Bellâtre au crâne rasé, sa voix grave et profonde, ses yeux ardents et son assurance de spécialiste, en font l'économiste préféré de la ménagère de moins de cinquante ans. François Lenglet, c'est de lui qu'il s'agit, officie sur France 2.
Présentation "Les tumultes de vies", Francine Komla
Une bursite ou quand françois langlet m'inspire par Dominique Truy.
1. Une Bursite ou quand François Langlet m'inspire.
Bellâtre au crâne rasé, sa voix grave et profonde, ses yeux ardents et son assurance de
spécialiste, en font l'économiste préféré de la ménagère de moins de cinquante ans.
François Lenglet, c'est de lui qu'il s'agit, officie sur France 2. Grâce à lui, chacun sait
désormais, que les marchés dominent le monde, que les élus sont de parfaits
irresponsables et que l'économie est le seul vrai pouvoir auquel il convient de s'adapter.
Bonnes gens, il va falloir prendre votre mal en patience et vous en remettre aux acteurs de
l'économie mondiale qui, entre deux avions, deux cessions de stocks options et quelques
conférences entre amis, trouveront peut-être le temps de penser à nous, pauvres terriens,
condamnés dans le meilleur des cas à travailler et au pire à rêver de trouver du travail.
Dans ces conditions, ni une ni deux, je prends l'avion pour Paris direction la conférence
internationale, consacrée à la crise économique.
Effervescence des grands jours sur ce salon international de la finance où rivalisent de
séduction les stands des établissements bancaires, des financiers en tout genre et autres
opérateurs de marchés. Les institutions publiques ne sont pas en reste. De la caisse des
dépôts et consignation, en passant par le FMI et les principaux acteurs de Davos, tout le
monde ou presque est à Paris.
Pourquoi me suis je égaré dans ce maelström de fureur, de bruit, de lumières vives des
écrans d'ordinateurs dans cette ambiance surchauffée si caractéristique de ce type de
rencontres. A cause de François Lenglet, ses tableaux et ses courbes assénés aux
candidats a la présidentielle, sur le plateau de France 2, dans cette émission, "a vous de
juger", m'avait tel un élu de base, que je ne suis pas, élu, agacé et interrogé. Cette
manière d'expliquer le monde, la vie, la marche de l'entreprise comme la conséquence de
grandes évidences économiques, m'avait convaincu.
Dans les allées du salon, j’étais fasciné, par les courbes affichées sur des écrans géants,
ces successions de chiffres, de tableaux, ces changements intempestifs de données
venant des places boursières du monde entier. Des bribes de conversations que je
captais, en me faufilant dans les allées, parmi une multitude de gens le téléphone collé à
l'oreille, s'exprimant en anglais, en russe, en chinois ou en arabe, je percevais les mots
croissance, crise, relance, marché, agent.....
La tête me bourdonnait, un besoin d'oxygène, de respiration, de calme m'envahit. Je
cherchais la sortie de cette foire au business à tout prix, lorsque au milieu de toute cette
agitation, sur le stand d'un groupe financier international, j'avisais une table basse et deux
fauteuils libres. Je décidais de m'y asseoir sans y avoir été invité, tant pis!
Bonjour, puis je vous être utile? La douceur de cette voix grave au milieu de ce cliquetis
froid et oppressant des computer et autres outils électroniques, résonna comme une
caresse inattendue.
C'est en croisant son regard que je compris que j'allais me prendre de passion pour les
chiffres et les marchés financiers.
François Lenglet avait un alter ego, à mes yeux infiniment plus envoûtant, probablement
avec une pédagogie de l'économie plus adaptée à mon inculture en la matière.
Bien sûr, vous pouvez m'être utile. Je cherche à lever des fonds pour financer un projet
pour le compte d'un opérateur public, une collectivité locale. Vous êtes au bon endroit me
sourit elle. De quoi s'agit il exactement?
Je me lançais dans une présentation enjouée et étayée de la collectivité en question tout
en discernant dans ses yeux un intérêt qui me fit penser qu'elle était très professionnelle.
La collectivité locale que je représentais étant somme toute une ville modeste, moyenne,
certes avec quelques particularités de renommée nationale, mais tout de même. Et
2. comme par ailleurs mon analyse financière de la collectivité n'avait rien d'exceptionnel, je
lui étais reconnaissant de cette bienveillance.
J'en étais là de mes réflexions, que mon ami Oscar, directeur de Cabinet du Maire, au
physique imposant de footballeur américain, tout en dégageant, par contraste, une
gentillesse de gros nounours, me rappela à la réalité des rendez vous qui nous
attendaient. Nous prîmes donc congé de notre interlocutrice, que je quittais à regret, avec
l'espoir d'avoir à m'interroger sur les grandes théories économiques, ses écoles de
pensées, le courant libéral, la pensée marxiste et la théorie keynésienne, si prisée de mes
amis de gauche. La relance par La consommation... beau sujet que j'étais tout prêt à
approfondir avec cette jolie brune qui s'était déjà évanouie au milieu de la foule.
J'en étais là de mes égarements sensoriels que Oscar m'entraîne sur le stand de France
télévision. Incroyable découverte, France télévision occupe au milieu d'une allée du salon,
un magnifique stand où des vedettes de le télévisions devisent autour d'une coupe de
champagne, dans un carré VIP des plus glamour. Devant mon air hébété ce dernier
m'explique qu'il a en fait rendez vous avec une jeune amazone croisée il y a quelques
semaines sur un plateau de France 2. Cette dernière l'attend et il me propose de
l'accompagner. Elle est bien là, grande élancée le sourire prometteur et le regard aimanté
par un Oscar détendu et souriant. Soyons clair, j'ai rarement éprouvé ce sentiment de
désintérêt, d'inexistence, que dis je, de transparence. Être renvoyé au rôle de bon copain,
sans un regard, alors que je venais de quitter les yeux luisants d'une jolie économiste, qui
avait eu le bon goût de me laisser penser qu'elle pouvait ne pas être insensible à mon
charme, le choc n'en était que plus cruel.
Bref en plein désarroi sur mes capacités de séduction, prêt à m'enfuir vers d'autres
contrées plus amicales, je levai les yeux pour chercher la sortie et poser ma coupe de
champagne, que dans la promiscuité du carré VIP je me heurtais à un grand échalas.
J'ouvrais la bouche pour m'excuser lorsque je reconnu François Lenglet. J'en restais coi.
Je l'attaquais bille en tête, François nous ne nous connaissons pas mais vous êtes devenu
l'icône des français et surtout des françaises, vous êtes la terreur des politiques, le
phantasme des ménagères et la cause de ma présence ici. Il parut à peine étonné, m'offrit
ce sourire pincé qui le caractérise et engagea avec simplicité et humour une discussion
faussement intellectuelle, mais me laissant tout loisir de me prendre pour un économiste.
La classe, la séduction, la sérénité de celui à qui tout réussi, gloire amour et beauté, juste
avec des tableaux financiers présentés à la télévision. Qui aurait pu parier la dessus, «je
vais séduire en faisant l'économiste», personne, c'était du mille contre un cette affaire, et
lui, il a raflé la mise. Bien joué l'artiste.
Pendant ce temps un autre artiste, mon Oscar, n'avait visiblement pas eu à forcer son
talent pour organiser sa soirée. Je ne surprendrait personne en précisant que je n'étais
pas prévu au programme.
Seul, je quittai le salon avec le sentiment d'avoir vécu une drôle de journée, bien décidé à
m'enfermer dans ma chambre d'hôtel avec le livre d'Alexandre Jardin "Des gens très
bien".
Mais il était écrit que rien ne serait normal ce jour là. C'est avec un doute terrible sur mon
pouvoir de séduction que je vis ma jeune économiste, toujours sur son stand, m'adresser
un sourire engageant alors que je passais à proximité pour regagner la sortie. Je
m'arrêtais et en profitais pour m'excuser de ne lui avoir pas laissé ma carte de visite.
Soyons clair, j'avais une envie folle de l'embrasser, là, sur son lieu de travail, ou milieu de
cette foule. Comment le lui dire, simplement en passant spontanément au tutoiement et en
lui proposant de dîner avec moi le soir même. J'étais sur de prendre un refus sec et
3. définitif.
Autant dire, que lorsque ce soir là, Jasmine m'a rejoint dans un restaurant cosy du VII
arrondissement, oublié la fatigue, Oscar et tout le reste.
Le temps avait suspendu les secondes et les heures. Dans ce restaurant aux murs
couverts de livres, je ne voyais que ses yeux noirs perçants et son sourire éclatant. Un
charme fou, une maîtrise de la situation et de soi, qui évite tout mal entendu...je ne fais
que ce que j'ai envie de faire, tu es prévenu tel était le message subliminal que je
recevais.
Pour une femme comme elle, dirigeante expérimentée, entourée d'hommes, épanouie par
une vie riche et trépidante, le superficiel et l'apparence ne sont pas de mise.
Dès les premiers mots échangés ce soir là, à la première gorgée de ce délicieux
champagne, nos yeux ont lus dans nos pensées. Pas un mot sur notre quotidien, familial
ou sentimental. Juste des rêves, des envies, des souvenirs, des expériences et le plaisir
de deux inconnus qui savent déjà qu'ils vont s'aimer. Cette soirée est celle de toutes les
libertés, de tous les impossibles, entre un homme et une femme qui se racontent comme
si tout cela était naturel, comme l'aboutissement d'une vieille complicité à l'intersection de
deux vies.
À la deuxième coupe de champagne, le restaurant n'étais plus un lieu collectif, nos voisins
de table n'existaient plus, nous étions en apesanteur. C'est au moment des Saint-Jacques
que cela s'est passé, à l'entame de la dégustation de notre premier verre de Haut-
Marbuzet . Jasmine s'est penchée en avant, comme pour venir me faire une confidence à
voix basse, elle a alors tendrement posé sa main sur ma joue droite et ses lèvres sont
venues se poser sur les miennes. Nous nous somme embrassés, longuement,
langoureusement, mêlant nos langues au goût de noisette et de baies sauvages.
Puis elle m'a regardé et m' a dit: « si je ne l'avais pas fait, tu ne l'aurais pas fait. Tu vois tu
sais faire le premier pas, moi je sais faire le deuxième».
Difficile, après cela, de ne pas l'embrasser à nouveau, l'envie est forte, le plaisir trop
intense. En même temps, nous savons que ce moment est unique, nous savons qu'il faut
le faire durer, le prolonger, le restaurant s'est vidé, nous sommes bien, juste bien.
Tout cela c'était avant la bursite. Je sens votre perplexité et je vous comprends amis
lecteurs. C'est que lorsque Jasmine et moi nous quittâmes le restaurant, nous étions
dévorés par l'envie de découvrir nos corps, de les embrasser, de les caresser. Arrivés
dans ma chambre d'hôtel nous avons laissé nos sens prendre le dessus, nous nous
sommes découverts doucement, délicatement, avant de sombrer dans un corps à corps
aussi fébrile que torride, laissant nos corps luisants et repus. Par la fenêtre de la chambre
je devinais le froid à travers le halo de lumière que le brouillard laissait percer. Allongés sur
le lit, Jasmine était venue blottir sa tête sur mon épaule, et même si elle est frêle et
menue, au bout d'un moment sa tête était lourde. C'est précisément en dégageant mon
épaule de dessous sa tête, avec la délicatesse qui caractérise un homme, que j'ai senti
une douleur au creux de cette dernière, au moment où la tête de Jasmine s'est
brutalement affaissée sur l'oreiller.
Bilan, une douleur persistante en haut de l'épaule et un médecin qui après une radio me
déclare sans ambages, vous avez monsieur une bursite. Je le regarde ahuri et lui indique
que cela ne va pas être possible. Comment cela me dit il, vous avez une bursite! Non
docteur ce n'est pas possible. Et pourquoi donc? Parce que, docteur cela ne fait pas
sérieux, votre bursite sonne comme une vulgaire maladie vénérienne, cela fait sale,
trouvez moi autre chose que cette bursite qui fait vieille «chtouille».
Il oscille entre sourire et consternation en m'indiquant que si c'était au genou, il parlerait
d'un épanchement de synovie..... .Oui voilà qui est bien, c'est sérieux, c'est propre, c'est
4. présentable, m'écriais je. C'est tout de même plus respectable qu'une bursite purulente et
malodorante.
Finalement intrigué, il me demande d'où me vient ce besoin de trouver un autre qualificatif
pour décrire le mal passager dont je souffre.
Jasmine docteur, Jasmine, vous ne pouvez pas comprendre, c'est comme avec notre ami
François Lenglet, il n'y a rien à comprendre.
Quelques jours plus tard, la réalité dépassait la fiction, et si François Lenglet avait raison,
les politiques semblent avoir perdu la leur.
Dominique Truy