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Faculté des Sciences humaines et sociales – Sorbonne
Département de Sciences du langage
Les pratiques de communication digitale dans la
campagne pour l’élection municipale 2014 à Paris :
les enjeux du discours politique
Dans quelle mesure les techniques de communication digitale
ont-elles permis à Anne Hidalgo et à Nathalie Kosciusko-Morizet
d’engager un dialogue plus interactif avec les citoyen.ne.s ?
Damien Leborgne
Mémoire de master 2 Expertise en sémiologie et communication
Sous la direction de : Anne-Sophie Savoureux et Dominique Desmarchelier
Session : juin 2014
 
	
  
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« Le duel de la capitale », vu par @GuillaumeTC, série de portrait
#CroisonsLes, disponible sur croisons-les.tumblr.com
 
	
  
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SOMMAIRE
Remerciements / p.4
Introduction / p.5
A/ Les campagnes électorales à l’ère digitale / p.9
1. L’acculturation progressive des politiques au numérique
2. Les techniques de communication digitale
3. L’indispensable complémentarité « du livre et des écrans »
B/ Les objectifs de la communication digitale pour Paris 2014 / p.34
1. Convaincre
2. Persuader
3. Engager
C/ Interactions et nouveaux contours de la participation politique / p.76
1. Le web, un moyen pour le citoyen de détourner les communications officielles
2. Comment le digital a transformé la communication politique
3. L’avènement d’une nouvelle forme de démocratie, une réponse à la crise du
politique ?
Conclusion générale / p.108
Lexique / p.111
Bibliographie / p.112
Annexes / p.113
 
	
  
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Remerciements
Mes premiers remerciements vont à Anne-Sophie Savoureux, professeure	
   agrégée	
  
d’anglais	
  à	
  l’Université	
  Paris	
  Descartes qui a généreusement accepté de prendre la direction de
ce mémoire dès novembre 2013. Je voudrais également remercier Dominique Desmarchelier,
ancien	
   responsable	
   du	
   master	
   et	
   directeur	
   du	
   département	
   de	
   sciences	
   du	
   langage	
  
jusqu'en	
  2010	
  pour ses précieux conseils tout au long de ce projet.
Je voudrais remercier les personnes qui ont accepté de me rencontrer sur le sujet. Merci
donc à Aline Hartemann et Jérémie Le Guillou.
Je voudrais également remercier mes amis et mes proches pour leur patience lorsque je
leur racontais les moindres avancées sur ces pages blanches. Je les remercie, aussi, d’y avoir
cru. Je remercie tout particulièrement mon ami, Benoît, tour à tour iconographe, secrétaire de
rédaction, Wikipédia ambulant et apprenti sémiologue pour son aide précieuse.
Un remerciement tout particulier également à Sarah Altaras, responsable éditoriale à
l’agence Babel pour m’avoir donné le plus d’amplitude et de souplesse possible pour la bonne
conduite de ce mémoire. Toujours à l’agence, je remercie Marion Combaluzier, directrice
générale du pôle Contenus pour son intelligence ainsi que Primerose Christol, secrétaire de
rédaction pour son aide précieuse.
Je voudrais ensuite remercier mon père d’avoir acheté un ordinateur en 1999 et de
n’avoir jamais su s’en servir, me permettant d’apprivoiser la chose à l’envi.
Je voudrais remercier Pierre Bellanger pour avoir inventé Skyblog, lieu de recueil de
mes premiers écrits et berceau de ma passion pour le digital.
Je voudrais remercier Jack Dorsen, l’inventeur de Twitter, pour y avoir pensé.
 
	
  
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Introduction
Lundi 9 septembre 2013. Salle J 231. Bâtiment Jacob. Université Paris
Descartes. Je suis dans cette salle, j’observe mes futurs camarades, dont certains noms
m’échappent encore quelque peu. Très vite, le sujet du mémoire arrive dans les
discussions. Souvent l’hésitation, parfois la crainte, pour tous le doute : que choisir
comme sujet ? Rapidement, l’envie me vient de traiter de la communication politique,
d’autant que l’année 2013 a réveillé en moi des soubresauts de militantisme à l’occasion
des débats sur le « mariage pour tous ». Cette avancée démocratique m’a, en effet,
réconcilié avec l’appareil politique, que je trouve trop souvent englué dans des guerres
de pouvoir et un immobilisme paralysant. Rapidement, un autre sujet va venir me
passionner à nouveau : les élections municipales. Néo parisien, la sociologie de cette
ville m’intrigue et ces élections sont l’occasion pour moi d’en découvrir les détails avec
plus de précision. Sur le sujet, je lis, je me renseigne, mais surtout je rencontre des
acteurs de cette sociologie : ces gentrificateurs, ces bourgeois, ces littéraires, ces
artistes, ces employés, ces stagiaires et ces étudiants qui font la ville. Très vite, j’en
apprends ainsi sur ses codes, sur son histoire, sur la façon dont elle s’est construite et
dont les gens y vivent. Enfin, si ces élections municipales m’ont autant intéressé, c’est
par leur caractère intrinsèquement singulier, puisque ces deux principales protagonistes
sont deux animaux politiques qui se sont construits en dehors des sentiers battus : Anne
Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet. Tous ces éléments mis les uns à la suite des
autres me motivent à en faire mon objet d’étude pour ce mémoire.
Un élément me semble à préciser avant d’aller plus loin. Lorsque je rédige ce
mémoire, je fais le vœu d’être le plus impartial possible, rangeant au placard mes idéaux
politiques. Je le fais d’autant plus facilement que le but de ce dernier n’est en aucun cas
de procéder à un jugement sur leur programme respectif, mais plutôt de comprendre
comment elles ont choisi de se positionner pour remporter le sacre de l’Hôtel de Ville.
L’élection municipale parisienne mérite par ailleurs quelques explications, car,
en réalité, ce n'est pas une, mais vingt élections qui se jouent, puisque les électeurs se
prononcent séparément dans chaque arrondissement. Ces vingt scrutins déterminent un
nombre de conseillers élus, en fonction d'un principe simple : les arrondissements les
plus peuplés envoient le plus d'élus au Conseil de Paris. Ainsi, le plus peuplé de la
 
	
  
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capitale, le 15e
, dispose de 18 conseillers, le 18e
en a 15, alors que les 1er
et 2e
arrondissements n’envoient, respectivement que 1 et 2 conseillers au Conseil de Paris.
Ce système donne une « prime » à la liste qui arrive en tête dans chaque arrondissement.
Le vainqueur obtient ainsi la moitié des conseillers, le reste étant réparti à la
proportionnelle entre les candidats qui dépassent 5 %. D’aucuns diront que ce système
avantage assez nettement Anne Hidalgo. Le PS est, en effet, mieux implanté dans de
« gros » arrondissements (18e
, 19e
, 20e
, 13e
) fortement pourvoyeurs en élus.1
Par ailleurs, il faut relever une autre particularité des élections municipales
parisiennes en rappelant qu’elles ont seulement lieu depuis 1977. Ces premières
élections firent suite au nouveau statut de Paris, voté en 1975, qui prévoit le retour d’un
maire à sa tête après 105 ans d’absence. C’est Jacques Chirac qui remporta, alors,
l’élection avec 49,5 % des voix. Il sera réélu à deux reprises, en 1983 et en 1989. En
1995, Jacques Chirac devient président de la République et il choisit son premier
adjoint, Jean Tibéri, alors maire du 5e
arrondissement, pour prendre sa suite. Ce dernier
remporte l’élection face à un certain Bertrand Delanoë, alors inconnu. À la fin de son
mandat, vient ce que l’on pourrait appeler « l’ère Delanoë ». En 2001, et en raison du
mercato électoral que l’on a vu précédemment, il s’empare de l’Hôtel de Ville, bien que
minoritaire en voix. Sept ans plus tard, la gauche conforte ses positions, profitant de la
défiance des Parisiens envers Françoise de Panafieu, la candidate investie par la droite à
la suite d’une primaire. Avec le même nombre d’arrondissements remportés, Bertrand
Delanoë atteint le score de 57,7 % des voix. En 2014, les deux favorites pour prendre sa
place sont Anne Hidalgo, candidate pour le Parti Socialiste et le Parti Communiste
Français (gauche) ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate pour l’Union pour la
Majorité Présidentielle, le Modem et l’Union des Démocrates Indépendants (centre-
droit). Dans cette course à l’Hôtel de Ville, nous avons également Christophe Najdovski
(Europe Écologie – Les Verts), Danielle Simonnet (Parti de Gauche), Charles Beigbeder
(Paris Libéré) et Wallerand de Saint-Just (Front National – Rassemblement Bleu
Marine).
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
1
GURREY, Béatrice. 2014. « NKM-Hidalgo : quel Paris pour demain ? ». Le Monde, 31 janvier 2014,
supplément spécial.
 
	
  
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J’ai fait le choix d’orienter mon mémoire sur les deux favorites, car elles
représentaient le vivier de communication le plus riche et le plus intéressant. C’est aussi
les deux candidates qui m’apparaissent comme ayant les parcours et les approches de la
politique les plus intéressants, car, chacune à sa façon, quelque peu atypiques. Les
médias en ont fait leur couverture à de nombreuses reprises. Actives, omniprésentes,
frôlant l’ubiquité, elles fascinent aussi car elles personnifient visuellement une
dichotomie d’opinion forte.
Le deuxième choix que j’ai effectué est plus personnel, il concerne l’angle
digital. D’abord intéressé par leurs discours, puis par leur image et la façon dont elles se
mettent en scène, j’ai pu voir une forte disparité entre les deux candidates sur la façon
de profiter de l’espace ouvert que leur offre Internet. Toutes les deux présentes de façon
quasiment ubiquitaire, elles proposent une nouvelle vision de la communication
politique qui m’interpelle particulièrement : l’interactivité et la participation plus
importantes avec le citoyen. Ce choix de concentrer ma réflexion sur les outils digitaux
est à la fois un choix de passion et de raison. En effet, en tant que « digital native »,
j’admets souffrir des premiers symptômes du syndrome « FOMO » (Fear Of Missing
Out), je passe le plus clair de mon temps sur Internet, que ce soit sur mon téléphone ou
sur mon ordinateur. Ainsi, j’aime voir comment des outils peuvent être utilisés de façon
stratégique et comment cette utilisation influence en retour ma vision et mon utilisation
de ces derniers. Ce choix est également raisonnable, car il me permet de faire le pont
entre mes études et mes envies professionnelles. En effet, au lendemain des élections, je
débute un stage à l’agence Babel, au sein du pôle Contenus, pour travailler sur des
projets digitaux. Ce mémoire est ainsi l’occasion de croiser ces compétences et de les
mettre en exercice en étant pour une fois, non pas dans le faire, mais dans l’analyse.
Avoir quelques chiffres en tête concernant le digital et l’entrée d’Internet dans
les foyers français permet d’appréhender l’objet étudié de façon plus précise. D’autant
que ceux-ci sont éloquents et laissent peu de doute sur l’évolution des pratiques ainsi
que leur maturité sur le marché français. Ainsi, une première analyse de Médiamétrie du
11 mars 2014, intitulée L’audience de l’Internet en France en janvier 2014, révèle
qu’en janvier 2014, 25,6 millions de Français se sont connectés chaque jour à Internet et
y ont passé en moyenne 1 h 50. Une autre étude, réalisée cette fois par l’Insee (Institut
national de la statistique et des études économiques), publiée en juin 2013 et intitulée
 
	
  
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L’Internet de plus en plus prisé, l’internaute de plus en plus mobile, met en avant deux
tendances importantes. La première, entre 2011 et 2012, la part de Français utilisant leur
mobile pour aller sur Internet est passée de 28,4 % à 39,7 %. Si l’on remonte à 2007, ils
n’étaient que 10 % (année où l’iPhone d’Apple a été lancé). La seconde : en 2012, trois
personnes sur quatre résidant en France métropolitaine ont utilisé Internet au cours des
trois derniers mois, contre seulement 56 % en 2007. Ces données concernant l’accès à
Internet, qu’il soit mobile ou sédentaire, montrent non plus une simple évolution des
comportements, mais une réelle maturité du marché et d’un public qui a compris les
enjeux, donc les devance.
Ainsi, j’ai voulu traiter dans ce mémoire le thème suivant : « Les pratiques de
communication digitale dans la campagne municipale 2014 à Paris : les enjeux du
discours politique ». Par ailleurs, la question principale qui orientera ma réflexion est :
Dans quelle mesure les techniques de communication digitale permettent-elles à Anne
Hidalgo et à Nathalie Kosciusko-Morizet d’engager un dialogue plus interactif avec les
citoyen.nes ? Cette problématique nous invite à penser la transformation du discours
social en discours socialisant et comment les nouveaux discours et outils façonnent la
mise en place d’une nouvelle démocratie plus participative. Dans ce changement de
paradigme, j’étudierai et tenterai de discerner comment les discours se sont adaptés au
digital et comment ceux-ci, en étant plus personnalisés, peuvent être plus performatifs.
Il faudra également prêter attention aux limites de la communication digitale, et en quoi
cet outil seul ne peut révolutionner la façon dont les gens perçoivent l’appareil politique
dans son ensemble. Ainsi, et bien que cette communication digitale puisse aider à
recréer un lien de confiance avec l’électeur, elle seule ne pourra résoudre la crise du
politique que nous traversons actuellement.
 
	
  
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Saisie semi-automatique proposée par Google Images au 08 juin 2014 pour « nkm hidalgo »
 
	
  
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A/ Les campagnes électorales à l’ère digitale
En quelques années, le web est devenu un lieu incontournable des luttes partisanes, en
particulier lors des grandes échéances électorales. Le phénomène, importé directement des
États-Unis, s’est imposé lentement en Europe avant de prendre l’importance prépondérante qu’il
a aujourd’hui. D’abord véritablement craint par une frange entière des politiques, la question de
sa légitimité, voire de la légalité de la possibilité même d’une campagne en ligne s’est ensuite
posée en France. Il a, par la suite, été considéré comme un outil annexe pouvant se révéler utile
tout en étant une façon simple d’apparaître comme « moderne » face à son rival, même si cette
modernité n’était souvent que façade. Cette compréhension des enjeux du web est également
corrélée avec la façon dont ce dernier a été appréhendé par la population. Quelques chiffres ici
permettent de comprendre l’évolution des mentalités de la classe politique sur le sujet. En 1997,
aux États-Unis, seuls 18 % des foyers avaient accès à Internet et il faudra attendre 2001 pour
que la barre des 50 % des foyers connectés soit franchie pour atteindre péniblement 50,4 %
(source : U.S. Consensus Bureau, Current Population survey, selected years2
). En comparaison,
en 1997, en France, seul 1,5 % des foyers est équipé d’une connexion3
, et il faudra attendre
2004 au Royaume-Uni et 2007 en France pour franchir le seuil des 50 %. En 2001, on compte
environ 5 millions de foyers français connectés, mais une forte surreprésentation des foyers
parisiens est à noter. En effet, 25 % des internautes du territoire habitaient alors à l’intérieur du
boulevard périphérique ((Petits) règlements de comptes sur le Net, dans Le Parisien du vendredi
2 mars 2001).
Cette avance des États-Unis sur l’Europe en général et la France en particulier explique
notamment pourquoi c’est d’abord de l’autre côté de l’Atlantique que les premiers dispositifs
interactifs insérés dans une campagne électorale ont été mis en place. C’est aussi ces chiffres
qui expliquent pourquoi la campagne présidentielle de 2007 en France n’a pas pu se déployer
complètement sur le web et qu’il a fallu attendre 2012 pour que l’on voie dans l’Hexagone de
véritables stratégies digitales se développer.
En effet, nombreux sont les spécialistes estimant que le web en tant qu’outil
complètement intégré à une stratégie politique d’envergure n’a réellement pris son envol que
lors de la campagne présidentielle de 2012, notamment via la web campagne qu’avait mise en
place François Hollande.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
2
Census.gov, «Publications About Computer and Internet Use », mis à jour le 31 décembre 2012 et
consulté le 11 mai 2014. Disponible sur http://www.census.gov/hhes/computer/publications/
3
Génération NT, « Bilan de 10 ans d’Internet », mis à jour le 21 juin 2006, consulté le 11 mai 2014.
Disponible sur http://www.generation-nt.com/bilan-internet-france-dix-ans-actualite-14719.html
 
	
  
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1 / L’acculturation progressive des politiques au numérique
a. Des débuts difficiles en France (2001-2007)
À Paris, notamment, la campagne de 2001 pendant laquelle se sont affrontés Bertrand
Delanoë et Philippe Seguin aura marqué par sa timidité sur les supports numériques. Deux
raisons expliquent cela : en 2001, personne n’osait parier sur un tel essor d’Internet. Sur ce
sujet, j’ai eu la chance de rencontrer Aline Hartemann, ancienne étudiante du master Expertise
en sémiologie et communication de Paris Descartes (alors appelé Intelligence de la
communication écrite) et aujourd’hui doctorante à Science Po. Celle-ci avait en effet travaillé
pour l’équipe du candidat socialiste à la mairie de Paris. Son rôle était principalement
d’alimenter de façon régulière le site de M. Delanoë dans ce que l’on nomme aujourd’hui une
« stratégie de contenus ». Cette dernière permettait de faire découvrir de nouvelles facettes du
candidat, qui deviendra bientôt maire de Paris mais qui était à l’époque peu connu du grand
public. Mme Hartemann raconte, par exemple, que les conditions de travail étaient alors plutôt
précaires : l’équipe web, composée à ses débuts de trois personnes, travaillait dans un local près
de l’Hôtel de Ville dont le seul avantage était d’être relié à [l’]Internet (sic) (il est à noter que la
façon de nommer le « réseau » a progressivement fait tomber dans l’oubli de nombreux termes
comme « le net », le « cyberespace » ou encore « la Toile », mais a également fait choir le « l »
apostrophe devant le terme Internet). Cette description d’un espace spartiate est confirmée dans
un article de Le Monde publié le 7 mars 20014
. On peut ainsi y lire : « Dans un coin, un
ordinateur et une imprimante. “C'est l'espace Internet”, ironise Hervé, le responsable de la
campagne en ligne de la liste Delanoë… » Personne, alors, ne savait réellement les
conséquences des actions menées (si peu nombreuses étaient-elles), ni les effets réels sur
l’électorat (sûrement très faible), et encore moins si ce qu’ils faisaient était tout à fait légal. En
effet, un article du Point publié le 2 mars 20015
souligne que les politiques sont encore très peu
à l’aise avec l’outil, aussi en raison du fait qu’il ne rentre alors dans aucun cadre légal. Ainsi, on
peut y lire : « Le problème vient en fait des candidats eux-mêmes. L'Internet leur fait peur. Ou
plutôt la loi électorale n'est pas très claire sur le sujet. Officiellement, toute publicité à
caractère de propagande ne doit pas être gratuite. »
Dans ce même article, une autre difficulté surprenante est pointée par le journaliste.
L’indexation des sites Internet n’était pas alors aussi précise qu’aujourd’hui et, surtout, la
puissance des algorithmes de Google était limitée, ce qui avait pour conséquence un
référencement faible de l’adresse URL précise du site des candidats. Ainsi, le journaliste Olivier
Bruzek souligne dans son article publié dans Le Point que « dénicher l’adresse Internet d’un
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
4
Auteur inconnu, « Seguin2001.net contre bertrand-delanoe.org », Le Monde, 7 mars 2001, Paris, P.2
5
BRUZEK Olivier, « (Petits) règlements de comptes sur le Net », Le Point, 2 mars 2001, p. 140
 
	
  
12	
  
candidat […] relève du parcours du combattant. […] À moins de connaître les adresses par
cœur, on a peu de chances de découvrir le programme des candidats. » En effet, les personnes
souhaitant aller sur les sites des deux candidats devaient alors connaître l’adresse par cœur et la
taper entièrement dans leur barre d’adresse. Aujourd’hui, cette question est réglée, et il suffit de
taper le nom des deux candidates sur n’importe quel moteur de recherche pour tomber
directement sur leur site de campagne. Aujourd’hui, cela semble difficile à imaginer tant Google
s’est immiscé dans notre quotidien.
La relecture des articles publiés dans les quotidiens au début de l’année 2001 permet
également de réaliser que le web était alors avant tout vu comme une dépense importante, mais
ne revêtait pas encore le caractère stratégique dont il dispose désormais. Ainsi, si on lit l’article
dans Le Monde publié le 7 mars titré « Seguin2001.net contre bertrand-delanoe.org », ce dernier
indique que « À droite, seguin2001.net dispose d'un budget de 200 000 francs », tandis qu’ « À
gauche, bertrand-delanoe.org a exigé entre 100 000 et 150 000 francs pour sa création ».
L’analyse est aujourd’hui surannée, tant les chiffres qui semblaient élevés sont aujourd’hui
admis. Ainsi, Anne Hidalgo aurait consacré 35 000 euros pour sa communication digitale lors
de cette campagne, soit une dépense similaire à celles des candidats en 2001, pour un résultat
autrement plus impressionnant. Autre élément intéressant, la mise en avant du nombre de
visiteurs quotidiens, mis en lumière comme une prouesse technique importante et prouvant
l’intérêt d’une certaine frange de la population pour ce type de contenus. Par exemple, l’article
du Parisien titré « À vous de juger » du 19 février 2011 indique : « D'après eux (les bénévoles
de Bertrand Delanoë), près de 700 personnes s'y connectent chaque jour. » Là aussi, c’est toute
une lexicologie qui est aujourd’hui modifiée, puisqu’on parlerait désormais plutôt d’une visite
que d’une connexion. Aline Hartemann précise d’ailleurs qu’ils n’avaient aucun moyen de
connaître ce nombre de visiteurs et qu’il était évalué approximativement en fonction des chiffres
annoncés par le parti opposé. Si cette mise en avant de l’argent dépensé paraît étonnante
aujourd’hui, elle était alors le seul moyen de comparaison dont ils disposaient. Quand l’objectif
est peu compris et surtout peu identifié, les chiffres rassurent. Par la suite, Mme Hartemann
travaillera également pour Lionel Jospin lors de l’élection de 2002. M. Jospin, alors volontaire à
l’idée de se positionner comme un candidat plus jeune et plus moderne que celui qu’il croit
alors être son adversaire : M. Chirac. De cinq ans son cadet, M. Jospin avait alors mis en place
une certaine stratégie web, inspirée de celle de Delanoë, qui résidait dans les contenus à forte
valeur ajoutée. L’objectif final était de nourrir la curiosité du lecteur, afin qu’ils reviennent le
plus souvent possible et soient exposé aux éléments de discours officiels de la campagne. Le
site devait alors être présenté à la presse en grande pompe, avec M. Jospin qui devait déclencher
l’apparition du sacro-saint site web en cliquant sur une souris. L’idée, néanmoins, que ce dernier
ignorait totalement le fonctionnement basique d’une souris et d’un ordinateur n’était pas venue
 
	
  
13	
  
à l’esprit des responsables communication de cette campagne. Ainsi, devant un parterre de
journalistes venus assister à l’événement, M. Jospin soulève la souris dans l’air telle une
télécommande et tente, bien malgré lui, de faire apparaître ce site qui, finalement, sera
déclenché à distance par un technicien…
C’est en 2007, lors des élections présidentielles où s’affrontent Nicolas Sarkozy et
Ségolène Royal, que vont véritablement prendre forme les prémices de la communication
politique en ligne lors d’une campagne électorale. La lecture d’un article du Monde publié le 10
avril 2007 et dont le titre est « Ségolène Royal, candidate hypermoderne »6
montre combien
l’avènement du réseau bouscule les forces en place et qu’une simple présence sur le web fait
passer la candidate socialiste pour « ultramoderne ». Plus loin, on lit : « Elle a compris que le
peer to peer, le wiki et l'hypertexte avaient transformé nos schémas mentaux, nos pratiques
cognitives, et donc modifié les rapports que les citoyens entretiennent avec la politique. » Sept
ans plus tard, cette phrase semble surannée, voire incongrue tant les références ont été à
nouveau chamboulées et qu’une présence sur le web ne passe pas par le « peer to peer » ou
autres « wiki ». La conclusion de l’article calme les éloges précédents et fait un constat assez
clair du rapport qu’avait encore en 2007 une majorité de Français face aux outils numériques :
« Son intelligence (celle de Ségolène Royal, ndlr) des ressorts d'Internet est un atout, bien sûr.
Mais une majorité de l'électorat continue, et continuera longtemps encore, à se déterminer
selon des critères traditionnels. » Voilà donc des bases clairement établies : est traditionnel ce
qui n’est pas du ressort d’Internet. Du chemin restait encore à parcourir.
b. Une source d’inspiration outre-Atlantique
Aux États-Unis, dès le début des années 2000, les campagnes utilisaient déjà les outils
numériques, et en particulier les sites des candidats pour informer les électeurs. Howard Dean,
en 2004, puis Barack Obama, en 2008, ont été les premiers à comprendre que la puissance du
numérique dépassait la simple information des électeurs. C’était également un puissant outil
d’organisation de la force militante. La campagne du président démocrate de 2008 marquera un
tournant dans la digitalisation des campagnes qui influence aujourd’hui encore les manœuvres
politiques préélectorales. La campagne pour sa réélection n’a fait que pousser la stratégie alors
mise en place à un niveau encore supérieur. Ces deux campagnes restent aujourd’hui une source
d’inspiration forte pour les candidats. Clémence Pène, responsable digitale de la campagne
d’Anne Hidalgo, a même travaillé chez Blue State Digital, la plateforme logicielle utilisée par
Obama lors de sa dernière campagne présidentielle. Elle a également finement étudié le local de
campagne d’Obama à Chicago dans le cadre de sa thèse sur la démocratie digitale et
participative à l’université Paris 8.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
6
LEGENDRE, Bertrand, « Ségolène Royal, candidate hypermoderne », Le Monde (Paris) 10 avril 2007.
 
	
  
14	
  
Les références sont assez éloquentes quand on analyse ce qui a été mis en place de
l’autre côté de l’Atlantique. Ainsi, par exemple, la campagne pour sa réélection s’est terminée
par l’un des tweets les plus partagés de l’histoire (seul le fameux selfie des Oscars fera mieux en
2014 et dépassera la barre des 2 millions de RT), dans lequel on pouvait voir le couple
présidentiel dans les bras l’un de l’autre et lire « 4 more years ».
Message posté le 7 novembre 2012, 5 h 16 GMT (00 h 16 Est Time) sur les compte Twitter et
Facebook officiels du candidat démocrate américain réélu pour quatre ans : Barack Obama.
La célèbre photo « 4 more years » enchaîne les records de partage, mentions « j’aime »,
commentaires. Sur Twitter, celle-ci a été partagée près de 800 000 fois, un record en 2012. Cette
même photo dépasse désormais les 4 millions de mentions « j’aime » sur Facebook, avec plus
de 500 000 partages et près de 220 000 commentaires. Ces chiffres n’ont été dépassés depuis
seulement par le fameux « selfie des Oscars » d’Ellen DeGeneres7
.
À l’inverse, et pour comprendre un peu mieux l’apport du « pathos » dans la
communication digitale du candidat, nous pouvons comparer ces chiffres avec ceux concernant
une seconde photo postée sur le même compte Facebook à 18 h 35, soit à une heure où un
nombre beaucoup plus important de personnes se trouvent sur Facebook. Cette fois-ci, l’image
n’est « aimée » que 2 millions de fois et partagée seulement à 80 000 reprises.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
7
Auteur inconnu, « Le selfie des Oscars devient le plus retweeté de l’histoire », Les Échos, mis à jour le
03 mars 2014, consulté le 15 juin 2014. Disponible sur
http://www.lesechos.fr/03/03/2014/lesechos.fr/0203347549495_un---selfie---des-oscars-devient-le-tweet-
le-plus---retweete---de-l-histoire.htm
 
	
  
15	
  
Message posté le 7 novembre 2012, 23 h 35 GMT (18 h 35 Est Time) sur le compte Twitter
officiel du candidat démocrate américain réélu pour quatre ans : Barack Obama.
La différence entre ces deux messages est simple et la « moindre » performance du
second se comprend aisément. Sur la première, une histoire est racontée et on fait appel à
l’émotion. Ces deux contingences font de ce post un post parfaitement calibré et créé pour une
communication digitale. La première image semble sortie d’un album intime du couple.
L’important, finalement, n’est pas de savoir si cette photo a réellement été prise au moment où
le président a su qu’il était à nouveau élu pour quatre ans, mais le message exprimé. Cette
dichotomie est d’autant plus forte que, finalement, d’un point de vue purement graphique, la
seconde est beaucoup plus impactante en raison des couleurs. Ici, les travaux de Barthes8
sur le
relais et l’ancrage de l’image en éclaire le sens. Les deux éléments, ici, peuvent se lire de façon
totalement distincte. Du texte à l'image ou inversement, les connotations ne sont pas
redondantes, elles se complètent et se poursuivent, mais c’est l’ancrage imposé par le texte qui
nous permet de comprendre réellement ce que doit signifier ce post. Ainsi, tandis que le texte
« 4 more years » nous fait comprendre que Barack Obama a été réélu président des États-Unis,
l’image fait montre de joie (il sourit), d’amour (il est dans les bras de sa femme) et de
soulagement (il l’enlace fortement et a les yeux fermés), elle convoie le message d’un Barack
Obama heureux et soulagé d’avoir remporté ces élections.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
8
BARTHES Roland, Rhétorique de l'image, dans Communication, n°4, 1964, p. 41-42
 
	
  
16	
  
C’est par une image similaire que s’est conclue la campagne électorale d’Anne Hidalgo,
le 30 mars 2014. Néanmoins, il est intéressant de voir que la narration n’a pas été autant
travaillée que lors de la célébration de Barack Obama. Étrangement, c’est pourtant l’effet
inverse qui se produit, puisque l’image sur laquelle le message est également inscrit « Merci
Paris », redondant avec le message « Merci Paris », a par essence été choisie et retravaillée.
Cela enlève le côté « naturel » et « spontané » du post d’origine : celui de Barack Obama. Cette
même photo postée à la fois sur son compte Twitter et Facebook la montre néanmoins souriant
dans un meeting. On peut clairement lire sur son visage les traits du bonheur. Cette photo a été
partagée 4 283 fois sur Twitter, favorisé 1 834 fois, « aimé » 7 028 fois sur Facebook et
partagée 2 389 fois (chiffres au 11 mai 2014).
Messages postés conjointement le 30 mars 2014 à 21 h 16 GMT conjointement sur les comptes
Twitter et Facebook d’Anne Hidalgo, alors tout juste élue maire de Paris.
Ces chiffres restent modérés si on les compare aux performances américaines, mais
témoignent d’un vrai changement. La photo, postée au même moment sur Facebook et Twitter,
montre une organisation et un travail certain de coordination et de préparation de l’image, ce qui
dénature l’aspect spontané du post qu’on pouvait trouver chez Barack Obama en 2012.
 
	
  
17	
  
c. La campagne présidentielle de 2012, l’élément déclencheur en France
En 2012, pour l’élection présidentielle française, les équipes d’Obama sont même
venues en France pour briefer les équipes de la campagne de François Hollande9
. Blue State
Digital s’est donc installé le temps de la campagne, dans les bureaux du candidat socialiste pour
prodiguer leurs conseils à l’équipe Web française.
Les élections présidentielles de 2012, enfin, ont été le théâtre de réelles velléités de la
part des deux candidats présidentiables (François Hollande et Nicolas Sarkozy). Ces derniers
avaient, chacun, un site Internet et de nombreux comptes sur les réseaux sociaux. De fortes
réticences émanaient toujours et notamment d’une certaine élite peu encline à comprendre la
force du phénomène. Ainsi, dans un article publié le 20 avril 2012 dans Le Figaro10
et titré « Les
réseaux sociaux ont joué un rôle marginal », Jean-Marie Charon, chercheur à l’EHESS et
spécialiste de la question des médias et de l’opinion, estime que pendant les présidentielles de
2012, « Internet apparaît plutôt comme un complément, pas un lieu où se passent des choses
originales. Car ce type de relation assez horizontale n'est pas vraiment en phase avec la
communication politique (sic). » Avant d’ajouter que « Finalement, même si les candidats ont
mis des moyens importants sur Twitter et Facebook, les réseaux sociaux ont joué un rôle assez
marginal (sic) ».
Cet avis, reflet d’une certaine vision de la politique, bien que non-isolé fait désormais
partie des avis minoritaires tant la réalité des dernières élections vient contredire ce point de
vue. Néanmoins, cet avis a le mérite de montrer une légère faiblesse dans le dispositif des
candidats. S’ils ont tous les deux misé sur le web, nullement comparable aux élections
précédentes, ils l’ont surtout utilisé pour mobiliser les militants. Manuel Diaz et Nicolas Princen
avancent les détails de cette stratégie dans l’interview publiée le 21 avril 2012 sur le site des
Inrocks11
et dont le titre est « En France, Facebook, c’est deux fois le 20 heures de TF1 ». Pour
eux, « l’objectif de notre campagne sur internet en 2012 (…), ce n’est pas uniquement animer sa
propre communauté de supporters, c’est aller chercher de nouveaux soutiens. ». En disant cela,
et ils l’expliquent ensuite, ils considèrent Internet à la fois comme un média à part entière et
comme un outil d’organisation plus général facilitant l’organisation des meetings. Ensuite, ils
séparent Facebook, leur priorité, sur lequel, Nicolas Sarkozy serait « le politique qui a le plus
d’amis en France et en Europe » et devient donc, par essence leur priorité. À l’inverse, ils n’ont
que peu d’égard pour Twitter. La réponse de Manuel Diaz sur le sujet est alors assez surannée,
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
9
BERMOND, Nicolas, Blog.50A.fr, , « La stratégie digitale au service de la stratégie politique », mis à
jour le 7 mars 2013, consulté le 14 janvier 2014. Disponible sur http://blog.50a.fr/digital/la-strategie-
digitale-au-service-de-la-strategie-politique
10
DE MALET Caroline, « Les réseaux sociaux ont joué un rôle marginal », Le Figaro, 20 avril 2012
11
MOURGUE Marion, « En France, Facebook, c’est deux fois le 20 heures de TF1 » Les Inrocks, 21
avril 2012
 
	
  
18	
  
presque anachronique aujourd’hui : « Twitter, sans être désobligeant, c’est environ 500 000
comptes actifs : ça anime surtout des cercles d’influenceurs et de journalistes en Ile-de-France.
Sur Twitter, on ne déplace pas une voix, on fait des relations publiques. » Le problème est que
le chiffre avancé est faux, puisque, en 2012, on dénombrait selon les spécialistes entre 2 et
2,2 millions d’utilisateurs actifs sur le réseau à l’oiseau bleu12
et que la relation de cause à effet
entre cercles d’influenceurs, journalistes et voix dans les urnes n’était visiblement pas encore
arrivée à un niveau de compréhension suffisamment élevé pour les deux spécialistes. La suite de
l’interview est aussi surprenante. En 2012, le digital, de la bouche des deux responsables web de
la campagne ce n’est (encore) qu’« un élément supplémentaire », et c’est là que les deux
candidates à la mairie de Paris ont profondément modifié la donne en ne considérant pas cet
outil comme supplémentaire mais comme primordial et central.
C’est un autre article, publié sur le blog politique d’Erwann Gaucher13
le 09 mai 2012
qui pose la question permettant de comprendre pourquoi cette campagne digitale n’a pas été
aussi poussée que ce à quoi on aurait pu s’attendre. À la question « Des candidats qui se sont
mis au numérique ? » La réponse est claire : Faux. Le blogueur précise par la suite « S'ils ont
compris l'importance du web et des réseaux, (…), les candidats ne se sont pas encore saisis
personnellement de ces outils. » et c’est là que la subtilité se tient. En effet, aucun des candidats
présidentiables, n’a utilisé lui-même ses comptes sur les réseaux. Et si ce détail peut paraître
anecdotique, il est la clé de l’évolution future de la communication digitale au service de la
stratégie politique.
Ce rappel rapide des faits et analyses qui ont écumé la vie politique partisane au cours
des quinze dernières années en France montre combien tout n’a pas été évident pour chacun et
que les évolutions se sont faites par étapes et parfois de façon douloureuse. Ce retour en arrière
en dit beaucoup sur l’état dans lequel les politiques et spécialistes de la communication
politique se trouvaient face à tous ces outils digitaux qui venaient envahir leur périmètre
d’action. Douze ans plus tard, force est de constater que l’ensemble du corps politique a pris
conscience que ces outils n’étaient pas à ignorer, et qu’au contraire, ils détenaient peut-être la
clé d’un certain renouvellement politique poussé par une nouvelle génération partisane, moins
attachée aux parties et plus aux valeurs. En douze ans, c’est toute une nouvelle génération de
femmes et d’hommes politiques qui se présentent désormais face au citoyen, et cette nouvelle
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
12
Emarketer.com, « Twitter grows stronger in Mexico », mis à jour le 24 septembre 2012, consulté le 24
mai 2014. Disponible sur :
http://www.emarketer.com/Article.aspx?R=1009370&ecid=a6506033675d47f881651943c21c5ed4
13
GAUCHER Erwann, « La présidentielle s’est jouée en ligne… vrai ou faux ? », mis à jour le 09 mai
2012 et consulté le 13 mars 2014. Disponible sur http://www.erwanngaucher.com/article/09/05/2012/la-
presidentielle-sest-jouee-en-ligne-vrai-ou-faux-/897
 
	
  
19	
  
génération, bien qu’elle n’ait pas grandi avec un iPad entre les mains a été beaucoup plus
rapidement encline à utiliser les réseaux et le web de façon globale pour faire passer ses
messages. La décennie passée a complètement transformé les politiques qui n’ont eu d’autres
choix que de s’adapter pour pouvoir espérer de continuer à être à la fois visible mais aussi
crédible. En douze ans, on est passé d’un Lionel Jospin ne sachant pas cliquer sur une souris à
une Nathalie Kosciusko-Morizet tweetant sur son iPad dès la sortie du cinéma. En douze ans, la
communication digitale en vue d’une élection est passée d’un petit local aux abords de l’hôtel
de ville dans lequel quelques hurluberlus du web travaillaient à créer du contenu pour un site
Internet peu consulté à une organisation complète, pensée et intégrée à la stratégie globale des
candidats.
 
	
  
20	
  
2 / Les techniques de communication digitale
a. Différents outils pour différents objectifs
Les deux premiers outils dont dispose un candidat en vue d’une élection sont les deux
réseaux sociaux les plus importants en France en 2014 : Facebook et Twitter. Ces deux réseaux
doivent être vus comme des caisses de résonance de premier ordre permettant aux candidats
d’être bien identifiés, de faire valoir leurs discours et leurs idées et permettant un rapprochement
avec les citoyens. Une fois cette première étape acquise, il devient utile de disposer d’un site
Internet, support de l’ensemble des éléments de communication et pouvant être aisément relayé
par les réseaux sociaux. Ces premiers outils font partie du « kit de survie » que les candidats
doivent avoir au moins mis en place. Ensuite, des déclinaisons peuvent varier : nombre de
réseaux sociaux, nombre de sites annexes au premier, contenus mis en avant, type de contenus.
Néanmoins, et si on est tenté de penser avant tout aux réseaux sociaux lorsqu’on pense
au numérique dans les campagnes électorales, il est un autre pan du web dont les candidats se
sont saisis : les outils d’action. Leur rôle en campagne électorale est de faciliter l’organisation
des actions de terrain et notamment le porte-à-porte, technique entièrement repensée pour plus
d’efficacité. Recruter des volontaires, organiser le porte-à-porte, remonter les données de
terrain : le numérique se rapproche du cœur de l’organisation des campagnes.
b. D’une campagne « sociale » à une campagne de données
Ce ciblage ne serait pas possible sans la capacité à traiter les données. Aujourd’hui, les
outils de gestion de base de données ne sont plus réservés au secteur du marketing. Blue State
Digital, Nation Builder, deux outils américains qui ont fait leur entrée en France, permettent de
gérer sa base de données, de l’enrichir et d’entretenir la relation avec l’électeur. Les bases
politiques sont composées des listes électorales mises à la disposition de tous les candidats par
l’administration de façon légale, lesquelles néanmoins sont dans un second temps enrichies des
données remontées du terrain, rendant le travail des militants sur le terrain d’autant plus
primordial. Chaque information perçue, chaque sensibilité électorale, bref chacun des détails qui
pourraient être perçus comme étant importants par les militants est noté précieusement. Le
reporting joue alors un rôle essentiel dans le traitement des données : c’est lui qui va permettre
d’enrichir sa base. Chaque action de terrain est l’occasion de récolter des données : un e-mail,
un numéro de téléphone. Ici, l’outil numérique va permettre de répondre à un besoin de
rationaliser la remontée des données et d’être plus efficace en termes de réactivité et de
traçabilité de la relation avec l’électeur.
Ainsi, si les réseaux sociaux sont bel et bien une partie importante de la stratégie
globale, sur laquelle l’équipe peut et doit compter, elle est désormais un élément à prendre en
compte parmi d’autres. Le niveau de maturité du marché est tel sur certains supports qu’il ne
 
	
  
21	
  
faut pas seulement y être, il faut y aller en n’omettant aucun détail et en y connaissant les codes
du genre. L’utilisation du numérique pour la récupération des données et pour créer une
synergie avec les équipes relais « sur le terrain » est une chose nouvelle et qui en France peine à
s’imposer comme cela a été le cas aux États-Unis. Ainsi, alors qu’aux États-Unis, il est
désormais commun d’acheter des bases de données de tout genre, en France, cela reste encore
très marginal. La principale raison de ce différentiel de maturité sur le sujet avant tout est
culturelle, tandis que la seconde est financière. En effet, l’achat de base de données en politique
est loin d’être entré dans les mœurs et pourrait avoir des impacts très négatifs sur une campagne.
Par ailleurs, aux États-Unis, où il est légal par exemple d’obtenir les préférences d’achat d’un
électeur grâce aux informations bancaires qu’il laisse sur les sites marchands, ce qui, en France,
est formellement interdit.
c. Une e-réputation : entre dangers et opportunités
J’ai mené une expérience à différents moments de la campagne autour du thème de la e-
réputation. Je me servais de Google pour avoir un aperçu à un moment donné de la façon dont
les deux candidates étaient perçues. Deux éléments m’importaient : quels étaient les premiers
mots qui venaient automatiquement compléter leur nom dans la barre de recherche Google et la
première page du fameux site lorsque l’on tapait simplement leur nom.
Si ces relevés n’ont pas vocation à décrire une réalité précise et parfaite de la façon dont
les candidates sont perçues par les internautes, elles donnent des grandes lignes d’interprétation.
Rappelons, en effet, que la saisie semi-automatique de Google recense les mots clés qui ont été
le plus souvent recherchés ensemble. Ils donnent ainsi un aperçu de ce qui est lié aux deux
candidates dans l’inconscient des internautes.
Pour en savoir, j’ai effectué trois relevés à trois moments différents afin de ne pas être
influencé par un buzz particulier ou un mouvement de passage. Je voulais fonder mon analyse
sur une tendance de fond. Ainsi, le premier relevé date du 8 novembre 2013, deux mois après le
début officiel de la campagne, le second le 26 mars 2014, soit peu avant les élections et enfin un
dernier le 06 juin, deux mois après le sacre de Mme Hidalgo.
Saisie semi-automatique proposée par Google au 8 novembre 2013 pour « Anne Hidalgo »
 
	
  
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Saisie semi-automatique proposée par Google au 8 novembre 2013
pour « Nathalie Kosciusko-Morizet »
Saisie semi-automatique proposée par Google au 26 mars 2014 pour « Anne Hidalgo »
Saisie semi-automatique proposée par Google au 26 mars 2014
pour « Nathalie Kosciusko-Morizet »
Saisie semi-automatique proposée par Google au 6 juin 2014 pour « Anne Hidalgo »
 
	
  
23	
  
Saisie semi-automatique proposée par Google au 6 juin 2014
pour « Nathalie Kosciusko-Morizet »
À la lecture de ces images, le premier constat est que les internautes sont avant tout
avides de connaître leur programme (3 occurrences pour Anne Hidalgo, 1 pour NKM), et de
leur compte Twitter (2 occurrences pour Anne Hidalgo, 1 pour NKM). Cette seconde
particularité est surtout due au fait que le moteur de recherche Google est plus puissant que
celui intégré à Twitter pour trouver les comptes. Ensuite, les deux candidates sont toutes les
deux observées dans leur intimité. L’anonymat relatif sur le web, permet aux citoyens de se
renseigner sur des détails. Autour de NKM, différents mots forment un ensemble assez
hétérogène et interrogateur sur ce que les personnes cherchent alors à savoir (frère, roms, métro,
mari, taille). Son frère, Pierre Kosciusko-Morizet, est, en effet, un entrepreneur français, connu
surtout pour être le co créateur du site de ventes en ligne PriceMinister.
Je me suis demandé si l’inverse était vrai. Je voulais savoir si la curiosité autour du frère
de NKM portait également autour de cette dernière. Force est de constater, que sa sœur est
également un objet de recherche important pour ce dernier. Bien que celle-ci n’apparaisse qu’en
3e
position, c’est par son nom que leur fraternité est recherchée et non par « sœur ». En effet,
elle dispose d’une visibilité beaucoup plus importante que ce dernier.
Saisie semi-automatique proposée par Google au 06 juin 2014
pour « Nathalie Kosciusko-Morizet »
La capture écran réalisée le 26 mars semble sur ce point la plus intéressante car elle
montre la cristallisation des opinions et des rejets à quatre jours des élections. Ainsi, les
velléités de la candidate UMP-UDI-Modem de nationaliser le débat autour d’une ligne stratégie
anti « double H » comme elle l’a nommée (c’est-à-dire Hidalgo = Hollande) a porté ses fruits et
 
	
  
24	
  
a agité les curiosités. Et, c’est une ancienne rumeur persistante qui finit de motiver les personnes
concernées à aller chercher de l’information. À nouveau, une simple recherche Google permet
de comprendre que cette rumeur d’une supposée liaison entre eux, voire de la naissance d’une
fille suite à cette liaison fait toujours grand bruit. Derrière, on ne trouve que des sites
d’information « alternatifs » parlant du coût de cette supposée fille.
Saisie semi-automatique proposée par Google au 06 juin 2014
pour « Hidalgo Hollande »
Pour la première page de Google, j’ai effectué deux relevés qui se trouvent en annexe
de ce mémoire (annexe 1 à 4).
À cette étape, je me suis demandé quelles étaient les premières informations que
pouvait lire un citoyen voulant se renseigner sur l’une ou l’autre des candidates. Je voulais
savoir sur quoi il tombait lorsqu’il tapait « Anne Hidalgo » ou « Nathalie Kosciusko-Morizet »
sur Google, le premier moteur de recherche en France. Puisque, bien souvent, la première
impression est la bonne, il est important pour les deux candidates de la soigner. Si elles ne
peuvent pas imposer à Google leur avis et leur perception de la recherche, elles peuvent toujours
l’influencer.
Si l’on observe les résultats de la recherche Anne Hidalgo entre les deux relevés,
certaines conclusions s’imposent. Dans un premier temps, la force de la rumeur de son enfant
avec François Hollande. Que ce soit le 6 juin ou le 23 mars, le résultat est le même : en bas de la
page, plusieurs mots clés invitent le quidam à effectuer quelques recherches supplémentaires sur
le sujet. La différence reste qu’une rumeur peut parfois en chasser une autre, d’autant plus
lorsque celle-ci est avérée Ainsi, le 23 mars, c’est également l’affaire « Hollande – Gayet » qui
remonte dans le fil d’informations puisqu’Anne Hidalgo l’a commentée. On peut également
noter que deux éléments négatifs remontent sur cette première page : les incidents devant le QG
de la candidate et certains articles peu élogieux. C’est ainsi pour cette raison que les relations
presse prennent désormais un tout autre sens, et bien qu’on ait pu annoncer leur mort de façon
prématurée, elles restent très importantes dans l’optique de la gestion d’e-réputation. Également,
 
	
  
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les plates-formes sociales permettent également de jouer sur cette réputation puisque certains
posts sont repris directement sur la home page. Voyons notamment celui du 23 mars. Anne
Hidalgo est avec des commerçants et il est écrit "Sur le terrain ce matin avec Pauline Véron,
tête de liste dans le 9e, à l’écoute des habitants et commerçants de la rue Cadet" illustré par une
photo. Voici donc les premières informations qu’un potentiel électeur réussit à savoir en tapant
simplement le nom de la candidate dans le moteur de recherche le plus utilisé en France.
À l’inverse, la première page de la candidate de la droite et du centre est moins nourrie
par la rumeur. Ce que l’on trouve aux deux relevés est par ailleurs, assez similaire. L’ordre est
modifié mais l’essentiel est là : profil Google +, Wikipédia, compte Twitter, compte Facebook,
articles sur le Figaro, Le Point et Le Nouvel Obs’ ainsi que sa page personnelle sur le site de
l’Assemblée Nationale. C’est ainsi, avant tout une prestance nationale qui se dégage de cette
première recherche et une personne qui n’aurait jamais entendu parler de la candidate avant
d’effectuer cette recherche dispose désormais d’éléments tangibles. Les recherches liées le
mettent néanmoins sur la piste de quelques importantes « casseroles » de la candidate. En effet,
on trouve : enceinte, accouchement, talons et tueuse (l’ordre diffère). La forte persistance de sa
grossesse est, par ailleurs, surtout liée au fait qu’elle ait, à l’époque, posé pour un magazine et la
photo reste toujours aujourd’hui, un sujet à photomontage assez important. Le seul lien qui
remonte et dont la candidate aurait à gagner qu’il disparaisse est son ancien blog lorsqu’elle
était maire de Longjumeau. Sur celui-ci, on peut lire ses aventures en tant que maire de cette
ville et député du département : l’Essonne. Bien que le dernier article posté traite bien de sa
candidature à la Mairie de Paris, lire des informations contradictoires n’est jamais une bonne
nouvelle pour la cohérence d’un discours politique.
Pour Google Images, j’ai effectué un seul relevé. Ce relevé est tout de même intéressant
pour le panorama qu’il donne des deux candidates. Si elles sont bien identifiées et bien relayées,
des images assez surprenantes apparaissent et deux conclusions différentes s’imposent. Pour
rappel, les algorithmes de Google Images ne référencent pas le contenu qu’il propose en
fonction de l’actualité, mais en fonction du stock d’images disponibles sur le web qui sont
titrées et balisées avec les mêmes mots-clés. Plus une photo est affiliée aux mêmes mots-clés et
reprise sur les sites web, plus elle remontera dans les résultats de recherches. C’est seulement un
fort taux de clic sur l’image qui permettra à celle-ci de remonter en première page, c’est donc le
citoyen et non les équipes de communication qui peut avoir une influence sur la remontée des
photos.
 
	
  
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Capture écran de Google Images « Anne Hidalgo » au 26/03/14
Capture écran de Google Images « Nathalie Kosciusko-Morizet » au 26/03/14
De ces deux captures d’écran, une différence saute aux yeux. Nathalie Kosciusko-
Morizet est seule sur toutes les photos à l’exception d’une seule. Anne Hidalgo, quant à elle, ne
l’est que sur la moitié d’entre elles (15 photos sur un total de 28 pour être précis et elle est
accompagnée par de NKM / Pierre-Yves Bournazel sur 4 d’entre elles). Anne Hidalgo est tour à
tour, présentée avec son mari, en conseil municipal, avec son écharpe ou en plan plein pied en
 
	
  
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soirée tandis que l’ensemble des premières photos de NKM la présente, dans leur majorité,
sobrement, zoomé sur son visage, et elle y est représentée de façon beaucoup moins statique que
sa rivale socialiste.
Cette forte dichotomie est d’autant plus intéressante qu’elle n’a pas été travaillée par
une équipe de communication, elle leur est imposée. Google Image est un outil sur lequel on
peut agir, mais cela est coûteux et chronophage.
 
	
  
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3. L’indispensable complémentarité « du livre et des écrans »
« Dans un premier temps, les pratiques numériques de participation politique
pourraient être simplement considérées comme des transpositions ou des extensions de celles
habituellement observables hors ligne. Par exemple, le mail renverrait aux opérations de
tractage ; chat et forums seraient la version en ligne des meetings et des réunions ; produire
des photos ou des vidéos équivaudrait à coller des affiches. Le problème étant ici que certains
de ces indicateurs traditionnels ne trouvent pas nécessairement d’équivalent en ligne et que,
symétriquement, certaines activités en ligne s’apparentent, intuitivement, à de la participation
ou, à minima, à de l’expression de préférences politiques sans que les catégories habituellement
usitées pour l’appréhender puissent être utilisées. »14
a. Une complémentarité évidente
Christine Barats résume ici toute la complexité du rapport de force qui existe entre, ce
que l’on peut communément appeler « les outils de communication digitale » et les « outils
traditionnels ». Ces deux termes ne sont pas opposés mais distinguent clairement deux champs
d’action du politique dans une campagne électorale. Finalement son choix cornélien est celui de
nombreuses marques. Comment communiquer ? Où communiquer ? Quels sont les éléments de
langage à mettre en avant sur quel support ? Les agences de communication semblent avoir pris
le parti de ne pas choisir. Ce qui importe désormais est le contenu, le reste est de l’ordre du
formel et le prospect (ici l’électeur potentiel) a atteint un niveau de maturité sur le web assez
important pour qu’il ne distingue que très peu une information lue dans un journal ou sur le site
de la campagne. C’est cette ambivalence qui rend la frontière de plus en plus ténue entre deux
mondes qui ne s’opposent plus, car ils n’ont pas à s’opposer puisque chacun influence l’autre
d’une façon indéniable. Si les codes originels de l’imprimé restent marqués dans notre culture
occidentale car nous avons baigné dans la culture du livre comme « un poisson dans l’eau »15
. Il
faudra donc désormais composer avec cette dualité nécessairement complémentaire.
La culture du numérique est avant tout un « métissage ». En effet, si elle a été
massivement importée par les États-Unis, elle a grandi, en France, dans les mêmes draps que sa
sœur : la culture de l’imprimé. Aujourd’hui, les deux grandissent ensemble et aucune des deux
ne veut céder sa place à l’autre car elles savent que c’est sur leur équilibre.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
14
BARATS, Christine, Manuel d’analyse du web en Sciences Humaines et Sociales, Armand Colin,
2014, p.172
15
TISSERON, Serge, Du livre et des écrans, Plaidoyer pour une indispensable complémentarité.
Éditions Manucius, mars 2013
 
	
  
29	
  
b. Une synergie entre les supports
Dans l’ouvrage de Serge Tisseron, Du livre et des écrans, Plaidoyer pour une
indispensable complémentarité16
, le parti pris est affiché dès le titre. Selon lui, tandis qu’il
existerait une culture unique du livre, il existerait une culture des écrans, comme une culture des
multiples. Son raisonnement est le suivant et il est aisé de l’appliquer à un raisonnement
politique : la culture du livre est placée sous le « signe de l’un » avec une conception dominante
du savoir verticale telle que : « celui qui sait écrire un livre écrit pour ceux qui ignorent. Par le
livre, ils accèdent à la connaissance du clerc ou du savant. » À l’inverse, toujours selon
l’auteur, « la culture des écrans privilégie au contraire le multiple : plusieurs personnes sont
réunies devant plusieurs écrans dont les contenus ont été créés par des équipes. »
c. L’impact des outils digitaux sur le terrain
L’utilisation des réseaux sociaux a apporté plus de transparence dans la vie politique.
Les contacts directs avec le candidat, les échanges, ne sont plus cantonnés à la rencontre
inopinée sur le marché, que ce soit via Twitter ou en débat interactif avec des solutions comme
Google Hangout. À l’inverse, ces nouvelles formes de débat, de contact avec les électeurs,
réintroduits par les réseaux sociaux, se sont étendues aux autres aspects de communication
électorale : les pop-ups d’Anne Hidalgo [prises de parole avec happening] en sont un exemple
criant. Les élus retournent dans la rue pour échanger différemment avec les électeurs, dans des
cadres plus ouverts et moins archétypaux que la distribution de tract ou la visite de quartier. Le
politique est désacralisé et retrouve sa véritable implantation locale. Le politique a été
désacralisé et en tombant de son piédestal, il revient vers une logique de terrain qu’il semblait
avoir perdu ces dernières années.
Néanmoins, là où les outils digitaux représentent, au-delà, d’une complémentarité, un
véritable facilitateur du travail des militants sur le terrain, c’est dans la façon dont il a renouvelé
une technique vielle comme le monde : le porte-à-porte. Une des preuves de ce regain d’intérêt
pour cette technique : c’est devenu un argument politique à part entière. L’équipe d’Anne
Hidalgo a, ainsi, particulièrement mis en avant leur travail de porte-à-porte en faisant du chiffre
atteint par les militants l’objet principal de deux newsletters.
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
16
TISSERON Serge, Du livre et des écrans, Plaidoyer pour une indispensable complémentarité. Éditions
Manucius, mars 2013
 
	
  
30	
  
Capture écran de la newsletter d’Anne Hidalgo envoyée le 27 octobre 2013
Capture écran de la newsletter d’Anne Hidalgo envoyée le 9 mars 2014
Cela ne s’arrête pas là. Le numérique facilite et optimise la pratique. Aujourd’hui elle
est révolutionnée par un logiciel développé par l’agence Liegey Muller Pons (du nom des trois
fondateurs) : Cinquante + 1. L’histoire du logiciel suit l’évolution de la communication
 
	
  
31	
  
politique sur le web dans le sens où les premiers essais datent de la campagne d’Obama en 2008
mais il faudra attendre 2011 pour qu’il soit utilisé à une plus grande échelle. Le logiciel permet
surtout d'identifier des zones prioritaires. Dans une interview donnée à l’Usine Digitale,
Clémence Pène, responsable web de la campagne d’Anne Hidalgo décrypte ainsi l’outil : Il
« permet de faire remonter de nombreuses informations du terrain : nombre de portes frappées,
qualité de l'échange, présence de l'adversaire. Le numérique permet de mener une campagne
augmentée, avec plus de porte-à-porte, des événements plus porteurs, une plus forte
audience. »17
Ce sur quoi on peut raisonnablement conclure, c’est que le numérique en tant qu’outil et
déclinaison des supports de communication n’a pas toujours été une évidence au sein d’une
stratégie électorale. Tout du moins, en France. Ainsi, au début des années 2000 a débuté une
longue période de transition dont nous sortons à peine. Les candidats ont eu d’abord beaucoup
de réticences à l’idée de devoir adapter leur message mais également toute leur stratégie autour
de ce nouvel outil. Les campagnes de Bertrand Delanoë et Jean Tibéri ou encore de Lionel
Jospin et Jacques Chirac, respectivement en 2001 et en 2002 ont brillé par leur incapacité à
incorporer l’arrivée d’Internet dans leur campagne. Les essais furent plus réussis après le coup
de maître de Barack Obama aux Etats-Unis en 2008. Suite à cette élection qui a su prendre la
vague du web à la fois social et participatif (nous reviendrons sur ces termes dans la seconde
parie), les élections présidentielles françaises n’auront de cesse de vouloir s’adapter et faire
montre d’une nouvelle modernité. On l’aura surtout vu avec Ségolène Royal et sa démocratie
participative. Néanmoins, il faudra attendre l’élection présidentielle de 2012 pour que la
maturité à la fois du marché mais également celle des politiques permette un premier essai
gagnant malgré des lacunes importantes. Ces élections pour la mairie de Paris en 2014 peuvent
ainsi aisément être considérées comme les premières d’une nouvelle ère tant elles ont pu à la
fois se reposer sur la base solide qu’avaient pu mettre en place les deux candidats à l’élection
présidentielle de 2012. Fort de cette dernière, elles ont pu aller au-delà de cette première étape
et intégré une réflexion globale sur l’objet. Aussi, le numérique ici a permis deux choses : il a
été un outil permettant d’optimiser les ressources militantes disponibles durant le moment
particulier que représente une élection. En lui permettant d’avoir accès à des informations qu’il
n’aurait pu avoir aisément il y a de cela dix ans, le travail en est facilité. Véritable pont entre les
équipes centrales et les militants sur le terrain, il est et nœud de gestion entre les différentes
équipes, organise et améliore l’expérience à la fois des électeurs moins sollicités et mieux
écoutés. L’accès généralisé à une masse d’informations pléthoriques reste néanmoins une
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
17
ARNULF Sylvain, L’usine digitale, Les logiciels dans la campagne des municipales : Cinquante+1
optimise le porte-à-porte, mis à jour le 14 mars 2014, consulté le 18 mai 2014 et disponible sur
http://www.usine-digitale.fr/article/les-logiciels-dans-la-campagne-des-municipales-cinquante-1-
optimise-le-porte-a-porte.N247807
 
	
  
32	
  
difficulté importante dont les candidates doivent prendre conscient et sur laquelle elles doivent
toujours garder un œil vigilant. Pour la suite, il nous faudra tenter de comprendre avec
discernement et précision les objectifs qui ont été poursuivis. La réflexion est posée autour de
trois axes principaux : la conviction, la persuasion et enfin, l’engagement.
 
	
  
33	
  
Anne Hidalgo, candidate PS / PCF à la mairie de Paris et Nathalie Kosciusko-Morizet,
candidate UMP-UDI-Modem, le 26 mars 2014 suite au débat diffusé en direct sur LCI.
 
	
  
34	
  
B/ Les objectifs de la communication digitale dans la
campagne pour Paris 2014
Les stratégies de communication digitale ont surpris par leur ampleur et leur maturité,
dans la campagne pour Paris 2014, bien que le web se soit imposé depuis bientôt plus d’une
décennie comme canal de communication pour les marques et les organisations. Ces élections
ont permis de voir des brides de ce que l’on pourra voir bientôt dans les autres villes de France :
une communication digitale pensée et réfléchie en amont comme une stratégie de marque à part
entière. Dans une période que d’aucuns qualifient déjà de post-réseaux sociaux, les deux
équipes ont dû faire preuve d’une forte imagination et dépasser les clivages habituels.
En vue d’appréhender l’organisation de la campagne sur le web ainsi que la manière
dont le web a pu faire l’objet d’un investissement de la part des candidats et de leurs partis
respectifs, le premier travail a consisté à cerner quels dispositifs ils avaient choisi d’animer en
tant que manifestations de leur présence en ligne mais aussi comme instrument potentiel de
mobilisation des internautes. Ceci a conduit à déterminer un corpus de dispositifs en ligne –
incluant sites web et réseaux sociaux – dont les contours se sont avérés très difficiles à délimiter
avec précision, tant plusieurs catégories d’acteurs, non limités aux équipes officiellement
visibles dans les organigrammes de la campagne ont pu prendre part à diverses actions
susceptibles de caractériser un engagement au profit des candidats.
Afin de faciliter ce travail préliminaire, j’ai commencé un recensement exhaustif de la
présence en ligne des candidates et j’ai appliqué à ce recensement une matrice articulée autour
de trois champs d’action. Le corpus n’étant pas figé ni clairement délimitable, certaines
catégories d’outils dépassent le strict cadre de la matrice, et se retrouvent tour à tour dans l’une
ou l’autre des catégories. J’ai travaillé ce corpus autour de trois objectifs poursuivis par les
candidats : la conviction, la persuasion et l’engagement. Je suis ainsi parti de ce que la
communication politique a toujours poursuivi comme objectif (convaincre, informer, mettre en
avant des arguments d’autorité clairs et simples) pour aller vers deux territoires nouvellement
exploités via les outils numériques (à savoir la persuasion et l’engagement).
Ici, une seconde lecture à l’intérieur même de ce redécoupage est possible et permet
d’affiner la classification. Cette seconde grille d’analyse a été réalisée à l’aune des apports
d’Aristote18
: la tripartition ethos, pathos, logos. Ces trois axes peuvent être définis comme suit.
L’ethos correspond au fait que l’orateur ait une bonne prestance, et que tant son style que sa
réputation peuvent contribuer à être crédible et à produire une impression positive sur son
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
18
ARISTOTE (trad. Pierre Chiron), Rhétorique, Paris, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 2007
 
	
  
35	
  
public. Le logos, ensuite, insiste sur le fait que le discours soit structuré, rationnel et logique et
que l’argumentation mette en avant de manière persuasive et explicite les avantages concrets.
Enfin, le pathos explique l’importance des émotions transmises et ressenties par le public et que
dans ce sens tant la passion que la séduction et l’empathie sont nécessaires.
Si les deux candidates ont réinventé les codes et poussé la révolution numérique à un
niveau qui n’avait encore jamais été atteint en France, les moyens et techniques qu’elles ont mis
en œuvre diffèrent légèrement. En effet, si la candidate socialiste a misé sur une campagne plus
« geek » avec l’organisation de « hackathons» ou encore par la prédominance des logiciels dans
la gestion de ses militants, elle a été moins inventive et moins en pointe sur la mise en place
d’une stratégie de contenus sur les réseaux sociaux, contrairement à sa rivale socialiste. Si on
connaît désormais le résultat du scrutin, force est aujourd’hui de reconnaître que les deux
équipes ont fait montre d’une volonté très forte de digitalisation de la campagne, autour de ces
trois grands objectifs : convaincre, persuader et engager.
 
	
  
36	
  
1- Convaincre
a. Des sites construits autour du contenu
D’emblée, on note une grande différence entre les deux URL nkmparis.fr versus Anne-
hidalgo.net. En effet, les candidates personnalisent différemment leur présence web. Nathalie
Kosciusko-Morizet fait le choix de mettre en lumière, accolé à ses initiales, l’enjeu de la
campagne (Paris). Tandis qu’Anne Hidalgo fait un choix d’énonciation équivalent au présentatif
(« voilà », « c’est »).
Les extensions de nom de domaine, .fr et .net, s’opposent. Le premier implante
fortement la candidate dans une stratégie nationale. Elle semble dire : « cette campagne se
déroule à Paris, mais je suis une figure nationale. » Il aurait été intéressant de réaliser cette
analyse aujourd’hui, à l’heure où l’extension .paris est désormais possible. Face à cela, le .net
inscrit la candidate andalouse dans une approche de réseau. En effet, le nom de domaine .net,
bien qu’ouvert à tous maintenant, caractérisait au départ bel et bien une volonté de fédérer en
réseau (network). Cette sémantique s’est atténuée au fil des années et de nombreux sites
arborant ce nom de domaine n’affichent pas nécessairement le signifié de réseau dans leur site.
Capture écran de la page d’accueil du site nkmparis.fr
 
	
  
37	
  
Capture écran de la page d’accueil du site anne-hidalgo.net
Ces différences, dans la façon de se positionner face à la ville sont également corrélées
avec deux autres éléments. Le premier est la façon dont les deux candidates ont mis en avant
l’importance de s’inscrire sur les listes électorales. Un même message, deux wording similaires
mais loin d’être identiques sur le message porté. Ainsi, alors que l’équipe socialiste s’évertuait à
convaincre les indécis et les Néo parisiens à s’y inscrire avec la phrase suivante : « J’habite à
Paris, je vote pour Paris. », à droite, le choix avait été fait d’une épiphore : « J’habite à Paris, je
vote à Paris. » Cette différence sémantique légère, reposant sur le glissement d’une préposition
à l’autre, n’a pas manqué de faire sourire les équipes digitales de la candidate de gauche, qui y
ont vu là, une façon de faire montre d’une dévotion à la ville insécable. L’autre différence est
dans le nom du compte twitter « relais » des deux candidates. Ainsi, tandis que la candidate de
droite a voulu souligner son implantation à Paris avec un pseudo en @nkm_paris (en cohérence
avec son nom de domaine), la socialiste est soutenue par un compte renommé @avecanne.
D’aucuns diront que la première avait plus besoin que la seconde d’affirmer son lien à la
capitale et que la seconde avait plus besoin de se sentir en proximité avec ses électeurs (comme
le marquent la préposition et l’utilisation de son prénom pour la désigner). Ces subtilités
sémantiques n’ont rien d’anodin et participent pleinement de la stratégie de communication,
pour affirmer l’identité des candidates.
Une gestion des relations presse réinventée
La campagne municipale a été ponctuée par de nombreux scandales de diverses
importances. Sur ces sujets souvent épineux, les équipes et notamment les porte-parole ont
souvent eu à s’exprimer pour faire entendre leur vision de la situation. Néanmoins, ces derniers
font désormais fi des journalistes et font passer leur communiqué de presse directement par
l’intermédiaire de leurs réseaux. Ainsi, et alors qu’un communiqué de presse a longtemps été
imprimé puis envoyé aux rédactions avant d’être réduit à un simple mail, il n’est désormais plus
qu’un post Twitter ou sur un blog relayé par ses propres moyens.
 
	
  
38	
  
Plusieurs exemples récents peuvent illustrer cette analyse. Prenons, notamment le
communiqué de Déborah Pawlik sur l’ « Affaire Benguigui », qui a éclaté à 4 jours du premier
tour. Yamina Benguigui, l'ex-ministre déléguée à la Francophonie et nouvellement élue
conseillère de Paris est, en effet, soupçonnée d'avoir menti sur sa déclaration de patrimoine en
"omettant" 430 000 euros. Sur le sujet, Déborah Pawlik, élue du 10e
arrondissement et tête de
liste de NKM dans cet arrondissement demande à ce que « toute la lumière soit faite sur cette
affaire » le 19 mars 2014. Pour faire entendre sa voix, elle publie un communiqué de presse sur
le site officiel de NKM qu’elle-même ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet relaient sur leur
compte Twitter respectif.
Capture écran du compte Twitter « NKM Paris » relayant le communiqué de presse
de Déborah Pawlik le 19 mars 2014 à 15 h 13
Capture écran du compte Twitter de Déborah Pawlik relayant son propre
communiqué de presse le 19 mars 2014 à 15 h 13
 
	
  
39	
  
Capture écran du compte Twitter relais « le 10e
avec NKM » relayant
le communiqué de presse le 19 mars 2014 à 15 h 43
Capture écran du communiqué de presse de Déborah Pawlik « Affaire Benguigui : il est urgent
que toute la lumière soit faite », disponible sur nkmparis.fr
 
	
  
40	
  
Cette digitalisation des relations presse n’est pas seulement une évolution dans l’outil de
transmission, elle est une évolution majeure dans le moyen de transmission. Ici, ce qui compte
c’est le fait que les candidats aux élections sont devenus, par leur réseau, leur propre média. "Le
numérique permet surtout de désintermédier la communication politique", analyse Brigitte
Sebbah, maîtresse de conférences à l'université Paris 12, spécialiste de la communication
politique. "Les candidats peuvent faire passer un message aux citoyens directement, en
s'affranchissant de la presse locale et en contrôlant parfaitement le discours." 19
Ainsi, le
citoyen a désormais accès mot pour mot au discours d’un politique et non plus seulement à des
brides retranscrites par un journaliste. Dimitri Granger, Codirecteur Publicis Consultants Net
Intelligenz, résume ces évolutions dans un article publié dans culture-RP20
. Il insiste ainsi sur
les causes et les conséquences de cette digitalisation des relations presse : « démultiplication des
sources de contenus, instantanéité et vitesse de diffusion de l’information, contestation du statut
journalistique et disparition de nombreux médias. » Ici, c’est bien l’instantanéité de la diffusion
de l’information et la démultiplication des sources de contenus qui sont concernés. Et cette mise
en avant par les deux candidates des communiqués de presse est une réponse naturelle à cette
problématique.
Les réseaux sociaux, vecteurs de proximité entre élus et citoyens
L’ibérique Anne Hidalgo est présente sur Twitter, Facebook, Dailymotion et Flickr. Elle
est présente sur Instagram seulement par l’intermédiaire du compte « avec anne », géré par
Clémence Pène et dont la description fait état d’un compte de la « communauté officielle de
soutien à Anne Hidalgo ». Le relevé des chiffres a été réalisé le 24 mai.
Ainsi, la page « Anne Hidalgo » (et non son compte personnel) est présente sur
Facebook depuis le 9 décembre 2007 et dispose de 60 637 mentions « j’aime ». Sur
Dailymotion, la candidate a téléchargé 550 vidéos, classées dans 9 playlists, et capitalisant un
total 337 647 vues. 110 abonnés suivent l’actualité de la candidate. Ces vidéos ont été regardées
en moyenne 613 fois, avec une nette augmentation du nombre de vues par vidéo au cours des
derniers mois, via une stratégie de contenus audiovisuels assez poussée chez la candidate. On
notera ici, l’absence de la candidate sur YouTube. Ensuite, la candidate est présente sur Flickr,
plateforme interactive agrégeant des photos autour d’événements depuis septembre 2009. À
nouveau, cette date montre que la candidate n’a pas attendu les municipales pour explorer les
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
19
MANENTI, Boris, Nouvel Obsservateur « Quand municipales riment avec digital », mis à jour le 25
février 2014, consulté le 13 mars 2014. Disponible sur http://tempsreel.nouvelobs.com/elections-
municipales-2014/20140219.OBS6926/quand-municipales-riment-avec-digital.html
20
Culture RP, « Les relations presse doivent faire leur révolution ». Mis à jour le 27 mai 2013, consulté le
15 mai 2014 et disponible sur http://culture-rp.com/2013/05/27/les-relations-presse-doivent-faire-leur-
revolution/
 
	
  
41	
  
plateformes sociales. Sur ce site de partage, elle a téléchargé près de 7 000 photos (6 956 pour
être précis) dans 325 albums. La candidate, enfin est présente sur Instagram. Au 24 mai, elle
avait publié 111 photos, était suivie par 93 followers et en suivait 96.
Au-delà de Twitter, NKM, quant à elle est présente sur Facebook, Google +, Flickr,
Dailymotion, YouTube, Tumblr, Instagram et Bobler. Sa présence est quasi ubiquitaire et tout
semble maîtrisé et pensé de façon globale. Ainsi, elle dispose sur Facebook d’un bassin de
mentions « j’aime » assez similaire à la candidate socialiste (54 399) et les deux se sont inscrites
sur le réseau à deux mois d’intervalles (la page NKM a été créée le 26 février 2008). Les posts
sont moins réguliers que ceux de sa rivale mais ils obtiennent des scores de viralité plus
importants (en moyenne, ils sont partagés 20 à 30 % de plus). La candidate est également
présente, sur le réseau social de Google, Google +. Une présence sur ce dernier a un énorme
avantage : il permet à la candidate d’avoir un référencement sur le moteur de recherche plus
important que sa rivale. Sur le réseau, elle a été ajoutée dans 24 225 cercles et son profil a été
consulté plus 1 million de fois (1 249 107 exactement). La candidate a, par ailleurs, téléchargé
6 286 photos sur Flickr depuis son inscription en mai 2009. Ces photos sont réparties dans 317
albums, et sont attendues par 141 abonnés. Sur Dailymotion, la candidate est présente au travers
de deux comptes. Le premier est son compte officiel à son nom. Celui-ci a 115 abonnés et
culmine à 142 377 vues, réparties sur 245 vidéos (soit 581 vues par vidéo), réparties elles-
mêmes dans 5 playlists. Son second compte a été créé spécialement pour la mini-série
« Vivement demain ». Sur ce compte thématique, se trouvent 10 vidéos qui ont été visionnées
par 29 737 personnes (soit 2 973 vues par vidéo). Cette moyenne supérieure trouve surtout son
explication par le fait que ces vidéos ont été de véritables supports de communication pour la
candidate. Sur YouToube, la candidate est moins présente. 82 vidéos sont consultables pour un
total de 98 abonnés. Les politiques sont priés de faire valoir le savoir-faire français et sont
tacitement contraints à utiliser le site de téléchargement de vidéos made in France. Enfin, une
des véritables forces de la candidate est sa présence sur Instagram avec près de 1 177 followers.
La candidate, enfin, est présente sur Bobler, le nouveau réseau social « vocal » et surtout
français, contrairement à sa rivale socialiste.
Ainsi, si les deux candidates sont très présentes sur le site de micro-blogging Twitter,
leur positionnement mais également leurs activités respectives sur les autres sites sont plus
relatifs, surtout pour Anne Hidalgo.
Zoom sur Twitter
A priori similaire, la présence des deux candidates sur Twitter est finalement très
opposée et à ce jeu, Nathalie Kosciusko-Morizet joue à domicile : elle a été une des premières
ministres françaises inscrites et actives sur le site. Anne Hidalgo n’est, néanmoins pas en reste
 
	
  
42	
  
puisque si l’on regarde les chiffres : elle s’est inscrite seulement un mois après l’ex secrétaire
d’état chargé du numérique. En effet, tandis que la candidate UMP s’est inscrite en février 2009,
ce fut le cas dès mars pour Anne Hidalgo.
D’autres chiffres sont à envisager et viennent apporter des précisions à cette remarque
liminaire. Trois chiffres, notamment, sont primordiaux. Ainsi, entre son inscription et le 13 juin
2014, soit en un peu plus de 5 ans, NKM a tweeté à 4 913 reprises. Elle suit 803 comptes et est
suivie par 279 000 autres. Anne Hidalgo, quant à elle culmine à 16 100 tweets, suit 11 600
comptes et est suivie par 153 639 autres comptes. Ces chiffres sont ainsi beaucoup plus élogieux
pour la candidate de droite et du centre. En effet, à la fois son ratio following / followers est
important (346,07 vs. 12,73 pour la candidate PS), mais également elle a utilisé l’outil avec plus
de parcimonie que la candidate socialiste.
Capture écran du compte Twitter d’Anne Hidalgo le 13 juin 2014
Capture écran du compte Twitter de Nathalie Kosciusko-Morizet le 13 juin 2014
 
	
  
43	
  
Si on les examine de plus près, on s’aperçoit que ces chiffres sont en opposition avec
ceux des deux comptes « relais » officiels de la campagne (avecanne et nkm_paris). En effet, le
compte de la candidate socialiste culmine à seulement 5 776 tweets contre 8 626 pour son
adversaire UMP (alors que le compte relais a été créé plus tard).
Capture écran du compte Twitter « relais » Avec Anne le vendredi 13 juin
Capture écran du compte Twitter « relais » NKM Paris le vendredi 13 juin
Un rapide coup d’œil sur le nombre de postes mensuels réalisés entre les deux comptes
nous en dit plus sur la façon dont ces derniers ont été utilisés. Ainsi, tandis que sur la période
allant de novembre 2012 au 15 avril 2014, le compte Anne Hidalgo a été à l’origine de 6 680
tweets, celui de Nathalie Kosciusko-Morizet, seulement de 1 739, soit un chiffre bien plus
proche d’une réalité « humaine ». À l’inverse, les deux comptes relais culminent respectivement
à 4 728 et 7 889 tweets 15 jours après les élections. La différence est ici assez claire : l’équipe
de NKM a privilégié le canal moins officiel du compte secondaire, leur permettant par la même
occasion d’avoir une plus grande amplitude dans le choix des tweets.
 
	
  
44	
  
ANNE HIDALGO NKM AVEC ANNE NKM PARIS
nov-12 86 56 x x
déc-12 121 31 x x
janv-13 158 45 x x
févr-13 338 26 x x
mars-13 354 44 x 189
avr-13 304 36 x 239
mai-13 152 43 49 533
juin-13 309 35 39 332
juil-13 320 52 26 191
août-13 281 19 70 110
sept-13 474 44 118 451
oct-13 715 56 208 583
nov-13 560 37 454 512
déc-13 521 166 455 662
janv-14 931 356 383 1 144
févr-14 809 553 968 1 388
mars-14 1 445 358 1 899 1 971
avr-14 163 20 59 12
TOTAL
(15/04) 6 680 1 739 4 728 7 889
Tableau récapitulatif des posts mensuels des comptes Twitter des deux candidates au 15 avril
Cette dichotomie est simple à comprendre. Anne Hidalgo a laissé gérer à la fois son
compte personnel et son compte de campagne par son équipe web en totale indépendance,
tandis que NKM a gardé la maîtrise quasi-totale sur son compte personnel : « Twitter est
clairement le réseau social de prédilection de NKM. C’est elle qui gère toute seule son compte
et répond aux internautes. Je suis la seule à y avoir également accès mais je ne fais rien sans
son aval. » affirme Laura Polet, responsable de la campagne web de NKM dans une interview à
01net21
. Par conséquent, il n’est pas rare de voir la candidate se saisir de son iPad et tweeter ce
qu’elle voulait dire. Cela a moins été le cas de la candidate socialiste, peut-être finalement un
peu moins à l’aise avec l’outil mais tout de même bien conseillée. Finalement, c’est une
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
21
CHARNAY Amélie, 01net.com, « Twitter est le réseau de prédilection de NKM », mis à jour le 15
mars 2014, consulté le 20 mars 2014 et disponible sur http://www.01net.com/editorial/615470/laura-
polet-twitter-est-le-reseau-social-de-predilection-de-nkm/
 
	
  
45	
  
stratégie de la « rareté » de l’information qui a été la plus efficace. Avec une moyenne de 1 000
posts mensuels au cours des trois derniers mois de campagne sur le compte Twitter officiel
d’Anne Hidalgo, les personnes suivant le compte ne peuvent suivre chaque propos.
NKM Paris, une marque bien implantée
Nathalie Kosciusko-Morizet, a centré sa stratégie sur son compte « relais », qui a
réellement servi de « tampon » entre chacune des parties prenantes de la campagne. Il avait pour
vocation de relayer les appels des différents candidats, de mettre en avant les porte-paroles
officiels. L’équipe web n’est pas mise en avant de façon proéminente, leur compte twitter est
plutôt personnel, et n’est utilisé à vocation argumentaire qu’à de rares reprises. En faisant cela,
la candidate évite de transformer son compte personnel en arène d’arguments politiques. À
l’inverse, la stratégie d’Anne Hidalgo a été de faire porter l’ensemble des messages par son
compte principal et le compte « Avec Anne », n’a, par ailleurs été créé que dans un second
temps. Également, la candidate de gauche a beaucoup mis en avant son équipe et notamment
Clémence Pène qui est devenue une figure emblématique de la communication politique web
parisienne (elle a refusé mes deux propositions d’interview).
Schéma explicatif de la stratégie digitale de Nathalie Kosciusko-Morizet sur Twitter
 
	
  
46	
  
Le premier indice annonciateur d’une utilisation bien différente des comptes est le
nombre de tweets postés par ceux-ci. Ainsi, depuis mars 2013, date de création du compte
relais, le compte relais de NKM a posté plus de 8 000 tweets, pendant que le principal compte
officiel de la candidate, n’en postait que 1 739. L’utilisation massive de ce second compte lui a,
d’ailleurs permis d’atteindre un nombre de followers plus important que sa rivale socialiste, lui
fournissant une plus grande visibilité via une plus grande caisse de résonance. Cela se comprend
assez aisément, NKM a voulu garder un certain contrôle, une certaine capacité à s’exprimer
seule et directement via ce média. Si, avec une moyenne de 400 tweets par mois durant les trois
mois précédant la campagne, on peut raisonnablement se douter qu’elle n’a été à l’origine de
chacun d’entre eux, le chiffre, raisonnable tend à refléter une certaine réalité.
Un des rôles clés dans une campagne politique, notamment de cette ampleur est le rôle
du porte-parole et cette fonction a dû fortement se renouveler à l’aune du nouveau paradigme en
matière de diffusion des messages. Du côté de NKM, sur ses 4 porte-parole, seul Pierre-Yves
Bournazel, également tête de liste dans le 18e
arrondissement dépasse les 10 000 followers
(11 500 exactement). Les trois autres, Valérie Montandon (1 392 followers), Agnès Evren de
Fressenel (2 845) et Vincent Roger (2 061), du fait d’une popularité moins importante ont moins
bénéficié de l’effet d’appel que peut produire Twitter. Leur message peinait ainsi, à certains
moments à être repris. C’est néanmoins une toute nouvelle façon de gérer la mission de porte-
parolat dont ils ont témoigné. Ainsi, les communiqués de presse, auparavant seulement destinés
aux journalistes, et par conséquent cachés du grand public, sont devenus un support de
communication indépendant via la force des réseaux sociaux. L’objet devient le message, les
frontières se brouillent entre signifié et signifiant et les auteurs passent désormais outre la
reprise ou non par les journalistes.
Enfin, la vraie force de la candidate de la droite et du centre sur le « site de micro-
blogging » est d’avoir mis en place une unité dans les comptes « relais » de chacune des têtes de
liste. En effet, chacune d’entre elles était invitée à créer un compte avec une charte graphique et
éditoriale. Ainsi, chacun des comptes devait précisément comporter différents éléments de mots
mais également de photos. Ces procédés sont similaires à ceux que peuvent appliquer les plus
grosses entreprises. Les messages sont pensés de façon interne et globale afin d’être
uniformisés. Et puisqu’une image vaut mille mots, voici ce que cela représente.
 
	
  
47	
  
Aperçu exhaustif des comptes « relais » des têtes de liste de Nathalie Kosciusko-Morizet
 
	
  
48	
  
La cohérence des propos permet une meilleure compréhension. L’unicité des messages
accomplit l’idée d’une équipe travaillant de façon commune. Ainsi, comme on peut le voir ci-
dessus, chaque compte devait dans un premier temps être renommé comme tel : « Numéro
d’arrondissement avec NKM ». La photo de profil devait inscrire le logo « NKM Paris »,
surplombant le numéro d’arrondissement écrit en chiffres romains avec en fond, un dégradé
allant du violet au rouge, pensé en fonction des arrondissements. Par ailleurs, la photo de
couverture plus globale devait montrer NKM, au mieux accompagnée du candidat en question,
a minima souriante et entourée. Puis, les informations relatives aux comptes étaient explicatives
et claires « Compte de soutien à #NKM, candidate de l’alternance à #Paris2014, avec
@nomducandidat, tête de liste du Numéro d’arrondissement ». L’ensemble est efficace car il
assoit véritablement la stratégie digitale de la campagne sur une communication homogène et
une synergie des discours. Surtout, chaque candidat reste maître du compte en son nom, il est
seulement aidé par un compte secondaire géré de façon globale par l’équipe. Ce doublement des
comptes est très adroit car il permet à chacune des têtes de liste de garder une réelle emprise sur
sa communication, lui permettant l’accès à son propre compte.
Le 28 mars, à deux jours du second tour des élections, la centralisation des comptes par
l’équipe au QG a permis de réaliser une démonstration de force (voir annexe 8). En effet, elle a
permis de mettre en place un « tweet global » très intéressant. L’équipe a créé un post « prêt-à-
tweeter ». Entre 23 h 30 et 23 h 45 en ce dernier vendredi soir de mars, les comptes ont, dans un
intervalle de 10 minutes, été actualisés d’un nouveau post invitant tout un chacun de se déplacer
pour voter le dimanche suivant. Pour rappel, aucune des deux équipes n’avait le droit de
communiquer passé minuit. Ainsi, un message pré-écrit « Dimanche, votez
@nomducandidat pour le Numéro de l’arrondissement avec @nk_m ! Dimanche, mobilisons-
nous pour faire gagner Paris ! », accompagné d’un visuel adapté à chacun des comptes et
mettant en scène la personne en question, son nom et le symbole « avec NKM – Une nouvelle
énergie pour les parisiens » a été posté à 10 minutes d’intervalle sur les comptes relais des 16
candidats de droite encore en lice pour le second tour. Quant aux quatre arrondissements déjà
remportés par la droite (1er
, 6e
, 16e
, 17e
), ils avaient, eux aussi eu le droit à un post tout prêt. Ce
dernier invitait plus globalement à se déplacer voter. Le message « Dimanche, votez @nk_m et
ses têtes de liste ! Dimanche, mobilisons-nous pour faire gagner Paris ! » et un visuel montrant
les 16 candidats encore en liste était publié par ces 4 derniers comptes. À nouveau, c’est cette
organisation globale des comptes qui dégage une unité de discours et en renforce la portée
performative. Les équipes semblent travailler sous une direction, certes centralisée, mais la
vertu de cette modalité est de lui permettre d’orchestrer la communication.
 
	
  
49	
  
Anne Hidalgo, une présence timide
Face à cette véritable armée de la communication digitale au service de la candidate du
centre et de droite, l’équipe de la candidate socialiste propose une vision presque opposée.
Moins organisée, la stratégie repose moins sur le compte relais « Avec Anne » et met plus en
avant les équipes web via leurs comptes personnels.
Anne Hidalgo a su s’entourer d’une équipe de communicants spécialistes du web.
L’équipe a été dirigée par Clémence Pène, responsable de la campagne digitale d’Anne Hidalgo.
À 27 ans, cette dernière ne se considère pas comme une militante « pur sucre » du PS, mais
plutôt une passionnée des réseaux22
. Elle a, ainsi suivi la campagne de Barack Obama aux États-
Unis en 2008 et 2012, s’est occupée de la communication digitale de Jean-Paul Huchon (PS)
lors de son élection au conseil régional d’Ile-de-France. L’équipe qu’elle dirige, composée
d’une dizaine de personnes est surtout composée d’étudiants en science politiques et en
communication, bénévoles et volontaires dans leur grande majorité. Leurs noms ont été
beaucoup plus mis en avant été ont été utilisés comme des relais d’information à part entière.
Résumons en un schéma explicatif :
Schéma explicatif de la stratégie digitale d’Anne Hidalgo sur Twitter
À la différence de sa rivale, l’équipe web de la candidate socialiste a axé sa stratégie sur
le compte principal « Anne Hidalgo ». Cette dernière n’a que très peu tweeté personnellement,
préférant faire confiance à son équipe qui a pris totalement en main le compte. Clémence Pène,
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
22
COUSIN Capucine, Strategies.fr, « Clémence Pène, politiquement net », mis à jour le 1er
janvier 2014,
consulté le 14 avril 2014 et disponible sur
http://www.strategies.fr/actualites/marques/227207W/clemence-pene-politiquement-net.html
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Les pratiques de communication digitale dans la campagne pour l’élection municipale 2014 à Paris : les enjeux du discours politique

  • 1. Faculté des Sciences humaines et sociales – Sorbonne Département de Sciences du langage Les pratiques de communication digitale dans la campagne pour l’élection municipale 2014 à Paris : les enjeux du discours politique Dans quelle mesure les techniques de communication digitale ont-elles permis à Anne Hidalgo et à Nathalie Kosciusko-Morizet d’engager un dialogue plus interactif avec les citoyen.ne.s ? Damien Leborgne Mémoire de master 2 Expertise en sémiologie et communication Sous la direction de : Anne-Sophie Savoureux et Dominique Desmarchelier Session : juin 2014
  • 2.     2   « Le duel de la capitale », vu par @GuillaumeTC, série de portrait #CroisonsLes, disponible sur croisons-les.tumblr.com
  • 3.     3   SOMMAIRE Remerciements / p.4 Introduction / p.5 A/ Les campagnes électorales à l’ère digitale / p.9 1. L’acculturation progressive des politiques au numérique 2. Les techniques de communication digitale 3. L’indispensable complémentarité « du livre et des écrans » B/ Les objectifs de la communication digitale pour Paris 2014 / p.34 1. Convaincre 2. Persuader 3. Engager C/ Interactions et nouveaux contours de la participation politique / p.76 1. Le web, un moyen pour le citoyen de détourner les communications officielles 2. Comment le digital a transformé la communication politique 3. L’avènement d’une nouvelle forme de démocratie, une réponse à la crise du politique ? Conclusion générale / p.108 Lexique / p.111 Bibliographie / p.112 Annexes / p.113
  • 4.     4   Remerciements Mes premiers remerciements vont à Anne-Sophie Savoureux, professeure   agrégée   d’anglais  à  l’Université  Paris  Descartes qui a généreusement accepté de prendre la direction de ce mémoire dès novembre 2013. Je voudrais également remercier Dominique Desmarchelier, ancien   responsable   du   master   et   directeur   du   département   de   sciences   du   langage   jusqu'en  2010  pour ses précieux conseils tout au long de ce projet. Je voudrais remercier les personnes qui ont accepté de me rencontrer sur le sujet. Merci donc à Aline Hartemann et Jérémie Le Guillou. Je voudrais également remercier mes amis et mes proches pour leur patience lorsque je leur racontais les moindres avancées sur ces pages blanches. Je les remercie, aussi, d’y avoir cru. Je remercie tout particulièrement mon ami, Benoît, tour à tour iconographe, secrétaire de rédaction, Wikipédia ambulant et apprenti sémiologue pour son aide précieuse. Un remerciement tout particulier également à Sarah Altaras, responsable éditoriale à l’agence Babel pour m’avoir donné le plus d’amplitude et de souplesse possible pour la bonne conduite de ce mémoire. Toujours à l’agence, je remercie Marion Combaluzier, directrice générale du pôle Contenus pour son intelligence ainsi que Primerose Christol, secrétaire de rédaction pour son aide précieuse. Je voudrais ensuite remercier mon père d’avoir acheté un ordinateur en 1999 et de n’avoir jamais su s’en servir, me permettant d’apprivoiser la chose à l’envi. Je voudrais remercier Pierre Bellanger pour avoir inventé Skyblog, lieu de recueil de mes premiers écrits et berceau de ma passion pour le digital. Je voudrais remercier Jack Dorsen, l’inventeur de Twitter, pour y avoir pensé.
  • 5.     5   Introduction Lundi 9 septembre 2013. Salle J 231. Bâtiment Jacob. Université Paris Descartes. Je suis dans cette salle, j’observe mes futurs camarades, dont certains noms m’échappent encore quelque peu. Très vite, le sujet du mémoire arrive dans les discussions. Souvent l’hésitation, parfois la crainte, pour tous le doute : que choisir comme sujet ? Rapidement, l’envie me vient de traiter de la communication politique, d’autant que l’année 2013 a réveillé en moi des soubresauts de militantisme à l’occasion des débats sur le « mariage pour tous ». Cette avancée démocratique m’a, en effet, réconcilié avec l’appareil politique, que je trouve trop souvent englué dans des guerres de pouvoir et un immobilisme paralysant. Rapidement, un autre sujet va venir me passionner à nouveau : les élections municipales. Néo parisien, la sociologie de cette ville m’intrigue et ces élections sont l’occasion pour moi d’en découvrir les détails avec plus de précision. Sur le sujet, je lis, je me renseigne, mais surtout je rencontre des acteurs de cette sociologie : ces gentrificateurs, ces bourgeois, ces littéraires, ces artistes, ces employés, ces stagiaires et ces étudiants qui font la ville. Très vite, j’en apprends ainsi sur ses codes, sur son histoire, sur la façon dont elle s’est construite et dont les gens y vivent. Enfin, si ces élections municipales m’ont autant intéressé, c’est par leur caractère intrinsèquement singulier, puisque ces deux principales protagonistes sont deux animaux politiques qui se sont construits en dehors des sentiers battus : Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet. Tous ces éléments mis les uns à la suite des autres me motivent à en faire mon objet d’étude pour ce mémoire. Un élément me semble à préciser avant d’aller plus loin. Lorsque je rédige ce mémoire, je fais le vœu d’être le plus impartial possible, rangeant au placard mes idéaux politiques. Je le fais d’autant plus facilement que le but de ce dernier n’est en aucun cas de procéder à un jugement sur leur programme respectif, mais plutôt de comprendre comment elles ont choisi de se positionner pour remporter le sacre de l’Hôtel de Ville. L’élection municipale parisienne mérite par ailleurs quelques explications, car, en réalité, ce n'est pas une, mais vingt élections qui se jouent, puisque les électeurs se prononcent séparément dans chaque arrondissement. Ces vingt scrutins déterminent un nombre de conseillers élus, en fonction d'un principe simple : les arrondissements les plus peuplés envoient le plus d'élus au Conseil de Paris. Ainsi, le plus peuplé de la
  • 6.     6   capitale, le 15e , dispose de 18 conseillers, le 18e en a 15, alors que les 1er et 2e arrondissements n’envoient, respectivement que 1 et 2 conseillers au Conseil de Paris. Ce système donne une « prime » à la liste qui arrive en tête dans chaque arrondissement. Le vainqueur obtient ainsi la moitié des conseillers, le reste étant réparti à la proportionnelle entre les candidats qui dépassent 5 %. D’aucuns diront que ce système avantage assez nettement Anne Hidalgo. Le PS est, en effet, mieux implanté dans de « gros » arrondissements (18e , 19e , 20e , 13e ) fortement pourvoyeurs en élus.1 Par ailleurs, il faut relever une autre particularité des élections municipales parisiennes en rappelant qu’elles ont seulement lieu depuis 1977. Ces premières élections firent suite au nouveau statut de Paris, voté en 1975, qui prévoit le retour d’un maire à sa tête après 105 ans d’absence. C’est Jacques Chirac qui remporta, alors, l’élection avec 49,5 % des voix. Il sera réélu à deux reprises, en 1983 et en 1989. En 1995, Jacques Chirac devient président de la République et il choisit son premier adjoint, Jean Tibéri, alors maire du 5e arrondissement, pour prendre sa suite. Ce dernier remporte l’élection face à un certain Bertrand Delanoë, alors inconnu. À la fin de son mandat, vient ce que l’on pourrait appeler « l’ère Delanoë ». En 2001, et en raison du mercato électoral que l’on a vu précédemment, il s’empare de l’Hôtel de Ville, bien que minoritaire en voix. Sept ans plus tard, la gauche conforte ses positions, profitant de la défiance des Parisiens envers Françoise de Panafieu, la candidate investie par la droite à la suite d’une primaire. Avec le même nombre d’arrondissements remportés, Bertrand Delanoë atteint le score de 57,7 % des voix. En 2014, les deux favorites pour prendre sa place sont Anne Hidalgo, candidate pour le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français (gauche) ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate pour l’Union pour la Majorité Présidentielle, le Modem et l’Union des Démocrates Indépendants (centre- droit). Dans cette course à l’Hôtel de Ville, nous avons également Christophe Najdovski (Europe Écologie – Les Verts), Danielle Simonnet (Parti de Gauche), Charles Beigbeder (Paris Libéré) et Wallerand de Saint-Just (Front National – Rassemblement Bleu Marine).                                                                                                                           1 GURREY, Béatrice. 2014. « NKM-Hidalgo : quel Paris pour demain ? ». Le Monde, 31 janvier 2014, supplément spécial.
  • 7.     7   J’ai fait le choix d’orienter mon mémoire sur les deux favorites, car elles représentaient le vivier de communication le plus riche et le plus intéressant. C’est aussi les deux candidates qui m’apparaissent comme ayant les parcours et les approches de la politique les plus intéressants, car, chacune à sa façon, quelque peu atypiques. Les médias en ont fait leur couverture à de nombreuses reprises. Actives, omniprésentes, frôlant l’ubiquité, elles fascinent aussi car elles personnifient visuellement une dichotomie d’opinion forte. Le deuxième choix que j’ai effectué est plus personnel, il concerne l’angle digital. D’abord intéressé par leurs discours, puis par leur image et la façon dont elles se mettent en scène, j’ai pu voir une forte disparité entre les deux candidates sur la façon de profiter de l’espace ouvert que leur offre Internet. Toutes les deux présentes de façon quasiment ubiquitaire, elles proposent une nouvelle vision de la communication politique qui m’interpelle particulièrement : l’interactivité et la participation plus importantes avec le citoyen. Ce choix de concentrer ma réflexion sur les outils digitaux est à la fois un choix de passion et de raison. En effet, en tant que « digital native », j’admets souffrir des premiers symptômes du syndrome « FOMO » (Fear Of Missing Out), je passe le plus clair de mon temps sur Internet, que ce soit sur mon téléphone ou sur mon ordinateur. Ainsi, j’aime voir comment des outils peuvent être utilisés de façon stratégique et comment cette utilisation influence en retour ma vision et mon utilisation de ces derniers. Ce choix est également raisonnable, car il me permet de faire le pont entre mes études et mes envies professionnelles. En effet, au lendemain des élections, je débute un stage à l’agence Babel, au sein du pôle Contenus, pour travailler sur des projets digitaux. Ce mémoire est ainsi l’occasion de croiser ces compétences et de les mettre en exercice en étant pour une fois, non pas dans le faire, mais dans l’analyse. Avoir quelques chiffres en tête concernant le digital et l’entrée d’Internet dans les foyers français permet d’appréhender l’objet étudié de façon plus précise. D’autant que ceux-ci sont éloquents et laissent peu de doute sur l’évolution des pratiques ainsi que leur maturité sur le marché français. Ainsi, une première analyse de Médiamétrie du 11 mars 2014, intitulée L’audience de l’Internet en France en janvier 2014, révèle qu’en janvier 2014, 25,6 millions de Français se sont connectés chaque jour à Internet et y ont passé en moyenne 1 h 50. Une autre étude, réalisée cette fois par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), publiée en juin 2013 et intitulée
  • 8.     8   L’Internet de plus en plus prisé, l’internaute de plus en plus mobile, met en avant deux tendances importantes. La première, entre 2011 et 2012, la part de Français utilisant leur mobile pour aller sur Internet est passée de 28,4 % à 39,7 %. Si l’on remonte à 2007, ils n’étaient que 10 % (année où l’iPhone d’Apple a été lancé). La seconde : en 2012, trois personnes sur quatre résidant en France métropolitaine ont utilisé Internet au cours des trois derniers mois, contre seulement 56 % en 2007. Ces données concernant l’accès à Internet, qu’il soit mobile ou sédentaire, montrent non plus une simple évolution des comportements, mais une réelle maturité du marché et d’un public qui a compris les enjeux, donc les devance. Ainsi, j’ai voulu traiter dans ce mémoire le thème suivant : « Les pratiques de communication digitale dans la campagne municipale 2014 à Paris : les enjeux du discours politique ». Par ailleurs, la question principale qui orientera ma réflexion est : Dans quelle mesure les techniques de communication digitale permettent-elles à Anne Hidalgo et à Nathalie Kosciusko-Morizet d’engager un dialogue plus interactif avec les citoyen.nes ? Cette problématique nous invite à penser la transformation du discours social en discours socialisant et comment les nouveaux discours et outils façonnent la mise en place d’une nouvelle démocratie plus participative. Dans ce changement de paradigme, j’étudierai et tenterai de discerner comment les discours se sont adaptés au digital et comment ceux-ci, en étant plus personnalisés, peuvent être plus performatifs. Il faudra également prêter attention aux limites de la communication digitale, et en quoi cet outil seul ne peut révolutionner la façon dont les gens perçoivent l’appareil politique dans son ensemble. Ainsi, et bien que cette communication digitale puisse aider à recréer un lien de confiance avec l’électeur, elle seule ne pourra résoudre la crise du politique que nous traversons actuellement.
  • 9.     9   Saisie semi-automatique proposée par Google Images au 08 juin 2014 pour « nkm hidalgo »
  • 10.     10   A/ Les campagnes électorales à l’ère digitale En quelques années, le web est devenu un lieu incontournable des luttes partisanes, en particulier lors des grandes échéances électorales. Le phénomène, importé directement des États-Unis, s’est imposé lentement en Europe avant de prendre l’importance prépondérante qu’il a aujourd’hui. D’abord véritablement craint par une frange entière des politiques, la question de sa légitimité, voire de la légalité de la possibilité même d’une campagne en ligne s’est ensuite posée en France. Il a, par la suite, été considéré comme un outil annexe pouvant se révéler utile tout en étant une façon simple d’apparaître comme « moderne » face à son rival, même si cette modernité n’était souvent que façade. Cette compréhension des enjeux du web est également corrélée avec la façon dont ce dernier a été appréhendé par la population. Quelques chiffres ici permettent de comprendre l’évolution des mentalités de la classe politique sur le sujet. En 1997, aux États-Unis, seuls 18 % des foyers avaient accès à Internet et il faudra attendre 2001 pour que la barre des 50 % des foyers connectés soit franchie pour atteindre péniblement 50,4 % (source : U.S. Consensus Bureau, Current Population survey, selected years2 ). En comparaison, en 1997, en France, seul 1,5 % des foyers est équipé d’une connexion3 , et il faudra attendre 2004 au Royaume-Uni et 2007 en France pour franchir le seuil des 50 %. En 2001, on compte environ 5 millions de foyers français connectés, mais une forte surreprésentation des foyers parisiens est à noter. En effet, 25 % des internautes du territoire habitaient alors à l’intérieur du boulevard périphérique ((Petits) règlements de comptes sur le Net, dans Le Parisien du vendredi 2 mars 2001). Cette avance des États-Unis sur l’Europe en général et la France en particulier explique notamment pourquoi c’est d’abord de l’autre côté de l’Atlantique que les premiers dispositifs interactifs insérés dans une campagne électorale ont été mis en place. C’est aussi ces chiffres qui expliquent pourquoi la campagne présidentielle de 2007 en France n’a pas pu se déployer complètement sur le web et qu’il a fallu attendre 2012 pour que l’on voie dans l’Hexagone de véritables stratégies digitales se développer. En effet, nombreux sont les spécialistes estimant que le web en tant qu’outil complètement intégré à une stratégie politique d’envergure n’a réellement pris son envol que lors de la campagne présidentielle de 2012, notamment via la web campagne qu’avait mise en place François Hollande.                                                                                                                           2 Census.gov, «Publications About Computer and Internet Use », mis à jour le 31 décembre 2012 et consulté le 11 mai 2014. Disponible sur http://www.census.gov/hhes/computer/publications/ 3 Génération NT, « Bilan de 10 ans d’Internet », mis à jour le 21 juin 2006, consulté le 11 mai 2014. Disponible sur http://www.generation-nt.com/bilan-internet-france-dix-ans-actualite-14719.html
  • 11.     11   1 / L’acculturation progressive des politiques au numérique a. Des débuts difficiles en France (2001-2007) À Paris, notamment, la campagne de 2001 pendant laquelle se sont affrontés Bertrand Delanoë et Philippe Seguin aura marqué par sa timidité sur les supports numériques. Deux raisons expliquent cela : en 2001, personne n’osait parier sur un tel essor d’Internet. Sur ce sujet, j’ai eu la chance de rencontrer Aline Hartemann, ancienne étudiante du master Expertise en sémiologie et communication de Paris Descartes (alors appelé Intelligence de la communication écrite) et aujourd’hui doctorante à Science Po. Celle-ci avait en effet travaillé pour l’équipe du candidat socialiste à la mairie de Paris. Son rôle était principalement d’alimenter de façon régulière le site de M. Delanoë dans ce que l’on nomme aujourd’hui une « stratégie de contenus ». Cette dernière permettait de faire découvrir de nouvelles facettes du candidat, qui deviendra bientôt maire de Paris mais qui était à l’époque peu connu du grand public. Mme Hartemann raconte, par exemple, que les conditions de travail étaient alors plutôt précaires : l’équipe web, composée à ses débuts de trois personnes, travaillait dans un local près de l’Hôtel de Ville dont le seul avantage était d’être relié à [l’]Internet (sic) (il est à noter que la façon de nommer le « réseau » a progressivement fait tomber dans l’oubli de nombreux termes comme « le net », le « cyberespace » ou encore « la Toile », mais a également fait choir le « l » apostrophe devant le terme Internet). Cette description d’un espace spartiate est confirmée dans un article de Le Monde publié le 7 mars 20014 . On peut ainsi y lire : « Dans un coin, un ordinateur et une imprimante. “C'est l'espace Internet”, ironise Hervé, le responsable de la campagne en ligne de la liste Delanoë… » Personne, alors, ne savait réellement les conséquences des actions menées (si peu nombreuses étaient-elles), ni les effets réels sur l’électorat (sûrement très faible), et encore moins si ce qu’ils faisaient était tout à fait légal. En effet, un article du Point publié le 2 mars 20015 souligne que les politiques sont encore très peu à l’aise avec l’outil, aussi en raison du fait qu’il ne rentre alors dans aucun cadre légal. Ainsi, on peut y lire : « Le problème vient en fait des candidats eux-mêmes. L'Internet leur fait peur. Ou plutôt la loi électorale n'est pas très claire sur le sujet. Officiellement, toute publicité à caractère de propagande ne doit pas être gratuite. » Dans ce même article, une autre difficulté surprenante est pointée par le journaliste. L’indexation des sites Internet n’était pas alors aussi précise qu’aujourd’hui et, surtout, la puissance des algorithmes de Google était limitée, ce qui avait pour conséquence un référencement faible de l’adresse URL précise du site des candidats. Ainsi, le journaliste Olivier Bruzek souligne dans son article publié dans Le Point que « dénicher l’adresse Internet d’un                                                                                                                           4 Auteur inconnu, « Seguin2001.net contre bertrand-delanoe.org », Le Monde, 7 mars 2001, Paris, P.2 5 BRUZEK Olivier, « (Petits) règlements de comptes sur le Net », Le Point, 2 mars 2001, p. 140
  • 12.     12   candidat […] relève du parcours du combattant. […] À moins de connaître les adresses par cœur, on a peu de chances de découvrir le programme des candidats. » En effet, les personnes souhaitant aller sur les sites des deux candidats devaient alors connaître l’adresse par cœur et la taper entièrement dans leur barre d’adresse. Aujourd’hui, cette question est réglée, et il suffit de taper le nom des deux candidates sur n’importe quel moteur de recherche pour tomber directement sur leur site de campagne. Aujourd’hui, cela semble difficile à imaginer tant Google s’est immiscé dans notre quotidien. La relecture des articles publiés dans les quotidiens au début de l’année 2001 permet également de réaliser que le web était alors avant tout vu comme une dépense importante, mais ne revêtait pas encore le caractère stratégique dont il dispose désormais. Ainsi, si on lit l’article dans Le Monde publié le 7 mars titré « Seguin2001.net contre bertrand-delanoe.org », ce dernier indique que « À droite, seguin2001.net dispose d'un budget de 200 000 francs », tandis qu’ « À gauche, bertrand-delanoe.org a exigé entre 100 000 et 150 000 francs pour sa création ». L’analyse est aujourd’hui surannée, tant les chiffres qui semblaient élevés sont aujourd’hui admis. Ainsi, Anne Hidalgo aurait consacré 35 000 euros pour sa communication digitale lors de cette campagne, soit une dépense similaire à celles des candidats en 2001, pour un résultat autrement plus impressionnant. Autre élément intéressant, la mise en avant du nombre de visiteurs quotidiens, mis en lumière comme une prouesse technique importante et prouvant l’intérêt d’une certaine frange de la population pour ce type de contenus. Par exemple, l’article du Parisien titré « À vous de juger » du 19 février 2011 indique : « D'après eux (les bénévoles de Bertrand Delanoë), près de 700 personnes s'y connectent chaque jour. » Là aussi, c’est toute une lexicologie qui est aujourd’hui modifiée, puisqu’on parlerait désormais plutôt d’une visite que d’une connexion. Aline Hartemann précise d’ailleurs qu’ils n’avaient aucun moyen de connaître ce nombre de visiteurs et qu’il était évalué approximativement en fonction des chiffres annoncés par le parti opposé. Si cette mise en avant de l’argent dépensé paraît étonnante aujourd’hui, elle était alors le seul moyen de comparaison dont ils disposaient. Quand l’objectif est peu compris et surtout peu identifié, les chiffres rassurent. Par la suite, Mme Hartemann travaillera également pour Lionel Jospin lors de l’élection de 2002. M. Jospin, alors volontaire à l’idée de se positionner comme un candidat plus jeune et plus moderne que celui qu’il croit alors être son adversaire : M. Chirac. De cinq ans son cadet, M. Jospin avait alors mis en place une certaine stratégie web, inspirée de celle de Delanoë, qui résidait dans les contenus à forte valeur ajoutée. L’objectif final était de nourrir la curiosité du lecteur, afin qu’ils reviennent le plus souvent possible et soient exposé aux éléments de discours officiels de la campagne. Le site devait alors être présenté à la presse en grande pompe, avec M. Jospin qui devait déclencher l’apparition du sacro-saint site web en cliquant sur une souris. L’idée, néanmoins, que ce dernier ignorait totalement le fonctionnement basique d’une souris et d’un ordinateur n’était pas venue
  • 13.     13   à l’esprit des responsables communication de cette campagne. Ainsi, devant un parterre de journalistes venus assister à l’événement, M. Jospin soulève la souris dans l’air telle une télécommande et tente, bien malgré lui, de faire apparaître ce site qui, finalement, sera déclenché à distance par un technicien… C’est en 2007, lors des élections présidentielles où s’affrontent Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, que vont véritablement prendre forme les prémices de la communication politique en ligne lors d’une campagne électorale. La lecture d’un article du Monde publié le 10 avril 2007 et dont le titre est « Ségolène Royal, candidate hypermoderne »6 montre combien l’avènement du réseau bouscule les forces en place et qu’une simple présence sur le web fait passer la candidate socialiste pour « ultramoderne ». Plus loin, on lit : « Elle a compris que le peer to peer, le wiki et l'hypertexte avaient transformé nos schémas mentaux, nos pratiques cognitives, et donc modifié les rapports que les citoyens entretiennent avec la politique. » Sept ans plus tard, cette phrase semble surannée, voire incongrue tant les références ont été à nouveau chamboulées et qu’une présence sur le web ne passe pas par le « peer to peer » ou autres « wiki ». La conclusion de l’article calme les éloges précédents et fait un constat assez clair du rapport qu’avait encore en 2007 une majorité de Français face aux outils numériques : « Son intelligence (celle de Ségolène Royal, ndlr) des ressorts d'Internet est un atout, bien sûr. Mais une majorité de l'électorat continue, et continuera longtemps encore, à se déterminer selon des critères traditionnels. » Voilà donc des bases clairement établies : est traditionnel ce qui n’est pas du ressort d’Internet. Du chemin restait encore à parcourir. b. Une source d’inspiration outre-Atlantique Aux États-Unis, dès le début des années 2000, les campagnes utilisaient déjà les outils numériques, et en particulier les sites des candidats pour informer les électeurs. Howard Dean, en 2004, puis Barack Obama, en 2008, ont été les premiers à comprendre que la puissance du numérique dépassait la simple information des électeurs. C’était également un puissant outil d’organisation de la force militante. La campagne du président démocrate de 2008 marquera un tournant dans la digitalisation des campagnes qui influence aujourd’hui encore les manœuvres politiques préélectorales. La campagne pour sa réélection n’a fait que pousser la stratégie alors mise en place à un niveau encore supérieur. Ces deux campagnes restent aujourd’hui une source d’inspiration forte pour les candidats. Clémence Pène, responsable digitale de la campagne d’Anne Hidalgo, a même travaillé chez Blue State Digital, la plateforme logicielle utilisée par Obama lors de sa dernière campagne présidentielle. Elle a également finement étudié le local de campagne d’Obama à Chicago dans le cadre de sa thèse sur la démocratie digitale et participative à l’université Paris 8.                                                                                                                           6 LEGENDRE, Bertrand, « Ségolène Royal, candidate hypermoderne », Le Monde (Paris) 10 avril 2007.
  • 14.     14   Les références sont assez éloquentes quand on analyse ce qui a été mis en place de l’autre côté de l’Atlantique. Ainsi, par exemple, la campagne pour sa réélection s’est terminée par l’un des tweets les plus partagés de l’histoire (seul le fameux selfie des Oscars fera mieux en 2014 et dépassera la barre des 2 millions de RT), dans lequel on pouvait voir le couple présidentiel dans les bras l’un de l’autre et lire « 4 more years ». Message posté le 7 novembre 2012, 5 h 16 GMT (00 h 16 Est Time) sur les compte Twitter et Facebook officiels du candidat démocrate américain réélu pour quatre ans : Barack Obama. La célèbre photo « 4 more years » enchaîne les records de partage, mentions « j’aime », commentaires. Sur Twitter, celle-ci a été partagée près de 800 000 fois, un record en 2012. Cette même photo dépasse désormais les 4 millions de mentions « j’aime » sur Facebook, avec plus de 500 000 partages et près de 220 000 commentaires. Ces chiffres n’ont été dépassés depuis seulement par le fameux « selfie des Oscars » d’Ellen DeGeneres7 . À l’inverse, et pour comprendre un peu mieux l’apport du « pathos » dans la communication digitale du candidat, nous pouvons comparer ces chiffres avec ceux concernant une seconde photo postée sur le même compte Facebook à 18 h 35, soit à une heure où un nombre beaucoup plus important de personnes se trouvent sur Facebook. Cette fois-ci, l’image n’est « aimée » que 2 millions de fois et partagée seulement à 80 000 reprises.                                                                                                                           7 Auteur inconnu, « Le selfie des Oscars devient le plus retweeté de l’histoire », Les Échos, mis à jour le 03 mars 2014, consulté le 15 juin 2014. Disponible sur http://www.lesechos.fr/03/03/2014/lesechos.fr/0203347549495_un---selfie---des-oscars-devient-le-tweet- le-plus---retweete---de-l-histoire.htm
  • 15.     15   Message posté le 7 novembre 2012, 23 h 35 GMT (18 h 35 Est Time) sur le compte Twitter officiel du candidat démocrate américain réélu pour quatre ans : Barack Obama. La différence entre ces deux messages est simple et la « moindre » performance du second se comprend aisément. Sur la première, une histoire est racontée et on fait appel à l’émotion. Ces deux contingences font de ce post un post parfaitement calibré et créé pour une communication digitale. La première image semble sortie d’un album intime du couple. L’important, finalement, n’est pas de savoir si cette photo a réellement été prise au moment où le président a su qu’il était à nouveau élu pour quatre ans, mais le message exprimé. Cette dichotomie est d’autant plus forte que, finalement, d’un point de vue purement graphique, la seconde est beaucoup plus impactante en raison des couleurs. Ici, les travaux de Barthes8 sur le relais et l’ancrage de l’image en éclaire le sens. Les deux éléments, ici, peuvent se lire de façon totalement distincte. Du texte à l'image ou inversement, les connotations ne sont pas redondantes, elles se complètent et se poursuivent, mais c’est l’ancrage imposé par le texte qui nous permet de comprendre réellement ce que doit signifier ce post. Ainsi, tandis que le texte « 4 more years » nous fait comprendre que Barack Obama a été réélu président des États-Unis, l’image fait montre de joie (il sourit), d’amour (il est dans les bras de sa femme) et de soulagement (il l’enlace fortement et a les yeux fermés), elle convoie le message d’un Barack Obama heureux et soulagé d’avoir remporté ces élections.                                                                                                                           8 BARTHES Roland, Rhétorique de l'image, dans Communication, n°4, 1964, p. 41-42
  • 16.     16   C’est par une image similaire que s’est conclue la campagne électorale d’Anne Hidalgo, le 30 mars 2014. Néanmoins, il est intéressant de voir que la narration n’a pas été autant travaillée que lors de la célébration de Barack Obama. Étrangement, c’est pourtant l’effet inverse qui se produit, puisque l’image sur laquelle le message est également inscrit « Merci Paris », redondant avec le message « Merci Paris », a par essence été choisie et retravaillée. Cela enlève le côté « naturel » et « spontané » du post d’origine : celui de Barack Obama. Cette même photo postée à la fois sur son compte Twitter et Facebook la montre néanmoins souriant dans un meeting. On peut clairement lire sur son visage les traits du bonheur. Cette photo a été partagée 4 283 fois sur Twitter, favorisé 1 834 fois, « aimé » 7 028 fois sur Facebook et partagée 2 389 fois (chiffres au 11 mai 2014). Messages postés conjointement le 30 mars 2014 à 21 h 16 GMT conjointement sur les comptes Twitter et Facebook d’Anne Hidalgo, alors tout juste élue maire de Paris. Ces chiffres restent modérés si on les compare aux performances américaines, mais témoignent d’un vrai changement. La photo, postée au même moment sur Facebook et Twitter, montre une organisation et un travail certain de coordination et de préparation de l’image, ce qui dénature l’aspect spontané du post qu’on pouvait trouver chez Barack Obama en 2012.
  • 17.     17   c. La campagne présidentielle de 2012, l’élément déclencheur en France En 2012, pour l’élection présidentielle française, les équipes d’Obama sont même venues en France pour briefer les équipes de la campagne de François Hollande9 . Blue State Digital s’est donc installé le temps de la campagne, dans les bureaux du candidat socialiste pour prodiguer leurs conseils à l’équipe Web française. Les élections présidentielles de 2012, enfin, ont été le théâtre de réelles velléités de la part des deux candidats présidentiables (François Hollande et Nicolas Sarkozy). Ces derniers avaient, chacun, un site Internet et de nombreux comptes sur les réseaux sociaux. De fortes réticences émanaient toujours et notamment d’une certaine élite peu encline à comprendre la force du phénomène. Ainsi, dans un article publié le 20 avril 2012 dans Le Figaro10 et titré « Les réseaux sociaux ont joué un rôle marginal », Jean-Marie Charon, chercheur à l’EHESS et spécialiste de la question des médias et de l’opinion, estime que pendant les présidentielles de 2012, « Internet apparaît plutôt comme un complément, pas un lieu où se passent des choses originales. Car ce type de relation assez horizontale n'est pas vraiment en phase avec la communication politique (sic). » Avant d’ajouter que « Finalement, même si les candidats ont mis des moyens importants sur Twitter et Facebook, les réseaux sociaux ont joué un rôle assez marginal (sic) ». Cet avis, reflet d’une certaine vision de la politique, bien que non-isolé fait désormais partie des avis minoritaires tant la réalité des dernières élections vient contredire ce point de vue. Néanmoins, cet avis a le mérite de montrer une légère faiblesse dans le dispositif des candidats. S’ils ont tous les deux misé sur le web, nullement comparable aux élections précédentes, ils l’ont surtout utilisé pour mobiliser les militants. Manuel Diaz et Nicolas Princen avancent les détails de cette stratégie dans l’interview publiée le 21 avril 2012 sur le site des Inrocks11 et dont le titre est « En France, Facebook, c’est deux fois le 20 heures de TF1 ». Pour eux, « l’objectif de notre campagne sur internet en 2012 (…), ce n’est pas uniquement animer sa propre communauté de supporters, c’est aller chercher de nouveaux soutiens. ». En disant cela, et ils l’expliquent ensuite, ils considèrent Internet à la fois comme un média à part entière et comme un outil d’organisation plus général facilitant l’organisation des meetings. Ensuite, ils séparent Facebook, leur priorité, sur lequel, Nicolas Sarkozy serait « le politique qui a le plus d’amis en France et en Europe » et devient donc, par essence leur priorité. À l’inverse, ils n’ont que peu d’égard pour Twitter. La réponse de Manuel Diaz sur le sujet est alors assez surannée,                                                                                                                           9 BERMOND, Nicolas, Blog.50A.fr, , « La stratégie digitale au service de la stratégie politique », mis à jour le 7 mars 2013, consulté le 14 janvier 2014. Disponible sur http://blog.50a.fr/digital/la-strategie- digitale-au-service-de-la-strategie-politique 10 DE MALET Caroline, « Les réseaux sociaux ont joué un rôle marginal », Le Figaro, 20 avril 2012 11 MOURGUE Marion, « En France, Facebook, c’est deux fois le 20 heures de TF1 » Les Inrocks, 21 avril 2012
  • 18.     18   presque anachronique aujourd’hui : « Twitter, sans être désobligeant, c’est environ 500 000 comptes actifs : ça anime surtout des cercles d’influenceurs et de journalistes en Ile-de-France. Sur Twitter, on ne déplace pas une voix, on fait des relations publiques. » Le problème est que le chiffre avancé est faux, puisque, en 2012, on dénombrait selon les spécialistes entre 2 et 2,2 millions d’utilisateurs actifs sur le réseau à l’oiseau bleu12 et que la relation de cause à effet entre cercles d’influenceurs, journalistes et voix dans les urnes n’était visiblement pas encore arrivée à un niveau de compréhension suffisamment élevé pour les deux spécialistes. La suite de l’interview est aussi surprenante. En 2012, le digital, de la bouche des deux responsables web de la campagne ce n’est (encore) qu’« un élément supplémentaire », et c’est là que les deux candidates à la mairie de Paris ont profondément modifié la donne en ne considérant pas cet outil comme supplémentaire mais comme primordial et central. C’est un autre article, publié sur le blog politique d’Erwann Gaucher13 le 09 mai 2012 qui pose la question permettant de comprendre pourquoi cette campagne digitale n’a pas été aussi poussée que ce à quoi on aurait pu s’attendre. À la question « Des candidats qui se sont mis au numérique ? » La réponse est claire : Faux. Le blogueur précise par la suite « S'ils ont compris l'importance du web et des réseaux, (…), les candidats ne se sont pas encore saisis personnellement de ces outils. » et c’est là que la subtilité se tient. En effet, aucun des candidats présidentiables, n’a utilisé lui-même ses comptes sur les réseaux. Et si ce détail peut paraître anecdotique, il est la clé de l’évolution future de la communication digitale au service de la stratégie politique. Ce rappel rapide des faits et analyses qui ont écumé la vie politique partisane au cours des quinze dernières années en France montre combien tout n’a pas été évident pour chacun et que les évolutions se sont faites par étapes et parfois de façon douloureuse. Ce retour en arrière en dit beaucoup sur l’état dans lequel les politiques et spécialistes de la communication politique se trouvaient face à tous ces outils digitaux qui venaient envahir leur périmètre d’action. Douze ans plus tard, force est de constater que l’ensemble du corps politique a pris conscience que ces outils n’étaient pas à ignorer, et qu’au contraire, ils détenaient peut-être la clé d’un certain renouvellement politique poussé par une nouvelle génération partisane, moins attachée aux parties et plus aux valeurs. En douze ans, c’est toute une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques qui se présentent désormais face au citoyen, et cette nouvelle                                                                                                                           12 Emarketer.com, « Twitter grows stronger in Mexico », mis à jour le 24 septembre 2012, consulté le 24 mai 2014. Disponible sur : http://www.emarketer.com/Article.aspx?R=1009370&ecid=a6506033675d47f881651943c21c5ed4 13 GAUCHER Erwann, « La présidentielle s’est jouée en ligne… vrai ou faux ? », mis à jour le 09 mai 2012 et consulté le 13 mars 2014. Disponible sur http://www.erwanngaucher.com/article/09/05/2012/la- presidentielle-sest-jouee-en-ligne-vrai-ou-faux-/897
  • 19.     19   génération, bien qu’elle n’ait pas grandi avec un iPad entre les mains a été beaucoup plus rapidement encline à utiliser les réseaux et le web de façon globale pour faire passer ses messages. La décennie passée a complètement transformé les politiques qui n’ont eu d’autres choix que de s’adapter pour pouvoir espérer de continuer à être à la fois visible mais aussi crédible. En douze ans, on est passé d’un Lionel Jospin ne sachant pas cliquer sur une souris à une Nathalie Kosciusko-Morizet tweetant sur son iPad dès la sortie du cinéma. En douze ans, la communication digitale en vue d’une élection est passée d’un petit local aux abords de l’hôtel de ville dans lequel quelques hurluberlus du web travaillaient à créer du contenu pour un site Internet peu consulté à une organisation complète, pensée et intégrée à la stratégie globale des candidats.
  • 20.     20   2 / Les techniques de communication digitale a. Différents outils pour différents objectifs Les deux premiers outils dont dispose un candidat en vue d’une élection sont les deux réseaux sociaux les plus importants en France en 2014 : Facebook et Twitter. Ces deux réseaux doivent être vus comme des caisses de résonance de premier ordre permettant aux candidats d’être bien identifiés, de faire valoir leurs discours et leurs idées et permettant un rapprochement avec les citoyens. Une fois cette première étape acquise, il devient utile de disposer d’un site Internet, support de l’ensemble des éléments de communication et pouvant être aisément relayé par les réseaux sociaux. Ces premiers outils font partie du « kit de survie » que les candidats doivent avoir au moins mis en place. Ensuite, des déclinaisons peuvent varier : nombre de réseaux sociaux, nombre de sites annexes au premier, contenus mis en avant, type de contenus. Néanmoins, et si on est tenté de penser avant tout aux réseaux sociaux lorsqu’on pense au numérique dans les campagnes électorales, il est un autre pan du web dont les candidats se sont saisis : les outils d’action. Leur rôle en campagne électorale est de faciliter l’organisation des actions de terrain et notamment le porte-à-porte, technique entièrement repensée pour plus d’efficacité. Recruter des volontaires, organiser le porte-à-porte, remonter les données de terrain : le numérique se rapproche du cœur de l’organisation des campagnes. b. D’une campagne « sociale » à une campagne de données Ce ciblage ne serait pas possible sans la capacité à traiter les données. Aujourd’hui, les outils de gestion de base de données ne sont plus réservés au secteur du marketing. Blue State Digital, Nation Builder, deux outils américains qui ont fait leur entrée en France, permettent de gérer sa base de données, de l’enrichir et d’entretenir la relation avec l’électeur. Les bases politiques sont composées des listes électorales mises à la disposition de tous les candidats par l’administration de façon légale, lesquelles néanmoins sont dans un second temps enrichies des données remontées du terrain, rendant le travail des militants sur le terrain d’autant plus primordial. Chaque information perçue, chaque sensibilité électorale, bref chacun des détails qui pourraient être perçus comme étant importants par les militants est noté précieusement. Le reporting joue alors un rôle essentiel dans le traitement des données : c’est lui qui va permettre d’enrichir sa base. Chaque action de terrain est l’occasion de récolter des données : un e-mail, un numéro de téléphone. Ici, l’outil numérique va permettre de répondre à un besoin de rationaliser la remontée des données et d’être plus efficace en termes de réactivité et de traçabilité de la relation avec l’électeur. Ainsi, si les réseaux sociaux sont bel et bien une partie importante de la stratégie globale, sur laquelle l’équipe peut et doit compter, elle est désormais un élément à prendre en compte parmi d’autres. Le niveau de maturité du marché est tel sur certains supports qu’il ne
  • 21.     21   faut pas seulement y être, il faut y aller en n’omettant aucun détail et en y connaissant les codes du genre. L’utilisation du numérique pour la récupération des données et pour créer une synergie avec les équipes relais « sur le terrain » est une chose nouvelle et qui en France peine à s’imposer comme cela a été le cas aux États-Unis. Ainsi, alors qu’aux États-Unis, il est désormais commun d’acheter des bases de données de tout genre, en France, cela reste encore très marginal. La principale raison de ce différentiel de maturité sur le sujet avant tout est culturelle, tandis que la seconde est financière. En effet, l’achat de base de données en politique est loin d’être entré dans les mœurs et pourrait avoir des impacts très négatifs sur une campagne. Par ailleurs, aux États-Unis, où il est légal par exemple d’obtenir les préférences d’achat d’un électeur grâce aux informations bancaires qu’il laisse sur les sites marchands, ce qui, en France, est formellement interdit. c. Une e-réputation : entre dangers et opportunités J’ai mené une expérience à différents moments de la campagne autour du thème de la e- réputation. Je me servais de Google pour avoir un aperçu à un moment donné de la façon dont les deux candidates étaient perçues. Deux éléments m’importaient : quels étaient les premiers mots qui venaient automatiquement compléter leur nom dans la barre de recherche Google et la première page du fameux site lorsque l’on tapait simplement leur nom. Si ces relevés n’ont pas vocation à décrire une réalité précise et parfaite de la façon dont les candidates sont perçues par les internautes, elles donnent des grandes lignes d’interprétation. Rappelons, en effet, que la saisie semi-automatique de Google recense les mots clés qui ont été le plus souvent recherchés ensemble. Ils donnent ainsi un aperçu de ce qui est lié aux deux candidates dans l’inconscient des internautes. Pour en savoir, j’ai effectué trois relevés à trois moments différents afin de ne pas être influencé par un buzz particulier ou un mouvement de passage. Je voulais fonder mon analyse sur une tendance de fond. Ainsi, le premier relevé date du 8 novembre 2013, deux mois après le début officiel de la campagne, le second le 26 mars 2014, soit peu avant les élections et enfin un dernier le 06 juin, deux mois après le sacre de Mme Hidalgo. Saisie semi-automatique proposée par Google au 8 novembre 2013 pour « Anne Hidalgo »
  • 22.     22   Saisie semi-automatique proposée par Google au 8 novembre 2013 pour « Nathalie Kosciusko-Morizet » Saisie semi-automatique proposée par Google au 26 mars 2014 pour « Anne Hidalgo » Saisie semi-automatique proposée par Google au 26 mars 2014 pour « Nathalie Kosciusko-Morizet » Saisie semi-automatique proposée par Google au 6 juin 2014 pour « Anne Hidalgo »
  • 23.     23   Saisie semi-automatique proposée par Google au 6 juin 2014 pour « Nathalie Kosciusko-Morizet » À la lecture de ces images, le premier constat est que les internautes sont avant tout avides de connaître leur programme (3 occurrences pour Anne Hidalgo, 1 pour NKM), et de leur compte Twitter (2 occurrences pour Anne Hidalgo, 1 pour NKM). Cette seconde particularité est surtout due au fait que le moteur de recherche Google est plus puissant que celui intégré à Twitter pour trouver les comptes. Ensuite, les deux candidates sont toutes les deux observées dans leur intimité. L’anonymat relatif sur le web, permet aux citoyens de se renseigner sur des détails. Autour de NKM, différents mots forment un ensemble assez hétérogène et interrogateur sur ce que les personnes cherchent alors à savoir (frère, roms, métro, mari, taille). Son frère, Pierre Kosciusko-Morizet, est, en effet, un entrepreneur français, connu surtout pour être le co créateur du site de ventes en ligne PriceMinister. Je me suis demandé si l’inverse était vrai. Je voulais savoir si la curiosité autour du frère de NKM portait également autour de cette dernière. Force est de constater, que sa sœur est également un objet de recherche important pour ce dernier. Bien que celle-ci n’apparaisse qu’en 3e position, c’est par son nom que leur fraternité est recherchée et non par « sœur ». En effet, elle dispose d’une visibilité beaucoup plus importante que ce dernier. Saisie semi-automatique proposée par Google au 06 juin 2014 pour « Nathalie Kosciusko-Morizet » La capture écran réalisée le 26 mars semble sur ce point la plus intéressante car elle montre la cristallisation des opinions et des rejets à quatre jours des élections. Ainsi, les velléités de la candidate UMP-UDI-Modem de nationaliser le débat autour d’une ligne stratégie anti « double H » comme elle l’a nommée (c’est-à-dire Hidalgo = Hollande) a porté ses fruits et
  • 24.     24   a agité les curiosités. Et, c’est une ancienne rumeur persistante qui finit de motiver les personnes concernées à aller chercher de l’information. À nouveau, une simple recherche Google permet de comprendre que cette rumeur d’une supposée liaison entre eux, voire de la naissance d’une fille suite à cette liaison fait toujours grand bruit. Derrière, on ne trouve que des sites d’information « alternatifs » parlant du coût de cette supposée fille. Saisie semi-automatique proposée par Google au 06 juin 2014 pour « Hidalgo Hollande » Pour la première page de Google, j’ai effectué deux relevés qui se trouvent en annexe de ce mémoire (annexe 1 à 4). À cette étape, je me suis demandé quelles étaient les premières informations que pouvait lire un citoyen voulant se renseigner sur l’une ou l’autre des candidates. Je voulais savoir sur quoi il tombait lorsqu’il tapait « Anne Hidalgo » ou « Nathalie Kosciusko-Morizet » sur Google, le premier moteur de recherche en France. Puisque, bien souvent, la première impression est la bonne, il est important pour les deux candidates de la soigner. Si elles ne peuvent pas imposer à Google leur avis et leur perception de la recherche, elles peuvent toujours l’influencer. Si l’on observe les résultats de la recherche Anne Hidalgo entre les deux relevés, certaines conclusions s’imposent. Dans un premier temps, la force de la rumeur de son enfant avec François Hollande. Que ce soit le 6 juin ou le 23 mars, le résultat est le même : en bas de la page, plusieurs mots clés invitent le quidam à effectuer quelques recherches supplémentaires sur le sujet. La différence reste qu’une rumeur peut parfois en chasser une autre, d’autant plus lorsque celle-ci est avérée Ainsi, le 23 mars, c’est également l’affaire « Hollande – Gayet » qui remonte dans le fil d’informations puisqu’Anne Hidalgo l’a commentée. On peut également noter que deux éléments négatifs remontent sur cette première page : les incidents devant le QG de la candidate et certains articles peu élogieux. C’est ainsi pour cette raison que les relations presse prennent désormais un tout autre sens, et bien qu’on ait pu annoncer leur mort de façon prématurée, elles restent très importantes dans l’optique de la gestion d’e-réputation. Également,
  • 25.     25   les plates-formes sociales permettent également de jouer sur cette réputation puisque certains posts sont repris directement sur la home page. Voyons notamment celui du 23 mars. Anne Hidalgo est avec des commerçants et il est écrit "Sur le terrain ce matin avec Pauline Véron, tête de liste dans le 9e, à l’écoute des habitants et commerçants de la rue Cadet" illustré par une photo. Voici donc les premières informations qu’un potentiel électeur réussit à savoir en tapant simplement le nom de la candidate dans le moteur de recherche le plus utilisé en France. À l’inverse, la première page de la candidate de la droite et du centre est moins nourrie par la rumeur. Ce que l’on trouve aux deux relevés est par ailleurs, assez similaire. L’ordre est modifié mais l’essentiel est là : profil Google +, Wikipédia, compte Twitter, compte Facebook, articles sur le Figaro, Le Point et Le Nouvel Obs’ ainsi que sa page personnelle sur le site de l’Assemblée Nationale. C’est ainsi, avant tout une prestance nationale qui se dégage de cette première recherche et une personne qui n’aurait jamais entendu parler de la candidate avant d’effectuer cette recherche dispose désormais d’éléments tangibles. Les recherches liées le mettent néanmoins sur la piste de quelques importantes « casseroles » de la candidate. En effet, on trouve : enceinte, accouchement, talons et tueuse (l’ordre diffère). La forte persistance de sa grossesse est, par ailleurs, surtout liée au fait qu’elle ait, à l’époque, posé pour un magazine et la photo reste toujours aujourd’hui, un sujet à photomontage assez important. Le seul lien qui remonte et dont la candidate aurait à gagner qu’il disparaisse est son ancien blog lorsqu’elle était maire de Longjumeau. Sur celui-ci, on peut lire ses aventures en tant que maire de cette ville et député du département : l’Essonne. Bien que le dernier article posté traite bien de sa candidature à la Mairie de Paris, lire des informations contradictoires n’est jamais une bonne nouvelle pour la cohérence d’un discours politique. Pour Google Images, j’ai effectué un seul relevé. Ce relevé est tout de même intéressant pour le panorama qu’il donne des deux candidates. Si elles sont bien identifiées et bien relayées, des images assez surprenantes apparaissent et deux conclusions différentes s’imposent. Pour rappel, les algorithmes de Google Images ne référencent pas le contenu qu’il propose en fonction de l’actualité, mais en fonction du stock d’images disponibles sur le web qui sont titrées et balisées avec les mêmes mots-clés. Plus une photo est affiliée aux mêmes mots-clés et reprise sur les sites web, plus elle remontera dans les résultats de recherches. C’est seulement un fort taux de clic sur l’image qui permettra à celle-ci de remonter en première page, c’est donc le citoyen et non les équipes de communication qui peut avoir une influence sur la remontée des photos.
  • 26.     26   Capture écran de Google Images « Anne Hidalgo » au 26/03/14 Capture écran de Google Images « Nathalie Kosciusko-Morizet » au 26/03/14 De ces deux captures d’écran, une différence saute aux yeux. Nathalie Kosciusko- Morizet est seule sur toutes les photos à l’exception d’une seule. Anne Hidalgo, quant à elle, ne l’est que sur la moitié d’entre elles (15 photos sur un total de 28 pour être précis et elle est accompagnée par de NKM / Pierre-Yves Bournazel sur 4 d’entre elles). Anne Hidalgo est tour à tour, présentée avec son mari, en conseil municipal, avec son écharpe ou en plan plein pied en
  • 27.     27   soirée tandis que l’ensemble des premières photos de NKM la présente, dans leur majorité, sobrement, zoomé sur son visage, et elle y est représentée de façon beaucoup moins statique que sa rivale socialiste. Cette forte dichotomie est d’autant plus intéressante qu’elle n’a pas été travaillée par une équipe de communication, elle leur est imposée. Google Image est un outil sur lequel on peut agir, mais cela est coûteux et chronophage.
  • 28.     28   3. L’indispensable complémentarité « du livre et des écrans » « Dans un premier temps, les pratiques numériques de participation politique pourraient être simplement considérées comme des transpositions ou des extensions de celles habituellement observables hors ligne. Par exemple, le mail renverrait aux opérations de tractage ; chat et forums seraient la version en ligne des meetings et des réunions ; produire des photos ou des vidéos équivaudrait à coller des affiches. Le problème étant ici que certains de ces indicateurs traditionnels ne trouvent pas nécessairement d’équivalent en ligne et que, symétriquement, certaines activités en ligne s’apparentent, intuitivement, à de la participation ou, à minima, à de l’expression de préférences politiques sans que les catégories habituellement usitées pour l’appréhender puissent être utilisées. »14 a. Une complémentarité évidente Christine Barats résume ici toute la complexité du rapport de force qui existe entre, ce que l’on peut communément appeler « les outils de communication digitale » et les « outils traditionnels ». Ces deux termes ne sont pas opposés mais distinguent clairement deux champs d’action du politique dans une campagne électorale. Finalement son choix cornélien est celui de nombreuses marques. Comment communiquer ? Où communiquer ? Quels sont les éléments de langage à mettre en avant sur quel support ? Les agences de communication semblent avoir pris le parti de ne pas choisir. Ce qui importe désormais est le contenu, le reste est de l’ordre du formel et le prospect (ici l’électeur potentiel) a atteint un niveau de maturité sur le web assez important pour qu’il ne distingue que très peu une information lue dans un journal ou sur le site de la campagne. C’est cette ambivalence qui rend la frontière de plus en plus ténue entre deux mondes qui ne s’opposent plus, car ils n’ont pas à s’opposer puisque chacun influence l’autre d’une façon indéniable. Si les codes originels de l’imprimé restent marqués dans notre culture occidentale car nous avons baigné dans la culture du livre comme « un poisson dans l’eau »15 . Il faudra donc désormais composer avec cette dualité nécessairement complémentaire. La culture du numérique est avant tout un « métissage ». En effet, si elle a été massivement importée par les États-Unis, elle a grandi, en France, dans les mêmes draps que sa sœur : la culture de l’imprimé. Aujourd’hui, les deux grandissent ensemble et aucune des deux ne veut céder sa place à l’autre car elles savent que c’est sur leur équilibre.                                                                                                                           14 BARATS, Christine, Manuel d’analyse du web en Sciences Humaines et Sociales, Armand Colin, 2014, p.172 15 TISSERON, Serge, Du livre et des écrans, Plaidoyer pour une indispensable complémentarité. Éditions Manucius, mars 2013
  • 29.     29   b. Une synergie entre les supports Dans l’ouvrage de Serge Tisseron, Du livre et des écrans, Plaidoyer pour une indispensable complémentarité16 , le parti pris est affiché dès le titre. Selon lui, tandis qu’il existerait une culture unique du livre, il existerait une culture des écrans, comme une culture des multiples. Son raisonnement est le suivant et il est aisé de l’appliquer à un raisonnement politique : la culture du livre est placée sous le « signe de l’un » avec une conception dominante du savoir verticale telle que : « celui qui sait écrire un livre écrit pour ceux qui ignorent. Par le livre, ils accèdent à la connaissance du clerc ou du savant. » À l’inverse, toujours selon l’auteur, « la culture des écrans privilégie au contraire le multiple : plusieurs personnes sont réunies devant plusieurs écrans dont les contenus ont été créés par des équipes. » c. L’impact des outils digitaux sur le terrain L’utilisation des réseaux sociaux a apporté plus de transparence dans la vie politique. Les contacts directs avec le candidat, les échanges, ne sont plus cantonnés à la rencontre inopinée sur le marché, que ce soit via Twitter ou en débat interactif avec des solutions comme Google Hangout. À l’inverse, ces nouvelles formes de débat, de contact avec les électeurs, réintroduits par les réseaux sociaux, se sont étendues aux autres aspects de communication électorale : les pop-ups d’Anne Hidalgo [prises de parole avec happening] en sont un exemple criant. Les élus retournent dans la rue pour échanger différemment avec les électeurs, dans des cadres plus ouverts et moins archétypaux que la distribution de tract ou la visite de quartier. Le politique est désacralisé et retrouve sa véritable implantation locale. Le politique a été désacralisé et en tombant de son piédestal, il revient vers une logique de terrain qu’il semblait avoir perdu ces dernières années. Néanmoins, là où les outils digitaux représentent, au-delà, d’une complémentarité, un véritable facilitateur du travail des militants sur le terrain, c’est dans la façon dont il a renouvelé une technique vielle comme le monde : le porte-à-porte. Une des preuves de ce regain d’intérêt pour cette technique : c’est devenu un argument politique à part entière. L’équipe d’Anne Hidalgo a, ainsi, particulièrement mis en avant leur travail de porte-à-porte en faisant du chiffre atteint par les militants l’objet principal de deux newsletters.                                                                                                                           16 TISSERON Serge, Du livre et des écrans, Plaidoyer pour une indispensable complémentarité. Éditions Manucius, mars 2013
  • 30.     30   Capture écran de la newsletter d’Anne Hidalgo envoyée le 27 octobre 2013 Capture écran de la newsletter d’Anne Hidalgo envoyée le 9 mars 2014 Cela ne s’arrête pas là. Le numérique facilite et optimise la pratique. Aujourd’hui elle est révolutionnée par un logiciel développé par l’agence Liegey Muller Pons (du nom des trois fondateurs) : Cinquante + 1. L’histoire du logiciel suit l’évolution de la communication
  • 31.     31   politique sur le web dans le sens où les premiers essais datent de la campagne d’Obama en 2008 mais il faudra attendre 2011 pour qu’il soit utilisé à une plus grande échelle. Le logiciel permet surtout d'identifier des zones prioritaires. Dans une interview donnée à l’Usine Digitale, Clémence Pène, responsable web de la campagne d’Anne Hidalgo décrypte ainsi l’outil : Il « permet de faire remonter de nombreuses informations du terrain : nombre de portes frappées, qualité de l'échange, présence de l'adversaire. Le numérique permet de mener une campagne augmentée, avec plus de porte-à-porte, des événements plus porteurs, une plus forte audience. »17 Ce sur quoi on peut raisonnablement conclure, c’est que le numérique en tant qu’outil et déclinaison des supports de communication n’a pas toujours été une évidence au sein d’une stratégie électorale. Tout du moins, en France. Ainsi, au début des années 2000 a débuté une longue période de transition dont nous sortons à peine. Les candidats ont eu d’abord beaucoup de réticences à l’idée de devoir adapter leur message mais également toute leur stratégie autour de ce nouvel outil. Les campagnes de Bertrand Delanoë et Jean Tibéri ou encore de Lionel Jospin et Jacques Chirac, respectivement en 2001 et en 2002 ont brillé par leur incapacité à incorporer l’arrivée d’Internet dans leur campagne. Les essais furent plus réussis après le coup de maître de Barack Obama aux Etats-Unis en 2008. Suite à cette élection qui a su prendre la vague du web à la fois social et participatif (nous reviendrons sur ces termes dans la seconde parie), les élections présidentielles françaises n’auront de cesse de vouloir s’adapter et faire montre d’une nouvelle modernité. On l’aura surtout vu avec Ségolène Royal et sa démocratie participative. Néanmoins, il faudra attendre l’élection présidentielle de 2012 pour que la maturité à la fois du marché mais également celle des politiques permette un premier essai gagnant malgré des lacunes importantes. Ces élections pour la mairie de Paris en 2014 peuvent ainsi aisément être considérées comme les premières d’une nouvelle ère tant elles ont pu à la fois se reposer sur la base solide qu’avaient pu mettre en place les deux candidats à l’élection présidentielle de 2012. Fort de cette dernière, elles ont pu aller au-delà de cette première étape et intégré une réflexion globale sur l’objet. Aussi, le numérique ici a permis deux choses : il a été un outil permettant d’optimiser les ressources militantes disponibles durant le moment particulier que représente une élection. En lui permettant d’avoir accès à des informations qu’il n’aurait pu avoir aisément il y a de cela dix ans, le travail en est facilité. Véritable pont entre les équipes centrales et les militants sur le terrain, il est et nœud de gestion entre les différentes équipes, organise et améliore l’expérience à la fois des électeurs moins sollicités et mieux écoutés. L’accès généralisé à une masse d’informations pléthoriques reste néanmoins une                                                                                                                           17 ARNULF Sylvain, L’usine digitale, Les logiciels dans la campagne des municipales : Cinquante+1 optimise le porte-à-porte, mis à jour le 14 mars 2014, consulté le 18 mai 2014 et disponible sur http://www.usine-digitale.fr/article/les-logiciels-dans-la-campagne-des-municipales-cinquante-1- optimise-le-porte-a-porte.N247807
  • 32.     32   difficulté importante dont les candidates doivent prendre conscient et sur laquelle elles doivent toujours garder un œil vigilant. Pour la suite, il nous faudra tenter de comprendre avec discernement et précision les objectifs qui ont été poursuivis. La réflexion est posée autour de trois axes principaux : la conviction, la persuasion et enfin, l’engagement.
  • 33.     33   Anne Hidalgo, candidate PS / PCF à la mairie de Paris et Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP-UDI-Modem, le 26 mars 2014 suite au débat diffusé en direct sur LCI.
  • 34.     34   B/ Les objectifs de la communication digitale dans la campagne pour Paris 2014 Les stratégies de communication digitale ont surpris par leur ampleur et leur maturité, dans la campagne pour Paris 2014, bien que le web se soit imposé depuis bientôt plus d’une décennie comme canal de communication pour les marques et les organisations. Ces élections ont permis de voir des brides de ce que l’on pourra voir bientôt dans les autres villes de France : une communication digitale pensée et réfléchie en amont comme une stratégie de marque à part entière. Dans une période que d’aucuns qualifient déjà de post-réseaux sociaux, les deux équipes ont dû faire preuve d’une forte imagination et dépasser les clivages habituels. En vue d’appréhender l’organisation de la campagne sur le web ainsi que la manière dont le web a pu faire l’objet d’un investissement de la part des candidats et de leurs partis respectifs, le premier travail a consisté à cerner quels dispositifs ils avaient choisi d’animer en tant que manifestations de leur présence en ligne mais aussi comme instrument potentiel de mobilisation des internautes. Ceci a conduit à déterminer un corpus de dispositifs en ligne – incluant sites web et réseaux sociaux – dont les contours se sont avérés très difficiles à délimiter avec précision, tant plusieurs catégories d’acteurs, non limités aux équipes officiellement visibles dans les organigrammes de la campagne ont pu prendre part à diverses actions susceptibles de caractériser un engagement au profit des candidats. Afin de faciliter ce travail préliminaire, j’ai commencé un recensement exhaustif de la présence en ligne des candidates et j’ai appliqué à ce recensement une matrice articulée autour de trois champs d’action. Le corpus n’étant pas figé ni clairement délimitable, certaines catégories d’outils dépassent le strict cadre de la matrice, et se retrouvent tour à tour dans l’une ou l’autre des catégories. J’ai travaillé ce corpus autour de trois objectifs poursuivis par les candidats : la conviction, la persuasion et l’engagement. Je suis ainsi parti de ce que la communication politique a toujours poursuivi comme objectif (convaincre, informer, mettre en avant des arguments d’autorité clairs et simples) pour aller vers deux territoires nouvellement exploités via les outils numériques (à savoir la persuasion et l’engagement). Ici, une seconde lecture à l’intérieur même de ce redécoupage est possible et permet d’affiner la classification. Cette seconde grille d’analyse a été réalisée à l’aune des apports d’Aristote18 : la tripartition ethos, pathos, logos. Ces trois axes peuvent être définis comme suit. L’ethos correspond au fait que l’orateur ait une bonne prestance, et que tant son style que sa réputation peuvent contribuer à être crédible et à produire une impression positive sur son                                                                                                                           18 ARISTOTE (trad. Pierre Chiron), Rhétorique, Paris, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion », 2007
  • 35.     35   public. Le logos, ensuite, insiste sur le fait que le discours soit structuré, rationnel et logique et que l’argumentation mette en avant de manière persuasive et explicite les avantages concrets. Enfin, le pathos explique l’importance des émotions transmises et ressenties par le public et que dans ce sens tant la passion que la séduction et l’empathie sont nécessaires. Si les deux candidates ont réinventé les codes et poussé la révolution numérique à un niveau qui n’avait encore jamais été atteint en France, les moyens et techniques qu’elles ont mis en œuvre diffèrent légèrement. En effet, si la candidate socialiste a misé sur une campagne plus « geek » avec l’organisation de « hackathons» ou encore par la prédominance des logiciels dans la gestion de ses militants, elle a été moins inventive et moins en pointe sur la mise en place d’une stratégie de contenus sur les réseaux sociaux, contrairement à sa rivale socialiste. Si on connaît désormais le résultat du scrutin, force est aujourd’hui de reconnaître que les deux équipes ont fait montre d’une volonté très forte de digitalisation de la campagne, autour de ces trois grands objectifs : convaincre, persuader et engager.
  • 36.     36   1- Convaincre a. Des sites construits autour du contenu D’emblée, on note une grande différence entre les deux URL nkmparis.fr versus Anne- hidalgo.net. En effet, les candidates personnalisent différemment leur présence web. Nathalie Kosciusko-Morizet fait le choix de mettre en lumière, accolé à ses initiales, l’enjeu de la campagne (Paris). Tandis qu’Anne Hidalgo fait un choix d’énonciation équivalent au présentatif (« voilà », « c’est »). Les extensions de nom de domaine, .fr et .net, s’opposent. Le premier implante fortement la candidate dans une stratégie nationale. Elle semble dire : « cette campagne se déroule à Paris, mais je suis une figure nationale. » Il aurait été intéressant de réaliser cette analyse aujourd’hui, à l’heure où l’extension .paris est désormais possible. Face à cela, le .net inscrit la candidate andalouse dans une approche de réseau. En effet, le nom de domaine .net, bien qu’ouvert à tous maintenant, caractérisait au départ bel et bien une volonté de fédérer en réseau (network). Cette sémantique s’est atténuée au fil des années et de nombreux sites arborant ce nom de domaine n’affichent pas nécessairement le signifié de réseau dans leur site. Capture écran de la page d’accueil du site nkmparis.fr
  • 37.     37   Capture écran de la page d’accueil du site anne-hidalgo.net Ces différences, dans la façon de se positionner face à la ville sont également corrélées avec deux autres éléments. Le premier est la façon dont les deux candidates ont mis en avant l’importance de s’inscrire sur les listes électorales. Un même message, deux wording similaires mais loin d’être identiques sur le message porté. Ainsi, alors que l’équipe socialiste s’évertuait à convaincre les indécis et les Néo parisiens à s’y inscrire avec la phrase suivante : « J’habite à Paris, je vote pour Paris. », à droite, le choix avait été fait d’une épiphore : « J’habite à Paris, je vote à Paris. » Cette différence sémantique légère, reposant sur le glissement d’une préposition à l’autre, n’a pas manqué de faire sourire les équipes digitales de la candidate de gauche, qui y ont vu là, une façon de faire montre d’une dévotion à la ville insécable. L’autre différence est dans le nom du compte twitter « relais » des deux candidates. Ainsi, tandis que la candidate de droite a voulu souligner son implantation à Paris avec un pseudo en @nkm_paris (en cohérence avec son nom de domaine), la socialiste est soutenue par un compte renommé @avecanne. D’aucuns diront que la première avait plus besoin que la seconde d’affirmer son lien à la capitale et que la seconde avait plus besoin de se sentir en proximité avec ses électeurs (comme le marquent la préposition et l’utilisation de son prénom pour la désigner). Ces subtilités sémantiques n’ont rien d’anodin et participent pleinement de la stratégie de communication, pour affirmer l’identité des candidates. Une gestion des relations presse réinventée La campagne municipale a été ponctuée par de nombreux scandales de diverses importances. Sur ces sujets souvent épineux, les équipes et notamment les porte-parole ont souvent eu à s’exprimer pour faire entendre leur vision de la situation. Néanmoins, ces derniers font désormais fi des journalistes et font passer leur communiqué de presse directement par l’intermédiaire de leurs réseaux. Ainsi, et alors qu’un communiqué de presse a longtemps été imprimé puis envoyé aux rédactions avant d’être réduit à un simple mail, il n’est désormais plus qu’un post Twitter ou sur un blog relayé par ses propres moyens.
  • 38.     38   Plusieurs exemples récents peuvent illustrer cette analyse. Prenons, notamment le communiqué de Déborah Pawlik sur l’ « Affaire Benguigui », qui a éclaté à 4 jours du premier tour. Yamina Benguigui, l'ex-ministre déléguée à la Francophonie et nouvellement élue conseillère de Paris est, en effet, soupçonnée d'avoir menti sur sa déclaration de patrimoine en "omettant" 430 000 euros. Sur le sujet, Déborah Pawlik, élue du 10e arrondissement et tête de liste de NKM dans cet arrondissement demande à ce que « toute la lumière soit faite sur cette affaire » le 19 mars 2014. Pour faire entendre sa voix, elle publie un communiqué de presse sur le site officiel de NKM qu’elle-même ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet relaient sur leur compte Twitter respectif. Capture écran du compte Twitter « NKM Paris » relayant le communiqué de presse de Déborah Pawlik le 19 mars 2014 à 15 h 13 Capture écran du compte Twitter de Déborah Pawlik relayant son propre communiqué de presse le 19 mars 2014 à 15 h 13
  • 39.     39   Capture écran du compte Twitter relais « le 10e avec NKM » relayant le communiqué de presse le 19 mars 2014 à 15 h 43 Capture écran du communiqué de presse de Déborah Pawlik « Affaire Benguigui : il est urgent que toute la lumière soit faite », disponible sur nkmparis.fr
  • 40.     40   Cette digitalisation des relations presse n’est pas seulement une évolution dans l’outil de transmission, elle est une évolution majeure dans le moyen de transmission. Ici, ce qui compte c’est le fait que les candidats aux élections sont devenus, par leur réseau, leur propre média. "Le numérique permet surtout de désintermédier la communication politique", analyse Brigitte Sebbah, maîtresse de conférences à l'université Paris 12, spécialiste de la communication politique. "Les candidats peuvent faire passer un message aux citoyens directement, en s'affranchissant de la presse locale et en contrôlant parfaitement le discours." 19 Ainsi, le citoyen a désormais accès mot pour mot au discours d’un politique et non plus seulement à des brides retranscrites par un journaliste. Dimitri Granger, Codirecteur Publicis Consultants Net Intelligenz, résume ces évolutions dans un article publié dans culture-RP20 . Il insiste ainsi sur les causes et les conséquences de cette digitalisation des relations presse : « démultiplication des sources de contenus, instantanéité et vitesse de diffusion de l’information, contestation du statut journalistique et disparition de nombreux médias. » Ici, c’est bien l’instantanéité de la diffusion de l’information et la démultiplication des sources de contenus qui sont concernés. Et cette mise en avant par les deux candidates des communiqués de presse est une réponse naturelle à cette problématique. Les réseaux sociaux, vecteurs de proximité entre élus et citoyens L’ibérique Anne Hidalgo est présente sur Twitter, Facebook, Dailymotion et Flickr. Elle est présente sur Instagram seulement par l’intermédiaire du compte « avec anne », géré par Clémence Pène et dont la description fait état d’un compte de la « communauté officielle de soutien à Anne Hidalgo ». Le relevé des chiffres a été réalisé le 24 mai. Ainsi, la page « Anne Hidalgo » (et non son compte personnel) est présente sur Facebook depuis le 9 décembre 2007 et dispose de 60 637 mentions « j’aime ». Sur Dailymotion, la candidate a téléchargé 550 vidéos, classées dans 9 playlists, et capitalisant un total 337 647 vues. 110 abonnés suivent l’actualité de la candidate. Ces vidéos ont été regardées en moyenne 613 fois, avec une nette augmentation du nombre de vues par vidéo au cours des derniers mois, via une stratégie de contenus audiovisuels assez poussée chez la candidate. On notera ici, l’absence de la candidate sur YouTube. Ensuite, la candidate est présente sur Flickr, plateforme interactive agrégeant des photos autour d’événements depuis septembre 2009. À nouveau, cette date montre que la candidate n’a pas attendu les municipales pour explorer les                                                                                                                           19 MANENTI, Boris, Nouvel Obsservateur « Quand municipales riment avec digital », mis à jour le 25 février 2014, consulté le 13 mars 2014. Disponible sur http://tempsreel.nouvelobs.com/elections- municipales-2014/20140219.OBS6926/quand-municipales-riment-avec-digital.html 20 Culture RP, « Les relations presse doivent faire leur révolution ». Mis à jour le 27 mai 2013, consulté le 15 mai 2014 et disponible sur http://culture-rp.com/2013/05/27/les-relations-presse-doivent-faire-leur- revolution/
  • 41.     41   plateformes sociales. Sur ce site de partage, elle a téléchargé près de 7 000 photos (6 956 pour être précis) dans 325 albums. La candidate, enfin est présente sur Instagram. Au 24 mai, elle avait publié 111 photos, était suivie par 93 followers et en suivait 96. Au-delà de Twitter, NKM, quant à elle est présente sur Facebook, Google +, Flickr, Dailymotion, YouTube, Tumblr, Instagram et Bobler. Sa présence est quasi ubiquitaire et tout semble maîtrisé et pensé de façon globale. Ainsi, elle dispose sur Facebook d’un bassin de mentions « j’aime » assez similaire à la candidate socialiste (54 399) et les deux se sont inscrites sur le réseau à deux mois d’intervalles (la page NKM a été créée le 26 février 2008). Les posts sont moins réguliers que ceux de sa rivale mais ils obtiennent des scores de viralité plus importants (en moyenne, ils sont partagés 20 à 30 % de plus). La candidate est également présente, sur le réseau social de Google, Google +. Une présence sur ce dernier a un énorme avantage : il permet à la candidate d’avoir un référencement sur le moteur de recherche plus important que sa rivale. Sur le réseau, elle a été ajoutée dans 24 225 cercles et son profil a été consulté plus 1 million de fois (1 249 107 exactement). La candidate a, par ailleurs, téléchargé 6 286 photos sur Flickr depuis son inscription en mai 2009. Ces photos sont réparties dans 317 albums, et sont attendues par 141 abonnés. Sur Dailymotion, la candidate est présente au travers de deux comptes. Le premier est son compte officiel à son nom. Celui-ci a 115 abonnés et culmine à 142 377 vues, réparties sur 245 vidéos (soit 581 vues par vidéo), réparties elles- mêmes dans 5 playlists. Son second compte a été créé spécialement pour la mini-série « Vivement demain ». Sur ce compte thématique, se trouvent 10 vidéos qui ont été visionnées par 29 737 personnes (soit 2 973 vues par vidéo). Cette moyenne supérieure trouve surtout son explication par le fait que ces vidéos ont été de véritables supports de communication pour la candidate. Sur YouToube, la candidate est moins présente. 82 vidéos sont consultables pour un total de 98 abonnés. Les politiques sont priés de faire valoir le savoir-faire français et sont tacitement contraints à utiliser le site de téléchargement de vidéos made in France. Enfin, une des véritables forces de la candidate est sa présence sur Instagram avec près de 1 177 followers. La candidate, enfin, est présente sur Bobler, le nouveau réseau social « vocal » et surtout français, contrairement à sa rivale socialiste. Ainsi, si les deux candidates sont très présentes sur le site de micro-blogging Twitter, leur positionnement mais également leurs activités respectives sur les autres sites sont plus relatifs, surtout pour Anne Hidalgo. Zoom sur Twitter A priori similaire, la présence des deux candidates sur Twitter est finalement très opposée et à ce jeu, Nathalie Kosciusko-Morizet joue à domicile : elle a été une des premières ministres françaises inscrites et actives sur le site. Anne Hidalgo n’est, néanmoins pas en reste
  • 42.     42   puisque si l’on regarde les chiffres : elle s’est inscrite seulement un mois après l’ex secrétaire d’état chargé du numérique. En effet, tandis que la candidate UMP s’est inscrite en février 2009, ce fut le cas dès mars pour Anne Hidalgo. D’autres chiffres sont à envisager et viennent apporter des précisions à cette remarque liminaire. Trois chiffres, notamment, sont primordiaux. Ainsi, entre son inscription et le 13 juin 2014, soit en un peu plus de 5 ans, NKM a tweeté à 4 913 reprises. Elle suit 803 comptes et est suivie par 279 000 autres. Anne Hidalgo, quant à elle culmine à 16 100 tweets, suit 11 600 comptes et est suivie par 153 639 autres comptes. Ces chiffres sont ainsi beaucoup plus élogieux pour la candidate de droite et du centre. En effet, à la fois son ratio following / followers est important (346,07 vs. 12,73 pour la candidate PS), mais également elle a utilisé l’outil avec plus de parcimonie que la candidate socialiste. Capture écran du compte Twitter d’Anne Hidalgo le 13 juin 2014 Capture écran du compte Twitter de Nathalie Kosciusko-Morizet le 13 juin 2014
  • 43.     43   Si on les examine de plus près, on s’aperçoit que ces chiffres sont en opposition avec ceux des deux comptes « relais » officiels de la campagne (avecanne et nkm_paris). En effet, le compte de la candidate socialiste culmine à seulement 5 776 tweets contre 8 626 pour son adversaire UMP (alors que le compte relais a été créé plus tard). Capture écran du compte Twitter « relais » Avec Anne le vendredi 13 juin Capture écran du compte Twitter « relais » NKM Paris le vendredi 13 juin Un rapide coup d’œil sur le nombre de postes mensuels réalisés entre les deux comptes nous en dit plus sur la façon dont ces derniers ont été utilisés. Ainsi, tandis que sur la période allant de novembre 2012 au 15 avril 2014, le compte Anne Hidalgo a été à l’origine de 6 680 tweets, celui de Nathalie Kosciusko-Morizet, seulement de 1 739, soit un chiffre bien plus proche d’une réalité « humaine ». À l’inverse, les deux comptes relais culminent respectivement à 4 728 et 7 889 tweets 15 jours après les élections. La différence est ici assez claire : l’équipe de NKM a privilégié le canal moins officiel du compte secondaire, leur permettant par la même occasion d’avoir une plus grande amplitude dans le choix des tweets.
  • 44.     44   ANNE HIDALGO NKM AVEC ANNE NKM PARIS nov-12 86 56 x x déc-12 121 31 x x janv-13 158 45 x x févr-13 338 26 x x mars-13 354 44 x 189 avr-13 304 36 x 239 mai-13 152 43 49 533 juin-13 309 35 39 332 juil-13 320 52 26 191 août-13 281 19 70 110 sept-13 474 44 118 451 oct-13 715 56 208 583 nov-13 560 37 454 512 déc-13 521 166 455 662 janv-14 931 356 383 1 144 févr-14 809 553 968 1 388 mars-14 1 445 358 1 899 1 971 avr-14 163 20 59 12 TOTAL (15/04) 6 680 1 739 4 728 7 889 Tableau récapitulatif des posts mensuels des comptes Twitter des deux candidates au 15 avril Cette dichotomie est simple à comprendre. Anne Hidalgo a laissé gérer à la fois son compte personnel et son compte de campagne par son équipe web en totale indépendance, tandis que NKM a gardé la maîtrise quasi-totale sur son compte personnel : « Twitter est clairement le réseau social de prédilection de NKM. C’est elle qui gère toute seule son compte et répond aux internautes. Je suis la seule à y avoir également accès mais je ne fais rien sans son aval. » affirme Laura Polet, responsable de la campagne web de NKM dans une interview à 01net21 . Par conséquent, il n’est pas rare de voir la candidate se saisir de son iPad et tweeter ce qu’elle voulait dire. Cela a moins été le cas de la candidate socialiste, peut-être finalement un peu moins à l’aise avec l’outil mais tout de même bien conseillée. Finalement, c’est une                                                                                                                           21 CHARNAY Amélie, 01net.com, « Twitter est le réseau de prédilection de NKM », mis à jour le 15 mars 2014, consulté le 20 mars 2014 et disponible sur http://www.01net.com/editorial/615470/laura- polet-twitter-est-le-reseau-social-de-predilection-de-nkm/
  • 45.     45   stratégie de la « rareté » de l’information qui a été la plus efficace. Avec une moyenne de 1 000 posts mensuels au cours des trois derniers mois de campagne sur le compte Twitter officiel d’Anne Hidalgo, les personnes suivant le compte ne peuvent suivre chaque propos. NKM Paris, une marque bien implantée Nathalie Kosciusko-Morizet, a centré sa stratégie sur son compte « relais », qui a réellement servi de « tampon » entre chacune des parties prenantes de la campagne. Il avait pour vocation de relayer les appels des différents candidats, de mettre en avant les porte-paroles officiels. L’équipe web n’est pas mise en avant de façon proéminente, leur compte twitter est plutôt personnel, et n’est utilisé à vocation argumentaire qu’à de rares reprises. En faisant cela, la candidate évite de transformer son compte personnel en arène d’arguments politiques. À l’inverse, la stratégie d’Anne Hidalgo a été de faire porter l’ensemble des messages par son compte principal et le compte « Avec Anne », n’a, par ailleurs été créé que dans un second temps. Également, la candidate de gauche a beaucoup mis en avant son équipe et notamment Clémence Pène qui est devenue une figure emblématique de la communication politique web parisienne (elle a refusé mes deux propositions d’interview). Schéma explicatif de la stratégie digitale de Nathalie Kosciusko-Morizet sur Twitter
  • 46.     46   Le premier indice annonciateur d’une utilisation bien différente des comptes est le nombre de tweets postés par ceux-ci. Ainsi, depuis mars 2013, date de création du compte relais, le compte relais de NKM a posté plus de 8 000 tweets, pendant que le principal compte officiel de la candidate, n’en postait que 1 739. L’utilisation massive de ce second compte lui a, d’ailleurs permis d’atteindre un nombre de followers plus important que sa rivale socialiste, lui fournissant une plus grande visibilité via une plus grande caisse de résonance. Cela se comprend assez aisément, NKM a voulu garder un certain contrôle, une certaine capacité à s’exprimer seule et directement via ce média. Si, avec une moyenne de 400 tweets par mois durant les trois mois précédant la campagne, on peut raisonnablement se douter qu’elle n’a été à l’origine de chacun d’entre eux, le chiffre, raisonnable tend à refléter une certaine réalité. Un des rôles clés dans une campagne politique, notamment de cette ampleur est le rôle du porte-parole et cette fonction a dû fortement se renouveler à l’aune du nouveau paradigme en matière de diffusion des messages. Du côté de NKM, sur ses 4 porte-parole, seul Pierre-Yves Bournazel, également tête de liste dans le 18e arrondissement dépasse les 10 000 followers (11 500 exactement). Les trois autres, Valérie Montandon (1 392 followers), Agnès Evren de Fressenel (2 845) et Vincent Roger (2 061), du fait d’une popularité moins importante ont moins bénéficié de l’effet d’appel que peut produire Twitter. Leur message peinait ainsi, à certains moments à être repris. C’est néanmoins une toute nouvelle façon de gérer la mission de porte- parolat dont ils ont témoigné. Ainsi, les communiqués de presse, auparavant seulement destinés aux journalistes, et par conséquent cachés du grand public, sont devenus un support de communication indépendant via la force des réseaux sociaux. L’objet devient le message, les frontières se brouillent entre signifié et signifiant et les auteurs passent désormais outre la reprise ou non par les journalistes. Enfin, la vraie force de la candidate de la droite et du centre sur le « site de micro- blogging » est d’avoir mis en place une unité dans les comptes « relais » de chacune des têtes de liste. En effet, chacune d’entre elles était invitée à créer un compte avec une charte graphique et éditoriale. Ainsi, chacun des comptes devait précisément comporter différents éléments de mots mais également de photos. Ces procédés sont similaires à ceux que peuvent appliquer les plus grosses entreprises. Les messages sont pensés de façon interne et globale afin d’être uniformisés. Et puisqu’une image vaut mille mots, voici ce que cela représente.
  • 47.     47   Aperçu exhaustif des comptes « relais » des têtes de liste de Nathalie Kosciusko-Morizet
  • 48.     48   La cohérence des propos permet une meilleure compréhension. L’unicité des messages accomplit l’idée d’une équipe travaillant de façon commune. Ainsi, comme on peut le voir ci- dessus, chaque compte devait dans un premier temps être renommé comme tel : « Numéro d’arrondissement avec NKM ». La photo de profil devait inscrire le logo « NKM Paris », surplombant le numéro d’arrondissement écrit en chiffres romains avec en fond, un dégradé allant du violet au rouge, pensé en fonction des arrondissements. Par ailleurs, la photo de couverture plus globale devait montrer NKM, au mieux accompagnée du candidat en question, a minima souriante et entourée. Puis, les informations relatives aux comptes étaient explicatives et claires « Compte de soutien à #NKM, candidate de l’alternance à #Paris2014, avec @nomducandidat, tête de liste du Numéro d’arrondissement ». L’ensemble est efficace car il assoit véritablement la stratégie digitale de la campagne sur une communication homogène et une synergie des discours. Surtout, chaque candidat reste maître du compte en son nom, il est seulement aidé par un compte secondaire géré de façon globale par l’équipe. Ce doublement des comptes est très adroit car il permet à chacune des têtes de liste de garder une réelle emprise sur sa communication, lui permettant l’accès à son propre compte. Le 28 mars, à deux jours du second tour des élections, la centralisation des comptes par l’équipe au QG a permis de réaliser une démonstration de force (voir annexe 8). En effet, elle a permis de mettre en place un « tweet global » très intéressant. L’équipe a créé un post « prêt-à- tweeter ». Entre 23 h 30 et 23 h 45 en ce dernier vendredi soir de mars, les comptes ont, dans un intervalle de 10 minutes, été actualisés d’un nouveau post invitant tout un chacun de se déplacer pour voter le dimanche suivant. Pour rappel, aucune des deux équipes n’avait le droit de communiquer passé minuit. Ainsi, un message pré-écrit « Dimanche, votez @nomducandidat pour le Numéro de l’arrondissement avec @nk_m ! Dimanche, mobilisons- nous pour faire gagner Paris ! », accompagné d’un visuel adapté à chacun des comptes et mettant en scène la personne en question, son nom et le symbole « avec NKM – Une nouvelle énergie pour les parisiens » a été posté à 10 minutes d’intervalle sur les comptes relais des 16 candidats de droite encore en lice pour le second tour. Quant aux quatre arrondissements déjà remportés par la droite (1er , 6e , 16e , 17e ), ils avaient, eux aussi eu le droit à un post tout prêt. Ce dernier invitait plus globalement à se déplacer voter. Le message « Dimanche, votez @nk_m et ses têtes de liste ! Dimanche, mobilisons-nous pour faire gagner Paris ! » et un visuel montrant les 16 candidats encore en liste était publié par ces 4 derniers comptes. À nouveau, c’est cette organisation globale des comptes qui dégage une unité de discours et en renforce la portée performative. Les équipes semblent travailler sous une direction, certes centralisée, mais la vertu de cette modalité est de lui permettre d’orchestrer la communication.
  • 49.     49   Anne Hidalgo, une présence timide Face à cette véritable armée de la communication digitale au service de la candidate du centre et de droite, l’équipe de la candidate socialiste propose une vision presque opposée. Moins organisée, la stratégie repose moins sur le compte relais « Avec Anne » et met plus en avant les équipes web via leurs comptes personnels. Anne Hidalgo a su s’entourer d’une équipe de communicants spécialistes du web. L’équipe a été dirigée par Clémence Pène, responsable de la campagne digitale d’Anne Hidalgo. À 27 ans, cette dernière ne se considère pas comme une militante « pur sucre » du PS, mais plutôt une passionnée des réseaux22 . Elle a, ainsi suivi la campagne de Barack Obama aux États- Unis en 2008 et 2012, s’est occupée de la communication digitale de Jean-Paul Huchon (PS) lors de son élection au conseil régional d’Ile-de-France. L’équipe qu’elle dirige, composée d’une dizaine de personnes est surtout composée d’étudiants en science politiques et en communication, bénévoles et volontaires dans leur grande majorité. Leurs noms ont été beaucoup plus mis en avant été ont été utilisés comme des relais d’information à part entière. Résumons en un schéma explicatif : Schéma explicatif de la stratégie digitale d’Anne Hidalgo sur Twitter À la différence de sa rivale, l’équipe web de la candidate socialiste a axé sa stratégie sur le compte principal « Anne Hidalgo ». Cette dernière n’a que très peu tweeté personnellement, préférant faire confiance à son équipe qui a pris totalement en main le compte. Clémence Pène,                                                                                                                           22 COUSIN Capucine, Strategies.fr, « Clémence Pène, politiquement net », mis à jour le 1er janvier 2014, consulté le 14 avril 2014 et disponible sur http://www.strategies.fr/actualites/marques/227207W/clemence-pene-politiquement-net.html