1. Montaigne, Essais
Livre I, Chapitre XXX « Des cannibales »
L’Autre, cette familière étrangeté
Comment la réflexion sur l’Autre amène-t-elle à une réflexion sur soi ?
2. la place du chapitre dans l’oeuvre
A la fin du chapitre 29, Montaigne dressait un tableau
sanglant et magnifique de sacrifices humains généreux
« en ces nouvelles terres découvertes » sur le continent
américain.
Ce chapitre annonçait donc le suivant dans lequel
l’auteur fait un éloge paradoxal des anthropophages du
Brésil.
3. L’ancrage historique
Le contact avec les Indiens Tupinambas s’est fait à
l’occasion du voyage de Villegagnon au Brésil, sous
Henri II (1555).
La France antarctique est le nom donné à l'éphémère
colonie française qui occupa la baie de Rio de Janeiro,
au Brésil, de 1555 à 1560, colonie ouverte pour
concurrencer les Portugais et les Espagnols au Nouveau
Monde. L’amiral Coligny, réformé, avait soutenu ce
projet auprès du roi dans l’idée d’offrir un refuge aux
Protestants.
Comment les navigateurs se repéraient-ils sur le globe à la Renaissance ?
4. Les Tupinambas dans l'ouvrage de Hans
Staden au XVIe siècle
Équarrissage de la victime
Scène d'anthropophagie rituelle
(Singularités)
5. Plusieurs sources
Hans Staden (1525-1576) est un marin allemand qui vécut deux
ans au milieu d'une tribu qui l'avait recueilli après un naufrage. De
retour en Europe, il écrivit Nus, Féroces et Anthropophages
(1557), récit de sa captivité.).
André Thevet (1502-1590) est un moine catholique qui débarqua
avec Villegagnon dans ce qui sera plus tard la baie de Rio de
Janeiro. Il décrira précisément les coutumes des indiens Tupi, la
faune, la flore dans son livre Les Singularités de la France
Antarctique (1557).
Jean de Léry (1536-1613), pasteur protestant, rejoignit Villegagnon
à la demande de Jean Calvin. Il écrivit Histoire d'un voyage faict en
la terre du Brésil en 1578, un récit conçu pour démentir « les
mensonges et les erreurs » de Thevet.
6. Un fait historique
La visite d’habitants du Nouveau Monde à Rouen pour assister à la démonstration de la puissance
royale du roi Charles IX, âgé de 12 ans, en octobre 1562. Montaigne a assisté à cette scène.
« Trois d’ente eux…furent à Rouen, du temps que le feu Roi Charles neuvième y était. »
En 1550, pour la visite du
roi Henri II à Rouen, les
autorités de la ville offrent
un spectacle exotique : des
Indiens du Brésil et leurs
danses.
En 1562, Charles IX s'y
fait à son tour montrer des
indigènes. Montaigne,
présent, put converser avec
eux grâce à un interprète.
7. Figure des Brifilians.
Fête brésilienne donnée à Rouen en l'honneur du roi Henri II.
1550.
Spectacle de la "vie sauvage" offert par les Normands au roi Henri II et à Catherine de Médicis pour leur entrée solennelle à
Rouen. Dans un décor de forêt vierge, cinquante Tupinamba et Tamoyos, "tous nudz, hallez et herissonnez, sans aucunement
couvrir la partie que la nature commande", au visage "entrelardé d'éneraudes, courant à travers des taillis après des singes et
des sagouins, au vol effrayé des perroquets" interprètent des scènes de la vie quotidienne et des scènes de combat, deux cent
cinquante matelots jouant les utilités.
8. Montaigne et le Nouveau Monde
Réalisée pour le roi du Portugal (début XVIe), cette carte de l'Atlantique et du Nouveau
Monde est issue de l'Atlas Miller. Richement imagée et enluminée, on y trouve les
pavillons des différentes puissances européennes ainsi qu'une description de la faune,
de la flore et des populations locales. Crédits photo : BnF, département des Cartes et
plans à découvrir ici :
http://www.lefigaro.fr/medias/2012/10/26/4ea6f6b0-1dbc-11e2-bd13-0f92b70e9270-350x200.jpg
9. Quelles sont ces civilisations du Nouveau Monde que découvre le
XVIème siècle ?
◊ Il y a d'abord les Aztèques. Ceux-ci habitent au centre du Mexique. Les Aztèques dominent ce qu'on appelle
le monde nahua. C'est un empire qui va de l'Atlantique au Pacifique et qui intègre plusieurs populations. Le
premier contact avec les Aztèques date de l'arrivée de Cortés, en 1519. Dans les années 1535-1540, les
Indiens, comme on les appelle, se convertissent en masse au christianisme. Mais c'est sous la contrainte. Ils
résistent en gardant certains dieux préhispaniques, qu'ils mêlent à leur nouvelle religion. La conquête se fait
dans la violence la plus crue. Entre 1492 et 1520, la population des Caraïbes disparaît quasiment, à cause de
l'asservissement, des maladies, et de la désintégration des sociétés traditionnelles. Las Casas, moine espagnol,
témoigne en 1540 des massacres commis au Nicaragua entre 1523 et 1533 : 500 000 personnes transformées
en esclaves, envoyées hors de la province. Entre 500 000 et 600 000 personnes tuées au cours des guerres
menées par les Espagnols. En 1540, Las Casas évalue à 4 ou 5 000 le nombre d'autochtones encore vivants !
◊ Dans la région du Yucatan, au Mexique, ce sont les Mayas-Toltèques qui vivent... jusqu'à leur massacre par
les hommes de l'Inquisition, conduits par le prêtre Diego de Landa, arrivé en 1549. Leur but est d'évangéliser
les " sauvages ". Pour cela, ils jettent au feu, en 1562, les livres des Mayas. Les Indiens sont pendus par les
pieds, fouettés, aspergés de poix bouillante. En même temps qu'il procède à tous ces crimes, Diego de Landa
écrit sa Relacion de las cosas du Yucatan. Dans ce livre de 225 chapitres, il note tout ce qu'il peut sur cette
civilisation qu'il est en train d'écraser. Il note par exemple le souci d'hygiène des Indiens, mais aussi les
sacrifices d'esclaves et d'enfants.
◊ Cette nouvelle terre d'Amérique est dépeuplée aussitôt qu'elle est découverte. Les rois catholiques n'ont pas
d'autre choix que d'interdire l'esclavage des Indiens. Mais c'est trop tard. Du coup les esclaves sont amenés
d'Afrique.
Sur HERODOTE.NET un article sur les Espagnols et les Portugais à la conquête de l’Amérique
10. ☛ Des esclaves pourquoi faire ? Les mines sont exploitées systématiquement dès les années 1540. C'est pour ce
travail que les esclaves sont déportés en Amérique. Et l'Europe voit arriver des quantités toujours plus grandes
d'or et d'argent. Les marchés financiers sont tournés directement vers l'Amérique. Des villes comme Gênes et
Venise, tournées jusque là vers la Méditerranée et l'Orient entrent en déclin. En outre, l'Europe orientale est
alors peu propice aux affaires : les Turcs de Soliman le Magnifique menacent toute l'Europe orientale. Dans la
conquête des nouveaux territoires à l'Ouest, la France pour sa part est plutôt en retard. On peut citer une
expédition lancée par le roi. Il s'agit de celle de Jacques Cartier, en 1534 et 1536, vers le Saint Laurent. De là, la
France va mettre la main sur le Canada. D'autres tentatives sont privées. Il y a par exemple la famille Ango,
originaire de Dieppe, qui s'implante au Brésil en 1526. La petite colonie est d'ailleurs massacrée en 1537... par
des Portugais. Entre 1540 et 1565, quelques colons protestants français fondent des colonies de réformés : la
France antarctique.
☛ C'est sur ces lectures que Montaigne écrit " les Coches ", chapitre dans lequel il s'indigne des traitements
affligés à l'empereur du Pérou, Atahualpa, étranglé en 1533 à l'aide d'un garrot, à celui du Mexique et à tous les
Indiens.
☛ Il est certain que les lectures de Montaigne sur les violences dans le Nouveau Monde le renforcent dans ses
convictions sur les violences dans l’Ancien Monde, convictions basées sur la tolérance et le respect de la
diversité.
11. L’Europe au
Nouveau Monde sur la BNF
Images de l’Autre
Texte
Découvrez la cosmographie universelle de Guillaume Le T
12. La notion de barbarie, toute relative …
Les guerres de Religion : 1562-1598
Catherine de Médicis, devenue reine en 1560, vise la concorde religieuse en maintenant
un difficile équilibre entre les trois forces alors en jeu : le roi de Navarre, calviniste, le
duc de Guise, catholique zélé et Montmorency, catholique modéré.
Pendant 40 ans, chefs catholiques et protestants vont s’affronter pour conquérir le
pouvoir, plus encore que pour des motifs religieux.
On appelle ainsi « guerres de religion » une succession de huit conflits d’une extrême
violence qui ont ravagé le royaume de France dans la seconde moitié du XVIème.
13. Le massacre de la Saint-Barthélemy est le massacre de protestants déclenché à
Paris, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, prolongé pendant plusieurs
jours dans la capitale, puis étendu à plus d'une vingtaine de villes de province
durant les semaines suivantes.
http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Francois_Dubois_001.jpg
14. 24 août 1572, Au total, le nombre de morts
est estimé à 3 000 à Paris, et de 5 000 à 10
000 dans toute la France, voire 30 000.
Retrouvez ici un extrait de La Reine
Margot, sur le massacre de la Saint-
Barthélémy :
http://youtu.be/-GwUKrBgRb0
15. Les échos des guerres de religion dans le chapitre 30
« Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli
usage de toutes choses. »
« Ils ont leurs guerres contre les nations, qui sont au-delà de leurs
montagnes.. »
« Je ne suis pas marri, que nous remarquons l’horreur barbaresque, qu’il y a
en une telle action, mais oui bien de quoi jugeants bien de leurs fautes nous
soyons si aveuglés aux nôtres. »
« Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant, qu’à le manger
mort, à déchirer par tourments et par géhennes, un corps encore plein de
sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens, et aux
pourceaux : comme nous l’avons, non seulement lu, mais vu de fraiche mémoire,
non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens, et qui pis
est, sous prétexte de piété et de religion. »