1. Enavant…MARS!
CAHIER SPÉCIAL
« Psychologiquement,
le vrai voyage sera
difficile »
En 2010-2011, un programme
expérimental russe appelé
« Mars 500 » simulait les
conditions d’un aller-retour
vers Mars, soit 500 jours en
équipage dans un espace
confiné. Rencontre avec
le français Romain Charles
qui a participé à l’expérience.
Quel est le principal résultat
de l’expérience Mars 500?
Nous savons désormais que
l’homme est psychologiquement
et physiologiquement capable
d’endurer le confinement et
l’isolement d’un voyage vers
Mars. En juin 2010, nous étions
trois Russes, un Chinois, un
Italien et un Français à entrer
dans le module. Cinq cent vingt
jours plus tard, nous étions
toujours six! L’équipage a tenu
le coup, malgré l’enfermement,
la monotonie de la mission,
le sentiment d’éloignement…
Qu’est-ce qui a été le plus dur?
Personnellement, après le
400e
jour, j’ai eu deux mois
compliqués, sans énergie.
J’ai compris plus tard que
c’était parce que nous étions en
août-septembre et que tout le
monde était en vacances puis
occupé par la rentrée. J’avais
beaucoup moins de contact
avec l’extérieur. En plus, la
période excitante du séjour
sur Mars était derrière nous
et la répétitivité des expériences
que nous devions mener, des
dizaines voire des centaines
de fois, devenait franchement
pesante. Même les repas,
à cette période, se répétaient
d’une semaine à l’autre!
Après votre expérience,
comment envisagez-vous
le voyage vers Mars?
Psychologiquement, le vrai
voyage vers Mars sera plus
difficile que l’expérience
Mars 500. Les astronautes
sauront que le moindre
problème pourra avoir des
conséquences dramatiques,
sans possibilité de secours.
Ce n’était pas notre cas.
PROPOS RECUEILLIS PAR M. D.
Romain Charles, ingénieur (presque)
de retour de Mars.
ESA/AnnekeLeFloc’h
ESPACE. AlorsquelefilmdeRidleyScott«SeulsurMars»sort
demain,lesrécentesannoncesdelaNasasurlaprésenced’eau
surlaplanèterougerelancentlesfantasmessursonexploration.
DE L’EAU SUR MARS! À la fin
du mois de septembre, la planète
rouge s’est retrouvée sous le feu
des projecteurs avec l’annonce par
la Nasa d’une « découverte ma-
jeure »: pendant quelques heures
en été, des zébrures sombres
apparaissent et disparaissent sur
les pentes de certains cratères.
Comme si le sol sableux s’humi-
difiait, puis s’asséchait lentement.
Déjà observées en 2011, ces forma-
tions trahiraient la présence d’eau,
qui, mélangée à plusieurs sortes
de sels, pourrait rester à
l’état liquide. Avec cette
eau saumâtre, Mark
Watney, le héros du film
« Seul sur Mars » qui sort
en salle le 21 octobre
prochain, n’aurait pas
de quoi étancher sa soif.
Dans le film de Ridley
Scott, l’histoire se dé-
roule dans les années
2030, et Mark Watney (inter-
prété par Matt Damon) fait partie
de la troisième mission habitée
qui se rend sur Mars après un
voyage de 124 jours. Une épopée
qui alimente tous les fantasmes
astronautiques depuis que Neil
Armstrong a marqué la Lune de
son empreinte, en 1969. Un demi-
siècle plus tard, le deuxième bon
de géant de l’humanité se fait
toujours attendre. Aurons-nous
construit une base martienne
comme celle qu’occupe Mark
Watney dans « Seul sur Mars »
d’ici une vingtaine d’années?
Un challenge d’envergure
Pas si sûr: les défis à relever sont
énormes. D’abord, on ne sait pas
poser d’engin de plus d’une tonne
sur la planète rouge (Curiosity, le
rover déposé en août 2012,
pèse 900 kg). Son atmos-
phère est trop fine pour
que des parachutes
parviennent à ralentir
la chute d’une grosse
masse,maisassezépaisse
pour provoquer de dan-
gereuses turbulences
sous les rétrofusées. On
ne sait pas non plus si un
équipage supporterait psycholo-
giquement et physiologiquement
un voyage aller-retour de près d’un
an et demi si loin de la Terre (voir
l’interview de Romain Charles ci-
contre) – pour l’équipage de Mark
Watney, grâce aux progrès tech-
nologiques, le trajet dure deux fois
moins longtemps. Enfin, une fois
sur place, dans un désert glacial
empoisonnépardesselscorrosifs,il
faudrait encore boire et se nourrir.
Malgré ces obstacles, l’objectif
affiché des agences spatiales est de
poser des hommes sur la planète
rouge au cours de ce siècle. Dans
le document qui trace la stratégie
d’exploration de l’Agence spa-
tiale européenne (ESA) pour les
années à venir, « Mars est l’ultime
défi ». La Chine, elle, développe
un ambitieux programme de
vols habités, limités, pour le mo-
ment, à l’orbite terrestre, et une
mission d’exploration robotique
de la planète rouge. Quant à la
Nasa, elle construit une puissante
fusée (SLS) et un vaisseau spatial
(Orion) qui pourront envoyer des
hommes au-delà de l’orbite ter-
restre à partir de 2023. Mais qu’on
ne s’y trompe pas: compte tenu
du coût estimé d’un débarque-
ment humain sur Mars (plus de
mille milliards de dollars!) même
la puissante agence spatiale amé-
ricaine ne pourra se lancer seule
dans l’aventure. L’homme qui
fera le premier pas sur Mars est
probablement déjà né, mais dans
quel pays? MYRIAM DÉTRUY
2. Enavant…MARS!
CAHIER SPÉCIAL
« Psychologiquement,
le vrai voyage sera
difficile »
En 2010-2011, un programme
expérimental russe appelé
« Mars 500 » simulait les
conditions d’un aller-retour
vers Mars, soit 500 jours en
équipage dans un espace
confiné. Rencontre avec
le français Romain Charles
qui a participé à l’expérience.
Quel est le principal résultat
de l’expérience Mars 500?
Nous savons désormais que
l’homme est psychologiquement
et physiologiquement capable
d’endurer le confinement et
l’isolement d’un voyage vers
Mars. En juin 2010, nous étions
trois Russes, un Chinois, un
Italien et un Français à entrer
dans le module. Cinq cent vingt
jours plus tard, nous étions
toujours six! L’équipage a tenu
le coup, malgré l’enfermement,
la monotonie de la mission,
le sentiment d’éloignement…
Qu’est-ce qui a été le plus dur?
Personnellement, après le
400e
jour, j’ai eu deux mois
compliqués, sans énergie.
J’ai compris plus tard que
c’était parce que nous étions en
août-septembre et que tout le
monde était en vacances puis
occupé par la rentrée. J’avais
beaucoup moins de contact
avec l’extérieur. En plus, la
période excitante du séjour
sur Mars était derrière nous
et la répétitivité des expériences
que nous devions mener, des
dizaines voire des centaines
de fois, devenait franchement
pesante. Même les repas,
à cette période, se répétaient
d’une semaine à l’autre!
Après votre expérience,
comment envisagez-vous
le voyage vers Mars?
Psychologiquement, le vrai
voyage vers Mars sera plus
difficile que l’expérience
Mars 500. Les astronautes
sauront que le moindre
problème pourra avoir des
conséquences dramatiques,
sans possibilité de secours.
Ce n’était pas notre cas.
PROPOS RECUEILLIS PAR M. D.
Romain Charles, ingénieur (presque)
de retour de Mars.
ESA/AnnekeLeFloc’h
ESPACE. AlorsquelefilmdeRidleyScott«SeulsurMars»sort
demain,lesrécentesannoncesdelaNasasurlaprésenced’eau
surlaplanèterougerelancentlesfantasmessursonexploration.
DE L’EAU SUR MARS! À la fin
du mois de septembre, la planète
rouge s’est retrouvée sous le feu
des projecteurs avec l’annonce par
la Nasa d’une « découverte ma-
jeure »: pendant quelques heures
en été, des zébrures sombres
apparaissent et disparaissent sur
les pentes de certains cratères.
Comme si le sol sableux s’humi-
difiait, puis s’asséchait lentement.
Déjà observées en 2011, ces forma-
tions trahiraient la présence d’eau,
qui, mélangée à plusieurs sortes
de sels, pourrait rester à
l’état liquide. Avec cette
eau saumâtre, Mark
Watney, le héros du film
« Seul sur Mars » qui sort
en salle le 21 octobre
prochain, n’aurait pas
de quoi étancher sa soif.
Dans le film de Ridley
Scott, l’histoire se dé-
roule dans les années
2030, et Mark Watney (inter-
prété par Matt Damon) fait partie
de la troisième mission habitée
qui se rend sur Mars après un
voyage de 124 jours. Une épopée
qui alimente tous les fantasmes
astronautiques depuis que Neil
Armstrong a marqué la Lune de
son empreinte, en 1969. Un demi-
siècle plus tard, le deuxième bon
de géant de l’humanité se fait
toujours attendre. Aurons-nous
construit une base martienne
comme celle qu’occupe Mark
Watney dans « Seul sur Mars »
d’ici une vingtaine d’années?
Un challenge d’envergure
Pas si sûr: les défis à relever sont
énormes. D’abord, on ne sait pas
poser d’engin de plus d’une tonne
sur la planète rouge (Curiosity, le
rover déposé en août 2012,
pèse 900 kg). Son atmos-
phère est trop fine pour
que des parachutes
parviennent à ralentir
la chute d’une grosse
masse,maisassezépaisse
pour provoquer de dan-
gereuses turbulences
sous les rétrofusées. On
ne sait pas non plus si un
équipage supporterait psycholo-
giquement et physiologiquement
un voyage aller-retour de près d’un
an et demi si loin de la Terre (voir
l’interview de Romain Charles ci-
contre) – pour l’équipage de Mark
Watney, grâce aux progrès tech-
nologiques, le trajet dure deux fois
moins longtemps. Enfin, une fois
sur place, dans un désert glacial
empoisonnépardesselscorrosifs,il
faudrait encore boire et se nourrir.
Malgré ces obstacles, l’objectif
affiché des agences spatiales est de
poser des hommes sur la planète
rouge au cours de ce siècle. Dans
le document qui trace la stratégie
d’exploration de l’Agence spa-
tiale européenne (ESA) pour les
années à venir, « Mars est l’ultime
défi ». La Chine, elle, développe
un ambitieux programme de
vols habités, limités, pour le mo-
ment, à l’orbite terrestre, et une
mission d’exploration robotique
de la planète rouge. Quant à la
Nasa, elle construit une puissante
fusée (SLS) et un vaisseau spatial
(Orion) qui pourront envoyer des
hommes au-delà de l’orbite ter-
restre à partir de 2023. Mais qu’on
ne s’y trompe pas: compte tenu
du coût estimé d’un débarque-
ment humain sur Mars (plus de
mille milliards de dollars!) même
la puissante agence spatiale amé-
ricaine ne pourra se lancer seule
dans l’aventure. L’homme qui
fera le premier pas sur Mars est
probablement déjà né, mais dans
quel pays? MYRIAM DÉTRUY