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Article Harvard Business Review | Apple Watch, un coup marketing bien orchestré
1. Apple Watch, un coup marketing bien orchestré
Christophe Chaptal de Chanteloup
3 juin 2015
Marketing
Si l’Apple Watch n’est pas la première montre connectée à apparaître sur le marché – mentionnons, entre
autres, le modèle Activité du français Withings –, c’est en tout cas celle qui bénéficie à ce jour des moyens les
plus importants pour faire parler d’elle. À tel point que l’on ne saurait dire immédiatement si l’Apple Watch
correspond à un réel besoin ou si elle constitue un coup marketing remarquablement orchestré.
L’objet connecté et sa valeur d’usage
Une définition sommaire de l’objet connecté pourrait être : «Objet dont la connexion Internet lui permet
d’interagir avec son environnement afin de proposer des fonctions élargies par rapport à un existant». Cette
définition renvoie à la notion d’écosystème : les objets connectés et leurs utilisateurs forment un tout cohérent
et autonome. Elle renvoie également à la notion de valeur d’usage, qui correspond à la prise en compte de
l’utilité réelle plutôt qu’à la mesure de la valeur intrinsèque (économique, technologique, etc.) : l’objet
connecté, au-delà de sa performance de fonctionnement, doit apporter un vrai plus en termes d’usage.
La tradition marketing d’Apple
La société Apple s’est longtemps caractérisée par l’intelligence avec laquelle elle a su combiner deux
puissants leviers : d’une part, l’émotion et d’autre part, cette valeur d’usage dont nous venons de parler.
L’émotion c’est le plaisir que procure une offre tout le long du cycle allant de la découverte à l’utilisation, en
passant par l’acte d’achat. Les MacBook, iMac, iPhone, pour ne citer qu’eux, sont de ce point de vue
exemplaires : pureté des lignes, finesse des matériaux, niveau de finition, expérience d’achat, aisance
d’utilisation, qualité du résultat… Tout concourt au plaisir, à l’émotion intense.
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2. En ce qui concerne la valeur d’usage, la firme à la pomme a su y faire de façon magistrale en ouvrant à
l’utilisateur la possibilité de réaliser simplement, et le plus souvent de façon originale, des tâches complexes
et utiles : communiquer, explorer, trier, classer, croiser et enrichir l’information.
38 modèles d’Apple Watch
La gamme Apple Watch est impressionnante avec ses 38 modèles, allant de 649 à 18 000 euros. L’émotion
est là, incontestablement : ce sont des produits attirants, élégamment mis en valeur et que l’on a envie de
posséder, d’autant plus qu’Apple a organisé une pénurie généralisée en restreignant les lieux de ventes et en
privilégiant les précommandes sur Internet.
Mais pour ce qui concerne la valeur d’usage… c’est une autre histoire, car le besoin de base n’est pas
clairement défini. En effet, à quoi sert exactement l’Apple Watch ? Certains y voient une sorte de
prolongement de l’iPhone, permettant l’accès rapide et aisé à des fonctions clés comme les appels, les
messages, les mails ou la navigation. D’autres considèrent l’Apple Watch comme l’outil du futur, capable
d’ouvrir des voies inédites, en particulier en matière de santé, puis progressivement dans d’autres domaines
– qui restent à formaliser – au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles applications.
Si Apple n’a pas réellement défini la structure et les contours de l’univers du connecté, il a cependant jugé,
avec raison, qu’il était impossible d’en être absent. D’où, sans doute, son pari marketing : faisons un bel objet
connecté, suscitons l’intérêt, lançons-le avec de gros moyens… et regardons ce qui se passe.
Une certaine décontraction
Cette navigation à vue est inhabituelle chez Apple, et surtout, préjudiciable au marché du connecté.
Inhabituelle, car Apple nous avait plutôt acclimatés à des prises de position marketing tranchées : il était
question d’une perception précise du besoin et de faire en sorte d’y répondre de façon pertinente et calibrée.
Préjudiciable car cette décontraction marketing, totalement assumée de surcroît, revient à faire endosser aux
premiers acheteurs de l’Apple Watch le rôle de poisson pilote, chargé d’explorer l’univers du connecté. Mais
est-ce bien raisonnable, surtout au niveau de prix auquel le bien a été acquis ?
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3. Apple s’est longtemps interdit la démarche, assez courante dans l’industrie, du fameux : «On lance et on
verra bien.» En faisant preuve d’une surprenante souplesse dans le respect de l’orthodoxie marketing
«maison», l’Apple Watch déroge à la tradition.
En attendant un véritable marketing connecté
On attend désormais qu’Apple change de posture et nous propose une vision marketing puissante,
fédératrice et stimulante de l’univers du connecté, qui donnerait naissance à des offres ayant un fort impact
émotionnel mais aussi dotées d’une indiscutable valeur d’usage. Des offres qui contribueraient à faire en sorte
que le connecté ne soit pas seulement une superbe prouesse technologique mais le moyen d’une nouvelle
dimension d’échanges au sein de l’ensemble que constituent les individus et leurs objets. Autrement dit, un
véritable marketing connecté.
Christophe Chaptal de Chanteloup
www.cca-consulting.fr
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