k yn 2 k2 νt = Cµ fµ , (4.60) ε avec Cµ = 0.09, Cε1 = 1.44, Cε2 = 1.92, σk = 1.0 et σε = 1.3 (4.61) et 2 k 2 / (εν) f1 = 1, f2 = 1 − 0.22exp − et fµ = 1 − exp −0.0002 y + − 0.000065 y +2 , (4.62) 36 61
  • 19. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires où y + = yn Uτ /ν est une distance non-dimensionnelle à la paroi. yn est la distance normale à la paroi et Uτ la vitesse de friction à la paroi. Dans ce modèle, de nouveaux termes de destruction apparaissent dans les équations de k et ε. Ces dis- sipations supplémentaires sont issues de développements limités des différentes quantités turbulentes à la paroi et ont pour objectif un meilleur comportement asymptotique notamment pour la pseudo-dissipation. Des fonctions d’amortissement issues de calibrations sont également introduites. En particulier, une fonc- tion d’amortissement de la viscosité de turbulence à la paroi est considérée. Comme cela a été souligné par Jin & Braza (1994) dans le cas de l’écoulement autour d’un profil d’aile à forte incidence, ce type de lois est nécessaire pour une prédiction rigoureuse en proche-paroi par un modèle à deux équations. Lorsque la fréquence caractéristique des processus turbulents à modéliser ω = ε/(Cµ k) est considérée comme seconde variable physique turbulente, la viscosité de turbulence s’exprime comme suit : k νt = . (4.63) ω Comme l’indique Chassaing (2000), l’obtention d’une équation de transport pour la fréquence ω est tout aussi délicate que pour la pseudo-dissipation et par conséquent une stratégie analogue est mise en œuvre en considérant une forme d’équation prototype inspirée de l’équation de k. La fermeture “haut-Reynolds” 10 généralement considérée comme référence est le modèle de Wilcox (1988) : k kσ k,t + uα k,α = (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ k,α − Cµ kω, (4.64) ω ω ,α kσ ω,t + uα ω,α = α (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ ω,α − βω 2 , (4.65) ω ,α avec σ = 0.5, σ = 0.5 , Cµ = 0.09, α = 5/9 et β = 3/40. (4.66) Contrairement aux modèles k − ε pour lesquels des conditions de Dirichlet homogènes peuvent être prescrites sur les parois solides (k = 0 et ε = 0), la condition de paroi théorique pour la fréquence caractéristique est ω → ∞ (Wilcox, 1988). Dans la pratique, plusieurs stratégies peuvent être adoptées pour prescrire une valeur finie à cette quantité sur la paroi et le choix d’une approche particulière s’avère avoir des effets similaires à l’introduction d’une fonction d’amortissement de la viscosité de turbulence près de la paroi dans les modèles k − ε. Ainsi, les modèles k − ω ne nécessitent généralement pas de loi d’amortissement supplémentaire et semblent donc présenter, dans la région proche, un comportement plus universel que les modèles k − ε “bas-Reynolds”. En tenant compte de cette remarque et du fait que les modèles k − ω s’avèrent, contrairement aux modèles k − ε, sensibles à la définition des conditions de l’écoulement lointain (Menter, 1992), Menter (1993, 1994) suggère de définir un modèle mixte à deux équations, possédant les caractéristiques d’une fermeture k − ω près des obstacles et celles d’un modèle k − ε dans le champ lointain. Ce modèle nommé k − ω Baseline (BSL) s’exprime comme suit : k kσ k,t + uα k,α = (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ k,α − Cµ kω, (4.67) ω ω ,α kσ 1 ω,t + uα ω,α = α (uα,β + uβ,α ) uα,β + ν+ ω,α − βω 2 + 2 (1 − F1 ) σω k,α ω,α . (4.68) ω ,α ω Outre l’ajout d’un terme de couplage entre k et ω, la spécificité de ce modèle réside dans l’évaluation des constantes empiriques mises en jeu qui sont telles que, pour chaque constante c : c = F1 c1 + (1 − F1 ) c2 , (4.69) où c1 et c2 représentent respectivement les constantes des modèles de Wilcox (1988) précédemment détaillées et celles du modèle k − ε transformé en k − ω selon Menter (1993). Les constantes de ce second modèle sont celles du modèle k − ε de Launder & Sharma (1974) : σ = 1, σ = 0.856, σω = 0.856, Cµ = 0.09, α = 0.44 et β = 0.0828. (4.70) 10 “Haut-Reynolds” signifiant ici sans loi d’amortissement à la paroi, par opposition aux modèles “bas-Reynolds”. 62
  • 20. 3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence De plus, la fonction de mélange des deux modèles est définie comme suit :  √ 4  k 500ν 4σω k F1 = tanh  min max , , , (4.71) Cµ ωy ωy 2 Ckω y 2 où y est la distance normale à la paroi et 1 Ckω = max 2ρσω k,α ω,α , 10−10 . (4.72) ω Ayant constaté une surestimation de la viscosité de turbulence en proche-paroi, Menter (1994) propose une version modifiée du modèle BSL sous la forme du modèle k − ω Shear-Stress Transport (SST) qui redéfinit la viscosité turbulente de la manière suivante : a1 k νt = , (4.73) max (a1 ω, ΩF2 ) où Ω désigne la norme de Frobenius du tenseur des taux de rotation moyens, a1 = 0.31 et  √ 2  2 k 500ν F2 = tanh  max , . (4.74) Cµ ωy ωy 2 La constante associée au terme de diffusion de l’équation de l’énergie cinétique turbulente dans le premier modèle (Wilcox, 1988) est modifiée σ = 0.85. Le modèle ainsi obtenu s’avère relativement polyvalent et robuste quelle que soit la configuration considérée sans nécessiter d’adaptation particulière comme en attestent les études comparatives menées dans le cadre des programmes européens FLOMANIA (Haase et al., 2006) et DESIDER (Peng & Haase, 2008). Les modèles à deux équations de transport fondés sur la relation constitutive linéaire de Boussinesq (1877) sont les fermetures turbulentes les plus largement utilisées. Ces modèles sont généralement pré- férés en raison d’une certaine facilité d’implantation, d’un surcoût numérique raisonnable par rapport aux modèles au second ordre et surtout d’une grande robustesse, permettant d’envisager la simulation d’écoulements complexes sans modification ou calibration de constantes empiriques. Néanmoins, comme le souligne Chassaing (2000) et malgré de nombreux développements récents, ces approches souffrent d’un grand nombre de limitations. Si l’équation de l’énergie cinétique turbulente dérive directement des équations des contraintes turbulentes, la schématisation de l’équation de transport associée à la seconde variable turbulente (pseudo-dissipation, fréquence caractéristique..) est une difficulté et l’empirisme de l’expression retenue une faiblesse de la méthode. Cette remarque est également valable pour les modèles au second ordre. Par ailleurs, dans le cas de la modélisation au premier ordre, la relation constitutive linéaire ne permet pas une restitution fiable de certaines propriétés locales de la turbulence telles que l’ani- sotropie des contraintes ou l’apparition de régions de productions d’énergie cinétique turbulente négative. Pour pallier ces dernières limitations, des approches fondées sur des lois constitutives étendues peuvent être considérées (§ 3.3 et 4). Dans la section suivante est abordée la reconsidération des fermetures au premier ordre dans le contexte de l’approche de modélisation statistique avancée OES. Reconsidération des échelles caractéristiques dans le contexte OES L’approche Organised Eddy Simulation présentée au § 2.4 se fonde sur une décomposition des quan- tités physiques via une moyenne statistique conditionnelle et non une moyenne d’ensemble comme les méthodes RANS/URANS. L’objectif est ainsi la simulation des processus cohérents ou organisés et la modélisation des effets des processus chaotiques sur les structures résolues par des fermetures turbulentes adaptées. Lorsque l’opérateur de séparation des processus aléatoires est la moyenne de phase, il a été montré précédemment que les équations de Navier-Stokes en moyenne sont les mêmes que dans le cas de l’approche URANS. Par ailleurs, comme illustré sur la figure 4.2, la présence d’évènements cohérents d’un point de vue spatio-temporel dans l’écoulement conduit à une modification significative de la pente du spectre d’énergie cinétique turbulente par rapport au cas de la turbulence en équilibre. Afin de prendre en compte ce phénomène traduisant le caractère hors-équilibre de la turbulence et parvenir à une modéli- sation efficace de l’ensemble du spectre d’énergie cinétique turbulente associée aux processus chaotiques, 63
  • 21. Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires une reconsidération des modèles de fermeture URANS est indispensable (Braza et al., 2006). Plus pré- cisément, en conservant la même approche de fermeture des équations moyennes que précédemment par l’introduction d’une relation constitutive des contraintes turbulentes, ce sont les échelles caractéristiques de la turbulence à modéliser qui doivent être réévaluées. Les développements rapportés dans cette sec- tion notamment ceux concernant la modification de la relation constitutive se fondent sur l’hypothèse de linéarité Boussinesq. Une modification de cette relation est proposée dans le cadre de cette thèse comme cela est présenté au § 4. Une première modification concerne la réévaluation de la constante de diffusivité turbulente Cµ mise en jeu dans la relation constitutive (4.37). Dans le contexte de l’approche RANS, ce coefficient a initialement été évalué expérimentalement comme suit. Dans le cas où la viscosité de turbulence s’exprime comme νt = Cµ k 2 /ε (fermeture à deux équations k − ε), l’expression du cisaillement turbulent en couche limite turbulente bidimensionnelle plane conduit à l’expression suivante : ε −u1 u2 Cµ = . (4.75) k 2 u1,2 Dans une région d’équilibre où production et dissipation d’énergie cinétique turbulente sont égales, il apparaît que : 2 u1 u2 − u1 u2 u1,2 = ε et par conséquent Cµ = . (4.76) k2 Les résultats expérimentaux de Bradshaw et al. (1967) montrent que dans une couche limite turbulente à incidence nulle le rapport u1 u2 /k est sensiblement constant et égal à ≈ 0.3, ce qui conduit à la valeur usuelle du coefficient de diffusivité turbulente Cµ = 0.09. Dans le cas d’un écoulement hors-équilibre, en particulier en présence d’un gradient de pression adverse, cette estimation conduit à une surévaluation de la viscosité de turbulence. En effet, Rodes (1999) et Hoarau (2002), proposent une détermination de la valeur de la constante de diffusivité turbulente grâce à la modélisation au second ordre en utilisant le modèle de Launder et al. (1975) dans l’écoulement autour d’un profil d’aile de type NACA0012 à 20o d’incidence pour un nombre de Reynolds égal à 105 . La prédiction du tenseur des contraintes turbulentes permet d’accéder à l’énergie cinétique turbulente sans invoquer l’hypothèse de Boussinesq (1877) et la pseudo-dissipation est prédite via une équation auxiliaire comme cela a été présenté précédemment. En supposant une relation linéaire entre les contraintes turbulentes et le tenseur des taux de déformation moyens (relation de type Boussinesq), une “viscosité de turbulence équivalente” νt peut alors être obtenue ˜ et conduire à une estimation du coefficient de diffusivité turbulente : Cµ = νt ε/k 2 . Les valeurs obtenues ˜ pour ce coefficient dans le proche sillage apparaissent relativement constantes et de l’ordre de 0.02. Ce type d’analyse a été mené par différents auteurs (Cazalbou & Bradshaw, 1993, notamment) et conduit systématiquement à une diminution de la valeur standard de la constante Cµ . Dans la pratique la valeur adoptée dans le cadre des approches OES fondées sur une relation constitutive linéaire est : Cµ OES = 0.02. (4.77) Cette réévaluation a conduit à une amélioration significative des capacités prédictives des modèles de tur- bulence à deux équations de transport, notamment pour la simulation d’écoulements fortement détachés autour de surfaces portantes à forte incidence comme rapporté dans la thèse de Hoarau (2002). L’introduction de nouvelles fonctions d’amortissement de la turbulence en proche-paroi fait également partie de la reconsidération des modèles initialement calibrés dans le contexte de la turbulence en équilibre. Ainsi, des lois d’amortissement adaptées à l’approche OES ont été développées par Jin (1994), Rodes (1999) et Hoarau (2002) notamment sur la base de simulations numériques directes. Dans le cadre de cette étude, la loi d’amortissement proposée par Jin & Braza (1994) pour l’écoulement autour d’un profil d’aile à forte incidence est utilisée. Cette fonction d’amortissement s’exprime comme suit : fµ y + = 1 − exp −0.0002 y + − 0.000065 y +2 , (4.78) où, comme précédemment, y + = yn Uτ /ν est une forme adimensionnelle de la distance normale à la paroi yn , Uτ étant la vitesse de friction. 64