Petit-déjeuner / débat "La valeur économique de l'eau", qui s’est déroulé le mardi 20 novembre 2012 de 9h à 11h, en direct de l'agence de l'eau Adour-Garonne à Toulouse.
Accès à la vidéo intégrale, interviews des intervenants et présentations sur www.petitsdejeuners.arpe-mip.com
Stéphane ROBICHON, économiste de lenvironnement à l'agence de l'eau Adour-Garonne
1. Valorisation des services
rendus par les milieux
aquatiques
Quelle utilisation pour les
gestionnaires de l’eau ?
Petit déjeuner de l’ARPE
20/11/2012
2. 1- le rôle de la valorisation des services rendus
par les milieux aquatiques pour les
gestionnaires de l’eau
2- les méthodes d’évaluation utilisées
3- exemple avec les zones humides de l’Agout
3. 1- le rôle de la valorisation des services
rendus par les milieux aquatiques
Un appui pour la mise en œuvre de la Directive Cadre
sur l’Eau :
Atteinte du bon état écologique / prise en compte des
fonctionnalités des milieux aquatiques dans le SDAGE
meilleur fonctionnement des milieux aquatiques = mise en
œuvre d’actions nouvelles
Valorisation services rendus : construction d’argumentaires pour
justifier actions imposées par la DCE
Le développement d’une gestion plus durable des
milieux aquatiques
Contexte financier difficile recherche de plus d’efficacité
Prise en compte des services rendus = des dépenses en moins
pour les générations futures
LOGIQUE de gestion préventive, de réduction des risques
4. 2- les méthodes d’évaluation utilisées
Des études conduites à différentes échelles :
• Approche macro : type MEA / TEEB = compilation
de valeurs de différents services écologiques
• Approche micro sur des sites précis.
Méthodes basées sur des coûts observables : coûts évités,
coûts de remplacement, coûts des dommages, coûts de
protection, coûts d’opportunité…
Méthode des préférences déclarées ( consentement à
payer) / des préférences révélées ( ex : méthode des coûts
de transport )
Méthode des transferts de valeur
7. 3- exemple avec les zones humides de
l’Agout
7/
Comment une – Quelles sont les retombées positives de
activité la préservation de l’ensemble
agricole
extensive, qui prairies+zones humides tourbeuses
valorise les pour les usages du bassin versant
zones
humides, – En opposant deux hypothèses ou
maintient ou
favorise une scénarios :
série de Élevage extensif viande valorisant les zones
services
rendus de
humides
toutes natures Autres occupations du sol avec intrants et
sur un bassin sans valorisation des zones humides
versant
8. La fonction tampon
•Tourbières : statut peu valorisé
•Exploitations agricoles bovin viande
naisseur. Pas d’intrant, valorisation de
l’herbe, y compris tourbières
9. Stockage de
crues :
270 k€/ an
Économies en
traitement : 75
k€/an
Étiages soutenus :
100 à 780 k€/an
10. Évaluation non marchande de la biodiversité : 1 à 2
M€ / an
Valeur du
stock de
carbone
sur le
marché :
70 à 90
M€ !
11. Économies en fourrage : 400 – 700 €/ha,
1,15 à 1,8 M€ sur le bassin
Production d’eau en bouteilles :
CA de 16,5 M€/ an
12. Récapitulatif des retombées
des tourbières
€ Par ha de € Sur les surfaces de
Montants par an tourbe tourbe du bassin
Soutien des étiages 40 à 300 430 000 €/an
Réduction des inondations 100 270 000 €/an
économies
en traitement de l'eau potable 50 75 000 €/an
Biodiversité non marchand 575 1 000 000 €/an
économies en fourrage 430 1 160 000 €/an
Re ve nu d e l’é le v a g e 8 00 à 900 2 3 40 0 0 0 €/a n
5
Production d'eaux en bouteilles 981 16 000 000 €/an
13. Quelques pistes de progrès
Important de progresser sur :
- Quels bénéfices mettre en face des objectifs
environnementaux coûteux ?
- Quel serait le coût de l’inaction ?
-meilleure connaissance des processus
biophysiques
- compromis entre robustesse des évaluations
et acceptabilité
- introduire du qualitatif, des images
Hinweis der Redaktion
Pour le grand public, ce qu’inspire un tel paysage, outre l’aspect champêtre, c’est l’idée d’une zone marécageuse, sans grand intérêt. Or si on s’attarde un peu sur ce milieu, on va se rendre compte qu‘il assure plusieurs fonctions. Le principe de la valorisation des services rendus par les milieux naturels est de décomposer ces différentes fonctions, de voir les services qu‘elles rendent aux populations à proximité.
Pour le grand public, ce qu’inspire un tel paysage, outre l’aspect champêtre, c’est l’idée d’une zone marécageuse, sans grand intérêt. Or si on s’attarde un peu sur ce milieu, on va se rendre compte qu‘il assure plusieurs fonctions. Le principe de la valorisation des services rendus par les milieux naturels est de décomposer ces différentes fonctions, de voir les services qu‘elles rendent aux populations à proximité.
Sur les têtes de bassin du Tarn, on trouve des zones humides tourbeuses (environ 0,6 % de la surface totale d’un BV comme celui de l’Agout). Les tourbières d’altitude sont souvent considérées comme des réservoirs de biodiversité floristique. Mais elles sont rarement identifiées comme stratégiques pour la gestion des ressources en eau : on les pense peu « connectées » aux grands aquifères et aux grands cours d’eau, donc par nature peu propices à de nombreux et importants usages de l’eau : inondations, eau potable, étiage, etc. Pourtant, on va montrer ici les liens nombreux, et économiquement importants, qu’il peut y avoir entre un type d’exploitation agricole, qui valorise les zones humides tourbeuses, et les usages présents sur le bassin versant Prenons une exploitation agricole type des adhérents du réseau Sagne, de 50 à 90 ha Exploitation de type élevage viande naissage (élevage des veaux jusqu’à … mois puis vente pour terminer croissance et prise de poids à un « engraisseur »). Majoritairement filière vente à l’Italie pour engraissage, ou (minoritaire mais en croissance) filière courte (vente directe au consommateur)
La 1ere caractéristique des zh de type tourbière, c’est la fonction « tampon », autrement dit d’étalage, dans le temps, des débits. Comparaison de principe: après pluie, sans fonction tampon, plus d’eau tout de suite, donc plus haut et inondations, et moins d’eau ensuite, donc moins d’eau à l’étiage D’où d’autres effets : infiltration plus lente et nappes, etc. Évaluation soutien étiage En année sèche (1 sur 5 en moyenne observée), les tourbes retiennent et libèrent progressivement l’eau qui est tombée. Cette fonctionnalité n’est pas rendue par une terre drainée, qui a une nappe plus basse, et qui ressuie plus vite (ne stocke pas) En revanche, le soutien d’étiage par la tourbe se manifeste d’autant mieux lorsque la sécheresse est sous forme de précipitations trop peu abondantes, mais pas trop espacées (15 j à 3 semaines). Dans ce cas, chaque pluie est stockée et relarguée. Alors que s’il ne pleut pas du tout pendant un mois ou plus, le stockage n’est plus sensible. Jacques Thomas a mesuré le battement de la nappe dans ces configurations : 50 cm. La tourbe « stocke » l’eau sur 50 cm de profondeur, et la relargue progressivement. Du coup, lorsqu’on observe plusieurs épisodes de remplissage/vidange de cette capacité de stockage, on arrive potentiellement à plusieurs m3 par m2. On retient 500 l à 1 000 l/m2 Soit 5 000 à 10 000 m3/ha, pour les années où le soutien d’étiage se manifeste. Soit environ 1 an sur 5 en moyenne Or, à ces moments, les volumes d’eau « déficitaires » du bassin sont recherchés via des solutions palliatives.
Selon hypothèse de valorisation du m3 stocké et de volume stocké, : 80 à 250 €/ha/an (4 c à 20 c/m3, basé sur coût stockage ou coût vente par EDF) A l’échelle des tourbes de l’exploitation : (14 ha) : 3 500 € / 1 120 € par an et par exploitation en moyenne A l’échelle de l’ensemble des tourbes du bv de l’Agout : 100 à 780 k€/an en moyenne valeur moyenne = 400 000 euros par an 2. Inondations La vallée concernée par le BV de l’Agout connaît des épisodes de crues torrentielles, qui ont fait par exemple 2 morts en 1999. A Castres, plus en aval, des maisons sont régulièrement inondées. Plus globalement, on a des crues débordantes une année sur 5. Or, durant les saisons d’inondation (automne, hiver, printemps), la tourbe stocke et relargue les pluies (là aussi, cela fonctionne avec des pluies espacées, et moins pour un épisode unique de très grosse pluie). Le volume stocké et conservé chaque année est de 500 l/m2. La somme des volumes stockés puis relargués progressivement représente 800 litres par m2 sur la saison, soit 1 300 l/m2, 13 000 m3/ha et par an. On fait l’hypothèse que si ce service rendu venait à disparaitre, on le remplacerait par des ouvrages de stockage pour une capacité équivalente. Soit, pour chaque exploitation moyenne, avec ses 14 ha, l ’année de la crue, un service qui se monte à plus de 7 000 € par exploitation (un an sur 5) Résultat : 100 à 260 €/ha de tourbe et par an en moyenne. 1 500 à 3 500 / exploitation et par an. Pour le bassin de l’Agout, 270 k€/an en moyenne. 3. Protection de l’eau potable Le mode d’exploitation et d’usage du sol évite une pollution des nappes, en nitrates comme en pesticides. La pop du bassin consomme environ 10 Mm3. Au coût moyen constaté dans les petites unités de traitement, on peut supposer que les coûts évités en traitement représentent 3 M€/an, soit pour chaque ha d’infiltration du bassin, 48 ha/an, soit pour la surface d’infiltration sans engrais, pesticides, … 75 k€ /an
La préservation d’un patrimoine naturel précieux possède une valeur en soi pour la plupart des gens. On peut approcher cette valeur par la méthode du « consentement à payer » : sorte de sondage pour définir la valeur attribuée par les habitants. Une telle évaluation a été faite pour les populations proches des rives de la Garonne, sur le bassin amont. On peut, faute de mieux, attribuer par hypothèse une valeur proche de celle-ci aux habitants du bassin versant de l’Agout. Par précaution, compte tenu du caractère peu apparent des zones tourbeuses pour la population, on prendra les valeurs basses. On suppose alors qu’en moyenne, un habitant attribue au moins 4,5 € / an à la préservation de la biodiversité et des milieux aquatiques à moins de 15 km de chez lui. Dans cette hypothèse, la valeur sur le bassin versant de l’Agout représente de 1 à 2 M.EUR par an. Soit, par hectare de Sagne, environ 380 €/an. Ou, par exploitation, un peu plus de 5 000 €/an. 2 Stock de carbone La Tourbe est fortement carbonée, plus que d’autres sols. Sur 50 cm de profondeur, qui est celle qui serait détruite sinon par drainage, elle contient 375 tonnes de carbone. On peut approcher la valeur de ce carbone par ce que cela coûterait de le remplacer en achetant des quotas sur le marché du CO2. Une tonne de CO2 contient 0.27 t de C Donc une tonne de Carbone = 3,7 tonnes de CO2 Or une tonne de CO2 se négocie actuellement entre 20 et 25 € sur les marchés (référence Caisse des Dépôts et Consignations) Donc le stock de carbone contenu dans un ha de tourbe a une valeur sur le marché international de 27 à 34 000 €. Soit 400 000 à 480 000 €/exploitation moyenne, et 70 à 90 M€ sur le BV de l’Agout Par nature, la tourbe stocke très lentement le carbone. Sa valeur en carbone est forte en tant que stock, donc la destruction de valeur est forte quand elle est détruite (le carbone est relargué par le drainage) En revanche, sa fonction de stockage est donc faible, puisqu’elle met 5 000 ans à constituer ce stock. Cela dit, c’est déjà l’équivalent d’une accumulation de 80 à 90 €/an pour chaque exploitation, et environ 15 000 € pour le BV … = Valeur de type patrimoine et stock, et non revenu et flux.
Le revenu moyen total par hectare d’une exploitation viande extensive typique d’un adhérent du réseau est d’environ 800 à 900 €/ha (calculé sur la base d’un exemple). Ce revenu n’est pas associé spécifiquement à la zone humide, car les exploitations ont besoin de parcelles humides et sèches. En revanche, les sones humides ont la capacité de fournir du fourrage durant les périodes sèches, à un moment où le fourrage est le plus utile et cher. Sur la base de la valorisation par vente ou achat du fourrage, l’apport des Sagnes, hors des années humides (donc 3 ans sur 5) est de 1,2 tonne par jour économisée, soit environ 10 800 € d’économies par an en moyenne (y compris années sèches) par exploitation. Soit 600 à 700 €/ha de Sagne d’économies, donc de bénéfice brut. 2. Production d’eaux en bouteilles Une captation, mise en bouteilles, distribution… d’eau de source est alimentée par une partie du bassin versant de l’Agout. Cette activité économique exploite la ressource renouvelable qu’est l’eau, sous condition qu’elle soit potable sans traitement. Cela signifie qu’elle dépend d’une activité sans intrants sur son BV. Le BV des sources est estimé (JT) à 2 700 ha, dont 137 ha de zones humides (5,25 % du BV, et par ailleurs 5 % des ZH du bassin de l’Agout). Le chiffre d’affaires de l’activité (données du greffe) est de 16,5 M€/an, et environ 30 salariés. Rapporté à l’hectare de BV, cela représente un peu moins de 6 000 € /an (et 1 emploi pour 100 ha). Les tourbes sont particulièrement favorables à cet usage et cette activité, car particulièrement propices à l’infiltration (mieux encore que les forêts, qui sont les autres occupations du sol du BV). On ne compte pas un supplément de service rendu pour les tourbes, mais on peut facilement leur attribuer la valeur moyenne : comme d’autres usages, les Sagnes contribuent, pour une moyenne de 6 000 €/ha, à une activité économique supplémentaire, qui s’additionne au reste des usages.