Miser sur la réussite.
Les meilleurs talents peuvent avoir besoin d’évoluer.
Mais cibler le travailleur moyen constitue-t-il une meilleure
stratégie pour améliorer la performance globale ?
2. gestion de la performance
miser sur la reussite
Les meilleurs talents peuvent avoir besoin d’évoluer.
Mais cibler le travailleur moyen constitue-t-il une meilleure
stratégie pour améliorer la performance globale ?
DEPUIS QUE LA GESTION de la performance
est devenue à la mode dans les années 1970, un
débat fait rage au sein de la communauté des
Ressources Humaines sur la meilleure manière
d’affecter ses budgets de développement.
La question se pose de savoir quelles parties
de la main d’œuvre exigent le plus d’attention.
Se focaliser sur le personnel le plus performant
peut être très satisfaisant pour obtenir un résultat
de haut niveau et bien en vue, mais de nombreux
experts avancent que la stimulation du groupe
moyen de travailleurs, qui constituent le corps
d’une organisation, s’avérera, en fin de compte,
plus efficace.
« En clair, c’est un terrain bien miné », déclare
Mike Bourne, Professeur en performance
commerciale à la Cranfield School of Management
du Royaume-Uni. « Vous êtes tout de suite amené à
tenter de définir la performance. Pour commencer,
est-il seulement possible de faire la distinction
entre les personnes moyennement performantes
et les personnes les plus performantes et, ensuite,
est-il souhaitable de se concentrer uniquement sur
un seul de ces groupes ? »
Bourne s’oppose à une partie de l’argument ;
il est fermement convaincu qu’il est préférable
pour une entreprise de se concentrer sur le plus
grand groupe de travailleurs, plutôt que sur une
élite plus restreinte. Il s’explique : « Toute société
qui peut améliorer l’efficacité de 100 personnes,
au lieu de deux, obtiendra une meilleure
performance globale. »
Phil Jones, Président Directeur Général
d’Excitant, cabinet-conseil de performance
stratégique, constate un défaut fondamental dans
la manière dont la performance des personnes
est définie à plusieurs égards. Il estime que la
voie est, dès lors, dangereusement ouverte à
l’interprétation. Il a récemment interviewé 20
PDG de sociétés internationales et a découvert
que certains d’entre ceux, qui étaient considérés
comme faisant partie de la meilleure tranche de
performance, n’étaient pas toujours en harmonie
avec les valeurs de l’organisation.
« Si vous regardez vraiment la manière dont
les organisations imaginent dès le début une
performance soi-disant élevée, vous avez
tendance à penser qu’elle reflète un style de
gestion propre à une personne », soutient-il.
En d’autres termes, l’élément culturel de la
performance est plus important, en pratique, que
les mesures abstraites.
« J’ai un problème avec les feuilles de scores
simplistes qui répartissent les performances des
personnes par rapport à des courbes en cloche »,
poursuit Jones. « Telle est la source du problème,
pas la manière dont la gestion de la performance
est traitée par la suite. »
DEFINIR UNE ECHELLE DE MESURE APPROPRIEE
Paradoxalement, ce sont parfois les personnes
au meilleur niveau d’une organisation qui
peuvent maintenir les autres plus bas sur l’échelle
de performance. Jones a découvert que les
personnes de performance moyenne restaient à ce
niveau moyen, non pas parce qu’elles manquaient
souvent de potentiel, mais parce que celles
considérées comme meilleures conservaient leur
propre statut et n’apportaient aucune assistance
permettant de leur emboîter le pas. Les cadres
contribuaient également au problème en
instaurant une culture dans laquelle une tranche
visiblement meilleure ou perçue comme telle
est promue, sans tenir compte de savoir si ces
personnes ajoutaient réellement de la valeur, ou si
elles respectaient les valeurs de l’entreprise.
Bourne est d’accord. Il maintient que les sociétés
fixent des objectifs facilement réalisables pour
les personnes au sommet, mais en octroient
bien souvent des trop difficiles aux personnes
au niveau intermédiaire. Il ajoute : « Les objectifs
agissent comme un stimulus pour tout le monde,
mais viser l’irréalisable ne donne pas envie de
s’engager et peut mener à des comportements
pervers, tels qu’une prise de risque accrue.
Parallèlement, même pour des objectifs simples,
les personnes au sommet seront sans doute
contre-performantes si leur seule récompense
consiste à se voir octroyer des objectifs plus
compliqués par la suite. »
Les approches à l’égard de la gestion de la
performance varient selon les institutions et les
pays. Le groupe pharmaceutique AstraZeneca
tente actuellement de maîtriser la manière
d’identifier et de développer un niveau de
performance élevé au sein de son entreprise
japonaise. « Nous avons besoin d’encore plus
de meilleurs talents parce que nous nous
développons », explique Katsuyoshi Sugita,
Vice-Présidente, département RH et services
administratifs, pour AstraZeneca KK, Japon. «
Mais, d’un point de vue culturel, aussi bien au
Japon qu’au sein d’AstraZeneca, la différenciation
en fonction des objectifs de performance ne fait
pas partie de l’entreprise. Les sociétés préfèrent
ici que tout le monde soit bon parce que nous
voulons être vus comme traitant chaque personne
de la même manière. Mais nous comprenons
maintenant qu’il n’est pas possible de faire évoluer
tout notre personnel, nous devons donc trouver
la manière d’identifier les quelques personnes
talentueuses et nous concentrer sur elles. »
AstraZeneca utilise une variante de tableau
à neuf cases, une matrice initialement imaginée
par les consultants en gestion McKinsey
pour General Electric dans les années 1970.
Appliqué à la gestion des talents, cet outil
compare les meilleurs potentiels aux meilleures
performances et combine ensuite le résultat
avec l’encadrement de la gestion. En recourant
à cette approche, AstraZeneca fait la distinction
entre les bonnes performances, où les meilleurs
20 % identifiés pourront évoluer, et les personnes
qui ont un potentiel, où seuls les meilleurs 5 %
seront encadrés.
Pour le géant des services professionnels
Deloitte, la différenciation entre les meilleures
performances et les autres est nette. Alec
Bashinsky, Partenaire pour les Personnes et
la Performance chez Deloitte en Australie, est
catégorique sur le fait que seuls les meilleurs
devraient bénéficier d’une performance encadrée.
« C’est un fait : la moyenne ne gagne jamais »,
affirme-t-il. « Finalement, si vous souhaitez
développer votre entreprise et vos revenus,
vous devez vous concentrer sur les meilleures
performances. »
Afin d’identifier ce précieux niveau supérieur,
Deloitte mène des examens de performance
biannuels pour déterminer la répartition de la
main d’œuvre. Les résultats sont alors schématisés
avec son propre outil d’amplificateur de talents,
conçu pour mesurer les personnes selon un
modèle d’agilité Lominger, surveiller le potentiel
d’apprentissage et produire ensuite la matrice
familière à neuf cases d’évaluation des talents.
LA « PERFORMANCE » EST-ELLE UN MYTHE ?
Bashinsky reconnaît qu’il s’agit d’un processus
complexe. Il concède, en outre, que la profession
des RH peut être sujette à « trop d’évaluations
de la gestion des performances et à un manque
d’intérêt sur le véritable feedback ».
De tels niveaux de complexité et le manque de
transparence qui en découle ont amené certains
sceptiques à souhaiter un rejet complet de la
notion de performance. Il s’agirait d’un indicateur
désuet, qui ne représente aucun prédicateur réel
Extrait du Hays Journal N°5 - Mai 2013
3. Extrait du Hays Journal N°5 - Mai 2013
de réussite, notamment lorsqu’une organisation
établit, dès le départ, une définition faible de la
meilleure performance. Les critiques ajoutent
que la performance est issue d’une mesure trop
facile, étant donné qu’elle serait plus simple à
définir que le potentiel et, par conséquent, serait
probablement plus facile à récompenser.
Des approches alternatives sont en cours de
développement. L’une d’entre elles consiste à
évaluer la capacité d’une personne, plutôt que son
potentiel, en recourant à des tests génériques ou
de raisonnement verbal et mental. Ces derniers
sont alors mesurés parallèlement au véritable
travail effectué par chaque personne.
Cette méthode signifie qu’un personnel très
compétent, mais moins performant, est poussé
dans la ligne de mire des managers, alors que les
recruteurs reçoivent une liste des caractéristiques
quantifiables à des fins d’embauche.
Toutefois, une bonne performance ne s’arrête
pas uniquement à l’obtention des meilleurs
résultats. Le comportement des employés joue
également un rôle au sein d’une organisation. Les
professionnels des Ressources Humaines ont-ils
tendance à ignorer les comportements mauvais
ou préjudiciables si les personnes réalisent les
meilleures performances ?
Aileen O’Toole, Directrice des Ressources
Humaines sur le site de vente aux enchères eBay,
insiste sur le fait que, dans sa gestion, ce n’est pas
le cas. « Nous ne sommes nullement une culture
de performance », affirme-t-elle. « Mais nous ne
récompenserons pas les personnes qui font partie
des plus performantes en étant mauvaises avec les
autres. Trop de sociétés disposent de stratégies
de gestion des performances ou des talents
destinées à mettre le personnel à l’aise, mais elles
ne comprennent pas vraiment ce que l’entreprise
essaie de réaliser. »
Une manière d’éviter cette situation consiste à
introduire une culture de mesure continue, plutôt
qu’annuelle, de la performance. Jones d’Excitant
ajoute : « L’activité est si rapide que des examens
annuels n’ont aucun sens. Que se passe-t-il si la
direction de l’entreprise change durant le huitième
mois de l’année ? »
eBay recourt à une approche intéressante et
globale pour faire face à ce défi. Il mesure la
performance du personnel en termes de relations
de travail, autrement dit, en considérant la
performance d’une personne en fonction de la
performance des personnes qui l’entourent. L’idée
sous-jacente à cette approche est que les équipes
changent et qu’une personne espérant gravir les
échelons ne devrait être jugée qu’en fonction des
personnes avec lesquelles elle travaille au moment
présent. Évaluer une personne en fonction de la
performance de sa précédente équipe reviendrait
à la comparer à un environnement économique
faisant déjà partie de l’histoire.
Cette dernière vision gagne du terrain dans les
cercles des Ressources Humaines. Si tous les
employés sont véritablement considérés comme
talentueux, le personnel verra alors qu’une
performance élevée est réellement à la portée de
tous et n’est pas uniquement réservée à quelques
privilégiés. Avec un message aussi inspirant à leur
cœur, les organisations peuvent espérer créer une
culture de la performance qui les aidera à survivre
et à réussir leur future expansion.
POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS
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