Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récente
1. Service Public Fédéral Finances - Belgique Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
Imposition des revenus du travail, du capital et
de la consommation: évolutions récentes
Christian VALENDUC (*)
Conseiller général des Finances
A B BTS T C TA C
A S RA R T
T his paper uses the implicit tax rates (itr) to asses the taxation of labour, capital
and consumption and to discuss the effect of recent tax policy changes.
The methodology we use is roughly similar to the one used by the European Com-
mission in its annual publication “Taxation trends in the European Union”. The
main differences relate to the treatment of wages subsidies and to the list of itr
we compute. Wages subsidies are deducted from the tax wedge on labour, what is
not the case in the eu methodology. We compute separate itr for income from self-
employment and social transfer but we do not compute an itr on energy.
When focusing on the last decade (2000-2009), the main trends that appear are a
slight but continuing decrease in the taxation of labour and a strong decrease in the
taxation of capital. The decrease in the taxation of labour started with the 2002 pit
reform, of which the effects spread up to 2006. Reductions in social security contri-
butions, particularly those targeted on low wage earners have also been amplified,
what contributes to the decrease in the taxation of labour. The introduction and
amplification of wages subsides are the third component of policy changes, that all
together brought the itr on labour below 40% at the end of the period.
The 2003 cit reform and the introduction of the allowance for corporate equity
(notional interest deduction) in 2006 are the main tax policy initiative that affected
the itr on capital. While the first one has been budgetary neutral, the introduction
of the ace had mixed effects. It seems that the “base broadening” component of the
reform, that attempted to make the reform budgetary neutral, only had level effects
while the decrease in effective taxation resulting from the ace has been growing
over time. The combined effect is a decrease in the itr on corporations. Gross prof-
itability has been increasing while the size of the corporate sector has remained
roughly constant. This might be explained by an increase in the location of equity
in financial companies that do not engage in any other economic activity on the
Belgian territory.
Keywords: tax policy, effective taxation, implicit tax rate
JEL Classifiication Code: H2, H24, H25
(*) L’auteur remercie Michael Rusinek (Conseil central de l’économie) et ses collègues Maurice
Weber et Réginald Savage pour leurs remarques et commentaires.
15
3. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
Table des matières
Introduction 19
1 Méthodologie 21
1.1 Le concept de taux d’imposition implicite 21
1.2 La répartition des impôts 22
1.3 Subventions et coin fiscal 24
1.4 Les bases 25
2 Principaux résultats 30
3 L’imposition des revenus du travail salarié 32
3.1 D’où vient la baisse du taux d’imposition implicite ? 32
3.2 Quelle aurait été l’évolution à politique inchangée ? 33
3.3 Evolution des principales composantes du taux d’imposition impli-
cite 35
3.4 Confrontation des indicateurs macro et micro-économiques 38
3.5 En résumé 40
4 Les autres catégories de revenu 42
4.1 Les revenus de l’activité indépendante 42
4.2 Les transferts sociaux 44
5 L’imposition du capital 45
5.1 Imposition des sociétés 45
5.2 Imposition de l’épargne et du patrimoine 54
6 Imposition de la consommation 57
17
5. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
Introduction
Cet article présente la mise à jour des taux d’imposition implicite du travail, du
capital et de la consommation sur les années récentes. Son but principal est de
lire, au moyen de ces indicateurs, les effets des orientations récentes de politique
fiscale. Au tournant de ce siècle, la politique fiscale s’est en effet réorientée. Une
des raisons de ce changement de cap est que la résorption du déficit public
requis pour la participation à la monnaie unique était alors réalisée. D’autres
objectifs ont alors pu être formulés, notamment celui d’une baisse de la pres-
sion fiscale sur les revenus des particuliers – essentiellement les revenus du tra-
vail – mais aussi celui d’une baisse plus globale du coût du travail et, en fin de
période, la baisse de l’impôt des sociétés qui est intervenue avec l’introduction
de la déduction pour capital à risque.
Il existe de nombreux indicateurs de pression fiscale: certains sont globaux,
d’autres plus désagrégés, sur l’axe qui va du macro-économique au
micro-économique. L’indicateur le plus global est le ratio des recettes d’impôt
et de cotisations sociales, rapporté au pib. Certains indicateurs sont établis ex
post, basés sur des statistiques, tandis que d’autres modélisent les règles fiscales
en vigueur pour une situation fiscale particulière (une opération d’épargne,
d’investissement, le retour du non-emploi vers l’emploi) et donnent ainsi une
vue plus prospective.
Les taux d’imposition implicite sont des indicateurs macro-économiques:
leur numérateur se base sur le détail des impôts et des cotisations sociales,
exprimés en concepts de comptabilité nationale, et leur dénominateur est une
variable macro-économique représentant la base imposable théorique, égale-
ment en concept de comptabilité nationale. Ces indicateurs sont donc rétros-
pectifs (Backward looking): ils mesurent globalement l’imposition des activités
économiques qui ont eu lieu et non pas la charge fiscale sur une activité
économique future. Ils sont donc davantage utiles pour examiner les effets des
politiques menées que pour illustrer l’effet de réformes en discussion.
La dernière publication consacrée spécifiquement à ces indicateurs remonte,
pour la Belgique à l’année 2004 (1) et une mise à jour avait été publiée dans
Conseil supérieur des Finances (2007).
La Commission européenne publie annuellement des résultats utilisant
une méthodologie assez largement similaire (2) mais la liste des indicateurs
présentés n’est pas la même et il existe, pour certains indicateurs, des différences
mineures de méthode. Les taux d’imposition implicite publiés par la Commis-
sion européenne concernent le travail salarié, le capital et la consommation.
Nous ajoutons un taux implicite d’imposition du travail indépendant et un taux
1 Voir Valenduc (2004).
2 Voir European Commission (2011) pour la dernière édition.
19
6. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
d’imposition implicite des transferts sociaux, lesquels ne sont donc pas dispo-
nibles en comparaison internationale. La Commission européenne publie par
contre un taux d’imposition de l’énergie que nous n’avons pas inclus dans cet
article car il procède d’une méthodologie tout à fait différente. Nous ne traitons
pas davantage les taxes environnementales, ni la taxation spécifique du trans-
port pour lequel la Commission européenne publie également des indicateurs.
La première section de cet article rappelle la méthodologie de base et les
modifications qui y ont été apportées pour prendre en compte les subventions
salariales. La deuxième section présente les résultats généraux. Les sections
suivantes s’intéressent plus particulièrement à l’imposition du travail, du
capital et de la consommation, sur base d’indicateurs désagrégés et contribuent
ainsi à décrire les effets des principales réformes qui ont eu lieu au cours de la
première décennie de ce siècle.
20
7. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
1 Méthodologie
La méthodologie a été exposée de façon détaillée dans valenduc (2004) et nous
n’en reprenons ici que les principes de base et les modifications apportées
depuis lors.
1.1 Le concept de taux d’imposition implicite
Les taux d’imposition implicite permettent de désagréger de manière pertinente
le taux de prélèvement obligatoire, lequel se définit par le rapport entre le
montant des recettes d’impôtet de cotisations sociales et le pib.
[1]
T.P.O = S Ti / Y
Cet indicateur fait l’objet de nombreuses publications, notamment l’édition
annuelle de la statistique des recettes publiques de l’ocde et la publication déjà
citée de la Commission européenne.
Le taux de prélèvement obligatoire est couramment désagrégé en une série de
ratios qui correspondent à des catégories de recettes divisées par le pib. Ainsi,
la publication annuelle de l’ocde comprend des tableaux détaillés retraçant
l’évolution en % du pib de différentes catégories d’impôt: impôt sur le reve-
nu des ménages, impôt sur les bénéfices des sociétés, cotisations patronales et
personnelles de sécurité sociale, impôt sur le patrimoine, impôts généraux sur
la consommation, impôts spécifiques sur la production ou la consommation de
certains biens et services etc…
Ces ratios désagrégés ne sont pas des indicateurs macro-économiques de pres-
sion fiscale, car leur dénominateur - le pib - n’est qu’un commun dénominateur
et ne représente nullement la base de chacune des catégories d’impôt qui
peuvent être obtenues en décomposant ainsi le taux de prélèvement obliga-
toire. Ainsi, diviser les recettes d’impôt sur le revenu des ménages par le pib
ne fournit pas un indicateur de pression fiscale pour les revenus des ménages,
diviser les recettes d’impôt des sociétés par le pib ne fournit pas davantage un
indicateur de la pression fiscale sur les revenus des entreprises.
Pour désagréger le taux de prélèvement obligatoire en indicateurs de pression
fiscale pertinents, il faut le décomposer autrement, selon la formule
21
8. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
[2]
T.P.O = S (Ti/Bi) ( Bi/Y)
Le premier terme de la sommation est le vecteur des taux d’imposition impli-
cite. Ceux-ci sont une mesure macro-économique de la pression fiscale obtenue
«implicitement» en rapportant le produit d’un impôt (ou d’un ensemble
d’impôts) à un agrégat macro-économique représentatif de sa base (de leur base
commune s’il s’agit d’un ensemble d’impôts). Le second vecteur comprend des
ratios mesurant le rapport des bases au pib.
Ces taux d’imposition implicite peuvent être calculés pour certains impôts et
comparés aux taux d’imposition nominaux. Ce type d’exercice a été effectué à
plusieurs reprises pour l’impôt des sociétés (3). Il peut également être effectué
pour l’impôt des personnes physiques ou encore pour la tva.
Ils peuvent également être calculés pour des « fonctions économiques », ce terme
générique désignant la consommation et les grandes catégories de revenu. C’est
l’approche qui est suivie par la Commission européenne dans sa publication
annuelle et c’est également celle qui est retenue ici.
1.2 La répartition des impôts
La répartition des impôts et cotisations sociales s’effectue comme suit.
▸ Sont considérés comme des prélèvements sur le travail salarié, les
cotisations personnelles et patronales de sécurité sociale établies sur
les salaires (4), la cotisation spéciale de sécurité sociale et l’impôt des
personnes physiques se rapportant aux revenus salariaux. S’y ajoute
également la taxe sur les participations das salariés aux bénéfics de leur
entreprise.
▸ Sont considérés comme des prélèvements sur les revenus de l’activité
indépendante: les cotisations sociales du régime des travailleurs
indépendants et l’impôt des personnes physiques se rapportant aux
revenus de l’activité indépendante.
▸ Sont considérés comme des prélèvements sur le capital: les droits de
succession et de donation, la taxe sur l’épargne à long terme, la taxe
sur les dotations aux participations bénéficiaires, l’impôt des sociétés,
le précompte mobilier, les impôts sur les transactions immobilières et
mobilières et les impôts sur la production - en ce compris le précompte
immobilier – et l’impôt des personnes physiques se rapportant aux
3 Voir par exemple Valenduc C. (1999) et Conseil supérieur des Finances (2001).
4 Uniquement les cotisations effectives. Voir ci-après pour les cotisations fictives.
22
9. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
revenus du capital. Les réductions d’impôt octroyées lors de la consti-
tution d’actifs patrimoniaux (remboursement en capital d’emprunts
hypothécaires, achat d’actions, assurance-vie, épargne-pension) viennent
en déduction de l’impôt des personnes physiques se rapportant aux
revenus du capital. Il en est de même des pertes de recettes provenant de
la déduction complémentaire des intérêts d’emprunts hypothécaires et
de la déduction pour habitation unique.
▸ Sont considérés comme des prélèvements sur les transferts sociaux: les
cotisations sociales dues par les bénéficiaires de prestations sociales et
l’impôt des personnes physiques se rapportant aux transferts sociaux.
▸ Sont considérés comme des prélèvements sur la consommation: les
« impôts sur les produits » au sens de la comptabilité nationale (5) et les
impôts courants qui ne sont pas considérés comme des impôts sur le capi-
tal (6). Les premiers comprennent notamment la tva et les accises et consti-
tuent 95 % des impôts sur la consommation. Les seconds comprennent
notamment les impôts de capitation, la taxe de circulation et la taxe
complémentaire assimilée aux accises (voiture diesel) ainsi que diverses
autres taxes locales.
Il est donc nécessaire de répartir l’impôt des personnes physiques entre les
revenus du travail salarié, les revenus de l’activité indépendante, les revenus
du capital et des transferts sociaux. Cette répartition se base, pour les reve-
nus imposables globalement, sur une répartition proportionnelle de l’impôt
subsistant après octroi des quotités exonérées et des réductions d’impôt pour
« dépenses fiscales » (épargne à long terme et investissement immobilier) et
donc avant imputation des réductions d’impôt pour revenus de remplace-
ment (7). Cette ventilation est faite au niveau de chaque déclaration lors de
l’enrôlement de l’impôt et la statistique établie au terme du délai d’imposition
fournit le résultat agrégé correspondant. Sur cette répartition proportionnelle
de l’impôt, on effectue les corrections suivantes:
▸ les réductions d’impôt pour revenus de remplacement sont déduites de
l’impôt se rapportant à ces revenus de remplacement;
▸ les pertes de recettes liées aux déductions d’intérêt d’emprunt et les
réductions d’impôt pour la constitution d’actifs financiers sont déduites
des impôts sur les revenus du capital;
▸ l’impôt établi sur les revenus imposables distinctement est ajouté, selon
le cas, à l’impôt sur les revenus du travail salarié (arriérés, indemnités
de dédit, pécule de vacances anticipé) ou à l’impôt sur le capital (impôt
5 A savoir la rubrique D21, à l’exclusion de la sous-rubrique D214C du détail des impôts et
cotisations sociales effectives publiée par l’ICN.
6 A savoir les rubriques D59B à D59F du détail des impôts et cotisations sociales effectives
publiées par l’ICN.
7 Voir le schéma de calcul de l’impôt dans l’édition annuelle du Mémento fiscal, 1ère partie,
chapitre 1, section 1.4.0.
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10. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
sur les plus-values, taxation distincte des capitaux liquidés au terme des
plans d’assurance-groupe).
La répartition des prélèvements entre travail, capital et consommation se base
sur l’incidence économique première et non sur l’incidence économique finale.
1.3 Subventions et coin fiscal
Ainsi définis, les numérateurs des taux d’imposition implicite ne comprennent
que des prélèvements, exprimés en brut. Ils ne tiennent pas compte des flux
inverses que sont les subventions.
La pertinence de l’inclusion de celles-ci doit s’apprécier au regard du concept
de « coin fiscal »: les taux d’imposition implicite sont en effet l’expression, d’un
point de vue macro-économique, de l’écart de prix entre l’offre et la demande
des facteurs de production ou entre l’offre et la demande de biens et services.
Ainsi, le taux d’imposition implicite de la consommation mesure l’écart entre
le prix hors taxes des biens et services consommés (la variable explicative de
la courbe d’offre sur le marché des biens et services) et le prix ttc (la variable
explicative de la courbe de demande sur ce même marché). De même le taux
d’imposition implicite du travail salarié mesure l’écart entre le coût salarial, qui
constitue l’essentiel de la variable de prix de la demande de travail (8) et le salaire
net qui est la variable de prix de l’offre de travail (9).
Si les prélèvements creusent cet écart, les subventions le réduisent. Il est donc
logique de les déduire de l’expression macro-économique du « coin fiscal »
pour autant que le fait générateur de la subvention soit le même que le fait
générateur du prélèvement.
La question concerne en fait la mesure de l’imposition implicite du travail
salarié. Les orientations politiques récentes sont celles d’une utilisation accrue
d’interventions financières qui sont comptabilisées comme des subventions
salariales en comptabilité nationale.
▸ C’est d’abord le cas des dispenses de versement de précompte
professionnel. Celles-ci sont octroyées principalement pour l’embauche
8 Le coût du travail comprend également des charges qui ne sont pas reprises dans les coti-
sations sociales, comme par exemple les primes payées pour les accidents du travail.
9 La variable de prix de l’offre de travail peut inclure, dans une certaine mesure, les cotisa-
tions sociales si on considère que les prestations sociales qu’elles financent sont assimilées
par les salariés à du salaire net. Ceci suppose un lien étroit entre cotisations et prestations.
Il subsiste certes un tel lien dans notre système de sécurité sociale mais il n’est pas complet:
les prestations sont plafonnées alors que les cotisations ne le sont pas et une partie de la
protection sociale est financée par l’impôt. La substituabilité entre salaire net et cotisations
n’est donc pas parfaite.
24
11. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
des chercheurs, le travail en équipe et de nuit et les heures supplémen-
taires. A ces dispenses visant des cas particuliers est venue s’ajouter une
dispense générale, applicable à tout le secteur marchand. Ces dispenses
sont sans effet sur le salaire net: elles ne réduisent ni le précompte
imputable dans le chef du salarié ni son impôt à payer. Elles réduisent le
montant que l’employeur doit verser au Trésor et réduisent donc le coût
salarial, agissant en fait comme une subvention octroyée directement à
la source. Le fait générateur est donc absolument identique à celui des
prélèvements fiscaux et sociaux et il est fondé de déduire ces subventions
dans le calcul du taux d’imposition.
▸ Un autre cas provient des mesures d’activation et des titres-service.
Celles-ci prennent la forme d’une intervention des pouvoirs publics dans
le salaire brut de travailleurs appartenant à des groupes-cible. Ici aussi,
le fait générateur est le même que celui des prélèvements sociaux sur le
travail et la prise en compte de ces subventions dans le calcul du taux
d’imposition implicite est donc justifiée.
▸ Une troisième catégorie de subventions provient des réductions de
cotisations sociales dans le secteur non-marchand. Celles-ci ont égale-
ment le même fait générateur que les prélèvements fiscaux et sociaux et
doivent donc être déduites du numérateur du taux d’imposition impli-
cite.
1.4 Les bases
L’établissement des bases se fait selon deux principes directeurs.
▸ On recherchera un agrégat macro-économique proche de la notion
économique de « coût des facteurs de production », de « revenu » ou
de « consommation » et non l’agrégat le plus proche de la façon dont
la base imposable est de facto définie. L’idée sous-jacente au calcul des
taux d’imposition implicite n’est pas de copier un taux moyen d’imposi-
tion obtenu sur base de données fiscales mais d’obtenir indirectement un
indicateur économique de charge fiscale effective. Lorsqu’une partie du
revenu est exonérée, cela doit donc se traduire par un écart entre le taux
d’imposition implicite et le taux d’imposition nominal correspondant.
▸ Les dénominateurs sont exprimés en brut et comprennent donc les impôts
et cotisations sociales recensés au numérateur. Les bases correspondent
donc au coût du travail et au coût du capital et la consommation est aux
prix du marché. Les taux d’imposition implicite sont donc calculés « en
dedans ».
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12. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
1.4.1 Travail salarié
C’est la masse salariale qui constitue le dénominateur du taux d’imposition
implicite. Celle-ci comprend les salaires bruts et les cotisations patronales de
sécurité sociale.
Les cotisations fictives, également appelées « cotisations sociales imputées »,
sont comprises dans le dénominateur. Celles-ci représentent « la contrepartie
des prestations sociales fournies directement, c’est-à-dire en dehors de tout circuit de
cotisations, par les employeurs à leurs salariés, ex-salariés et autres ayants droit » (10).
Elles ne sont pas au numérateur du taux d’imposition implicite car il n’y a pas
de prélèvement obligatoire à charge du salarié. Elles doivent par contre être
intégrées au dénominateur vu qu’elles constituent un élément du coût salarial.
Toutes les cotisations sociales effectives sont reprises dans le dénominateur, quel
que soit le secteur bénéficiaire. Sont donc notamment comprises les cotisations
patronales aux plans d’assurance-groupe, qui sont considérées en comptabilité
nationale comme des cotisations sociales versées aux entreprises d’assurance.
Elles constituent un élément du coût salarial et il est donc logique de les prendre
en compte. Le concept de cotisation sociale sous-jacent à la détermination du
dénominateur est donc plus large que celui de « prélèvement obligatoire » qui
sert à calculer le numérateur: celui-ci ne reprend que les versements effectués
sans contrepartie directe aux administrations publiques.
Les subventions salariales sont déduites du dénominateur, vu qu’elles réduisent
le coût salarial pour l’employeur.
1.4.2 Revenus de l’activité indépendante
C’est le revenu mixte (11) qui constitue le dénominateur du taux d’imposition
implicite. Comme il s’agit d’un solde du compte d’exploitation, il est évalué
avant déduction des cotisations de sécurité sociale des travailleurs indépen-
dants mais après déduction de la consommation de capital fixe.
10 Cf. Eurostat (1995), pp. 90-91.
11 Le « revenu mixte » est le solde comptable du compte d’exploitation des ménages : il com-
prend tant la rémunération du travail effectué par le propriétaire d’une entreprise non
constituée en société (et qui n’est pas considérée comme une « quasi-société ») que la rému-
nération des capitaux apportés.
26
13. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
1.4.3 Capital
La base du taux d’imposition implicite est définie comme suit
[3]
Bk = [ENEsqs+RPRsqs–RPAsqs]+[ENEm+RPRm – RPAm + DVDapu + DVDrm]
où
ENEsqs = excédent net d’exploitation des sociétés et des quasi-sociétés
RPRsqs = revenus de la propriété reçus par les sociétés et les quasi-sociétés
(SQS). Ceux-ci comprennent les dividendes, les intérêts et les
loyers
RPAsqs = revenus de la propriété attribués par les SQS (dividendes,
intérêts et loyers)
ENEm = excédent net d’exploitation des ménages (correspond essentiel-
lement aux loyers imputés)
RPRm = revenus de la propriété reçus par les ménages, en ce compris les
« revenus de la propriété attribués aux assurés »
RPAm = revenus de la propriété attribués par les ménages (paiement
d’intérêts et de loyers)
DVDapu = dividendes reçus par les administrations publiques
DVDrm = dividendes reçus par le reste du monde
Cette base a deux grandes composantes: le revenu courant des « sociétés et
quasi-sociétés » (sqs) et les revenus de la propriété des ménages, qui corres-
pondent respectivement à la première et à la seconde partie entre crochets dans
le membre de droite de l’égalité [3].
La première partie du membre de droite correspond au concept de « revenu
courant » au sens de la comptabilité commerciale puisqu’il s’agit de la somme
du résultat d’exploitation (ene) et du résultat financier net. Il est consolidé des
flux entre sociétés.
Il ne correspond toutefois pas à la base macro-économique de l’impôt des
sociétés, du fait des différences entre la comptabilité nationale et la législation
fiscale pour le traitement des dividendes. Les bénéfices que les sqs situées en
Belgique distribuent sous forme de dividendes sont payés sur l’excédent net
d’exploitation et donc compris dans celui-ci. Si ces dividendes sont redistribués
dans une chaîne de sqs localisées en Belgique, ces opérations sont sans effet
27
14. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
sur « Bk » puisque ces dividendes sont déduits dans RPAsqs et réintégrés dans
RPRsqs. En déduisant l’ensemble des dividendes attribués dans RPAsqs, la formule
[3] déduit aussi, dans la première partie du membre de droite, les dividendes
que les sqs localisées en Belgique distribuent aux ménages et institutions sans
but lucratif au service des ménages, aux administrations publiques et au reste
du monde: c’est là la principale différence avec la base macro-économique de
l’impôt des sociétés dans son acceptation courante et, pour ce qui nous concerne,
avant l’entrée en vigueur de la déduction pour capital à risque.
La formule [3] réintègre cependant, dans la deuxième partie du membre de
droite, tout ce que ces autres agents ont perçu comme dividendes, que ce soit
de sqs belges ou de sqs étrangères.
Le concept de revenu du capital que donne la formule [3] est donc basé sur la
« résidence » et non sur la « source ». Ceci est conforme aux principes généraux
d’imposition des ménages, à savoir l’imposition des résidents sur le revenu
mondial.
Pour les revenus de la propriété des ménages, on retient le revenu financier
net. Ceci revient à considérer que les intérêts payés sont déductibles. C’est bien
le cas pour les intérêts hypothécaires et pour les intérêts des emprunts que les
travailleurs indépendants effectuent dans le cadre de leur activité profession-
nelle. Les autres charges d’intérêt ne sont par contre pas déductibles et les loyers
payés pour du logement privé ne le sont pas davantage. La définition de « Bk »
est donc de ce point de vue plus étroite que la notion du « revenu du capital »
dans un système de référence, où on taxe le revenu perçu et non le revenu net.
Le cadre conceptuel de la comptabilité nationale n’intègre pas les variations
du prix des actifs patrimoniaux dans le revenu du capital, sauf qu’elle intègre
indirectement la variation du cours des actions quand celle-ci reflète l’épargne
nette des entreprises, qui est elle enregistrée dans le compte de revenu des
sociétés et quasi-sociétés (sqs). Ceci créerait un biais si les plus-values étaient
imposables : on aurait alors au numérateur du taux d’imposition implicite un
impôt perçu sur une base qui n’est pas dans le dénominateur. Les plus-values
ne sont cependant pas imposables dans la plupart des cas, de sorte que ce biais
possible ne nous concerne que très marginalement.
28
15. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
1.4.4 Consommation
La base du taux d’imposition implicite correspond à la somme des éléments
suivants
▸ la consommation finale des ménages,
▸ la consommation finale des institutions sans but lucratif au service des
ménages,
▸ la consommation intermédiaire des administrations publiques,
▸ les investissements publics.
Il s’agit en fait de la dépense finale faite par les agents économiques qui ne sont
pas assujettis à la tva et qui ne peuvent donc pas déduire les taxes acquittées. Les
impôts repris au numérateur du taux d’imposition implicite de la consomma-
tion sont toutefois perçus dans certains cas sur la consommation intermédiaire
des entreprises et ces impôts ne peuvent être isolés. La méthode de détermina-
tion de la base du taux d’imposition implicite revient dès lors à considérer qu’ils
sont répercutés dans les prix.
1.4.5 Transferts sociaux
Les prestations sociales sont enregistrées en ressources dans le compte de
redistribution secondaire du revenu des ménages. La comptabilité nationale
distingue les prestations sociales selon qu’elles sont attribuées en espèces ou en
nature et ces deux catégories sont à prendre en compte.
Parmi les prestations en espèces, la comptabilité nationale distingue (a) les
prestations de sécurité sociale en espèces, (b) les prestations d’assurance sociale
de régimes privés, (c) les prestations d’assurance sociale payées directement
par les employeurs et (d) les prestations d’assistance sociale en espèces. La
rubrique (a) correspond aux transferts de sécurité sociale. La rubrique (b)
comprend notamment les pensions complémentaires octroyées dans le cadre
de l’assurance-groupe. La rubrique (c) correspond aux cotisations fictives et la
rubrique (d) au revenu d’intégration et à l’aide sociale.
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16. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
2 Principaux résultats
Le Tableau 1 et le Graphique 1 détaillent les principaux résultats.
La baisse de l’imposition du travail salarié, déjà entamée sur la période
2004-2006, se poursuit. Par rapport à 2000, le taux d’imposition hors subven-
tions salariales est en baisse de 2,1 points ce qui est considérable compte tenu
de l’importance des moyens budgétaires qui doivent être mis en œuvre pour
obtenir une telle baisse. Elle l’est d’autant plus que ce n’est pas la stabilité qui
est la trajectoire de référence: l’impôt des personnes physiques étant progressif,
le taux d’imposition implicite s’inscrit en hausse à politique inchangée et cet
effet est renforcé par les réductions structurelles de cotisations patronales et
personnelles de sécurité sociale qui rendent celles-ci progressives. Nous revien-
drons sur ce point dans l’analyse de l’imposition du travail salarié.
Tableau 1: Taux d’imposition implicité: principaux résultats
2000 2002 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Travail salarié, hors subventions
42,6% 42,2% 42,6% 42,4% 41,3% 41,3% 41,4% 40,5%
salariales
Travail salarié, avec subventions
42,4% 42,0% 42,3% 42,0% 40,6% 40,4% 40,3% 39,1%
salariales
Revenus de l’activité indépen-
29,4% 30,9% 31,0% 31,7% 30,6% 30,7% 33,3% 34,0%
dante
Capital 32,4% 33,0% 35,0% 34,9% 36,8% 34,6% 33,7% 31,5%
Consommation 17,8% 17,9% 18,5% 18,7% 18,8% 18,4% 17,7% 17,5%
Transferts sociaux 8,3% 8,2% 7,0% 7,0% 6,8% 7,0% 7,2% 6,5%
Taux de prélèvement obligatoire 44,3% 44,5% 44,2% 44,2% 43,8% 43,2% 43,7% 42,8%
Graphique 1: Taux d’imposition implicite
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Travail salarié , avec subventions salariales Revenus de l'activité indépendante
Capital Consommation
Transferts sociaux
30
17. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
La prise en compte des subventions salariales accentue logiquement la baisse
du taux d’imposition implicite, celles-ci s’inscrivant en hausse sur les dernières
années. Dans cette définition élargie, il revient en deçà de 40 % en 2009, soit
une baisse de 3,3 points sur la dernière décennie.
Le taux d’imposition implicite du capital s’inscrit en baisse à partir de l’année
2006: il perd près de cinq points sur les trois dernières années. Le retourne-
ment de tendance coïncide avec l’entrée en vigueur de la déduction pour capital
à risque – les intérêts notionnels - à l’impôt des sociétés. Nous examinerons
ci-après s’il y a dans cette coïncidence un lien de causalité. Le taux d’imposition
des revenus de l’activité indépendante est le seul à s’inscrire en hausse en fin de
période: il connaît notamment une progression assez surprenante de près de 3
points en 2008.
On note une légère baisse de l’imposition de la consommation (-1,3 point) sur
la période 2006-2009) et des transferts sociaux (0,7 point de baisse en 2009).
Les paragraphes suivants examinent ces évolutions de manière plus détaillée.
Nous nous concentrerons sur les trois rubriques principales que sont le travail
salarié, le capital et la consommation.
31
18. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
3 L’imposition des revenus du travail salarié
Comme indiqué ci-dessus, la baisse du taux d’imposition implicite du travail
salarié est un des faits marquants des années récentes. Cette section l’examine
en détail, en commençant par une décomposition du taux implicite, en vue de
repérer de qui, dans la baisse constatée au niveau global, vient de l’impôt sur le
revenu, des cotisations sociales et des subventions salariales. Avant d’examiner
en détail ces trois composantes, nous confrontons l’évolution enregistrée à ce
qu’aurait été une évolution à politique inchangée, de façon à mieux évaluer la
composante discrétionnaire.
Nous terminons cette section par une confrontation des évolutions enre-
gistrées par les indicateurs macro-économiques (les taux implicites) et
micro-économiques (l’imposition effective à différents niveaux de salaire). Cette
confrontation est importante car elle indique qu’un exercice de benchmarking
peut livrer des conclusions différentes selon l’indicateur retenu.
3.1 D’où vient la baisse du taux d’imposition implicite ?
Le Tableau 2 décompose l’imposition du travail salarié en cinq composantes:
impôt sur le revenu, cotisations sociales personnelles et patronales, cotisation
spéciale de sécurité sociale et subventions salariales et le Graphique 2 détaille
l’évolution des principales composantes depuis 1980.
Tableau 2: Décomposition de l’imposition du travail salarié
2000 2002 2006 2007 2008 2009
Taux d’imposition implicite 42,4% 42,0% 40,6% 40,4% 40,3% 39,1%
ipp sur les revenus salariaux 17,9% 17,5% 17,1% 16,9% 17,2% 16,2%
Cotisation spéciale de sécurité sociale 0,5% 0,5% 0,5% 0,6% 0,6% 0,6%
Cotisations personnelles de sécurité sociale 8,4% 8,3% 8,0% 8,2% 8,1% 8,1%
Cotisations patronales de sécurité sociale 16,1% 16,1% 16,1% 16,3% 16,3% 16,5%
Subventions salariales -0,4% -0,4% -1,2% -1,5% -1,9% -2,2%
Nous nous focaliserons ici sur les évolutions enregistrées au cours de la dernière
décennie. Sur le plan politique, celle-ci s’ouvre avec la réforme de l’ipp qui entre
en vigueur, par phase, sur les années 2002-2004 (12) mais dont les effets sont
décalés jusqu’en 2006: une part importante des mesures des phases 2003 et 2004
n’avaient en effet pas été intégrées dans le précompte professionnel et leurs
effets ont été reportés au moment de l’enrôlement. Ces années sont également
celles d’une amplification des réductions structurelles de cotisations sociales.
12 Pour une description de la réforme et de ses effets sur l’imposition des salaires, voir Valen-
duc (2003).
32
19. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
En fin de période, ce sont les dispenses de versement de précompte profession-
nel qui entrent en vigueur et qui s’amplifient.
Toutes ces mesures ont pour effet conjugué que le taux d’imposition implicite
baisse de 3,3 points sur la dernière décennie. La décomposition mathématique
du taux d’imposition implicite indique que la baisse provient essentiellement
de l’impôt des personnes physiques et des subventions salariales.
Graphique 2: Décomposition du taux d’imposition implicite du travail
20%
15%
10%
5%
0%
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
-5%
IPP sur les revenus salariaux Cotisation spéciale de sécurité sociale
Cotisations personnelles de sécurité sociale Cotisations patronales de sécurité sociale
Subventions salariales
3.2 Quelle aurait été l’évolution à politique inchangée ?
L’interprétation intuitive est de considérer qu’à politique inchangée, le taux
d’imposition implicite aurait été constant. Ceci n’est cependant pas correct.
Certes, les cotisations sociales sont, hors réductions – et donc hors composante
discrétionnaire – proportionnelles aux salaires. On peut donc supposer une
élasticité unitaire, sous une hypothèse additionnelle d’effets de composition
neutre (13), et corrélativement un taux implicite constant à politique inchangée.
L’impôt des personnes physiques est lui progressif. Nous avons donc une élas-
ticité supra-unitaire et, à politique inchangée, une hausse du taux implicite. Le
Graphique 3 compare l’évolution du taux implicite à ce qu’aurait été une évolu-
tion à politique inchangée.
13 Il existe différents régimes avec des taux de cotisation spécifiques, l’exception la plus
importante étant celle du personnel statutaire de la fonction publique. Les travailleurs
statutaires du secteur public ont un taux de cotisation inférieur à celui en vigueur dans le
secteur privé et pour les contractuels du secteur public. Une baisse de l’emploi statutaire
dans le secteur public induit donc, toute autre chose égale par ailleurs, une hausse du taux
implicite des cotisations patronales.
33
20. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
Estimation du taux d’imposition implicite des salaires à législation inchangée
La méthode d’estimation de l’imposition inchangée est différente selon qu’il
s’agit des cotisations sociales ou de l’impôt sur le revenu.
Pour l’impôt sur le revenu, on se base sur la méthode macro-économique
d’estimation des recettes de l’ipp qui est utilisée dans le cadre des travaux
budgétaires. L’indexation annuelle est toutefois considérée comme une
composante de la politique inchangée. Nous nous écartons ainsi de la pratique
budgétaire, où l’indexation est comprise dans les mesures discrétionnaires.
Nous nous basons donc sur l’équation qui estime la croissance des recettes
d’ipp sur base de deux variables: le taux d’inflation de l’année antérieure, avec
une élasticité fixée à 1, et la différence entre la croissance nominale de la base
macro-économique de l’année et l’inflation de l’année antérieure, avec une
élasticité estimée à 1,67 (14).
Comme nous ne disposons pas d’une élasticité estimée pour les cotisations
sociales, l’évolution à politique inchangée est estimée en réintégrant aux
cotisations effectives le montant des réductions octroyées (15).
La baisse de l’imposition implicite du travail salarié apparaît alors de manière
encore plus nette. Globalement, elle est de 5,7 points en fin de période: à poli-
tique inchangée, le taux d’imposition implicite aurait été de 44,8 % mais il est
de 39,1 %. De 1999 à 2005, les réductions de cotisations sociales et les mesures
de baisse de la fiscalité directe ont permis d’annuler la hausse qui aurait eu lieu
à politique inchangée: le taux d’imposition implicite reste en effet relativement
stable, aux alentours de 42 %, alors qu’il aurait progressé de 2,2 points à poli-
tique inchangée. A partir de 2005, la réforme de l’ipp et les subventions salariales
s’amplifient pour aboutir en fin de période à cet écart de 5 points par rapport
à l’estimation à politique inchangée. Pour l’ipp considéré isolément, l’écart est
d’environ 4 points de taux d’imposition implicite. (14)(15)
14 Il existe différents régimes avec des taux de cotisation spécifiques, l’exception la plus
importante étant celle du personnel statutaire de la fonction publique. Les travailleurs
statutaires du secteur public ont un taux de cotisation inférieur à celui en vigueur dans le
secteur privé et pour les contractuels du secteur public. Une baisse de l’emploi statutaire
dans le secteur public induit donc, toute autre chose égale par ailleurs, une hausse du taux
implicite des cotisations patronales.
15 Voir Lenoir et Valenduc (2006), pp. 122 et suivantes.
34
21. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
Graphique 3: imposition du travail salarié. Estimation à politique inchangée
50%
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Années
Taux implicite Dont IPP
Taux implicite, à politique inchangée Dont IPP, à politique inchangée
3.3 Evolution des principales composantes du taux
d’imposition implicite
3.3.1 La hausse des subventions salariales
La hausse des subventions salariales ressort très clairement du Graphique 4
qui compare les deux formulations du taux d’imposition implicite, avec et sans
prises en compte de ces subventions.
Graphique 4: Imposition implicite du travail salarié. Effet des subventions salariales
44%
43%
42%
Taux d'impostion implicite
41%
40%
39%
38%
37%
36%
35%
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
Années
Travail salarié , hors subventions salariales Travail salarié , avec subventions salariales
35
22. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
Les dispenses de versement de précompte professionnel en sont une des
composantes et celles-ci s’inscrivent en forte augmentation sur les cinq dernières
années. Lors de leur création, en 2004, ces dispenses de versement étaient
spécifiques aux chercheurs engagés par les universités ou aux chercheurs fnrs
et le montant total des dispenses ainsi octroyées n’excédait pas 25 millions €.
Trois ans plus tard, les subventions salariales correspondantes s’élèvent à 948
millions €, d’après les données collectées par l’administration fiscale dans les
déclarations de Pr.P, et elles ont encore doublé depuis lors, ainsi que l’indique
le Tableau 3.
Tableau 3: Détail des dispenses de versement
Millions € 2007 2008 2009
Montant total des dispenses 948,5 1.254,4 1.834,2
rd et innovation 171,3 244,6 451,6
Heures supplémentaires 73,8 83,2 86,9
aip 53,4 197,8 464,6
Travail équipe et de nuit 599,0 658,2 738,1
Marine marchande, dragage 50,9 36,5 51,0
Sportifs 0,0 34,1 41,9
Source: SPF Finances-AFER
Ces subventions salariales concernent aujourd’hui trois postes catégoriels (rd
et innovation, heures supplémentaires, travail en équipe et de nuit) et une
dispense générale, exprimée en % des salaires bruts, pour le secteur marchand
(aip).
Pour la rubrique « rd et innovation », la hausse provient à la fois d’une
augmentation du taux des dispenses et de la liste de bénéficiaires: au public cible
initial – les centres universitaires de recherche - sont d’abord venus s’ajouter les
chercheurs occupés par des institutions scientifiques agréées (1er juillet 2004),
les chercheurs occupés dans le cadre de partenariats entre entreprises et univer-
sités ou institutions scientifiques agréées. Est ensuite venue l’extension à tous
les chercheurs titulaires d’un doctorat et ensuite de master, avec chaque fois
une liste de diplômes. Les taux de la dispense ont été harmonisés vers le haut, à
65 % du Pr.P en juillet 2008 et à 75 % au 1er janvier 2009.
Pour le travail en équipe et de nuit, il y a eu hausse du taux de la dispense:
celui-ci est passé progressivement de 2,5 % du Pr.P déclaré lors de son introduc-
tion à 15,6 % au 1er juin 2009.
C’est également le cas pour la dispense aip : introduite au taux de 0,25 % des
salaires bruts par l’accord interprofessionnel 2007-2008, son taux a été porté à
0,75 % avec effet au 1er juin 2009 et à 1 % avec effet au 1er janvier 2010.
36
23. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
3.3.2 Les cotisations sociales
La décomposition du taux d’imposition implicite du travail salarié qui est faite
au Tableau 2 se fait en rapportant les différentes catégories à la masse salariale,
nette de subventions. La hausse constatée de ces dernières a pour conséquence
que si les cotisations sociales restent stables par rapport aux salaires bruts, leur
ratio au dénominateur du taux d’imposition implicite s’affichera en hausse.
Pour l’évolution des cotisations sociales au cours des dernières années, il faut
éliminer cet « effet de dénominateur » et les ré-exprimer en pourcentage de la
masse salariale.
La correction est faite au Tableau 4 et elle permet une lecture plus facile de
l’évolution du poids des cotisations sociales: les cotisations personnelles
s’affichent alors en légère baisse tandis que les cotisations patronales sont
pratiquement stables. Il s’agit là des cotisations nettes de réductions structurelles.
Ces réductions s’inscrivent en légère hausse sur la période 2004-2009.
Tableau 4: Cotisations sociales et réductions de cotisations en % de la masse salariale, hors sub-
ventions
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Cotisations personnelles 8,3% 8,1% 7,9% 8,0% 7,9% 7,9%
Cotisations patronales 16,1% 16,0% 15,9% 16,0% 16,0% 16,1%
Réductions de cotisations
Cotisations personnelles 0,1% 0,2% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4%
Cotisations patronales 2,5% 2,7% 2,7% 2,8% 2,7% 2,6%
3.3.3 L’impôt des personnes physiques
La réforme de l’impôt des personnes physiques, votée en 2001, a exercé l’essentiel
de ses effets sur la période 2004-2006. Elle avait été précédée par le démantè-
lement de la contribution complémentaire de crise. Sur la période 2000-2006,
la baisse de 1 point du taux d’imposition implicite est relativement modeste
en première apparence mais elle apparaît plus nettement quand l’évolution
du taux d’imposition implicite est mise en regard de l’évolution à politique
inchangée (voir ci-dessus au Graphique 3). Dans son rapport de 2007, le Conseil
supérieur des Finances, section « Fiscalité » estimait l’orientation discrétionnaire
à 1,6 point de taux implicite sur la période 2000-2006, sur base d’une méthode
similaire à celle utilisée ici (16).
En fin de période, on constate une hausse de la composante « ipp » du taux
d’imposition implicite en 2008 et une nette baisse en 2009: en une année, elle
baisse plus nettement que sur toute la période de mise en œuvre de la réforme
16 Voir Conseil supérieur desFinances (2007), pp. 23 et suivantes.
37
24. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
fiscale. Les variations du taux d’imposition implicite sur ces deux dernières
années s’expliquent par trois catégories de facteurs: les effets de l’indexation
annuelle, et plus particulièrement des fortes fluctuations de l’inflation, les
mesures discrétionnaires et les variations du rythme d’enrôlement.
▸ L’indexation annuelle est décalée d’un an alors que les salaires sont
adaptés dès le franchissement de l’indice-pivot (17). Ce décalage
temporel n’a guère d’effet important lorsque l’inflation varie peu d’une
année à l’autre mais les années 2008-2009 fournissent un remarquable
contre-exemple: l’inflation a atteint 4,5 points en 2008 et a été négative en
2009. Le barème de calcul du précompte professionnel a donc été adapté,
au 1er janvier 2009, à une inflation de 4,5 points ce qui pousse assurément
le taux d’imposition implicite à la baisse puisque les salaires n’ont que
très peu progressé en 2009.
▸ Parmi les mesures discrétionnaires, la plus importante est la réduction
d’impôt octroyée en région flamande: en 2009, celle-ci a été étendue à
tous les contribuables ayant un revenu professionnel, pour un coût
estimé à 350 millions €, soit 0,2 point de taux d’imposition implicite. Les
autres mesures ont un impact estimé à 0,15 point de taux d’imposition
implicite (18).
▸ L’enrôlement était en retard à l’automne 2008 et a été fortement accéléré
en 2009. L’effet de cette accélération peut être à 2 milliards € en termes
sec, au niveau de l’ensemble des pouvoirs publics (19), soit environ 1,1
point de taux implicite.
Les effets des variations de l’indexation et l’accélération de l’enrôlement ne sont
pas récurrents. De plus, les mesures discrétionnaires comprennent également
une composante non récurrente: la « Vlaamse korting » a été réduite en 2010 et
supprimée en 2011.
3.4 Confrontation des indicateurs macro et
micro-économiques
L’ocde publie annuellement une comparaison de l’imposition des salaires dans
ses pays membres (20) et l’Union européenne utilise les mêmes indicateurs dans
différents exercices de benchmarking.
17 Sauf dans le cas des accords « all-in », dont la plupart reportent l’indexation au 1er janvier
de l’année suivante.
18 Il s’agit de la hausse des frais professionnels et de l’élargissement des formes de rémuné-
ration fiscalement intéressantes (bonus salarial, éco-chèques) décidées dans le cadre des
accords interprofessionnels.
19 L’effet était plus net, en termes négatifs pour l’ipp fédéral, mais l’accélération de l’enrôle-
ment a accru la part des additionnels communaux enrôlés en 2009.
20 Voir oecd (2011) pour la dernière édition.
38
25. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
Les indicateurs utilisés par l’ocde sont des indicateurs micro-économiques
d’imposition effective et ils diffèrent donc sensiblement du taux d’imposition
implicite du travail salarié. Ils sont calculés en appliquant les règles de base de
l’imposition des salaires, à savoir pour ce qui concerne la Belgique:
▸ du point de vue fiscal, les charges professionnelles forfaitaires, le barème
de l’impôt, les quotités exonérées et les additionnels communaux (21),
▸ pour les cotisations sociales, les barèmes de base et les réductions qui ne
dépendent pas des caractéristiques du travailleur. Ne sont donc prises en
compte que les réductions structurelles.
Ces indicateurs sont calculés pour différentes situations familiales et pour
différents niveaux de salaire et nous n’en reprendront ici que les taux d’imposi-
tion effectifs du salarié isolé, au salaire moyen et à 67 % de ce salaire moyen, ce
qui correspond aux « bas salaires » dans l’approche ocde.
Avant de comparer les résultats que livrent ces deux catégories d’indicateurs, il
est utile de lister les principales différences
▸ L’approche de l’ocde se base sur des cas-type et le niveau de salaire
moyen est calculé pour l’industrie et les services marchands. Le taux
d’imposition implicite est lui calculé sur l’ensemble de la masse salariale.
▸ Ni les réductions de cotisations sociales hors réductions structurelles, ni
les subventions salariales ne sont prises en compte dans les taux effectifs
calculés par l’ocde.
▸ Aucune déduction fiscale autre que les charges professionnelles n’est
prise en compte. L’indicateur n’intègre donc pas le fait que les salariés
paient moins d’impôt quand ils recourent aux déductions fiscales, ce que
fait le taux d’imposition implicite.
▸ L’indicateur de l’ocde est purement en « fait générateur ». Le taux effectif
d’une année donnée tient compte des règles applicables pour cette année.
Par contre, le taux d’imposition implicite enregistre l’impôt quand il est
établi. Le timing de l’enrôlement est donc sans effet sur le taux d’impo-
sition effectif calculé par l’ocde, alors qu’il influence l’évolution du taux
d’imposition implicite.
Le Graphique 5 compare les résultats livrés par ces deux catégories d’indica-
teurs sur la période 2000-2009. La conclusion est relativement claire: le taux
d’imposition effectif sous-estime la baisse de l’imposition des salariés.
21 Sur base de leur taux moyen. Le « jobkorting » de la région flamande n’est pas pris en
compte, vu qu’il s’agit d’une mesure régionale.
39
26. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
C’est particulièrement net pour le taux effectif calculé au salaire moyen, il est
pratiquement constant sur la période suivant la réforme de l’ipp – les années
2005 et suivantes – alors que le taux d’imposition implicite s’inscrit en baisse. A
ce niveau de salaire, la composante « bas salaires » des réductions structurelles
de cotisations sociales est sans effet et, comme indiqué ci-dessus, les subven-
tions salariales ne sont pas prises en compte.
Le taux effectif calculé à 67 % du salaire moyen affiche également une évolution
très différente du taux d’imposition implicite. Il est d’abord en légère hausse de
2004 à 2008 puis baisse en 2009. La hausse s’explique par l’absence d’indexation
annuelle des bornes des réductions structurelles «bas salaires ».
Graphique 5: Imposition du travail salarié. Comparaison des indicateurs macro et micro-écono-
miques
60%
55%
50%
Taux d'imposiiton
45%
40%
35%
30%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Années
Taux effectif micro, salaire moyen, isolé Taux effectif micro, 67% salaire moyen, isolé
Taux implicite, avec subventions salariales Taux implicite, hors subventions salariales
Cet exercice de comparaison montre donc toute l’importance qu’a, dans un
exercice de benchamrking, le choix des indicateurs.
3.5 En résumé
Sur la dernière décennie, le taux d’imposition implicite du travail salarié baisse
de 3,3 points mais sa réduction est plus nette lorsqu’elle est mise en regard d’une
estimation à politique inchangée: elle serait alors de 5,7 points. Compte tenu de
l’importance de la base taxable, il s’agit là d’un effort budgétaire considérable.
Celui-ci a pris des formes différentes au cours de la dernière décennie. Pour la
première moitié de la décennie, il s’agit de la réforme de l’ipp, en ce compris le
40
27. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
démantèlement de la contribution complémentaire de crise, et de l’amplification
des réductions de cotisations sociales. Pendant la deuxième moitié de la décen-
nie, la hausse des subventions salariales – notamment sous forme de dispense
de versement de précompte professionnel – prend le relais et devient une des
composantes essentielles de l’effort de baisse de la pression fiscale sur le travail.
Pour les dernières années, la baisse de l’ipp sur les revenus salariaux s’explique
très largement par des effets de calendrier ou des mesures temporaires: pour
cette part, elle n’est donc pas structurelle. Les indicateurs micro-économiques
– qui modélisent les prélèvements fiscaux et sociaux à différents niveaux de
salaire – n’enregistrent que très partiellement, voire pas du tout, ces évolutions:
ils sont « aveugles » à l’égard de certaines orientations politiques, dont princi-
palement l’amplification des subventions salariales.
41
28. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
4 Les autres catégories de revenu
4.1 Les revenus de l’activité indépendante
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’imposition des revenus de l’activité
indépendante s’inscrit en hausse en fin de période, ce qui contraste singulière-
ment avec la tendance affichée par l’imposition des revenus du travail salarié.
Certains des facteurs qui expliquent la baisse de l’imposition des revenus
salariaux ne sont pas applicables aux revenus de l’activité indépendante:
c’est notamment le cas des subventions salariales et des baisses de cotisa-
tions sociales. Par contre, la plupart des facteurs qui expliquent la baisse de
la composante « impôt sur le revenu » de l’imposition des salaires sont appli-
cables à l’imposition des revenus de l’activité indépendante: l’indexation des
barèmes est d’application générale, l’accélération de l’enrôlement concerne
tous les contribuables et la réduction d’impôt octroyée en région flamande
s’appliquait à tous les revenus d’activité professionnelle. On retrouve d’ailleurs,
comme pour les salaires, une hausse de la composante « ipp » du taux d’impo-
sition implicite en 2008 et une baisse en 2009.
La décomposition qui est faite au Tableau 5 indique également que la compo-
sante « cotisations sociales » s’inscrit en hausse sur les dernières années.
Tableau 5: Impositions des revenus de l’activité indépendante
2000 2002 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Impôt sur le revenu 19,2% 19,7% 19,8% 20,4% 19,3% 19,2% 20,1% 19,7%
Cotisations sociales 10,2% 11,2% 11,2% 11,3% 11,3% 11,5% 13,2% 14,3%
Taux d’imposition impli- 29,4% 30,9% 31,0% 31,7% 30,6% 30,7% 33,3% 34,0%
cite
Taux de croissance
Impôt sur le revenu 6,1% 3,9% 0,9% 1,5% 4,3% -4,7%
Cotisations sociales 4,5% 2,7% 5,8% 4,2% 14,0% 5,5%
Dénominateur 4,1% 1,1% 6,4% 2,3% -0,4% -2,9%
Idem, t-3 3,3% -4,4% 2,9% 4,1% 1,1% 6,4%
La tendance à la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus de l’activité
indépendante est plus difficile à expliquer et ce d’autant plus que le barème
régressif des cotisations sociales se traduit par une élasticité infra-unitaire. Or,
les cotisations croissent plus vite que le revenu mixte, ce qui est contre-intuitif.
42
29. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
Ceci reste vérifié même en tenant compte du décalage maximal de trois ans
entre l’obtention des revenus et la perception des cotisations (22).
Il y a certes eu une hausse du taux de la première tranche du barème des cotisa-
tions sociales en 2008 et cela contribue à expliquer la forte croissance enregistrée
cette année. De plus, l’adaptation annuelle des tranches est allée au-delà de
l’inflation: il reste une progression en termes réels, ainsi que l’indique la partie
inférieure du Tableau 6. Le barème étant régressif, ceci a pour conséquence
d’accroître l’élasticité des cotisations à leur base. La composante discrétionnaire
pousse donc le taux d’imposition implicite à la hausse mais cela ne semble pas
suffisant pour expliquer l’évolution constatée.
Tableau 6: Evolution du barème des cotisations sociales des indépendants 2004-2009
1ère tranche 2ème tranche
Années Plafond
Taux Minimum Maximum Taux Minimum Maximum
2004 19,65 9.068 44.289 14,16 44.289 65.273 11.674
2005 19,65 9.350 45.665 14,16 45.665 67.301 12.037
2006 19,65 9.665 47.203 14,16 47.203 69.568 12.442
2007 19,65 9.793 47.830 14,16 47.830 70.492 12.608
2008 22 11.420 49.315 14,16 49.315 72.675 14.157
2009 22 11.824 51.060 14,16 51.060 75.246 14.658
Tranches et plafond déflatés par l’indice des prix
2004 19,65 9.068 44.289 14,16 44.289 65.273 11.674
2005 19,65 9.096 44.425 14,16 44.425 65.474 11.710
2006 19,65 9.237 45.114 14,16 45.114 66.490 11.892
2007 19,65 9.193 44.898 14,16 44.898 66.171 11.835
2008 22 10.259 44.300 14,16 44.300 65.285 12.717
2009 22 10.400 44.912 14,16 44.912 66.185 12.893
Source: INASTI-OECD Tax database
Plus globalement, les évolutions divergentes du dénominateur et du numérateur
du taux d’imposition implicite posent assurément question. Il n’est pas exclu
qu’il y ait un problème de mesure du revenu mixte et plus particulièrement au
niveau de son redressement pour la prise en compte de la partie non déclarée.
22 A l’inverse des cotisations salariales, les cotisations sociales des indépendants ne sont pas
perçues intégralement dans l’année de formation des revenus: des acomptes sont dus et la
régularisation se fait suite à l’enrôlement de l’impôt des personnes physiques (donc avec
un retard de deux à trois ans) puisque c’est alors que les bases de calcul définitives sont
notifiées à l’inasti.
43
30. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
4.2 Les transferts sociaux
Le Tableau 7 décompose l’imposition des transferts sociaux en faisant apparaître
distinctement l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales.
Tableau 7: Impositions des transferts sociaux
2000 2002 2004 2005 2006 2007 2008 2009
Impôt sur le revenu 6,9% 6,8% 5,6% 5,6% 5,4% 5,6% 5,8% 5,1%
Cotisations sociales 1,4% 1,4% 1,4% 1,4% 1,4% 1,4% 1,4% 1,4%
Taux d’imposition implicite 8,3% 8,2% 7,0% 7,0% 6,9% 6,9% 7,2% 6,5%
Pour la composante « impôt sur le revenu », on note également une hausse
en 2008 et une baisse en 2009, comme c’était déjà le cas pour l’imposition des
salaires et celle des revenus de l’activité indépendante. On remarquera aussi
l’effet de la réforme fiscale sur la période 2004-2006: une des mesures de cette
réforme – l’individualisation des réductions d’impôt – était ciblée sur les alloca-
taires sociaux et a sorti l’essentiel de ses effets en 2006.
44
31. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
5 L’imposition du capital
L’imposition du capital s’inscrit en baisse sur les dernières années. Après avoir
culminé à 36,8 % en 2006, le taux d’imposition implicite descend graduellement
pour atteindre 31,5 % en 2009.
L’interprétation de cet indicateur est assez délicate: il agrège en effet des taxes
qui, tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue économique, sont as-
sez différentes. Certaines d’entre elles portent sur les revenus du capital, d’autres
sur la détention ou sur la transmission. D’un point de vue plus économique, on
notera que l’indicateur agrège également l’impôt sur les bénéfices des sociétés et
l’imposition de l’épargne et du patrimoine.
L’interprétation est également rendue délicate par l’effet des cycles économiques
sur la mesure de l’imposition des bénéfices des sociétés: les pertes sont enre-
gistrées dans le dénominateur quand elles se produisent mais elles n’affectent
l’impôt – et donc le numérateur, que quand elles sont récupérées en sortie de
cycle. Il se peut donc, dans le cas d’une récession particulièrement sévère, que le
taux implicite monte du fait d’une contraction du dénominateur et qu’il diminue
en période de reprise: la hausse des bénéfices accroît alors davantage le dénomi-
nateur que le numérateur du fait de la récupération des pertes.
Nous examinerons successivement l’imposition des sociétés et l’imposition des
revenus de l’épargne et du patrimoine, à partir d’une décomposition appropriée
du taux d’imposition implicite. A l’inverse de ce qui vient d’être fait pour l’impo-
sition du travail, la décomposition ne donne pas des indicateurs qui peuvent être
agrégés. Ils n’ont en effet pas la même base: l’imposition des sociétés est mesurée
en rapportant les impôts qu’elles acquittent à la base macro-économique de l’im-
pôt des sociétés tandis que l’imposition de l’épargne et du patrimoine est rap-
portée à la mesure des revenus de la propriété en comptabilité nationale (23).
5.1 Imposition des sociétés
Le taux implicite des sociétés a pour dénominateur la base macro-économique
de l’impôt des sociétés. Celle-ci est définie à partir de l’excédent d’exploitation,
en ajoutant les revenus de la propriété exprimés en nets mais en corrigeant pour
les modalités d’imposition des dividendes. Pour ceux-ci, le système d’exemption
est appliqué pour les flux entre sociétés (24): ce sont les dividendes distribués qui
23 Les dividendes distribués aux particuliers résidents par les sociétés actives en Belgique
sont comptés dans chacune des bases: ils sont en effet imposés tant à l’impôt des sociétés
qu’à l’impôt sur le revenu.
24 C’est le principe de la « Déduction pour Revenus Définitivement Taxés »: un dividende
est taxé dans le chef de la filiale et est exempté à concurrence de 95 % dans le chef de la
maison-mère, pour autant que les conditions détaillées dans la législation fiscale (article
203 du Code des Impôts sur les Revenus) soient remplies.
45
32. Bulletin de Documentation 71ème année, n° 3, 3éme trimestre 2011
sont taxables tandis que les dividendes reçus par les sqs sont exemptés (25). Pour
les autres revenus de la propriété des sqs, c’est la règle normale qui prévaut: ce
qui est reçu est taxable, ce qui est attribué est déductible. On a donc, en repre-
nant la notation de la formule [3]
[4]
BMEsqs = ENEsqs+(RPRsq-DRsqs)-(RPAsqs-DAsqs)
où
ENEsqs = excédent net d’exploitation des sociétés et des quasi-sociétés,
RPRsqs = revenus de la propriété (dividendes, intérêts et loyers) reçus par
les sociétés et les quasi-sociétés (SQS),
DRsqs = dividendes reçus par les SQS,
RPAsqs = revenus de la propriété attribués par les SQS,
DAsqs = dividendes attribués par les SQS.
Dans sa version la plus stricte, le numérateur se limite à l’impôt des sociétés.
Dans la version élargie, nous prenons également en compte les impôts sur la
production. Le Tableau 8 et le Graphique 6 retracent l’évolution de ces indica-
teurs. Signalons qu’il y a une rupture de série en 1995, du fait d’une modification
du traitement des sifim (Services d’intermédiation financière indirectement
mesurés). L’effet de changement méthodologique est pratiquement neutre sur la
base « capital » mais il ne l’est pas du tout sur la base « sociétés ».
Graphique 6: Imposition implicite des sociétés
50%
45%
40%
35%
Imposition des sociétés
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
I.Soc idem, + impôts sur la production
25 Les bénéfices réinvestis d’investissement direct étranger sont traités de la même manière
que les dividendes.
46
33. Imposition des revenus du travail, du capital et de la consommation: évolutions récentes
Tableau 8: L’imposition des sociétés
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Impôt des sociétés 27,3% 28,2% 35,5% 31,5% 26,8% 21,3%
+ Impôts sur la production 36,2% 37,0% 44,8% 39,5% 34,5% 29,9%
Impôt des sociétés, % PIB 3,1% 3,2% 3,6% 3,5% 3,4% 2,5%
Source: ICN-calculs propres
Après une hausse quasi-continue pendant les années 90 (26), le taux implicite
de l’impôt des sociétés diminue pendant la récession des années 2002-2003
pour se stabiliser ensuite. Il semble donc que la réforme de l’impôt des sociétés
de 2002-2003 n’ait pas eu d’effet majeur, ce qui serait en conformité avec son
orientation de neutralité budgétaire. Il monte ensuite assez nettement en 2006
et entre ce sommet et l’année 2009, le taux d’imposition implicite de l’impôt des
sociétés perd près de 14 points: il est réduit de plus d’un tiers. Cette baisse ne
peut être imputée uniquement à la crise économique récente puisqu’elle lui est
antérieure. Le ratio des recettes d’impôt des sociétés au pib est lui plus stable:
il ne chute de manière significative qu’en 2009, du fait de la crise économique.
Les autres impôts sur la production ont un poids significatif mais relativement
stable. Ils majorent le taux d’imposition implicite de 6 à 7 points sur la période
d’observation retenue.
La baisse de l’imposition effective des sociétés se produit après l’entrée en
vigueur de la déduction pour capital à risque alors que, lors de l’année de mise
en œuvre de cette réforme (2006), il y a une hausse de l’imposition effective et
des recettes d’ISoc exprimées en % de pib. A partir de 2007, la baisse de l’impo-
sition effective est nette mais elle ne se traduit que très partiellement par une
baisse des recettes d’impôt des sociétés exprimées en % du pib, ce qui laisse
supposer que le ratio de la base macro-économique au pib a alors augmenté
avant de chuter du fait de la récession.
Pour rechercher les facteurs explicatifs de l’évolution des recettes d’impôt des
sociétés, nous pouvons décomposer comme suit le taux d’imposition implicite
[5a]
IScn IScn ISfisc Bfisc
= x x
BME ISfisc Bfisc BME
Où
ISfisc = produit de l’impôt des sociétés dû sur les bénéfices de l’année
26 Pour une analyse de cette période, voir Valenduc (1999) et Conseil supérieur des Finances
(2001).
47