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Femme et fille autochtones victimes de violence et
traite de personnes à fin d’exploitation sexuelle : zone
de vulnérabilité dans la société canadienne appelant
des solutions efficaces.
2015
Chirine Haddad
UNIVERSITÉ D’ OTTAWA
11/27/2015
Chirine Haddad
1
Femme et fille autochtones victimes de violence et traite de personnes à fin d’exploitation
sexuelle : zone de vulnérabilité dans la société canadienne appelant des solutions efficaces.
Les filles et les femmes autochtones au Canada représentent un plus haut risque d’être victime
de violence et de traite pour fin d’exploitation sexuelle puisqu’elles constituent la cible des
proxénètes, clients et trafiquants qui visent les personnes vulnérables. Au cours des quinze
dernières années, le terme de « traite de personne » a été employé pour décrire les activités dans
le cadre desquelles une personne en reçoit ou en retient une autre dans une situation de service
forcé. En vertu de l’article 3 du Protocole des Nations-Unies visant à prévenir, réprimer et punir
la traite des personnes, l’expression « traite des personnes » est définie de la façon suivante :
L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force
ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou
d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou
d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux
fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la
prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services
forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le
prélèvement d’organes1
.
Les résultats de plusieurs recherches, surtout celles qui sont menées par l’Association des
femmes autochtones au Canada (AFAC), révèlent une surreprésentation considérable des filles et
femmes autochtones dans les cas de meurtre, de disparation et dans le domaine de la traite pour
exploitation sexuelle au Canada au point d’être dominante dans certaines régions et pas très loin
derrière dans certaines autres. Avec des femmes et des filles autochtones composant un petit
segment de la population canadienne, cette surreprésentation est alarmante et nécessite une
1
Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants,
additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, A.G., rés. 55/25,
annexe II, 55 UN GAOR Supp. No. 49, UN Doc. A/45/49 (Vol. I) (2001) 1 [Protocole], p. 60. Le Canada a ratifié ce
protocole le 13 mai 2002; il est entré en vigueur le 25 décembre 2003
Chirine Haddad
2
intervention immédiate ainsi que des solutions qui correspondent aux cultures et au contexte
particulier des collectivités autochtones.
Toutefois, ces genres d’actes commis contre elles ne sont pas réprimandés par la société
canadienne. L’image historique des femmes autochtones qui implique la pauvreté, la
discrimination systémique, le manque d’éducation et la criminalisation de celles-ci a eu pour
conséquence de camoufler les crimes commis contre elles dans l’invisibilité. Cette invisibilité est
traduite par une carence de services offerts afin de prévenir les disparations, les agressions et la
traite domestique envers les femmes et filles autochtones où la violence physique demeure la
menace évidente à la sécurité et la vie de celle-ci. À cela s’ajoute, une apathie générale du
système de justice pénale face à la traite et divers types d’agression qu’elles doivent y faire face.
Les degrés de violence auxquels sont subies les filles et les femmes autochtones au Canada
dans leur vie quotidienne et dans le domaine de la traite sont sévères et traumatisants et soulèvent
les questions suivantes qui méritent une analyse approfondie :
(1) Quel est l’étendue de la violence et de la traite qui touchent les femmes autochtones au
Canada? (2) Quelles sont les causes sous-jacentes de la violence et l’exploitation sexuelle des
femmes et filles autochtones au Canada? (3) Quelle sont les initiatives canadiennes pour lutter
contre la violence et la traite pour fin d’exploitation sexuelle ciblant les femmes et filles
autochtones? (4) Quels changements faut-il opérer pour améliorer la sécurité et le bien-être des
femmes autochtones au Canada, particulièrement en ce qui a trait aux questions préoccupantes en
causes? Et comment peut-on réaliser ces changements?
Afin de répondre à ces questions, notre recherche sera répartie de la façon suivante :
(1) L’ampleur de la violence et la traite domestique ciblant les femmes et filles autochtones au
Chirine Haddad
3
Canada ; (2) Aperçu des causes sous-jacentes de la violence et de la traite pour fin d’exploitation
sexuelle à l’encontre des femmes et filles autochtones; (3) Les pistes de solutions adoptées au
Canada pour envisager la violence à l’encontre des femmes et filles autochtones; (4) Les pistes
de solutions adoptées par l’État canadien afin d’envisager le problème de la traite à l’encontre
des femmes et filles autochtones; (5) Critiques et enfin une conclusion prévoyant nos
recommandations.
Tout d’abord nous allons aborder une série de données officielles et non officielles afin de
brosser l’ampleur de la violence et la traite domestique ciblant les femmes et filles autochtones
au Canada.
1 - L’ampleur de la violence et la traite domestique ciblant les femmes et filles autochtones
au Canada
L’analyse statistique à ce jour des cas de disparation, de meurtre et de traite touchant les
femmes et filles autochtones révèle une toile sombre pour un problème complexe au Canada.
L'Enquête nationale auprès des ménages de 2011 estimait à 1 400 685 le nombre
d'Autochtones au Canada, ce qui représentait 4,3 % de la population canadienne2
. Le
pourcentage des femmes autochtones au sein de la population féminine du Canada est analogue.
En 2011, il y avait 718500 femmes autochtones au Canada, ce qui représente 4.3% du total de la
population féminine cette année-là3
.
2
Statistique Canada, « Les peuples autochtones au Canada : Premières Nations, Métis et Inuits, Enquête nationale
auprès des ménages », 2011, No au catalogue 99-011-X2011001 [consulté le 18 juillet 2013].
3
Statistique Canada, « Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe » par Anne Milan, 7ème
éd. (2015) à
la p. 14. http://www.statcan.gc.ca/pub/89-503-x/2015001/article/14152-fra.pdf.
Chirine Haddad
4
La violence ciblant les femmes et les filles autochtones est une tragédie qui concerne toute la
société canadienne. Le taux étonnement élevé d’exploitation des femmes et filles autochtones au
Canada est révélé par une revue de la littérature et des entrevues auprès des fournisseurs de
services qui ont indiqué que ce phénomène est très répandue sur le territoire canadien en
particulier à Vancouver (Colombie-Britannique), Ottawa (Ontario) et à Winnipeg (Manitoba)4
.
Au Manitoba, le grand chef Ron Evans de l’Assemblée des chefs du Manitoba, gérait le plan
d’action autochtone de la province contre la traite des femmes et des enfants autochtones. Ce
sujet constituait un thème central en 2009, puisqu’on a aperçu qu’entre 70 et 80% des 400 ciblés
par la traite dans les rues de Winnipeg chaque année, sont d’origine autochtone5
.
Les statistiques réalisées par TERF (Transitions Education and Ressources for Females) de
Winnipeg révèlent que plus de 70% des victimes d’exploitation sexuelle sont d’origine
autochtone6
.
Sur la base des données rassemblées par les services de police, les femmes autochtones sont
aussi plus à risque d’être victimes d’homicide. Entre 2004 et 2010, elles constituaient au moins
8% des victimes de meurtre, malgré le fait qu’elles représentaient seulement 4 % de la
population féminine au Canada7
. En May 2014, le commissaire de la GRC a présenté un rapport
qui documente le nombre des cas déclarés à la police de femmes autochtones disparues et
4
Association des femmes autochtones du Canada, « Exploitation sexuelles et traite des filles et des femmes
autochtones : Revue de la littérature et entrevues auprès d’intervenants clés », Rapport final, Octobre 2014, à la p. 9
[Exploitation et Traite].
5
Barrett, Nicole, « Tour d'horizon des pratiques prometteuses en réponse à la traite des personnes au Canada »,
Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale, pour le Forum
fédéral-provincial-territorial des hauts fonctionnaires responsables de la condition féminine, juin 2010 à la p. 48, en
ligne : <http://ccrweb.ca/files/tour_dhorizon_des_pratiques_prometteuses_traite_au_canada.pdf >.
6
Ibid à la p.49.
7
Chambre des communes,
disparues ou assassinées au Canada : rapport du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones, 41e
lég, 2e
sess, par Amber Stella, Ottawa, mars 2014 à la p.10 [Femmes invisibles].
Chirine Haddad
5
assassinées et de disparations de femmes autochtones non résolues qui équivaut à 1181, dont 164
disparitions qui datent depuis 1952 et 1017 homicides entre 1982 et 2012. De ces nombres, il y
en a 225 cas non résolus de femmes autochtones disparues ou assassinées8
.
Le 1er
avril 2015, une recherche effectuée par le système du Centre d’information de la police
canadienne (CIPC)9
indique qu’entre 159 cas additionnels de femmes disparues de race autre que
blanche « sur les territoires de tous les corps policiers », 19 des femmes en question étaient
autochtones. Les 19 cas récemment recensés se répartissent comme suit pour ce qui est de la
raison possible documentée relativement à la disparition : 13 sont appréciés comme étant
parvenus dans des circonstances mystérieuses ou soupçonnes, et les 6 autres, comme des
évasions ou des cas de personnes abandonnées. L’ajout de ces 13 cas additionnels parvenus dans
des circonstances mystérieuses ou soupçonnes aux 98 cas suspects avancés dans l’Aperçu
opérationnel 2014 porte à 111 le nombre de cas non résolues de femmes autochtones disparues
sur les territoires de la GRC au Canada. À titre de comparaison, les chiffres exposés en 2014
correspondent à 1 455 femmes disparues au total, dont 164 Autochtones. Dès la publication de
l’Aperçu opérationnel national, la GRC a conçu que 155 de ces dossiers figuraient toujours au
système du CIPC. Les 19 affaires additionnelles de femmes autochtones disparues ont été
ajoutées aux 155 qui demeurent toujours sans élucidation depuis l’Aperçu opérationnel 2014, ce
qui porte à 174 le nombre total de femmes autochtones disparues depuis au moins 30 jours en
8
Commission interaméricaine des droits de l’homme, “Missing and Murdered indigenous women in British
Columbia, Canada” (2014) à la p.30 en ligne : < http://www.fafia-afai.org/wp-content/uploads/2015/01/Missing-
and-Murdered-Indigenous-Women-in-British-Columbia_Report_EN.pdf> [CIDH].
9
Gendarmerie Royale du Canada, « Les femmes autochtones disparues ou assassinées : Mise à jour 2015 de
l’Aperçu opérationnel national », à la p.14, en ligne : <www.rcmp-grc.gc.ca/pubs/abo-aut/mmaw-fada-fra.pdf >.
Chirine Haddad
6
date du 1er avril 2015. Ce chiffre équivaut à 10 % du nombre total de femmes disparues inscrites
au système du CIPC en date d’avril 2015, soit 1 75010
.
Ces nombres révèlent que les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les femmes qui
sont victimes de disparition et d’homicide au Canada.
L’AFAC à son tour a mené sa propre enquête au sujet des femmes et filles autochtones
disparues et assassinée au Canada par l’entremise de son initiative Sœurs par l’esprit. En
considérant généralement les différents endroits où les filles et femmes autochtones ont été
rapportées disparus et assassinées, l’AFAC indique qu’en Colombie Britannique elles continuent
de faire face à un risque accru de mort violente et de disparation, qui surpasse les autres
provinces et territoires du Canada. En 2010, des 582 cas de filles et femmes autochtones
disparues ou assassinées, la Colombie Britannique compte 160 cas, ce qui équivaut à 28% des
cas, suivie par l’Alberta qui compte 93 cas, ce qui équivaut à 16% du nombre total11
. 55% des
cas d’homicide et de disparation touchent les femmes âgées de moins de 31 ans où 17% de ces
cas concernaient des mineures ayant moins que 18 ans. Plus que 60% d’homicide et plus que
70% de cas de disparition ont été rapportées en milieu urbain12
.
La surreprésentation des femmes et filles autochtones parmi les victimes de disparition et
d’homicide et de traite au Canada n’est pas fortuite. Les causes sous-jacentes semblent toujours
être les mêmes. Elles représentent l’impact de la pauvreté, la discrimination, le manque
10
Ibid.
11
CIDH, supra note 8 à la p. 30.
12
L’Association des femmes autochtones du Canada, « Ce que leurs histoires nous disent : résultats de recherche de
l’initiative Sœurs par l’esprit », 2010 à la p. 25, en ligne:
<www.nwac.ca/files/reports/2010_NWAC_SIS_Report_FR.pdf> [Ce que leurs histoires].
Chirine Haddad
7
d’éducation, la migration ainsi que la dépendance aux substances. Les prochains passages
constitueront un aperçu de ces causes.
2 – Aperçu des causes sous-jacentes de la violence et de la traite pour fin d’exploitation
sexuelle à l’encontre des femmes et filles autochtones
La pauvreté constitue la cause primordiale d’exploitation des femmes et filles autochtones au
Canada pour des fins sexuelles, les rendant de plus en plus sujettes à la violence et aux meurtres
perpétrés par des proches ainsi que par des individus étrangers.
2.1. La pauvreté :
Actuellement, les économies locales des collectivités autochtones sont « sous-développées » et
cela résulte d’une politique de subordination économique délibérée. Si les communautés
autochtones ont réussi jusqu’au milieu du XXe
siècle à subsister grâce aux activités de chasse, de
pêche, de trappe et de l’agriculture, cette économie a succombé à la politique de l’État-
providence lors des années 1950. En résultat, l’homme autochtone aurait pratiquement tout perdu
en perdant son rôle de pourvoyeur de sa communauté et sa famille. Ceci explique en grande
partie la détérioration des relations entre les hommes et les femmes autochtones et nous aide à
comprendre en retour les agressions et les violences subies par les femmes devenues les victimes
des frustrations accumulées par les hommes. Le besoin de pouvoir ne s’exercerait plus alors qu’à
travers des comportements de violence13
.
13
LaPrairie, Carol, Adelberg, Ellen et Currie, Claudia (éd.) (1987), « Native Women and Crime in Canada: A
theoretical Model », Too few to count. Canadian Women in Conflict with the Law, Press Gang Publishers,
Vancouver, (pp. 103- 112) à la p. 108 (« The satisfaction of power needs, denied in the role made available to
Indians in the larger society, may be found in exercising control over vulnerable others. Thus, rape, child sexual
abuse, and wife battering are being reported with increasing frequency in Indian communities in recent years »).
Chirine Haddad
8
Le Comité permanant de la condition féminine a appris que pour les femmes autochtones
pauvres, « le manque d’accès à des logements sûrs et abordables constitue un obstacle majeur
pour prévenir la violence ou y échapper et permettre aux femmes et à leurs enfants de vivre en
toute sécurité »14
. Les mauvaises conditions de logement signifient des options restreintes pour
les femmes autochtones lorsqu’il s’agit de quitter une relation violente ou d’échapper une
situation périlleuse. Dans de telle circonstance, les femmes qui habitaient dans des réserves
étaient forcées de choisir entre rester dans le foyer familial violent ou quitter la réserve, ce qui les
expose à un risque plus accru de devenir sans abris. Dans ce contexte, de nombreuses femmes et
filles autochtones se trouvent dans des situations qui accroissent leur vulnérabilité comme
l’autostop, la traite domestiques, l’adhésion à des gangs ou des relations abusives15
. Jusqu’à date,
il n’y a pas de statistiques précises décrivant le nombre des femmes autochtones qui sont sujettes
à l’exploitation sexuelle, mais selon Sikka en 2009, des études ont signalé qu’entre 70% des
jeunes exploités sexuellement et 50% des travailleurs adultes dans le commerce du sexe à
Winnipeg sont d’origine autochtone. Ces évaluations sont choquantes puisque les autochtones ne
représentent que 10% de la population à Winnipeg16
.
Le comité permanant de condition féminine a appris aussi que le niveau d’assistance social ne
couvre pas les besoins essentiels de ces femmes pour subsister, comme le logement et la
14
Fry Hedy, Un cri dans la nuit un aperçu de la violence faite aux femmes autochtones : rapport provisoire :
Comité permanent de la condition féminine, Ottawa, Ontario, Chambre des communes du Canada, 2011, à la p. 11
[un cri dans la nuit].
15
Ce que leurs histoires, supra note 12, à la p. 14.
16
Sikka Anette, « Trafficking for Aboriginal women and girls in Canada », Institut sur la gouvernance, Ottawa,
2009 à la p. 10 [Sikka].
Chirine Haddad
9
nourriture. Malgré qu’il fait partie de la compétence provinciale, des témoins ont indiqué à la
Comité que « les Nation-Unies ont reproché au Canada son faible niveau d’aide au revenu »17
.
Poussées par la pauvreté et espérant d’améliorer leurs conditions de vie, de nombreuses femmes
et filles autochtones optent de quitter leurs communauté pour s’installer au milieu urbain. Cette
migration s’ajoute à la pauvreté pour rendre ces femmes plus aptes d’être victimes de violence,
meurtre et d’exploitation sexuelle.
2.2. La migration au milieu urbain:
En 2008 dans un rapport organisé par les Nations-Unies sur les femmes autochtones et
l’économie, il a été confirmé que la suppression des Autochtones dans le contexte économique
actuel est en rapport avec leurs réinstallations et déplacement hors de leur territoire… En effet,
leur migration a abolit leur mode de vie traditionnel et a affaiblit la capacité des Autochtones de
répondre à leurs propres besoins, un droit qui est assuré par les traités internationaux comme le
pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels18
.
Des chercheurs citent la vulnérabilité accrue des femmes autochtones lorsqu’elles migrent vers
les centres urbains en raison d’un plus grand isolement, l’accroissement de l’activité des gangs,
la persistance de la pauvreté, des cycles d’abus et les lacunes dans les services d’aide19
,
établissant ainsi une voie d’exploitation pour les trafiquants. S’appuyant sur le fait que la fille
autochtone n’aurait pas de réseau de soutien au nouvel emplacement, le trafiquant se rendrait
17
Un cri dans la nuit, Supra note 14, à la p.11.
18
Jacobs, Beverly et Williams, Andrea « L’héritage des pensionnats : les femmes autochtones disparues et
assassinées » dans De la vérité à la réconciliation : T ’ g d pensionnats sous la direction de
Marlene Brant Castellano, Linda Archibald et MikeDeGagné, p.137-163. Ottawa : Fondation autochtone de
guérison, 2008, à la p. 149 [L’héritage des pensionnats].
19
Barrett Nicole “An exploitation of promising practices in response to human trafficking in Canada.” International
Center for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, (2010) Vancouver; British Columbia.
Chirine Haddad
10
disponible et offrirait logement et ressources à celle-ci. À partir du manuel rédigé par l’Urban
Native Youth Association (l’UNYA) en 2002, les fournisseurs de services et des jeunes à risque
ou qui ont été victimes d’abus ont fait état d’un manque de réseau de soutien, un manque
d’opportunité d’emploi ou d’éducation afin d’obtenir un emploi légal et la susceptibilité au
recrutement du fait de provenir d’un milieu familial violent qui a poussé les femmes autochtones
et leurs enfants de migrer vers les centres urbains20
.
À la pauvreté et la migration s’ajoute une cause historique qui incite la violence, l’exploitation,
et le meurtre à l’encontre des femmes et filles autochtones : le racisme la discrimination
systémique.
2.3 Le racisme et la discrimination systémique :
La vulnérabilité actuelle des femmes autochtones au Canada est liée directement aux
répercussions de la colonisation, parmi lesquelles on cite la promulgation vers les années 1850
d’une série de lois, de mesures législatives et règlements afin « d’imposer un gouvernement
patriarcal et de contraindre les femmes autochtones à se conformer à une discipline très stricte et
à la réglementation décrétées par les missionnaires, et les agents des indiens dans ce qui est
aujourd’hui l’Est canadien »21
. L’Acte pour encourager la Civilisation graduelle des Tribus
sauvages en cette province22
sanctionné en1857, associait le statut d’Indien à la ligne masculine
en fournissant à l’homme indien et non à la femme indienne la possibilité d’abandonner
20
Urban Native Youth Association, « Full circle: A manual on sexually exploited Native youth issues in
Vancouver», Vancouver (Colombie Britannique), 2002 à la p.17, en ligne : <http://www.unya.bc.ca/downloads/full-
circle-manual-2.pdf>: (« Migration to cities – lack of jobs, lack of educational opportunities, family breakups, and
family violence have force many women and their children to move to larger urban centres where they live in
poverty and usually under housed »).
21
L’héritage des pensionnats, supra note 18 à la p. 140.
22
Acte pour encourager la Civilisation graduelle des Tribus Sauvages en cette Province, et pour amender les Lois
relatives aux Sauvages : S. Prov C.1857 (20 Vict.) ch.26.
Chirine Haddad
11
volontairement son statut pour se joindre à la société coloniale non indienne. Dans ce cas
l’homme indien doit répondre à un certain nombre de critères afin de renoncer à son statut, ce
processus est appelé « émancipation ». Si les critères ont été remplis et l’homme Indien renonce
par la suite volontairement à son statut, la femme indienne ainsi que ses enfants perdraient par ce
fait leur statut, sans tenir compte de leur désir23
. En 1869 les femmes indiennes étaient de plus en
plus marginalisées suite à l’Acte y ’ g d d I d 24
, adopté par
le gouvernement; celles-ci ont moins de droits du fait qu’elles se marient à un homme non
indien, ou un homme indien appartenant à une autre bande, où dans le 1er
cas la femme ainsi que
ses enfants perdront leur statut d’indien alors qu’au 2ème
cas la femme ainsi que ses enfants
deviendront membre de la bande à laquelle appartient son mari.
Cette discrimination a été enchâssée dans la Loi de1951 sur les Indiens25
en particulier à
l’article 12(1) b) où on lit le passage suivant: « (1) les personnes suivantes n’ont pas le droit
d’être inscrits, en particulier…b) une femme qui a épousé un non indien, à moins qu’elle ne soit
devenue par la suite l’épouse ou la veuve d’une personne décrite à l’article 11 ». La personne
non indienne est tout homme qui n’est pas considéré comme ayant le statut d’indien aux termes
de l’article 11 de la loi précitée. Une femme autochtone qui se marie à une telle personne perd
certainement son statut ainsi que ses droits d’appartenance à sa bande à compter de la date de son
mariage. En outre, si une femme indienne se marie à un homme d’une autre bande, celle-ci
devient membre de la bande de son mari sans tenir compte de ses désirs. Ainsi une femme
indienne appartenant à une bande riche épousant un homme indien provenant d’une bande
23
Ibid.
24
A y ’ g d d S g , d d d
S g ’ x d d d ’ -et-un Victoria, chapitre quarante-deux, sanctionnée le 22
juin 1869 S.C. 1869, ch. 6.
25
Lois sur les indiens, SC 1951, ch.149.
Chirine Haddad
12
pauvre, peut subir une perte en étant privée du revenu auquel elle croyait avoir droit de par la
naissance, de même elle perd ses autres droits associés à son appartenance à sa bande natale26
.
Jusqu’en 1951, la femme autochtone qui se marie à un homme qui n’est pas de sa bande avait le
choix de conserver « le droit de recevoir des annuités et de l’argent de sa bande si elle n’optait
pas pour un paiement forfaitaire (un « rachat »), et elle continuait ainsi à être inscrite dans la liste
de sa bande si elle et sa bande le désirerait ». De ce fait, certaines agences indiennes ont émis le
« billet rouge » qui est une carte d’identité, par laquelle cette femme indienne était identifiée
comme ayant droit à l’argent consenti en vertu des traités et à l’argent des bandes, sans qu’elle
ait le droit légal de posséder des terres sur les réserves, et en outre elles étaient assujetties à
l’émancipation27
. Avec l’entrée en vigueur de la Loi de1951, l’Indienne qui avait marié un non
indien perdrait d’office son statut et ses droits relatifs à sa bande depuis la date de son mariage,
ainsi que tous ses autres droits associés à son appartenance à la bande à laquelle elle était
inscrite.
Le juge Laskin déclare dans sa décision dissidente dans l’affaire Lavell que la Loi sur les Indiens
introduit une « distinction vexante entre les hommes et les femmes autochtones, vexante au
moins en regard de la Déclaration canadienne des droits, que la Loi sur les Indiens introduit
entre des Indiens qui, étant frères et sœurs, épousent respectivement des non-Indiens »28
.
Dans cette affaire l’intimée Jeanette Lavell avait perdu son statut en épousant un non indien en
1970. Elle a appelé la décision qui barrait son nom de la liste des indiens en alléguant que cette
décision est contre la Déclaration canadienne des droits. Le juge Grossberg rejeta son appel.
26
Jamieson, Kathleen, La femme indienne devant la loi : une citoyenne mineure, Ottawa, Conseil consultatif
canadien sur la situation de la femme, (1978), à la p. 8 [Jamieson].
27
Ibid à la p. 69.
28
Procureur général du Canada c Lavell, [1974] RCS 1349.
Chirine Haddad
13
Lavell avait porté appel devant la Cour d’appel fédérale où elle avait eu gain de cause. Le
procureur général appela cette décision devant la Cour suprême du Canada. En février 1973, la
Cour suprême du Canada a entendu en même temps la cause de Mme Lavell et une autre cause
semblable, celle de Mme Yvonne Bédard. L’argument de ces deux femmes était que la Loi sur
les Indiens établit une discrimination fondée sur le sexe et la race à leurs égards, et que ce type
de discrimination est interdit par la Déclaration canadienne des droits. La majorité des juges de
la Cour suprême se sont prononcés contre Lavell et Bédard comme étant d’avis que :
1) Que Déclaration canadienne des droits n’a pas pour effet de rendre inopérante une
législation, telle que l’alinéa b) du para (1) de l’article 12 de la Loi sur les Indiens,
adoptée par le Parlement du Canada dans l’exercice de ses devoirs constitutionnelles en
vertu du para (24) de l’art. 91 de l’Acte de l’A.N.B, aux fins de préciser commet et par
qui les terres de la Couronne réservées aux Indiens doivent être utilisées;
2) que la Déclaration canadienne des droits ne requit pas qu’une législation fédérale soit
déclarée inopérante à moins qu’elle n’enfreigne des droits spécifiquement garantis par
l’article 1, mais lorsqu’une législation est jugée discriminatoire cela fournit une raison de
la rendre sans effet;
3) que l’égalité devant la loi en vertu de la Déclaration canadienne des droits veut dire
égalité de traitement dans l’application des lois du Canada devant les fonctionnaires
chargés d’appliquer la loi et devant les tribunaux ordinaires du pays, et que
l’interprétation et l’application du par.(1) de l’art. 12 ne comporte nécessairement aucune
inégalité semblable29
.
Cette décision dans l’affaire Lavell parait surprenante surtout qu’en 1970 un homme
autochtone, Drybones30
a réussi, devant la Cour suprême, à faire renverser une décision rendue
contre lui au terme de l’art. 94 b) de la Loi sur les Indiens et selon laquelle il a été déclaré
coupable d’être trouvé en état d’ivresse hors d’une réserve. Il a plaidé que cette décision opérait
une discrimination contre lui fondée sur sa race et qu’elle était donc contraire au para. 1 b) de la
29
Jamieson, supra note 26 à la p. 94.
30
La Reine c Drybones [1970] RCS 282 [Drybones]
Chirine Haddad
14
Déclaration canadienne des droits31
. Dans la décision majoritaire, le juge Ritchie a énoncé ce
qui suit :
…Je pense que l’art. 1(b) signifie au moins qu’un individu ou un groupe d’individus ne
doit pas être traité plus durement qu’un autre en vertu de la loi, j’en conclus donc qu’une
personne est privée de l’égalité devant la loi, si pour elle, à cause de sa race, un acte qui,
pour ses concitoyens canadiens n’est pas une infraction et n’appelle aucune sanction
devient une infraction punissable en justice.
La discrimination à l’égard des femmes autochtones date depuis longtemps que la décision
Lavell, et on cite à cet égard l’affaire Sero c Gault portée devant la Cour suprême de l’Ontario au
printemps 1921, par Eliza Sero, une veuve mohawk de 52 ans32
. Il s’agit d’un filet de pêche de
senne appartenant à Mme Sero qui était confisqué par Thomas Gault, un inspecteur de pêche
employé par le gouvernement, sous prétexte qu’elle avait contrevenu à un règlement de pêche.
La cause de Mme Sero était entendue par un juge blanc, William Renwick Riddell. Ignorant
complètement la tradition iroquoise, le juge Riddell se demandait sans doute pourquoi un litige
de telle importance avait été confié à une [TRADUCTION] « vielle veuve »33
en fait, il percevait
les femmes comme « un véritable fléau »34
. Le fait que Mme Sero en tant que femme intentait
une action en justice afin de revendiquer la souveraineté de son peuple n’était pas surprenant à
cette époque; les Mohawks étaient par tradition une société matriarcale, où les femmes
jouissaient d’une liberté sociale, d’une autonomie économique, d’un pouvoir politique plus
ample que les femmes blanches. Leurs biens leur appartenaient, c’est elles qui en fassent l’usage
et qui les occupaient, pour cela les femmes autochtones avaient historiquement la charge de
31
Déclaration canadienne des droits, SC 1960, ch. 44, Sanctionnée 1960-08-10 (« 1. Il est par les présentes
reconnu et déclaré que les droit de l’homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront
à exister pour tout individu au Canada quels que soit sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son
sexe : b) le droit de l’individu à l’égalité devant la loi et à la protection de la loi »).
32
Backhouse, Constance, De la couleur des lois: une histoire du racisme au Canada entre 1900 et 1950, Ottawa,
Presse de l’Université d’Ottawa, 2010 à la p. 131.
33
Ibid à la p. 157.
34
Ibid à la p. 156.
Chirine Haddad
15
cultiver leurs terrains, et elles détenaient l’autorité principale sur le village, les terrains, et
l’approvisionnement alimentaire. Après son mariage, la femme Mohawk ne perdait pas le
contrôle sur ses propres biens, et elle pratiquait pleinement ses droits de garde sur ses enfants et
avait le droit de demander le divorce35
.
Mme Siro a perdu sa cause, et le juge Riddel a conclu qu’il n’existe aucune explication soutenant
la prémisse que « les sauvages de cette province sont exemptés de l’application du droit général-
ou l’aurait été à un moment ou un autre »36
déclare-t-il en dépassant considérablement l’objet de
la cause dont il a été saisi.
La discrimination systémique à l’encontre des filles et femmes autochtones constitue un
contribuant puissant à la vie instable dans laquelle elles grandissent, où beaucoup sont abusées et
nombreuses entre elles grandissent avec un faible estime de soi. Il a été question de racisme dans
le contexte de la disparation et du meurtre de nombreuses femmes autochtones au Canada. Des
témoins ont mentionné au Comité permanent de la condition féminine que les médias relégués
les causes liées à la disparition des femmes autochtones aux pages intérieurs ou aux dernières
pages des journaux37
.
À cela s’ajoute le traitement des plaintes par les membres de la police et la GRC. Dans son
rapport publié le février 2013, l’organisme Human Rights Watch a documenté des cas allégués
de violations des droits des femmes et filles aborigènes au nord de la Colombie Britannique.
35
Ibid à la p. 138.
36
Ibid à la p. 164.
37
Cri dans la nuit, supra note 14 à la p. 33 (Jo Anne Fiske a indiqué au comité que : « [l]orsque des femmes
disparaissent sur l’autoroute 16, s’il s’agit d’une jeune femme blonde … la photo de cet enfant [est] en première ou
deuxième page de tous les journaux du pays pendant des jours. Au même moment, un des membres de ma famille
élargie a été retrouvé mort, et le seul commentaire dans le journal était qu’elle a été retrouvée morte à un endroit où
l’on retrouve habituellement des prostituées. Eh bien, merci quand même, mais c’est aussi l’endroit où je promène
mon chien, où je joue avec ma petite-fille et où je m’adonne à d’autres activités familiales. On n'a jamais mentionné
qu’il s’agissait d’un parc public. Son nom n’a pas été mentionné, ce qui démontre un problème grave dans les
médias, dans l’éducation du public, et chez les pouvoirs publics qui ont ainsi qualifié la victime »).
Chirine Haddad
16
L’organisme indique particulièrement les problèmes suivants : sous-protection des filles et
femmes autochtones, omission d’enquêter rapidement sur certains signalements, abus policiers38
,
tandis que « [l]a politique de la GRC stipule que les gens qui signalent une personne disparue ne
devraient jamais s’entendre dire qu’ils doivent attendre un certain temps »39
.
La Commission d’enquête du Manitoba sur l’administration de la justice et les Autochtones a
indiqué à Amnesty International qu’un grand nombre de policiers percevaient les personnes
autochtones non pas comme un groupe vulnérable exigeant une protection mais étant un groupe
contre lequel le reste de la société canadienne devrait être protégé. Ceci étant, les femmes
autochtones sont à la fois « trop surveillées » et moins protégées40
.
Le racisme continu suscite des grands soucis pour les Autochtones au niveau de la police et le
système judiciaire. En mai 2004,l’ancien juge du tribunal provincial de la Colombie-Britannique,
David Ramsay, a été condamné à 7 ans d’emprisonnement pour agression sexuelle sur des jeunes
38
Human Rights Watchs, « Ceux qui nous emmènent – Abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et
filles autochtones dans le nord de la Colombie Britannique, Canada » Février 2013, ISBN : 1-56432-989-5, à la p.70
en ligne : < www.hrw.org/fr/report/2013/02/13/ceux-qui-nous-emmenent/abus-policiers-et-lacunes-dans-la-
protection-des-femmes-et> : (l’organisme a souligné que « [l]a violence policière met en danger la sécurité des
femmes et des filles bien au-delà des conséquences physiques directes de toute maltraitance physique. Les
conséquences s’en font ressentir dans la réticence des femmes et des filles autochtones à appeler la police à l’aide
quand elles craignent la violence ou bien l’ont vécue. Le problème ne se limite pas à celles ayant vécu directement la
violence policière. Selon un prestataire de services à la jeunesse, s’attaquer à l’exploitation des filles par d’autres
jeunes dans des programmes mixtes gérés par certaines organisations est difficile car les filles ne font pas assez
confiance à la GRC pour signaler les abus. La possibilité que des abus soient commis en cellules empêche aussi
certains membres de la communauté d’aller à la police lorsqu’ils voient des jeunes dans une situation délicate »).
39
Ibid à la p. 72.
40
Amnistie Internationale, « On a volé la vie de nos sœurs : Discrimination et violence contre les femmes
autochtones. Résumé des préoccupations d’Amnistie Internationale » (Londres : Amnistie Internationale,
Publications, 2004), à la p.11 en ligne :
<www.amnistie.ca/sites/default/files/upload/documents/publications/amr2000104.pdf> [On a volé la vie de nos
sœurs].
Chirine Haddad
17
filles autochtones âgées de 12, 14, 15 et 16 ans qui avaient comparu devant lui et auxquelles il
avait payées pour avoir des relations sexuelles avec elles41
.
Le racisme et le sentiment d’indifférence de la société à l’égard du bien-être et de la sécurité
des femmes et filles autochtones contribuent à instaurer un climat périlleux envers elles où elles
deviennent de plus en plus vulnérables aux actes violents et au trafic humain à l’intérieur du
Canada. Un autre élément s’ajoute pour accroitre la victimisation des femmes et filles
autochtones au sein de la société canadienne; leur manque d’éducation.
2.4. Le manque d’éducation
Une des causes qui accroissent la vulnérabilité des femmes et filles autochtones est leur manque
d’éducation. Selon le rapport de kingsley et Mark, parmi les jeunes qui étaient exploitées
sexuellement, beaucoup d’eux indiquaient des environnements d’éducation malsains et
inadéquats ayant comme effet d’empêcher et menacer leur réussite scolaire; les problèmes à
l'école, y compris les difficultés avec les pairs, drogues et d'alcool, l'absentéisme, les combats, et
la sexualité peuvent créer des obstacles. Peu d’étudiants autochtones parviennent à atteindre
l'école secondaire, et il y a très peu d'emploi qui leur sont ouverts42
. « Les écoles représentent
aussi des points d’accès pour les trafiquants – la région d’Edmonton en particulier a été
mentionnée comme étant un pôle important du recrutement dans les écoles »43
.
41
Ibid à la p.4.
42
Kingsley Cherry et Mark Melanie, « Sacred lives: Canadian Aboriginal children and youth speak out about sexual
exploitation » (2001), Vancouver, Human Resources Development Canada à la p.14
43
Exploitation et traite, supra note 4 à la p.19.
Chirine Haddad
18
Ceci étant le manque d’éducation et le peu d’emploi disponible à leurs égards constituent des
facteurs aggravant la vulnérabilité des femmes et filles autochtones qui deviennent de plus en
plus prise par les cycles de violence et de mauvais traitement44
.
Au faible taux d’éducation, s’ajoute une autre cause qui contribue à la violation du bien-être et
la sécurité des femmes et filles autochtones : la dépendance aux substances.
2.5 La dépendance aux substances
Dans un rapport publié en 2010, la GRC indique que bon nombre de victimes de la traite sont
maintenues sous le contrôle des trafiquants qui exploitent leur dépendance aux substances
illicites45
. Presque tous les participants dans la recherche de Sikka ont noté l’usage de drogue
dans le recrutement des jeunes filles autochtones dans le domaine de la traite. Principalement, les
témoignages obtenus par Sikka confirmaient que les trafiquants donnaient aux jeunes filles
vulnérables, des compliments, des cadeaux et, éventuellement, de la drogue. À Winnipeg, les
participants ont indiqué qu’une fois que les filles étaient dépendants, les « petits amis »
refuseraient alors de leur fournir de la drogue sauf si elles se prostituaient. À Edmonton, les
participants ont témoigné, qu’après une certaine quantité de drogue avait été fournie à une jeune
fille, ils ont été informés qu'elles devaient maintenant de l'argent au trafiquant de la drogue, et
qu'ils étaient tenus d'avoir des relations sexuelles avec des personnes liées au trafiquant afin de
payer la dette46
. Suivant son étude, les drogues constituaient une méthode privilégiées par
plusieurs gangs. Tenant une rançon pour de nouvelles filles autochtones dépendantes, ils les
enverraient sur la rue afin de « gagner de l’argent » au profit de la gang de façon à recevoir plus
44
Ibid à la p.16.
45
Gendarmerie Royale du Canada, « La traite des personnes au Canada : Évaluation de la menace », 2010, á la p. 3
et 14 en ligne < http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/grc-rcmp/PS64-78-2010-fra.pdf>.
46
Sikka, supra note 16 à la p.15.
Chirine Haddad
19
de drogues pour leur dépendance. Le lien entre la drogue et les gangs a également été confirmé
par plusieurs participants dans l’étude de Sikka. La facilitation de la traite des filles par les gangs
a été signalé à être principalement par le biais de la dépendance aux substances plutôt que par la
force47
.
Les multiples formes de discrimination, la pauvreté généralisée, l’exploitation accrue au sein de
la population féminine autochtone pour des fin sexuelles et les autres formes d’abus dont elles
sont sujettes, ont poussé la Canada à adopter certaines mesures afin de contrecarrer ces
phénomènes. Les pistes de solution adoptées par l’État canadien pour lutter contre la violence à
la traite feront l’objet de notre discussion aux passages suivants.
3 - Les pistes de solutions adoptées au Canada pour envisager la violence à l’encontre des
femmes et filles autochtones :
En 2010, le Canada a prévu dans le budget dix millions de dollars sur une période de deux ans
pour faire avancer le dossier de la disparation et du meurtre des femmes autochtones, grâce au
progrès considéré dans les mesures de l’application de la loi et du système de justice48
. À cet
effet un nouveau centre national de soutien policier a été mis sur pied afin d’arranger la base de
données du Centre d’information de la police canadiennes, et les réformes qui sont établies au
Code criminel49
.
De plus, le gouvernement a pris des mesures pour soutenir les femmes autochtones elles-
mêmes. Ces mesures incluent l’adoption en 2013 de la Loi sur les foyers familiaux situés dans
47
Ibid.
48
Cris dans la nuit, supra note 14 à la p. 17.
49
Ibid.
Chirine Haddad
20
les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux50
; cette Loi autorise aux Premières nations
d’adopter leurs propres lois en matière de propriété immobilière afin de s’assurer que les époux
ou conjoints de fait dans les réserves, jouissent des mêmes garanties et des mêmes droits à
l’égard des biens immobiliers que les citoyens hors réserve51
. Notamment cette Loi aide à fournir
plus de choix aux femmes victimes de violence selon certains témoins ayant comparu devant la
comité de condition féminine52
, puisque avant son entré en vigueur, une rupture survenant dans
une réserve des Premières Nations pouvait mener à des situations inéquitables, comme le fait de
devenir sans abris, à la pauvreté et à la perte du soutien culturel et familial si la conjointe était
forcée de quitter sa résidence.
Le 25 février 2011, le gouvernement canadien a consacré 1 890 844 à l’AFAC, répartis sur trois
ans, afin d’exécuter le projet Du constat aux actes II, qui aide les collectivités à mieux
comprendre et empêcher la violence à l’encontre des femmes et filles autochtones, ainsi qu'à
intervenir lorsqu'elle surgisse. Ce projet contribue à la formation des forces policières, du
personnel enseignant, des représentants de la justice, des travailleuses et travailleurs de première
ligne en santé, des représentants de services sociaux ainsi que des agents locaux de diverses
régions du Canada53
.
Le gouvernement fédéral, en collaboration avec la province ou le territoire participant, a prévu
un financement pour la mise en place de services de police exclusifs et adaptés dans plusieurs
50
Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux; LC 2013, c 20.
51
Comité permanent de la condition féminine, « Mettre fin à la violence contre les filles et les femmes autochtones –
Un nouveau départ grâce à l’autonomisation », 41e
lég, 1re
sess, par Irene Mathyssen Ottawa, décembre 2011à la p.
8.
52
Ibid à la p. 9.
53
Comité permanent de la condition féminine Canada, « Le gouvernement du Canada investit dans un projet
communautaire visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones » Communiqué de presse,
25 février 2011, en ligne <http://www.newswire.ca/fr/news-releases/le-gouvernement-du-canada-investit-dans-un-
projet-communautaire-visant-a-mettre-fin-a-la-violence-faite-aux-femmes-et-les-filles-autochtones-
507749531.html>.
Chirine Haddad
21
collectivités Inuits et des Premières Nations du Canada. Le Programme des services de police
des Premières Nations (PSPPN) vise plutôt à offrir à ces collectivités des services de police
professionnels, efficaces et adaptés à leur culture, sans remplacer les services de police
normalement assurés par la province ou le territoire54
. Suivant des témoignages rapportés par le
Comité permanent de la Condition féminine, « des corps policiers transmettent aux services de
police des Premières Nations les pratiques exemplaires qu’ils appliquent dans les cas d’enquêtes
portant sur une disparition »55
.
Dans la foulée de l'investissement qu'il a fait entre 2010 et 2015, le gouvernement fédéral a
annoncé dans son Plan d’action économique de 201456
, qu’il a affecté un somme de 25 millions
de dollars sur cinq ans à la poursuite de ses efforts pour combattre la violence faite aux femmes
et aux filles autochtones. Il organise les interventions autour de trois axes d’intervention ou
piliers complémentaires : (1) Prévention de la violence par le financement de solutions locales;
(2) Soutien aux victimes autochtones par des services appropriés, (3) Protection des femmes et
des filles autochtones par l’investissement dans des refuges et de nouvelles mesures pour
améliorer l’application de la loi et le système judiciaire.
À ces mesures adoptées par l’État canadien afin de lutter contre la violence ciblant la
population féminine autochtone, s’ajoutent des stratégies suivies par le gouvernement canadien
afin de contrer l’exploitation des femmes et filles autochtones par les trafiquants dans le
commerce du sexe.
54
Femmes invisibles, supra note 7 à la p. 33.
55
Ibid à la p. 35.
56
Condition Féminine Canada, « Plan d'action pour contrer la violence familiale et les crimes violents à l'endroit
des femmes et des filles autochtones » (15 septembre 2014) en ligne : < http://www.swc-
cfc.gc.ca/violence/efforts/action-fra.html>.
Chirine Haddad
22
4 - Les pistes de solutions adoptées par l’État canadien afin d’envisager le problème de la
traite à l’encontre des femmes et filles autochtones
Les passages suivants traitent des mesures adoptées par le Canada afin de contrer la traite ciblant
notamment les femmes et filles autochtones au Canada.
4.1 Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des
femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée [Le Protocole]
En mai 2002, le Canada s’est engagé de collaborer avec d’autres États dans la lutte contre la
traite internationale lorsqu’il a ratifié Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite
des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale organisée57
.
Cet instrument comprend la première définition de la traite des personnes approuvée à l’échelle
internationale58
. Son domaine d’application est établi sur ce qu’on prévoit comme les «trois P: la
prévention de la traite des personnes, la protection des victimes et la poursuite des
contrevenants »59
. Essentiellement, le Protocole est un modèle important pour Canada. Il
préconise les actes qui doivent être sanctionnés, ainsi que le degré approprié de sévérité des
peines et il offre des moyens efficaces pour lutter et empêcher la traite des personnes. Il prévoit
l’engagement des États parties au Protocole de prendre des mesures législatives nécessaires afin
de conférer le caractère d’infraction pénale à la traite, ainsi qu’aux actes consistant à tenter de
57
Protocole, supra note 1 (Le Canada a ratifié ce protocole le 13 mai 2002; il est entré en vigueur le 25 décembre
2003).
58
Ibid art.3.
59
La People’s Law School : « La traite de personne au Canada » (2014) Colombie Britannique, à la p 7 en ligne :
<http://www.publiclegaled.bc.ca/wp-content/uploads/2014/04/French_Human-Trafficking-2014_online.pdf>.
Chirine Haddad
23
commettre un tel crime, à s’en rendre complice et à conspirer en vue de la perpétration d’un tel
crime60
. Le consentement de la victime à la traite de sa personne ne constitue pas une défense
valable, puisque l’exploitation est inhérente à une infraction de ce genre61
.
En conformité avec son obligation d’adopter des mesures législatives pour incriminer la traite,
le Canada a adopté le projet de loi C-49 la Loi modifiant le Code criminel (traite des
personnes)62
.
4.2 Le projet de loi C-49 la Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes) :
Le Canada a adopté un certain nombre de lois pour contrer à la traite des personnes. Les articles
279.01 à 279.04 du Code Criminel (le Code) abordent spécifiquement le sujet de la traite. Ces
dispositions sont entrées en vigueur en novembre 2005 avec l’adoption du projet de loi C-49.
Ce projet pose trois interdictions; la première interdit à titre absolu la traite de personne, qu’il
s’agisse de recruter, transporter, transférer, recevoir, détenir, cacher ou héberger une personne,
ou de contrôler, de diriger, ou d’exercer une influence sur les agissements d’une personne afin de
l’exploiter ou de faciliter son exploitation63
; la deuxième interdiction prohibe à une personne de
réaliser un profit pécuniaire de la traite des personnes64
; la troisième prohibe de garder ou de
détruire tout document de voyage ou tout document d’identification d’une personne ou de son
statut d’immigrant afin de faciliter la traite des personnes65
. Le ministère de justice indique par
60
Protocole, supra note 1 art. 5.
61
Protocole, supra note 1 art. 3 b).
62
PL C-49 : Loi modifiant le Code criminel (traite de personne), 2005 (sanctionné le 25 novembre 2005), LC 2005,
c 43.
63
Code Criminel, LRC 1985, c C-46, art. 279.01 [Le Code].
64
Ibid art. 279.02.
65
Ibid art. 279.03.
Chirine Haddad
24
ailleurs qu’il « n’est pas nécessaire que l’exploitation soit réalisée. La preuve de l’intention
d’exploiter la ou les victimes est suffisante »66
.
Le projet de loi C-49 sert de fondement pour obtenir un mandat en cas de traite, afin
d’intercepter les communications privées, obtenir des spécimens. Il permet d’inscrire l’individu
reconnu coupable de traite sur le registre des délinquants sexuels. Enfin ce projet donne les
victimes le droit à un dédommagement pour les préjudices corporels et morales soufferts.
Pareillement au Protocole, le consentement de la victime aux actes constituant la traite de sa
personne ne constitue pas une défense valable67
.
Autres ces mesures législatives, le gouvernement fédéral a adopté d’autres stratégies pour
contrer le trafic humain au Canada, comme le Centre national de coordination contre la traite de
personne de la GRC et le Plan national d’action contre la traite de personne.
4.3 Centre national de coordination contre la traite de personnes de la GRC
Depuis 2007, le Centre national de coordination contre la traite de personnes (CNCTP) de la
Gendarmerie royale du Canada (GRC) reçoit de l'information et des instructions sur les affaires
de traite de personnes ou liées à la traite de personnes de la GRC et d'autres organismes
d'application de la loi. Le CNCTP sert de « point central pour l’application de la loi dans leurs
efforts de lutter et de perturber les individus et les organisations criminelles qui exercent le trafic
des personnes »68
.
66
Ministère de la justice, d g ’ d g d’ d - Infractions de
traite des personnes prévues au Code criminel, en ligne <http://justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/tp/fr-is.html>.
67
Le Code, supra note 63 art. 279.01 (2) et 279.11 (2).
68
Exploitation et traite, supra note 4 à la p. 41.
Chirine Haddad
25
Le CNCTP s’est concentré sur six priorités principales69
: (1) prévoir des outils, des protocoles
et des lignes directrices qui visent à faciliter les enquêtes sur le trafic humain; (2) organiser les
efforts nationales de sensibilisation, de formation et de lutte contre la traite; (3) placer et
entretenir des lignes de communication; (4) contourner les difficultés nécessitant une
coordination intégrée et fournir un soutien; (5) aménager et maintenir des partenariats
internationaux et arranger des initiatives internationales; (6)arranger les activités de
renseignement et encourager la diffusion de toutes les sources d'information aux unités
opérationnelles à travers le pays pour ainsi stimuler l’avancement des renseignements à l’appui
des organismes d'application de la loi.
4.4 Plan national d’action contre la traite des personnes
Le gouvernement canadien par la Sécurité Publique a introduit son Plan national d’action contre
la traite de personnes en 2012. Ce rapport énumère un certain nombre de préoccupations, la
première concerne la difficulté de déterminer le nombre de personnes victimes de traite au
Canada, en raison même de la nature de l’infraction et à la réticence des victimes de
communiquer avec les agents chargé d’appliquer la loi. La deuxième préoccupation concerne la
difficulté d’identifier les cas de traite puisqu’elles sont souvent imperceptibles et ne sont pas
rapportées70
. Le rapport souligne les écarts dans le système de protection actuel, reconnaissant un
manque de compréhension sur la manière dont la traite de personnes dans les collectivités
autochtones se manifeste et prend forme71
. Dans leur stratégie de 2012, l’unique suggestion pour
69
Sécurité publique Canada, « Centre national de coordination contre la traite de personnes (Détails) », en ligne
<http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/cntrng-crm/plcng/cnmcs-plcng/ndx/dtls-fra.aspx?n=489>.
70
Sécurité Publique Canada, « Plan national d’action national de lutte contre la traite de personne (2012) », Ottawa, à
la p. 5, en ligne : < http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ntnl-ctn-pln-cmbt/ntnl-ctn-pln-cmbt-
fra.pdf>.
71
Ibid á la p. 12.
Chirine Haddad
26
dénouer les lacunes dans ce domaine est la nécessité de s’engager davantage auprès des
collectivités autochtones.
Les pistes de solutions adoptées par l’État canadien afin de lutter contre la traite et la violence
subies par les femmes et filles autochtones suscitent un certain nombre de critiques, notamment
au sujet de la non ratification de la Convention (n°169) relative aux peuples indigènes et
tribaux72
par le Canada, du niveau de protection fournie aux femmes et filles autochtones contre
la violence et la traite vue la persistance des causes profondes qui les exacerbent, et la portée
large du terme « traite des personnes ».
5- Critiques :
5.1 La non ratification de la Convention (n°169) relative aux peuples indigènes et tribaux par
le Canada :
Le 12 novembre 2010, le Canada a ratifié la Déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones73
(DDPA) par laquelle il exprime sa volonté de coopérer pour produire des
impacts réels dans les vies des peuples autochtones. Par contre cette déclaration n’est pas un
instrument juridique, c’est-à-dire que l’opposition du texte à l’État ne peut mettre que
moralement celui-ci face à ses engagement politique, mais ne peut entrainer de sanctions
juridiques74
. Par contre, la Convention de l’Organisation Internationale du Travail (C169) est un
72
Convention (n°169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, Bulletin officiel, Bureau international du
travail, Vol. LXXII (1989), Série A, n˚2, à la p.63 [La Convention].
73
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 13 septembre 2007, Rés AG 61/295, Doc
off AG NU, 61e session, Doc NU A/RES/61/295 (2007) [Déclaration].
74
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, «Fiche d’information N°5 : le projet de déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones», Dossier d'information à l'usage des peuples autochtones
sur les activités et des mécanismes de l'Organisation des Nations Unies, à la p 1 («Cette déclaration n’est pas un
Chirine Haddad
27
traité international contraignant aux pays membres. À ce jour elle n’a pas été ratifiée par le
Canada ce qui indique que le gouvernement fédéral est en train d’éviter d’adopter des
mécanismes pour faire respecter les droits des peuples autochtones notamment les droit des
femmes autochtones au Canada.
L’organisation internationale du Travail (OIT) est la première institution spécialisée des
Nation-Unis, créée en 1919, qui s’efforce à maintenir la justice sociale, ainsi que les droits de
l’homme et les droits de travail admis au niveau international. En 1989 L’OIT a adopté
l’instrument juridique le plus important concernant les droits des peuples autochtones et les
tribaux; la Convention n◦169 de l’OIT qui prévoit à l’article 3(1), que les peuples autochtones et
tribaux doivent jouir entièrement des droits de l’homme et des libertés fondamentales sans
restreintes ni discrimination. En vertu de ces termes, les gouvernements doivent établir des
garanties et stratégies afin d’assurer leur jouissance de ces droits.
La convention vise à éliminer les pratiques discriminatoires dont les femmes autochtones sont
victimes. L’enjeu de fond au Canada c’est la Loi sur les Indiens qui garde le peuple autochtone
dans un état de dépendance et marginalisait les femmes autochtones comme déjà discuté. La Loi
sur les Indiens n’a pas fait objet d’une révision complète au Canada depuis plus que cent ans
malgré le fait qu’elle rendait les femmes autochtones des citoyennes de seconde zone et elle a été
conçue comme un instrument législatif discriminatoire à leurs égards. De plus, la convention
couvre un vaste éventail de sujets inhérents à l’existence des femmes autochtones et l’existence
du peuple autochtone en tant que tel, notamment en matière d’emploi, de formation
instrument juridiquement contraignant pour les États, et n’impose donc pas d’obligations légales aux
gouvernements, mais la Déclaration aura néanmoins une force morale considérable») en ligne :
<http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuideIPleaflet5fr.pdf >.
Chirine Haddad
28
professionnelle, d’éducation, de santé, de sécurité sociale, de droit coutumier, d’institutions
traditionnelles, de langue, de croyances et de coopération transfrontière75
.
La convention n° 169 prévoit que les peuples autochtones et tribaux doivent jouir des mêmes
droits et des mêmes libertés fondamentales que les autres êtres humains. Ainsi les coutumes
autochtones ne peuvent continuer à être appliquées si elles briment les droits de l’homme
universels. Cela est notamment important dans certains cas où, à titre d’exemple, la coutume
prive les femmes autochtones de leurs droits fondamentaux tels que l’accès à l’éducation ou la
propriété76
.
Sur le marché du travail, les femmes autochtones se heurtent à des entraves et à des
inconvénients puisqu’elles n’ont qu’un accès limité à l’éducation et à la formation
professionnelle et leurs connaissances traditionnelles ainsi que leurs compétences ne sont pas
forcément appréciées ou requises. Leur situation de pauvreté et de marginalisation les expose
particulièrement à des pratiques d’exploitation telles que le travail en servitude et la traite. La
convention n° 169 comporte deux parties entières consacrées aux droits des peuples autochtones
à l’emploi, à la formation professionnelle et à la protection de leurs droits au travail ainsi qu’à
leur droit d’acquérir une éducation adéquate à tous les niveaux et à pied d’égalité avec le restant
de la communauté nationale77
.
La mise en écart des femmes autochtones dans la société canadienne est conçue souvent par un
accès limité à la justice. Non seulement elles sont plus aptes d’être victimes d’exploitation
sexuelle et économique et de violences mais les moyens qui sont à leur disposition pour
75
La Convention, supra note 72 art 7.
76
Ibid art. 3(1).
77
La Convention, supra note 72, Partie IV qui comprend les articles 21, 22 et 23 et la partie VI qui contient les
articles 26, 27, 28, 29, 30 et 31.
Chirine Haddad
29
demander réparation sont limités. Souvent, les femmes autochtones ne sont pas familières avec
les lois de l’État et le système juridique national. Elles n’ont pas d’instructions suffisantes, ni les
ressources financières pour accéder à la justice. Il est courant qu’elles ignorent lire et parler la
langue officielle utilisée dans le cadre des poursuites judiciaires. Elles peuvent éprouver une
certaine confusion devant les tribunaux et aux audiences. Pour faire face à cette situation, la
convention prévoit que les peuples autochtones doivent avoir accès au système juridique de
façon à garantir un respect certains de leurs droits78
.
Jusqu’à date les femmes et filles autochtones sont privées des garanties prévues dans cette
convention et subissent multiples formes de violence, discrimination et d’exploitation en raison
de leur sexe et leur culture. En omettant de ratifier cette convention le Canada contrevient à son
engagement politique de protéger les peuples autochtones, notamment les femmes et filles,
contre toute violation de leurs droits fondamentaux. En conséquence la population féminine
autochtone est peu protégée ce qui nous emmène à la 2ème
critique dans notre recherche.
5.2 Les femmes et filles autochtones moins protégées au sein de la société canadienne :
Jusqu’à date les gouvernements, fédérale, provinciaux, municipaux ainsi que les gouvernements
de Premières Nations n’ont pas réussi à protéger les droits fondamentaux des femmes
autochtones afin de vivre sans violence et dans la sécurité à l’abri de toute exploitation. Le 25
novembre 2015, Statistique Canada a diffusé son rapport indiquant que les femmes autochtones
étaient six fois plus susceptibles d’être victimes d’un homicide que les femmes non autochtones
78
Ibid art. 12 (Les peuples intéressés doivent bénéficier d'une protection contre la violation de leurs droits et
pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par l'intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour
assurer le respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour faire en sorte que, dans toute procédure
légale, les membres de ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce à un interprète ou
par d'autres moyens efficaces).
Chirine Haddad
30
en 2014, alors que les Autochtones représentaient environ 5% de la population canadienne cette
année-là79
.
L'organisme Human Rights Watch a indiqué une «acceptation du statu quo choquant de la
violence faite aux femmes et aux filles autochtones, même par ceux qui sont justement supposés
les protéger», comme exprimé par Meghan Rhoad80
. Jusqu’en 2014, le nombre des femmes
victimes de la violence étaient particulièrement élevés chez la population féminine autochtone ;
leur taux d’agressions sexuelles était de 115 incidents pour 1 000 femmes, soit un taux beaucoup
plus haut que celui envisagé chez leurs homologues non autochtones (35 incidents pour 1 000
femmes)81
.
Les femmes et filles autochtones sont privées de la protection et le soutient dont elles ont besoin
au temps opportun vu l’absence des forces policières dans plusieurs collectivités autochtones, les
rendant encore plus vulnérables à l’exploitation, la violence et le meurtre82
. À Yellowknife,
selon le témoignage de la directrice exécutive de l’YWCA (Young Women's Christian
Association) Lyda Fuller, l’absence de la CRC est marquée dans 11 collectivités du Nord qui
font recours aux services d’agents établis dans d’autres localités83
. Les services de police
autogérés par les Premières Nations du Programme des services de police des Premières Nations
(PSPPN) ne reçoivent pas l’appui et les fonds nécessaires afin d’assurer un service analogue à
79
Statistique Canada, « L’homicide au Canada 2014 », par Zoran Miladinovic et Lea Mulligan, No du catalogue :
85-002-X à la p.3, en ligne : < http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14244-fra.pdf>.
80
Goodman, Lee-Anne, « Le rapport sur la violence aux femmes autochtones ne préconise pas d'enquête » (7 mars
2014), La Presse Canadienne, Ottawa, en ligne : <http://www.lapresse.ca/actualites/national/201403/07/01-
4745606-le-rapport-sur-la-violence-aux-femmes-autochtones-ne-preconise-pas-denquete.php>.
81
Statistique Canada, «La victimisation criminelle au Canada 2014 », par Samuel Perrault, le 23 novembre 2015, No
du catalogue : 85-002-X à la p.17, en ligne : <http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14241-
fra.pdf>.
82
Femmes invisibles, supra note 7 à la p. 33.
83
Cri dans la nuit, supra note 14 à la p.19.
Chirine Haddad
31
celui qui est fourni au reste de la société Canadienne84
. Le PSPPN ne remplace pas les services
de polices offerts habituellement pas la province ou le territoire, mais il tente d’assurer des
services de police professionnels efficaces et conformes aux cultures des collectivités
autochtones85
.
L’accès aux services policiers se révèle de plus en plus difficile aux femmes et filles
autochtones vu le chevauchement qui marque les secteurs de compétences de la GRC, des
Premières Nations et des services de polices municipaux86
; l’AFC a indiqué que des familles
autochtones qui voulaient signaler la disparation d’un proche ont été saisis par ce conflit de
compétence où le service de police a décliné leur rapport sous prétexte que celui-ci doit être
présenter à la ville où la personne est disparue alors que l’autre service de police maintenait que
la disparation doit être signalée à la police qui se trouve dans la communauté où la personne
disparue résidait. Ces problèmes de compétence empêchent les agents et les prestataires de
service d’opérer efficacement et rapidement dans l’intérêt des femmes et filles autochtones
victimes de traite, de meurtre et de disparition.
La protection des femmes et filles autochtones devient de moins en moins importantes
notamment dans les collectivités éloignées du Nord, où l’accès à la justice pour les femmes fait
face à des obstacles de taille87
; les juges qui doivent voyager par avion vers le Nord pour les
audiences, ne s’y rendent pas souvent, et se trouvent parfois obligé d’ajourner les audiences en
raison du climat. « Faute du juge ou du procureur dans la région, il est souvent difficile d’obtenir
84
Femmes invisibles, supra note 7 à la p.34.
85
Ibid à la p. 34.
86
Ce que leurs histoires, supra note 12, à la p.42.
87
Cri dans la nuit, supra note 14 à la p.19.
Chirine Haddad
32
une ordonnance de protection d’urgence et de la faire appliquer »88
. Dans certain cas, les femmes
présentaient leurs témoignages dans un lieu public, comme au bar local, où l’audience a eu lieu89
.
Malgré les mesures prises par le gouvernement et les provinces canadiennes pour lutter contre
la violence et la traite ciblant les femmes et filles autochtones, les données révèlent qu’ils n’ont
pas porté une attention assez systématique à la vulnérabilité particulière des femmes autochtones
liée à la persistances des causes profondes exacerbant les abus et les infractions commises à leurs
encontre.
Jusqu’à date, les femmes autochtones subissent la discrimination des forces policières, en raison
de leur sexe et leur culture. Le 12 mai 2015 huit policiers de la Sûreté du Québec de Val-d’Or
ont fait face à des allégations d’abus sexuels, d’abus de pouvoir d’intimidation envers des
femmes autochtones90
.
La lenteur qualifiant les enquêtes policières envers les femmes autochtones disparues demeure
jusqu’à date, et le comportement de la police au sujet de la disparition de Cindy Ruperthouse
n’en est qu’un exemple, où ses proches étaient sans nouvelle depuis un an. La famille était en
attente d'un signe des enquêteurs depuis des mois91
.
Un lien solide persiste entre la pauvreté, les logements inadéquats, le manque d’éducation, et la
discrimination systématique, l’isolement et le faible estime de soi qui accroissent la vulnérabilité
des jeunes filles autochtones à la violence et à la traite. Faisant face à la pauvreté, aux conditions
88
Ibid.
89
Ibid.
90
Ici Radio –Canada « Femmes autochtones à Val-d'Or: autopsie d'une enquête » en ligne : <http://ici.radio-
canada.ca/nouvelles/societe/2015/10/23/003-fil-evenements-enquete-femmes-autochtones-val-dor-allegations-
policiers.shtml>.
91
Ibid.
Chirine Haddad
33
de logements misérables, à la dépendance aux substances, les familles autochtones sont profilées
à haut risque au sein du système de protection de l’enfance. Les jeunes filles autochtones se
trouvent placées en nombre inquiétants dans les services de protection de l’enfance, séparées de
leurs familles et collectivités, empêchant ainsi leur bonne et saine éducation. Selon Cyndi
Blackstock, une des plus ardentes partisanes des causes en rapport aux enfants autochtones, le
gouvernement fédéral n’a pas fourni un financement adéquat aux services de soutien à l’enfance
et à la famille pour les collectivités autochtones à comparer avec le financement accordé pour les
enfants des provinces, de même le gouvernement n’a pas offert les soutiens culturels appropriés
et il a manqué à son obligation de tenter de garder les enfants autochtones dans leur maison
naturelle92
.
Au sujet du recrutement des femmes et filles autochtones par les trafiquants dans le commerce
du sexe, les forces policières, ainsi que les politiques et le restant de la société canadienne,
blâmaient celles-ci qui en étaient victimes. Cela se traduisait par des poursuites contre elles pour
actes de prostitution alors que leurs clients étaient référés dans un établissement afin de les
rééduquer sur la prostitution pour qu’il en cesse d’y recourir93
. Incarcérer les femmes et filles
autochtones victimes de traite, ne fait qu’accroitre leur vulnérabilité tout en les gardant sujettes à
l’exploitation et la violence, et les empêche de trouver un emploi plus sécuritaire et fiable.
La mauvaise image associée aux filles et femmes autochtones victimes de traite, est due en
grande partie à la portée large de la définition du terme « traite de personnes » ce qui nous
emmène à notre prochaine critique dans cette recherche.
92
Blackstock, Cindy, Why the world needs to watch: the Canadian government held to account for racial
discrimination against children before the Canadian human rights tribunal, Ottawa, First Nation Child and Family
Caring Society of Canada, 2010 à la p.2, en ligne:
<http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/International%20EGM%20Presentation%20by%20Cindy.pdf>.
93
Exploitation et traite, supra note 4 à la p. 61.
Chirine Haddad
34
5.3 La Protée très large de la définition de la traite de personne
Malgré les définitions prévues dans le Protocole sur la traite et le Code criminel, on lit une
compréhension divergente de ce terme. Le Manuel opérationnel de la GRC94
souligne que les
dispositions concernant la traite au Canada peuvent conceptuellement chevaucher avec d'autres
crimes connexes, tels que vivre des produits de la prostitution, le proxénétisme, les menaces, les
voies de fait, l’agression sexuelle, l’enlèvement, la séquestration, l'enlèvement d'enfants,
l'extorsion, la fraude, l'intimidation, le complot etc. Cela constitue une des explications qui sous-
tendent la difficulté d’identifier les infractions de traite au Canada, puisque les forces policiers et
les procureurs de la Couronne sont plus familiers avec les infractions déjà énumérées et elles
sont plus faciles à établir que la traite. Ceci étant, certains étaient d’opinion qu’il est vain
d’insérer au Code Criminel une disposition précise prévoyant l’infraction de la traite des
personnes, puisque le Code prévoit déjà des infractions liées à l’exploitation et la violence95
.
L’autre préoccupation soulevée par cette définition c’est la difficulté de repérer les victimes de
la traite puisque leur identification exige des agents d’application de loi la reconnaissance des
personnes faisant l’objet de cette infraction et les indices révélateurs de ce phénomène. Un
certain nombre d’ONG qui fournissent des services aux victimes de la traite ont indiqué que
l’interprétation de la traite ne correspond pas au aux expériences vécues par de nombreuses
personnes. Ces organisations indiquent que certaines victimes ont exprimé au début leur
consentement aux conditions de travail qui par la suite s’est manifestées en une forme
94
Gendarmerie Royale, “Operational Police Officer’s Handbook on Human Trafficking”, (Ottawa: RCMP, 2010), à
la pp. 21-22.
95
Barnett Laura; La traite des personnes (Étude générale), Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2013 à la p. 15.
Chirine Haddad
35
d’exploitation, pour cette raison elles n’ont pas osé de se plaindre96
.
Conclusion :
Les femmes et filles autochtones doive être protégées par les autorités et la société
canadiennes. Les manques qui existent dans cette protection ont engendré des tragédies
individuelles pour les familles qui ont perdu des sœurs, des filles, des mères à cause des actes
violents racistes et sexistes. Ces carences ont également produit une véritable tragédie en matière
des droits humains qui reposent sur la reconnaissance de la dignité et de la valeur inhérente à
tous les êtres humains sans aucune distinction.
Afin de concrétiser ses efforts pour promouvoir les droits des femmes autochtones et améliorer
leur situation socio-économique, le Canada devrait absolument ratifier la Convention C169
relative aux peuples indigènes. Sans cet instrument juridique, le Canada n’aucun engagement
juridique d’assurer et de promouvoir les droits des femmes autochtones en particulier et les
communautés autochtones en général.
L’État canadien est appelé de prendre ses responsabilités sérieusement envers la protection des
femmes et filles autochtones tout en prenant des mesures efficaces assurant leur sécurité et leur
bien-être à pied d’égalité avec le restant de la société canadienne. Pour cela, le Canada est appelé
à développer des bases de données qui prennent compte de l’ethnie des femmes disparues,
assassinées et celles qui sont victimes de traite. Il doit se doter d’une politique qui s’assure que
les forces policières réagissent de façon appropriées aux signalements des personnes disparues. Il
est efficace que les policiers, les procureurs de la Couronne, et les juges aient une formation
96
Barnett Laura; « Résumé législatif -Projet de Loi C-49: Loi modifiant le Code Criminel (traite des personnes) »,
Bibliothèque du Parlement (2005) à la p. 14.
Chirine Haddad
36
continue et obligatoire sur les facteurs qui contribuent à la violence et l’exploitation des femmes
autochtones ainsi que les conséquences engendrées par de tels phénomènes.
Afin de lutter contre la violence, la disparation et à la traite qui ciblent les femmes
autochtones, l’État canadien, en collaborant avec les femmes autochtones à travers les
organisations qui les représentent, ainsi que les autorités provinciaux et territoriaux et les
gouvernements de Premières-Nations, doit tout d’abord adresser les causes profondes qui sont à
l’origine de ces phénomènes et qui les exacerbent. En ce sens il est important de remédier aux
facteurs qui sont à l’origine de la discrimination systémique subie par les femmes et filles
autochtones au Canada au passée et jusqu’à date. Cela comprend la dépossession de facto des
peuples autochtones de leurs territoires ainsi que les lois et les politiques qui ont eu un impact
négatif sur eux tout en les privant d’une pleine jouissance de leurs droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels historiques. Ceci requiert du gouvernement fédéral de
reconnaitre et respecter les titres ancestraux sur les terres occupées traditionnellement par les
groupes autochtones ainsi que les terrains auxquels ils ont traditionnellement accès pour leurs
activités traditionnelles et de subsistance. De même le gouvernement fédéral et appelé en
collaboration avec les autorités provinciales, territoriale, de mettre en œuvre des stratégies de
lutte contre la pauvreté, entre autres, de prendre des mesures spéciales en vue de protéger les
personnes, les institutions les biens, la culture, l’industrie des groupes autochtones, et d’adopter
des politiques et des mesures afin d’améliorer l'éducation et favoriser l’accès au marché de
travail, garantir un logement sûr et adéquat aux femmes autochtones.
Le gouvernement fédéral doit, en collaboration avec les autorités provinciales et territoriales,
accorder un financement suffisant aux organisations non gouvernementales qui fournissent des
Chirine Haddad
37
soins, des services de « counselling », des refuges et de l’assistance aux victimes ainsi qu’à la
PSPPN.
Puisque le PSPPN, les refuges, les organisations non gouvernementales, et les autres
fournisseurs des services, recourent à la générosité du public, du gouvernement fédéral et des
autorités provinciaux et territoriaux, il est nécessaire de s’assurer que l’argent récolté est dépensé
selon les souhaits des donateurs afin de maintenir la confiance de ces derniers, d’où la nécessité
de désigner des auditeurs indépendants afin d’éviter les abus, la fraude, et la mauvaise gestion
des fonds offerts. En plus de leur fonction de surveillance, les procédures de contrôle sur le
financement des refuges, des NGO et des fournisseurs des services de soutien, concourraient à
améliorer la fourniture d’aide humanitaire, en promouvant la rationalisation de l’aide,
l’amélioration du professionnalisme et la responsabilisation des acteurs.
Les programmes et les politiques visant les femmes et filles autochtones devraient être adaptés
à leurs besoins, préoccupations et leurs cultures. Ainsi, un programme d’enseignement scolaire
adapté aux cultures autochtones, contribue à lutter contre le décrochage scolaire et d’assurer un
taux de réussite plus élevé ce qui communique aux enfants que leur culture et leur savoir culturel
sont importants à l’éducation et suscite en eux un fort sentiment d’identité et une meilleure
estime de soi. Que ce soit dans les écoles autochtones ou autres établissements adaptées aux
différences culturelles, un programme de lutte contre la traite de personne pourrait être établis
pour sensibiliser les jeunes sur cette réalité et de fournir aux enfants les moyens nécessaires pour
se protéger contre l’exploitation.
La consultation des femmes autochtones est fondamentale pour le succès de tout programme,
vu qu’elles sont les plus ciblées par la violence, la disparation, et la traite domestique au Canada.
Chirine Haddad
38
Ainsi, il faut que le Canada prenne des mesures afin d’assurer la participation active des femmes
autochtones dans la création et la mise en œuvre des initiatives, des programmes et des politiques
à tous les niveaux de gouvernement qui concernent les femmes autochtones, ainsi que ceux qui
concernent les peuples autochtones de façon plus globale . La désignation des femmes
autochtones pour participer à ces initiatives devrait être faite en consultation avec les
organisations reconnues par les communautés autochtones, les femmes autochtones et leurs
dirigeants.
L’État canadien doit exercer la diligence nécessaire afin de mener des enquêtes, intenter des
poursuites, et sanctionner les actes de violence, de traite et de meurtre commis à l’encontre des
femmes et filles autochtones. Établir si le Canada a exercé la diligence requise dans ce contexte
exige d’évaluer l’exécution par le gouvernement d’un certain nombre d’obligations. Au premier
rang de ces obligations figure celui de faire des enquêtes sur les cas de traite, de disparations et
de violences ciblant les femmes et filles autochtones. Une véritable enquête, selon le droit
jurisprudentiel international des droits humains, est une enquête capable de conduire à
l’identification et à la sanction des individus responsables97
. L’omission par la police des
procéder aux étapes fondamentales d’une enquête telles que l’interrogatoire de témoins clés ou le
suivi de pistes limite l’efficacité de cette enquête. La Commission interaméricaine des droits de
l’homme a exprimé la nécessité pour les personnes affectées d’avoir accès aux informations
relatives à la progression d’une enquête 98
et d’être traitées avec respect par les autorités. Blâmer
notamment les victimes peut détourner les personnes du système judiciaire et les priver de
97
V. entre autres, les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans Kaya c Turquie,
jugement du 19 février 1998, (1998) Reports 1998-I, para. 107; Hugh Jordan c le Royaume-Uni, jugement du 4 mai
2001, no. 24746/94, ECHR 2001-III (extraits), para. 107;
98
CIDH, supra note 8 à la p. 124.
Chirine Haddad
39
réparations pour les violences et exploitations subies. Des enquêtes menées efficacement et
méticuleusement remplissent en conséquence une fonction préventive plus large. Non seulement
elles peuvent prévenir des crimes futurs de la part d’un auteur spécifique, mais elles révèlent
également à la communauté que les crimes perpétrés contre les femmes et les filles autochtones
ne seront pas tolérées.
La reconnaissance de la vulnérabilité des femmes et filles autochtones face à la traite
domestique et les facteurs qui y contribuent est nécessaire. Il est important d’envisager la mise en
œuvre des programmes et politiques qui ciblent ces facteurs et de les réviser de temps à autre,
particulièrement (1) les programmes qui visent à la sensibilisation à la traite domestique à
l’intention des chefs autochtones, les agents d’application de loi et la société canadienne en
général; (2) les programmes de transitions et les refuges en se basant sur les approches
culturelles autochtones d’intervention. Il est important de fournir une formation sur
l’identification des victimes de la traite domestique à un éventail plus large de fonctionnaires au
niveau fédéral, provincial, territorial, et municipal, ainsi que tous les fournisseurs de service de
soutien et les travailleurs de santé, tout en fournissant une formation professionnelle aux
organismes qui assistent les victimes à se réintégrer dans la société.
Vu la portée large du terme « traite de personne » l’État canadien est appelé à examiner et
mettre en œuvre toute loi jugée nécessaire pour assurer la dénonciation de toute forme de traite
de personnes tout en consolidant le système de justice pénal afin de veiller à ce que les
récidivistes violents subissent des peines suffisantes. À cela s’ajoute la nécessité d’offrir des
ressources supplémentaires à la formation et à l’éducation des juges et des procureurs généraux
ainsi qu’aux agents chargées d’appliquer les lois dont le PSPPN sur la traite de personnes.
Chirine Haddad
40
Le Canada est appelé de mettre fin à toute politique, mesure législatives, règlement, tout
comportement suscitant une discrimination à l’encontre la population féminine autochtone, entre
autres, la nécessité de réviser la Loi sur les Indiens, et d’abolir ses dispositions discriminatoires.
L’interdiction de discrimination à l’égard des femmes autochtones, est une interdiction qu’on
retrouve au départ dans la Déclaration universelle de droit de l’homme de 1948 qui interdit la
discrimination à l’égard de toutes les femmes, et c’est une interdiction qu’on retrouve dans le
Pacte International sur les droits civils et politiques de 1966. C’est une interdiction que l’on
retrouve dans la Déclaration de Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones et dans la
Convention de l’Organisation Internationale du Travail (C169). C’est une interdiction qu’on
retrouve également dans les conventions régionales sur les droits de l’homme, qu’il s’agisse de la
Convention européenne ou de la Convention Interaméricaine, c’est une interdiction qu’on
retrouve aussi dans certaines conventions internationale qui vise plus particulièrement les droits
des femmes, comme la Convention des Nations-Unis qui interdit toute discrimination à l’égard
des femmes. C’est une interdiction qu’on retrouve dans les Conventions de Genève qui
concernent la protection des victimes de conflits armés. L’interdiction de toute discrimination à
l’égard des femmes autochtones fait partie des valeurs universelles qui ne sont pas contestées,
qui ne sont pas non plus contestables et qui sous-tendent le système juridique canadien.
Il est temps d’agir! Une inaction des autorités canadiennes mène à des conséquences
désastreuses; les femmes et filles autochtones vont continuer à disparaitre, à être assassinées, à
être exploitées dans l’industrie du sexe, à être perçue comme des citoyennes de seconde zone.
Chirine Haddad
41
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Chirine Haddad
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14. Comité permanent de la condition féminine, « Mettre fin à la violence contre les filles et
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rapport provisoire : Comité permanent de la condition féminine , Ottawa, Ontario,
Chambre des communes du Canada, 2011.
21. Gendarmerie Royale du Canada, « La traite des personnes au Canada : Évaluation de la
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Chirine Haddad
43
22. Gendarmerie Royale du Canada, « Les femmes autochtones disparues ou assassinées :
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23. Gendarmerie Royale, “Operational Police Officer’s Handbook on Human Trafficking”,
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24. Goodman, Lee-Anne, « Le rapport sur la violence aux femmes autochtones ne préconise
pas d'enquête » (7 mars 2014), La Presse Canadienne, Ottawa, en ligne :
<http://www.lapresse.ca/actualites/national/201403/07/01-4745606-le-rapport-sur-la-
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25. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, «Fiche d’information N˚5:
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26. Hugh Jordan c le Royaume-Uni, arrêt du 4 mai 2001, no. 24746/94, ECHR 2001-III.
27. Human Rights Watchs, « Ceux qui nous emmènent – Abus policiers et lacunes dans la
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Canada » Février 2013, ISBN : 1-56432-989-5, à la p.70 en ligne :
<www.hrw.org/fr/report/2013/02/13/ceux-qui-nous-emmenent/abus-policiers-et-lacunes-
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28. Ici Radio –Canada « Femmes autochtones à Val-d'Or: autopsie d'une enquête » en
ligne : <http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/10/23/003-fil-evenements-
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29. Hugh Jordan c le Royaume-Uni, arrêt du 4 mai 2001, no. 24746/94, ECHR 2001-III.
30. Jacobs, Beverly et Williams, Andrea « L’héritage des pensionnats : les femmes
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31. Jamieson, Kathleen, La femme indienne devant la loi : une citoyenne mineure, Ottawa,
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32. Kaya c Turquie, arrêt du 19 février 1998, (1998) Reports 1998-I.
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33. Kingsley Cherry et Mark Melanie, « Sacred lives: Canadian Aboriginal children and
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34. LaPrairie, Carol, Adelberg, Ellen et Currie, Claudia (éd.) (1987), « Native Women and
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35. La People’s Law School : « La traite de personne au Canada » (2014) Colombie
Britannique, à la p 7 en ligne : <http://www.publiclegaled.bc.ca/wp-
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36. La Reine c Drybones [1970] RCS 282.
37. Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts
matrimoniaux; LC 2013, c 20.
38. Lois sur les indiens, SC 1951, ch.149.
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40. PL C-49, Loi modifiant le Code criminel (traite de personne), 2005 (sanctionné le 25
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41. Procureur général du Canada c Lavell, [1974] RCS 1349.
42. Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des
femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée, A.G., rés. 55/25, annexe II, 55 UN GAOR Supp.
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43. Sécurité publique Canada, « Centre national de coordination contre la traite de personnes
(Détails) », en ligne : <http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/cntrng-crm/plcng/cnmcs-
plcng/ndx/dtls-fra.aspx?n=489>.
44.
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<http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ntnl-ctn-pln-cmbt/ntnl-ctn-pln-
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45. Sikka Anette, « Trafficking for Aboriginal women and girls in Canada », Institut sur la
gouvernance, Ottawa, 2009.
Chirine Haddad
45
46. Statistique Canada, « Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe » par
Anne Milan, 7ème
éd. (2015) http://www.statcan.gc.ca/pub/89-503-
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47. Statistique Canada, «La victimisation criminelle au Canada 2014 », par Samuel Perrault,
le 23 novembre 2015, No du catalogue : 85-002-X à la p.17, en ligne :
<http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14241-fra.pdf>.
48. Statistique Canada, « Les peuples autochtones au Canada : Premières Nations, Métis et
Inuits, Enquête nationale auprès des ménages », 2011, No au catalogue 99-011-
X2011001 [consulté le 18 juillet 2013].
49. Statistique Canada, « L’homicide au Canada 2014 », par Zoran Miladinovic et Lea
Mulligan, No du catalogue : 85-002-X à la p.3, en ligne :
<http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14244-fra.pdf>.
50. Urban Native Youth Association, « Full circle: A manual on sexually exploited Native
youth issues in Vancouver », Vancouver (Colombie-Britannique), 2002, en ligne :
<http://www.unya.bc.ca/downloads/full-circle-manual-2.pdf>.

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Femme et fille autochtones victimes de violence et traite de personnes à fin d’exploitation sexuelle - zone de vulnérabilité dans la société canadienne appelant des solutions efficaces.

  • 1. Femme et fille autochtones victimes de violence et traite de personnes à fin d’exploitation sexuelle : zone de vulnérabilité dans la société canadienne appelant des solutions efficaces. 2015 Chirine Haddad UNIVERSITÉ D’ OTTAWA 11/27/2015
  • 2. Chirine Haddad 1 Femme et fille autochtones victimes de violence et traite de personnes à fin d’exploitation sexuelle : zone de vulnérabilité dans la société canadienne appelant des solutions efficaces. Les filles et les femmes autochtones au Canada représentent un plus haut risque d’être victime de violence et de traite pour fin d’exploitation sexuelle puisqu’elles constituent la cible des proxénètes, clients et trafiquants qui visent les personnes vulnérables. Au cours des quinze dernières années, le terme de « traite de personne » a été employé pour décrire les activités dans le cadre desquelles une personne en reçoit ou en retient une autre dans une situation de service forcé. En vertu de l’article 3 du Protocole des Nations-Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, l’expression « traite des personnes » est définie de la façon suivante : L’expression “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes1 . Les résultats de plusieurs recherches, surtout celles qui sont menées par l’Association des femmes autochtones au Canada (AFAC), révèlent une surreprésentation considérable des filles et femmes autochtones dans les cas de meurtre, de disparation et dans le domaine de la traite pour exploitation sexuelle au Canada au point d’être dominante dans certaines régions et pas très loin derrière dans certaines autres. Avec des femmes et des filles autochtones composant un petit segment de la population canadienne, cette surreprésentation est alarmante et nécessite une 1 Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, A.G., rés. 55/25, annexe II, 55 UN GAOR Supp. No. 49, UN Doc. A/45/49 (Vol. I) (2001) 1 [Protocole], p. 60. Le Canada a ratifié ce protocole le 13 mai 2002; il est entré en vigueur le 25 décembre 2003
  • 3. Chirine Haddad 2 intervention immédiate ainsi que des solutions qui correspondent aux cultures et au contexte particulier des collectivités autochtones. Toutefois, ces genres d’actes commis contre elles ne sont pas réprimandés par la société canadienne. L’image historique des femmes autochtones qui implique la pauvreté, la discrimination systémique, le manque d’éducation et la criminalisation de celles-ci a eu pour conséquence de camoufler les crimes commis contre elles dans l’invisibilité. Cette invisibilité est traduite par une carence de services offerts afin de prévenir les disparations, les agressions et la traite domestique envers les femmes et filles autochtones où la violence physique demeure la menace évidente à la sécurité et la vie de celle-ci. À cela s’ajoute, une apathie générale du système de justice pénale face à la traite et divers types d’agression qu’elles doivent y faire face. Les degrés de violence auxquels sont subies les filles et les femmes autochtones au Canada dans leur vie quotidienne et dans le domaine de la traite sont sévères et traumatisants et soulèvent les questions suivantes qui méritent une analyse approfondie : (1) Quel est l’étendue de la violence et de la traite qui touchent les femmes autochtones au Canada? (2) Quelles sont les causes sous-jacentes de la violence et l’exploitation sexuelle des femmes et filles autochtones au Canada? (3) Quelle sont les initiatives canadiennes pour lutter contre la violence et la traite pour fin d’exploitation sexuelle ciblant les femmes et filles autochtones? (4) Quels changements faut-il opérer pour améliorer la sécurité et le bien-être des femmes autochtones au Canada, particulièrement en ce qui a trait aux questions préoccupantes en causes? Et comment peut-on réaliser ces changements? Afin de répondre à ces questions, notre recherche sera répartie de la façon suivante : (1) L’ampleur de la violence et la traite domestique ciblant les femmes et filles autochtones au
  • 4. Chirine Haddad 3 Canada ; (2) Aperçu des causes sous-jacentes de la violence et de la traite pour fin d’exploitation sexuelle à l’encontre des femmes et filles autochtones; (3) Les pistes de solutions adoptées au Canada pour envisager la violence à l’encontre des femmes et filles autochtones; (4) Les pistes de solutions adoptées par l’État canadien afin d’envisager le problème de la traite à l’encontre des femmes et filles autochtones; (5) Critiques et enfin une conclusion prévoyant nos recommandations. Tout d’abord nous allons aborder une série de données officielles et non officielles afin de brosser l’ampleur de la violence et la traite domestique ciblant les femmes et filles autochtones au Canada. 1 - L’ampleur de la violence et la traite domestique ciblant les femmes et filles autochtones au Canada L’analyse statistique à ce jour des cas de disparation, de meurtre et de traite touchant les femmes et filles autochtones révèle une toile sombre pour un problème complexe au Canada. L'Enquête nationale auprès des ménages de 2011 estimait à 1 400 685 le nombre d'Autochtones au Canada, ce qui représentait 4,3 % de la population canadienne2 . Le pourcentage des femmes autochtones au sein de la population féminine du Canada est analogue. En 2011, il y avait 718500 femmes autochtones au Canada, ce qui représente 4.3% du total de la population féminine cette année-là3 . 2 Statistique Canada, « Les peuples autochtones au Canada : Premières Nations, Métis et Inuits, Enquête nationale auprès des ménages », 2011, No au catalogue 99-011-X2011001 [consulté le 18 juillet 2013]. 3 Statistique Canada, « Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe » par Anne Milan, 7ème éd. (2015) à la p. 14. http://www.statcan.gc.ca/pub/89-503-x/2015001/article/14152-fra.pdf.
  • 5. Chirine Haddad 4 La violence ciblant les femmes et les filles autochtones est une tragédie qui concerne toute la société canadienne. Le taux étonnement élevé d’exploitation des femmes et filles autochtones au Canada est révélé par une revue de la littérature et des entrevues auprès des fournisseurs de services qui ont indiqué que ce phénomène est très répandue sur le territoire canadien en particulier à Vancouver (Colombie-Britannique), Ottawa (Ontario) et à Winnipeg (Manitoba)4 . Au Manitoba, le grand chef Ron Evans de l’Assemblée des chefs du Manitoba, gérait le plan d’action autochtone de la province contre la traite des femmes et des enfants autochtones. Ce sujet constituait un thème central en 2009, puisqu’on a aperçu qu’entre 70 et 80% des 400 ciblés par la traite dans les rues de Winnipeg chaque année, sont d’origine autochtone5 . Les statistiques réalisées par TERF (Transitions Education and Ressources for Females) de Winnipeg révèlent que plus de 70% des victimes d’exploitation sexuelle sont d’origine autochtone6 . Sur la base des données rassemblées par les services de police, les femmes autochtones sont aussi plus à risque d’être victimes d’homicide. Entre 2004 et 2010, elles constituaient au moins 8% des victimes de meurtre, malgré le fait qu’elles représentaient seulement 4 % de la population féminine au Canada7 . En May 2014, le commissaire de la GRC a présenté un rapport qui documente le nombre des cas déclarés à la police de femmes autochtones disparues et 4 Association des femmes autochtones du Canada, « Exploitation sexuelles et traite des filles et des femmes autochtones : Revue de la littérature et entrevues auprès d’intervenants clés », Rapport final, Octobre 2014, à la p. 9 [Exploitation et Traite]. 5 Barrett, Nicole, « Tour d'horizon des pratiques prometteuses en réponse à la traite des personnes au Canada », Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale, pour le Forum fédéral-provincial-territorial des hauts fonctionnaires responsables de la condition féminine, juin 2010 à la p. 48, en ligne : <http://ccrweb.ca/files/tour_dhorizon_des_pratiques_prometteuses_traite_au_canada.pdf >. 6 Ibid à la p.49. 7 Chambre des communes, disparues ou assassinées au Canada : rapport du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones, 41e lég, 2e sess, par Amber Stella, Ottawa, mars 2014 à la p.10 [Femmes invisibles].
  • 6. Chirine Haddad 5 assassinées et de disparations de femmes autochtones non résolues qui équivaut à 1181, dont 164 disparitions qui datent depuis 1952 et 1017 homicides entre 1982 et 2012. De ces nombres, il y en a 225 cas non résolus de femmes autochtones disparues ou assassinées8 . Le 1er avril 2015, une recherche effectuée par le système du Centre d’information de la police canadienne (CIPC)9 indique qu’entre 159 cas additionnels de femmes disparues de race autre que blanche « sur les territoires de tous les corps policiers », 19 des femmes en question étaient autochtones. Les 19 cas récemment recensés se répartissent comme suit pour ce qui est de la raison possible documentée relativement à la disparition : 13 sont appréciés comme étant parvenus dans des circonstances mystérieuses ou soupçonnes, et les 6 autres, comme des évasions ou des cas de personnes abandonnées. L’ajout de ces 13 cas additionnels parvenus dans des circonstances mystérieuses ou soupçonnes aux 98 cas suspects avancés dans l’Aperçu opérationnel 2014 porte à 111 le nombre de cas non résolues de femmes autochtones disparues sur les territoires de la GRC au Canada. À titre de comparaison, les chiffres exposés en 2014 correspondent à 1 455 femmes disparues au total, dont 164 Autochtones. Dès la publication de l’Aperçu opérationnel national, la GRC a conçu que 155 de ces dossiers figuraient toujours au système du CIPC. Les 19 affaires additionnelles de femmes autochtones disparues ont été ajoutées aux 155 qui demeurent toujours sans élucidation depuis l’Aperçu opérationnel 2014, ce qui porte à 174 le nombre total de femmes autochtones disparues depuis au moins 30 jours en 8 Commission interaméricaine des droits de l’homme, “Missing and Murdered indigenous women in British Columbia, Canada” (2014) à la p.30 en ligne : < http://www.fafia-afai.org/wp-content/uploads/2015/01/Missing- and-Murdered-Indigenous-Women-in-British-Columbia_Report_EN.pdf> [CIDH]. 9 Gendarmerie Royale du Canada, « Les femmes autochtones disparues ou assassinées : Mise à jour 2015 de l’Aperçu opérationnel national », à la p.14, en ligne : <www.rcmp-grc.gc.ca/pubs/abo-aut/mmaw-fada-fra.pdf >.
  • 7. Chirine Haddad 6 date du 1er avril 2015. Ce chiffre équivaut à 10 % du nombre total de femmes disparues inscrites au système du CIPC en date d’avril 2015, soit 1 75010 . Ces nombres révèlent que les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les femmes qui sont victimes de disparition et d’homicide au Canada. L’AFAC à son tour a mené sa propre enquête au sujet des femmes et filles autochtones disparues et assassinée au Canada par l’entremise de son initiative Sœurs par l’esprit. En considérant généralement les différents endroits où les filles et femmes autochtones ont été rapportées disparus et assassinées, l’AFAC indique qu’en Colombie Britannique elles continuent de faire face à un risque accru de mort violente et de disparation, qui surpasse les autres provinces et territoires du Canada. En 2010, des 582 cas de filles et femmes autochtones disparues ou assassinées, la Colombie Britannique compte 160 cas, ce qui équivaut à 28% des cas, suivie par l’Alberta qui compte 93 cas, ce qui équivaut à 16% du nombre total11 . 55% des cas d’homicide et de disparation touchent les femmes âgées de moins de 31 ans où 17% de ces cas concernaient des mineures ayant moins que 18 ans. Plus que 60% d’homicide et plus que 70% de cas de disparition ont été rapportées en milieu urbain12 . La surreprésentation des femmes et filles autochtones parmi les victimes de disparition et d’homicide et de traite au Canada n’est pas fortuite. Les causes sous-jacentes semblent toujours être les mêmes. Elles représentent l’impact de la pauvreté, la discrimination, le manque 10 Ibid. 11 CIDH, supra note 8 à la p. 30. 12 L’Association des femmes autochtones du Canada, « Ce que leurs histoires nous disent : résultats de recherche de l’initiative Sœurs par l’esprit », 2010 à la p. 25, en ligne: <www.nwac.ca/files/reports/2010_NWAC_SIS_Report_FR.pdf> [Ce que leurs histoires].
  • 8. Chirine Haddad 7 d’éducation, la migration ainsi que la dépendance aux substances. Les prochains passages constitueront un aperçu de ces causes. 2 – Aperçu des causes sous-jacentes de la violence et de la traite pour fin d’exploitation sexuelle à l’encontre des femmes et filles autochtones La pauvreté constitue la cause primordiale d’exploitation des femmes et filles autochtones au Canada pour des fins sexuelles, les rendant de plus en plus sujettes à la violence et aux meurtres perpétrés par des proches ainsi que par des individus étrangers. 2.1. La pauvreté : Actuellement, les économies locales des collectivités autochtones sont « sous-développées » et cela résulte d’une politique de subordination économique délibérée. Si les communautés autochtones ont réussi jusqu’au milieu du XXe siècle à subsister grâce aux activités de chasse, de pêche, de trappe et de l’agriculture, cette économie a succombé à la politique de l’État- providence lors des années 1950. En résultat, l’homme autochtone aurait pratiquement tout perdu en perdant son rôle de pourvoyeur de sa communauté et sa famille. Ceci explique en grande partie la détérioration des relations entre les hommes et les femmes autochtones et nous aide à comprendre en retour les agressions et les violences subies par les femmes devenues les victimes des frustrations accumulées par les hommes. Le besoin de pouvoir ne s’exercerait plus alors qu’à travers des comportements de violence13 . 13 LaPrairie, Carol, Adelberg, Ellen et Currie, Claudia (éd.) (1987), « Native Women and Crime in Canada: A theoretical Model », Too few to count. Canadian Women in Conflict with the Law, Press Gang Publishers, Vancouver, (pp. 103- 112) à la p. 108 (« The satisfaction of power needs, denied in the role made available to Indians in the larger society, may be found in exercising control over vulnerable others. Thus, rape, child sexual abuse, and wife battering are being reported with increasing frequency in Indian communities in recent years »).
  • 9. Chirine Haddad 8 Le Comité permanant de la condition féminine a appris que pour les femmes autochtones pauvres, « le manque d’accès à des logements sûrs et abordables constitue un obstacle majeur pour prévenir la violence ou y échapper et permettre aux femmes et à leurs enfants de vivre en toute sécurité »14 . Les mauvaises conditions de logement signifient des options restreintes pour les femmes autochtones lorsqu’il s’agit de quitter une relation violente ou d’échapper une situation périlleuse. Dans de telle circonstance, les femmes qui habitaient dans des réserves étaient forcées de choisir entre rester dans le foyer familial violent ou quitter la réserve, ce qui les expose à un risque plus accru de devenir sans abris. Dans ce contexte, de nombreuses femmes et filles autochtones se trouvent dans des situations qui accroissent leur vulnérabilité comme l’autostop, la traite domestiques, l’adhésion à des gangs ou des relations abusives15 . Jusqu’à date, il n’y a pas de statistiques précises décrivant le nombre des femmes autochtones qui sont sujettes à l’exploitation sexuelle, mais selon Sikka en 2009, des études ont signalé qu’entre 70% des jeunes exploités sexuellement et 50% des travailleurs adultes dans le commerce du sexe à Winnipeg sont d’origine autochtone. Ces évaluations sont choquantes puisque les autochtones ne représentent que 10% de la population à Winnipeg16 . Le comité permanant de condition féminine a appris aussi que le niveau d’assistance social ne couvre pas les besoins essentiels de ces femmes pour subsister, comme le logement et la 14 Fry Hedy, Un cri dans la nuit un aperçu de la violence faite aux femmes autochtones : rapport provisoire : Comité permanent de la condition féminine, Ottawa, Ontario, Chambre des communes du Canada, 2011, à la p. 11 [un cri dans la nuit]. 15 Ce que leurs histoires, supra note 12, à la p. 14. 16 Sikka Anette, « Trafficking for Aboriginal women and girls in Canada », Institut sur la gouvernance, Ottawa, 2009 à la p. 10 [Sikka].
  • 10. Chirine Haddad 9 nourriture. Malgré qu’il fait partie de la compétence provinciale, des témoins ont indiqué à la Comité que « les Nation-Unies ont reproché au Canada son faible niveau d’aide au revenu »17 . Poussées par la pauvreté et espérant d’améliorer leurs conditions de vie, de nombreuses femmes et filles autochtones optent de quitter leurs communauté pour s’installer au milieu urbain. Cette migration s’ajoute à la pauvreté pour rendre ces femmes plus aptes d’être victimes de violence, meurtre et d’exploitation sexuelle. 2.2. La migration au milieu urbain: En 2008 dans un rapport organisé par les Nations-Unies sur les femmes autochtones et l’économie, il a été confirmé que la suppression des Autochtones dans le contexte économique actuel est en rapport avec leurs réinstallations et déplacement hors de leur territoire… En effet, leur migration a abolit leur mode de vie traditionnel et a affaiblit la capacité des Autochtones de répondre à leurs propres besoins, un droit qui est assuré par les traités internationaux comme le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels18 . Des chercheurs citent la vulnérabilité accrue des femmes autochtones lorsqu’elles migrent vers les centres urbains en raison d’un plus grand isolement, l’accroissement de l’activité des gangs, la persistance de la pauvreté, des cycles d’abus et les lacunes dans les services d’aide19 , établissant ainsi une voie d’exploitation pour les trafiquants. S’appuyant sur le fait que la fille autochtone n’aurait pas de réseau de soutien au nouvel emplacement, le trafiquant se rendrait 17 Un cri dans la nuit, Supra note 14, à la p.11. 18 Jacobs, Beverly et Williams, Andrea « L’héritage des pensionnats : les femmes autochtones disparues et assassinées » dans De la vérité à la réconciliation : T ’ g d pensionnats sous la direction de Marlene Brant Castellano, Linda Archibald et MikeDeGagné, p.137-163. Ottawa : Fondation autochtone de guérison, 2008, à la p. 149 [L’héritage des pensionnats]. 19 Barrett Nicole “An exploitation of promising practices in response to human trafficking in Canada.” International Center for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, (2010) Vancouver; British Columbia.
  • 11. Chirine Haddad 10 disponible et offrirait logement et ressources à celle-ci. À partir du manuel rédigé par l’Urban Native Youth Association (l’UNYA) en 2002, les fournisseurs de services et des jeunes à risque ou qui ont été victimes d’abus ont fait état d’un manque de réseau de soutien, un manque d’opportunité d’emploi ou d’éducation afin d’obtenir un emploi légal et la susceptibilité au recrutement du fait de provenir d’un milieu familial violent qui a poussé les femmes autochtones et leurs enfants de migrer vers les centres urbains20 . À la pauvreté et la migration s’ajoute une cause historique qui incite la violence, l’exploitation, et le meurtre à l’encontre des femmes et filles autochtones : le racisme la discrimination systémique. 2.3 Le racisme et la discrimination systémique : La vulnérabilité actuelle des femmes autochtones au Canada est liée directement aux répercussions de la colonisation, parmi lesquelles on cite la promulgation vers les années 1850 d’une série de lois, de mesures législatives et règlements afin « d’imposer un gouvernement patriarcal et de contraindre les femmes autochtones à se conformer à une discipline très stricte et à la réglementation décrétées par les missionnaires, et les agents des indiens dans ce qui est aujourd’hui l’Est canadien »21 . L’Acte pour encourager la Civilisation graduelle des Tribus sauvages en cette province22 sanctionné en1857, associait le statut d’Indien à la ligne masculine en fournissant à l’homme indien et non à la femme indienne la possibilité d’abandonner 20 Urban Native Youth Association, « Full circle: A manual on sexually exploited Native youth issues in Vancouver», Vancouver (Colombie Britannique), 2002 à la p.17, en ligne : <http://www.unya.bc.ca/downloads/full- circle-manual-2.pdf>: (« Migration to cities – lack of jobs, lack of educational opportunities, family breakups, and family violence have force many women and their children to move to larger urban centres where they live in poverty and usually under housed »). 21 L’héritage des pensionnats, supra note 18 à la p. 140. 22 Acte pour encourager la Civilisation graduelle des Tribus Sauvages en cette Province, et pour amender les Lois relatives aux Sauvages : S. Prov C.1857 (20 Vict.) ch.26.
  • 12. Chirine Haddad 11 volontairement son statut pour se joindre à la société coloniale non indienne. Dans ce cas l’homme indien doit répondre à un certain nombre de critères afin de renoncer à son statut, ce processus est appelé « émancipation ». Si les critères ont été remplis et l’homme Indien renonce par la suite volontairement à son statut, la femme indienne ainsi que ses enfants perdraient par ce fait leur statut, sans tenir compte de leur désir23 . En 1869 les femmes indiennes étaient de plus en plus marginalisées suite à l’Acte y ’ g d d I d 24 , adopté par le gouvernement; celles-ci ont moins de droits du fait qu’elles se marient à un homme non indien, ou un homme indien appartenant à une autre bande, où dans le 1er cas la femme ainsi que ses enfants perdront leur statut d’indien alors qu’au 2ème cas la femme ainsi que ses enfants deviendront membre de la bande à laquelle appartient son mari. Cette discrimination a été enchâssée dans la Loi de1951 sur les Indiens25 en particulier à l’article 12(1) b) où on lit le passage suivant: « (1) les personnes suivantes n’ont pas le droit d’être inscrits, en particulier…b) une femme qui a épousé un non indien, à moins qu’elle ne soit devenue par la suite l’épouse ou la veuve d’une personne décrite à l’article 11 ». La personne non indienne est tout homme qui n’est pas considéré comme ayant le statut d’indien aux termes de l’article 11 de la loi précitée. Une femme autochtone qui se marie à une telle personne perd certainement son statut ainsi que ses droits d’appartenance à sa bande à compter de la date de son mariage. En outre, si une femme indienne se marie à un homme d’une autre bande, celle-ci devient membre de la bande de son mari sans tenir compte de ses désirs. Ainsi une femme indienne appartenant à une bande riche épousant un homme indien provenant d’une bande 23 Ibid. 24 A y ’ g d d S g , d d d S g ’ x d d d ’ -et-un Victoria, chapitre quarante-deux, sanctionnée le 22 juin 1869 S.C. 1869, ch. 6. 25 Lois sur les indiens, SC 1951, ch.149.
  • 13. Chirine Haddad 12 pauvre, peut subir une perte en étant privée du revenu auquel elle croyait avoir droit de par la naissance, de même elle perd ses autres droits associés à son appartenance à sa bande natale26 . Jusqu’en 1951, la femme autochtone qui se marie à un homme qui n’est pas de sa bande avait le choix de conserver « le droit de recevoir des annuités et de l’argent de sa bande si elle n’optait pas pour un paiement forfaitaire (un « rachat »), et elle continuait ainsi à être inscrite dans la liste de sa bande si elle et sa bande le désirerait ». De ce fait, certaines agences indiennes ont émis le « billet rouge » qui est une carte d’identité, par laquelle cette femme indienne était identifiée comme ayant droit à l’argent consenti en vertu des traités et à l’argent des bandes, sans qu’elle ait le droit légal de posséder des terres sur les réserves, et en outre elles étaient assujetties à l’émancipation27 . Avec l’entrée en vigueur de la Loi de1951, l’Indienne qui avait marié un non indien perdrait d’office son statut et ses droits relatifs à sa bande depuis la date de son mariage, ainsi que tous ses autres droits associés à son appartenance à la bande à laquelle elle était inscrite. Le juge Laskin déclare dans sa décision dissidente dans l’affaire Lavell que la Loi sur les Indiens introduit une « distinction vexante entre les hommes et les femmes autochtones, vexante au moins en regard de la Déclaration canadienne des droits, que la Loi sur les Indiens introduit entre des Indiens qui, étant frères et sœurs, épousent respectivement des non-Indiens »28 . Dans cette affaire l’intimée Jeanette Lavell avait perdu son statut en épousant un non indien en 1970. Elle a appelé la décision qui barrait son nom de la liste des indiens en alléguant que cette décision est contre la Déclaration canadienne des droits. Le juge Grossberg rejeta son appel. 26 Jamieson, Kathleen, La femme indienne devant la loi : une citoyenne mineure, Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, (1978), à la p. 8 [Jamieson]. 27 Ibid à la p. 69. 28 Procureur général du Canada c Lavell, [1974] RCS 1349.
  • 14. Chirine Haddad 13 Lavell avait porté appel devant la Cour d’appel fédérale où elle avait eu gain de cause. Le procureur général appela cette décision devant la Cour suprême du Canada. En février 1973, la Cour suprême du Canada a entendu en même temps la cause de Mme Lavell et une autre cause semblable, celle de Mme Yvonne Bédard. L’argument de ces deux femmes était que la Loi sur les Indiens établit une discrimination fondée sur le sexe et la race à leurs égards, et que ce type de discrimination est interdit par la Déclaration canadienne des droits. La majorité des juges de la Cour suprême se sont prononcés contre Lavell et Bédard comme étant d’avis que : 1) Que Déclaration canadienne des droits n’a pas pour effet de rendre inopérante une législation, telle que l’alinéa b) du para (1) de l’article 12 de la Loi sur les Indiens, adoptée par le Parlement du Canada dans l’exercice de ses devoirs constitutionnelles en vertu du para (24) de l’art. 91 de l’Acte de l’A.N.B, aux fins de préciser commet et par qui les terres de la Couronne réservées aux Indiens doivent être utilisées; 2) que la Déclaration canadienne des droits ne requit pas qu’une législation fédérale soit déclarée inopérante à moins qu’elle n’enfreigne des droits spécifiquement garantis par l’article 1, mais lorsqu’une législation est jugée discriminatoire cela fournit une raison de la rendre sans effet; 3) que l’égalité devant la loi en vertu de la Déclaration canadienne des droits veut dire égalité de traitement dans l’application des lois du Canada devant les fonctionnaires chargés d’appliquer la loi et devant les tribunaux ordinaires du pays, et que l’interprétation et l’application du par.(1) de l’art. 12 ne comporte nécessairement aucune inégalité semblable29 . Cette décision dans l’affaire Lavell parait surprenante surtout qu’en 1970 un homme autochtone, Drybones30 a réussi, devant la Cour suprême, à faire renverser une décision rendue contre lui au terme de l’art. 94 b) de la Loi sur les Indiens et selon laquelle il a été déclaré coupable d’être trouvé en état d’ivresse hors d’une réserve. Il a plaidé que cette décision opérait une discrimination contre lui fondée sur sa race et qu’elle était donc contraire au para. 1 b) de la 29 Jamieson, supra note 26 à la p. 94. 30 La Reine c Drybones [1970] RCS 282 [Drybones]
  • 15. Chirine Haddad 14 Déclaration canadienne des droits31 . Dans la décision majoritaire, le juge Ritchie a énoncé ce qui suit : …Je pense que l’art. 1(b) signifie au moins qu’un individu ou un groupe d’individus ne doit pas être traité plus durement qu’un autre en vertu de la loi, j’en conclus donc qu’une personne est privée de l’égalité devant la loi, si pour elle, à cause de sa race, un acte qui, pour ses concitoyens canadiens n’est pas une infraction et n’appelle aucune sanction devient une infraction punissable en justice. La discrimination à l’égard des femmes autochtones date depuis longtemps que la décision Lavell, et on cite à cet égard l’affaire Sero c Gault portée devant la Cour suprême de l’Ontario au printemps 1921, par Eliza Sero, une veuve mohawk de 52 ans32 . Il s’agit d’un filet de pêche de senne appartenant à Mme Sero qui était confisqué par Thomas Gault, un inspecteur de pêche employé par le gouvernement, sous prétexte qu’elle avait contrevenu à un règlement de pêche. La cause de Mme Sero était entendue par un juge blanc, William Renwick Riddell. Ignorant complètement la tradition iroquoise, le juge Riddell se demandait sans doute pourquoi un litige de telle importance avait été confié à une [TRADUCTION] « vielle veuve »33 en fait, il percevait les femmes comme « un véritable fléau »34 . Le fait que Mme Sero en tant que femme intentait une action en justice afin de revendiquer la souveraineté de son peuple n’était pas surprenant à cette époque; les Mohawks étaient par tradition une société matriarcale, où les femmes jouissaient d’une liberté sociale, d’une autonomie économique, d’un pouvoir politique plus ample que les femmes blanches. Leurs biens leur appartenaient, c’est elles qui en fassent l’usage et qui les occupaient, pour cela les femmes autochtones avaient historiquement la charge de 31 Déclaration canadienne des droits, SC 1960, ch. 44, Sanctionnée 1960-08-10 (« 1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droit de l’homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soit sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe : b) le droit de l’individu à l’égalité devant la loi et à la protection de la loi »). 32 Backhouse, Constance, De la couleur des lois: une histoire du racisme au Canada entre 1900 et 1950, Ottawa, Presse de l’Université d’Ottawa, 2010 à la p. 131. 33 Ibid à la p. 157. 34 Ibid à la p. 156.
  • 16. Chirine Haddad 15 cultiver leurs terrains, et elles détenaient l’autorité principale sur le village, les terrains, et l’approvisionnement alimentaire. Après son mariage, la femme Mohawk ne perdait pas le contrôle sur ses propres biens, et elle pratiquait pleinement ses droits de garde sur ses enfants et avait le droit de demander le divorce35 . Mme Siro a perdu sa cause, et le juge Riddel a conclu qu’il n’existe aucune explication soutenant la prémisse que « les sauvages de cette province sont exemptés de l’application du droit général- ou l’aurait été à un moment ou un autre »36 déclare-t-il en dépassant considérablement l’objet de la cause dont il a été saisi. La discrimination systémique à l’encontre des filles et femmes autochtones constitue un contribuant puissant à la vie instable dans laquelle elles grandissent, où beaucoup sont abusées et nombreuses entre elles grandissent avec un faible estime de soi. Il a été question de racisme dans le contexte de la disparation et du meurtre de nombreuses femmes autochtones au Canada. Des témoins ont mentionné au Comité permanent de la condition féminine que les médias relégués les causes liées à la disparition des femmes autochtones aux pages intérieurs ou aux dernières pages des journaux37 . À cela s’ajoute le traitement des plaintes par les membres de la police et la GRC. Dans son rapport publié le février 2013, l’organisme Human Rights Watch a documenté des cas allégués de violations des droits des femmes et filles aborigènes au nord de la Colombie Britannique. 35 Ibid à la p. 138. 36 Ibid à la p. 164. 37 Cri dans la nuit, supra note 14 à la p. 33 (Jo Anne Fiske a indiqué au comité que : « [l]orsque des femmes disparaissent sur l’autoroute 16, s’il s’agit d’une jeune femme blonde … la photo de cet enfant [est] en première ou deuxième page de tous les journaux du pays pendant des jours. Au même moment, un des membres de ma famille élargie a été retrouvé mort, et le seul commentaire dans le journal était qu’elle a été retrouvée morte à un endroit où l’on retrouve habituellement des prostituées. Eh bien, merci quand même, mais c’est aussi l’endroit où je promène mon chien, où je joue avec ma petite-fille et où je m’adonne à d’autres activités familiales. On n'a jamais mentionné qu’il s’agissait d’un parc public. Son nom n’a pas été mentionné, ce qui démontre un problème grave dans les médias, dans l’éducation du public, et chez les pouvoirs publics qui ont ainsi qualifié la victime »).
  • 17. Chirine Haddad 16 L’organisme indique particulièrement les problèmes suivants : sous-protection des filles et femmes autochtones, omission d’enquêter rapidement sur certains signalements, abus policiers38 , tandis que « [l]a politique de la GRC stipule que les gens qui signalent une personne disparue ne devraient jamais s’entendre dire qu’ils doivent attendre un certain temps »39 . La Commission d’enquête du Manitoba sur l’administration de la justice et les Autochtones a indiqué à Amnesty International qu’un grand nombre de policiers percevaient les personnes autochtones non pas comme un groupe vulnérable exigeant une protection mais étant un groupe contre lequel le reste de la société canadienne devrait être protégé. Ceci étant, les femmes autochtones sont à la fois « trop surveillées » et moins protégées40 . Le racisme continu suscite des grands soucis pour les Autochtones au niveau de la police et le système judiciaire. En mai 2004,l’ancien juge du tribunal provincial de la Colombie-Britannique, David Ramsay, a été condamné à 7 ans d’emprisonnement pour agression sexuelle sur des jeunes 38 Human Rights Watchs, « Ceux qui nous emmènent – Abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie Britannique, Canada » Février 2013, ISBN : 1-56432-989-5, à la p.70 en ligne : < www.hrw.org/fr/report/2013/02/13/ceux-qui-nous-emmenent/abus-policiers-et-lacunes-dans-la- protection-des-femmes-et> : (l’organisme a souligné que « [l]a violence policière met en danger la sécurité des femmes et des filles bien au-delà des conséquences physiques directes de toute maltraitance physique. Les conséquences s’en font ressentir dans la réticence des femmes et des filles autochtones à appeler la police à l’aide quand elles craignent la violence ou bien l’ont vécue. Le problème ne se limite pas à celles ayant vécu directement la violence policière. Selon un prestataire de services à la jeunesse, s’attaquer à l’exploitation des filles par d’autres jeunes dans des programmes mixtes gérés par certaines organisations est difficile car les filles ne font pas assez confiance à la GRC pour signaler les abus. La possibilité que des abus soient commis en cellules empêche aussi certains membres de la communauté d’aller à la police lorsqu’ils voient des jeunes dans une situation délicate »). 39 Ibid à la p. 72. 40 Amnistie Internationale, « On a volé la vie de nos sœurs : Discrimination et violence contre les femmes autochtones. Résumé des préoccupations d’Amnistie Internationale » (Londres : Amnistie Internationale, Publications, 2004), à la p.11 en ligne : <www.amnistie.ca/sites/default/files/upload/documents/publications/amr2000104.pdf> [On a volé la vie de nos sœurs].
  • 18. Chirine Haddad 17 filles autochtones âgées de 12, 14, 15 et 16 ans qui avaient comparu devant lui et auxquelles il avait payées pour avoir des relations sexuelles avec elles41 . Le racisme et le sentiment d’indifférence de la société à l’égard du bien-être et de la sécurité des femmes et filles autochtones contribuent à instaurer un climat périlleux envers elles où elles deviennent de plus en plus vulnérables aux actes violents et au trafic humain à l’intérieur du Canada. Un autre élément s’ajoute pour accroitre la victimisation des femmes et filles autochtones au sein de la société canadienne; leur manque d’éducation. 2.4. Le manque d’éducation Une des causes qui accroissent la vulnérabilité des femmes et filles autochtones est leur manque d’éducation. Selon le rapport de kingsley et Mark, parmi les jeunes qui étaient exploitées sexuellement, beaucoup d’eux indiquaient des environnements d’éducation malsains et inadéquats ayant comme effet d’empêcher et menacer leur réussite scolaire; les problèmes à l'école, y compris les difficultés avec les pairs, drogues et d'alcool, l'absentéisme, les combats, et la sexualité peuvent créer des obstacles. Peu d’étudiants autochtones parviennent à atteindre l'école secondaire, et il y a très peu d'emploi qui leur sont ouverts42 . « Les écoles représentent aussi des points d’accès pour les trafiquants – la région d’Edmonton en particulier a été mentionnée comme étant un pôle important du recrutement dans les écoles »43 . 41 Ibid à la p.4. 42 Kingsley Cherry et Mark Melanie, « Sacred lives: Canadian Aboriginal children and youth speak out about sexual exploitation » (2001), Vancouver, Human Resources Development Canada à la p.14 43 Exploitation et traite, supra note 4 à la p.19.
  • 19. Chirine Haddad 18 Ceci étant le manque d’éducation et le peu d’emploi disponible à leurs égards constituent des facteurs aggravant la vulnérabilité des femmes et filles autochtones qui deviennent de plus en plus prise par les cycles de violence et de mauvais traitement44 . Au faible taux d’éducation, s’ajoute une autre cause qui contribue à la violation du bien-être et la sécurité des femmes et filles autochtones : la dépendance aux substances. 2.5 La dépendance aux substances Dans un rapport publié en 2010, la GRC indique que bon nombre de victimes de la traite sont maintenues sous le contrôle des trafiquants qui exploitent leur dépendance aux substances illicites45 . Presque tous les participants dans la recherche de Sikka ont noté l’usage de drogue dans le recrutement des jeunes filles autochtones dans le domaine de la traite. Principalement, les témoignages obtenus par Sikka confirmaient que les trafiquants donnaient aux jeunes filles vulnérables, des compliments, des cadeaux et, éventuellement, de la drogue. À Winnipeg, les participants ont indiqué qu’une fois que les filles étaient dépendants, les « petits amis » refuseraient alors de leur fournir de la drogue sauf si elles se prostituaient. À Edmonton, les participants ont témoigné, qu’après une certaine quantité de drogue avait été fournie à une jeune fille, ils ont été informés qu'elles devaient maintenant de l'argent au trafiquant de la drogue, et qu'ils étaient tenus d'avoir des relations sexuelles avec des personnes liées au trafiquant afin de payer la dette46 . Suivant son étude, les drogues constituaient une méthode privilégiées par plusieurs gangs. Tenant une rançon pour de nouvelles filles autochtones dépendantes, ils les enverraient sur la rue afin de « gagner de l’argent » au profit de la gang de façon à recevoir plus 44 Ibid à la p.16. 45 Gendarmerie Royale du Canada, « La traite des personnes au Canada : Évaluation de la menace », 2010, á la p. 3 et 14 en ligne < http://publications.gc.ca/collections/collection_2011/grc-rcmp/PS64-78-2010-fra.pdf>. 46 Sikka, supra note 16 à la p.15.
  • 20. Chirine Haddad 19 de drogues pour leur dépendance. Le lien entre la drogue et les gangs a également été confirmé par plusieurs participants dans l’étude de Sikka. La facilitation de la traite des filles par les gangs a été signalé à être principalement par le biais de la dépendance aux substances plutôt que par la force47 . Les multiples formes de discrimination, la pauvreté généralisée, l’exploitation accrue au sein de la population féminine autochtone pour des fin sexuelles et les autres formes d’abus dont elles sont sujettes, ont poussé la Canada à adopter certaines mesures afin de contrecarrer ces phénomènes. Les pistes de solution adoptées par l’État canadien pour lutter contre la violence à la traite feront l’objet de notre discussion aux passages suivants. 3 - Les pistes de solutions adoptées au Canada pour envisager la violence à l’encontre des femmes et filles autochtones : En 2010, le Canada a prévu dans le budget dix millions de dollars sur une période de deux ans pour faire avancer le dossier de la disparation et du meurtre des femmes autochtones, grâce au progrès considéré dans les mesures de l’application de la loi et du système de justice48 . À cet effet un nouveau centre national de soutien policier a été mis sur pied afin d’arranger la base de données du Centre d’information de la police canadiennes, et les réformes qui sont établies au Code criminel49 . De plus, le gouvernement a pris des mesures pour soutenir les femmes autochtones elles- mêmes. Ces mesures incluent l’adoption en 2013 de la Loi sur les foyers familiaux situés dans 47 Ibid. 48 Cris dans la nuit, supra note 14 à la p. 17. 49 Ibid.
  • 21. Chirine Haddad 20 les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux50 ; cette Loi autorise aux Premières nations d’adopter leurs propres lois en matière de propriété immobilière afin de s’assurer que les époux ou conjoints de fait dans les réserves, jouissent des mêmes garanties et des mêmes droits à l’égard des biens immobiliers que les citoyens hors réserve51 . Notamment cette Loi aide à fournir plus de choix aux femmes victimes de violence selon certains témoins ayant comparu devant la comité de condition féminine52 , puisque avant son entré en vigueur, une rupture survenant dans une réserve des Premières Nations pouvait mener à des situations inéquitables, comme le fait de devenir sans abris, à la pauvreté et à la perte du soutien culturel et familial si la conjointe était forcée de quitter sa résidence. Le 25 février 2011, le gouvernement canadien a consacré 1 890 844 à l’AFAC, répartis sur trois ans, afin d’exécuter le projet Du constat aux actes II, qui aide les collectivités à mieux comprendre et empêcher la violence à l’encontre des femmes et filles autochtones, ainsi qu'à intervenir lorsqu'elle surgisse. Ce projet contribue à la formation des forces policières, du personnel enseignant, des représentants de la justice, des travailleuses et travailleurs de première ligne en santé, des représentants de services sociaux ainsi que des agents locaux de diverses régions du Canada53 . Le gouvernement fédéral, en collaboration avec la province ou le territoire participant, a prévu un financement pour la mise en place de services de police exclusifs et adaptés dans plusieurs 50 Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux; LC 2013, c 20. 51 Comité permanent de la condition féminine, « Mettre fin à la violence contre les filles et les femmes autochtones – Un nouveau départ grâce à l’autonomisation », 41e lég, 1re sess, par Irene Mathyssen Ottawa, décembre 2011à la p. 8. 52 Ibid à la p. 9. 53 Comité permanent de la condition féminine Canada, « Le gouvernement du Canada investit dans un projet communautaire visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones » Communiqué de presse, 25 février 2011, en ligne <http://www.newswire.ca/fr/news-releases/le-gouvernement-du-canada-investit-dans-un- projet-communautaire-visant-a-mettre-fin-a-la-violence-faite-aux-femmes-et-les-filles-autochtones- 507749531.html>.
  • 22. Chirine Haddad 21 collectivités Inuits et des Premières Nations du Canada. Le Programme des services de police des Premières Nations (PSPPN) vise plutôt à offrir à ces collectivités des services de police professionnels, efficaces et adaptés à leur culture, sans remplacer les services de police normalement assurés par la province ou le territoire54 . Suivant des témoignages rapportés par le Comité permanent de la Condition féminine, « des corps policiers transmettent aux services de police des Premières Nations les pratiques exemplaires qu’ils appliquent dans les cas d’enquêtes portant sur une disparition »55 . Dans la foulée de l'investissement qu'il a fait entre 2010 et 2015, le gouvernement fédéral a annoncé dans son Plan d’action économique de 201456 , qu’il a affecté un somme de 25 millions de dollars sur cinq ans à la poursuite de ses efforts pour combattre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Il organise les interventions autour de trois axes d’intervention ou piliers complémentaires : (1) Prévention de la violence par le financement de solutions locales; (2) Soutien aux victimes autochtones par des services appropriés, (3) Protection des femmes et des filles autochtones par l’investissement dans des refuges et de nouvelles mesures pour améliorer l’application de la loi et le système judiciaire. À ces mesures adoptées par l’État canadien afin de lutter contre la violence ciblant la population féminine autochtone, s’ajoutent des stratégies suivies par le gouvernement canadien afin de contrer l’exploitation des femmes et filles autochtones par les trafiquants dans le commerce du sexe. 54 Femmes invisibles, supra note 7 à la p. 33. 55 Ibid à la p. 35. 56 Condition Féminine Canada, « Plan d'action pour contrer la violence familiale et les crimes violents à l'endroit des femmes et des filles autochtones » (15 septembre 2014) en ligne : < http://www.swc- cfc.gc.ca/violence/efforts/action-fra.html>.
  • 23. Chirine Haddad 22 4 - Les pistes de solutions adoptées par l’État canadien afin d’envisager le problème de la traite à l’encontre des femmes et filles autochtones Les passages suivants traitent des mesures adoptées par le Canada afin de contrer la traite ciblant notamment les femmes et filles autochtones au Canada. 4.1 Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée [Le Protocole] En mai 2002, le Canada s’est engagé de collaborer avec d’autres États dans la lutte contre la traite internationale lorsqu’il a ratifié Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée57 . Cet instrument comprend la première définition de la traite des personnes approuvée à l’échelle internationale58 . Son domaine d’application est établi sur ce qu’on prévoit comme les «trois P: la prévention de la traite des personnes, la protection des victimes et la poursuite des contrevenants »59 . Essentiellement, le Protocole est un modèle important pour Canada. Il préconise les actes qui doivent être sanctionnés, ainsi que le degré approprié de sévérité des peines et il offre des moyens efficaces pour lutter et empêcher la traite des personnes. Il prévoit l’engagement des États parties au Protocole de prendre des mesures législatives nécessaires afin de conférer le caractère d’infraction pénale à la traite, ainsi qu’aux actes consistant à tenter de 57 Protocole, supra note 1 (Le Canada a ratifié ce protocole le 13 mai 2002; il est entré en vigueur le 25 décembre 2003). 58 Ibid art.3. 59 La People’s Law School : « La traite de personne au Canada » (2014) Colombie Britannique, à la p 7 en ligne : <http://www.publiclegaled.bc.ca/wp-content/uploads/2014/04/French_Human-Trafficking-2014_online.pdf>.
  • 24. Chirine Haddad 23 commettre un tel crime, à s’en rendre complice et à conspirer en vue de la perpétration d’un tel crime60 . Le consentement de la victime à la traite de sa personne ne constitue pas une défense valable, puisque l’exploitation est inhérente à une infraction de ce genre61 . En conformité avec son obligation d’adopter des mesures législatives pour incriminer la traite, le Canada a adopté le projet de loi C-49 la Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes)62 . 4.2 Le projet de loi C-49 la Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes) : Le Canada a adopté un certain nombre de lois pour contrer à la traite des personnes. Les articles 279.01 à 279.04 du Code Criminel (le Code) abordent spécifiquement le sujet de la traite. Ces dispositions sont entrées en vigueur en novembre 2005 avec l’adoption du projet de loi C-49. Ce projet pose trois interdictions; la première interdit à titre absolu la traite de personne, qu’il s’agisse de recruter, transporter, transférer, recevoir, détenir, cacher ou héberger une personne, ou de contrôler, de diriger, ou d’exercer une influence sur les agissements d’une personne afin de l’exploiter ou de faciliter son exploitation63 ; la deuxième interdiction prohibe à une personne de réaliser un profit pécuniaire de la traite des personnes64 ; la troisième prohibe de garder ou de détruire tout document de voyage ou tout document d’identification d’une personne ou de son statut d’immigrant afin de faciliter la traite des personnes65 . Le ministère de justice indique par 60 Protocole, supra note 1 art. 5. 61 Protocole, supra note 1 art. 3 b). 62 PL C-49 : Loi modifiant le Code criminel (traite de personne), 2005 (sanctionné le 25 novembre 2005), LC 2005, c 43. 63 Code Criminel, LRC 1985, c C-46, art. 279.01 [Le Code]. 64 Ibid art. 279.02. 65 Ibid art. 279.03.
  • 25. Chirine Haddad 24 ailleurs qu’il « n’est pas nécessaire que l’exploitation soit réalisée. La preuve de l’intention d’exploiter la ou les victimes est suffisante »66 . Le projet de loi C-49 sert de fondement pour obtenir un mandat en cas de traite, afin d’intercepter les communications privées, obtenir des spécimens. Il permet d’inscrire l’individu reconnu coupable de traite sur le registre des délinquants sexuels. Enfin ce projet donne les victimes le droit à un dédommagement pour les préjudices corporels et morales soufferts. Pareillement au Protocole, le consentement de la victime aux actes constituant la traite de sa personne ne constitue pas une défense valable67 . Autres ces mesures législatives, le gouvernement fédéral a adopté d’autres stratégies pour contrer le trafic humain au Canada, comme le Centre national de coordination contre la traite de personne de la GRC et le Plan national d’action contre la traite de personne. 4.3 Centre national de coordination contre la traite de personnes de la GRC Depuis 2007, le Centre national de coordination contre la traite de personnes (CNCTP) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) reçoit de l'information et des instructions sur les affaires de traite de personnes ou liées à la traite de personnes de la GRC et d'autres organismes d'application de la loi. Le CNCTP sert de « point central pour l’application de la loi dans leurs efforts de lutter et de perturber les individus et les organisations criminelles qui exercent le trafic des personnes »68 . 66 Ministère de la justice, d g ’ d g d’ d - Infractions de traite des personnes prévues au Code criminel, en ligne <http://justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/tp/fr-is.html>. 67 Le Code, supra note 63 art. 279.01 (2) et 279.11 (2). 68 Exploitation et traite, supra note 4 à la p. 41.
  • 26. Chirine Haddad 25 Le CNCTP s’est concentré sur six priorités principales69 : (1) prévoir des outils, des protocoles et des lignes directrices qui visent à faciliter les enquêtes sur le trafic humain; (2) organiser les efforts nationales de sensibilisation, de formation et de lutte contre la traite; (3) placer et entretenir des lignes de communication; (4) contourner les difficultés nécessitant une coordination intégrée et fournir un soutien; (5) aménager et maintenir des partenariats internationaux et arranger des initiatives internationales; (6)arranger les activités de renseignement et encourager la diffusion de toutes les sources d'information aux unités opérationnelles à travers le pays pour ainsi stimuler l’avancement des renseignements à l’appui des organismes d'application de la loi. 4.4 Plan national d’action contre la traite des personnes Le gouvernement canadien par la Sécurité Publique a introduit son Plan national d’action contre la traite de personnes en 2012. Ce rapport énumère un certain nombre de préoccupations, la première concerne la difficulté de déterminer le nombre de personnes victimes de traite au Canada, en raison même de la nature de l’infraction et à la réticence des victimes de communiquer avec les agents chargé d’appliquer la loi. La deuxième préoccupation concerne la difficulté d’identifier les cas de traite puisqu’elles sont souvent imperceptibles et ne sont pas rapportées70 . Le rapport souligne les écarts dans le système de protection actuel, reconnaissant un manque de compréhension sur la manière dont la traite de personnes dans les collectivités autochtones se manifeste et prend forme71 . Dans leur stratégie de 2012, l’unique suggestion pour 69 Sécurité publique Canada, « Centre national de coordination contre la traite de personnes (Détails) », en ligne <http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/cntrng-crm/plcng/cnmcs-plcng/ndx/dtls-fra.aspx?n=489>. 70 Sécurité Publique Canada, « Plan national d’action national de lutte contre la traite de personne (2012) », Ottawa, à la p. 5, en ligne : < http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ntnl-ctn-pln-cmbt/ntnl-ctn-pln-cmbt- fra.pdf>. 71 Ibid á la p. 12.
  • 27. Chirine Haddad 26 dénouer les lacunes dans ce domaine est la nécessité de s’engager davantage auprès des collectivités autochtones. Les pistes de solutions adoptées par l’État canadien afin de lutter contre la traite et la violence subies par les femmes et filles autochtones suscitent un certain nombre de critiques, notamment au sujet de la non ratification de la Convention (n°169) relative aux peuples indigènes et tribaux72 par le Canada, du niveau de protection fournie aux femmes et filles autochtones contre la violence et la traite vue la persistance des causes profondes qui les exacerbent, et la portée large du terme « traite des personnes ». 5- Critiques : 5.1 La non ratification de la Convention (n°169) relative aux peuples indigènes et tribaux par le Canada : Le 12 novembre 2010, le Canada a ratifié la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones73 (DDPA) par laquelle il exprime sa volonté de coopérer pour produire des impacts réels dans les vies des peuples autochtones. Par contre cette déclaration n’est pas un instrument juridique, c’est-à-dire que l’opposition du texte à l’État ne peut mettre que moralement celui-ci face à ses engagement politique, mais ne peut entrainer de sanctions juridiques74 . Par contre, la Convention de l’Organisation Internationale du Travail (C169) est un 72 Convention (n°169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, Bulletin officiel, Bureau international du travail, Vol. LXXII (1989), Série A, n˚2, à la p.63 [La Convention]. 73 Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 13 septembre 2007, Rés AG 61/295, Doc off AG NU, 61e session, Doc NU A/RES/61/295 (2007) [Déclaration]. 74 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, «Fiche d’information N°5 : le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones», Dossier d'information à l'usage des peuples autochtones sur les activités et des mécanismes de l'Organisation des Nations Unies, à la p 1 («Cette déclaration n’est pas un
  • 28. Chirine Haddad 27 traité international contraignant aux pays membres. À ce jour elle n’a pas été ratifiée par le Canada ce qui indique que le gouvernement fédéral est en train d’éviter d’adopter des mécanismes pour faire respecter les droits des peuples autochtones notamment les droit des femmes autochtones au Canada. L’organisation internationale du Travail (OIT) est la première institution spécialisée des Nation-Unis, créée en 1919, qui s’efforce à maintenir la justice sociale, ainsi que les droits de l’homme et les droits de travail admis au niveau international. En 1989 L’OIT a adopté l’instrument juridique le plus important concernant les droits des peuples autochtones et les tribaux; la Convention n◦169 de l’OIT qui prévoit à l’article 3(1), que les peuples autochtones et tribaux doivent jouir entièrement des droits de l’homme et des libertés fondamentales sans restreintes ni discrimination. En vertu de ces termes, les gouvernements doivent établir des garanties et stratégies afin d’assurer leur jouissance de ces droits. La convention vise à éliminer les pratiques discriminatoires dont les femmes autochtones sont victimes. L’enjeu de fond au Canada c’est la Loi sur les Indiens qui garde le peuple autochtone dans un état de dépendance et marginalisait les femmes autochtones comme déjà discuté. La Loi sur les Indiens n’a pas fait objet d’une révision complète au Canada depuis plus que cent ans malgré le fait qu’elle rendait les femmes autochtones des citoyennes de seconde zone et elle a été conçue comme un instrument législatif discriminatoire à leurs égards. De plus, la convention couvre un vaste éventail de sujets inhérents à l’existence des femmes autochtones et l’existence du peuple autochtone en tant que tel, notamment en matière d’emploi, de formation instrument juridiquement contraignant pour les États, et n’impose donc pas d’obligations légales aux gouvernements, mais la Déclaration aura néanmoins une force morale considérable») en ligne : <http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuideIPleaflet5fr.pdf >.
  • 29. Chirine Haddad 28 professionnelle, d’éducation, de santé, de sécurité sociale, de droit coutumier, d’institutions traditionnelles, de langue, de croyances et de coopération transfrontière75 . La convention n° 169 prévoit que les peuples autochtones et tribaux doivent jouir des mêmes droits et des mêmes libertés fondamentales que les autres êtres humains. Ainsi les coutumes autochtones ne peuvent continuer à être appliquées si elles briment les droits de l’homme universels. Cela est notamment important dans certains cas où, à titre d’exemple, la coutume prive les femmes autochtones de leurs droits fondamentaux tels que l’accès à l’éducation ou la propriété76 . Sur le marché du travail, les femmes autochtones se heurtent à des entraves et à des inconvénients puisqu’elles n’ont qu’un accès limité à l’éducation et à la formation professionnelle et leurs connaissances traditionnelles ainsi que leurs compétences ne sont pas forcément appréciées ou requises. Leur situation de pauvreté et de marginalisation les expose particulièrement à des pratiques d’exploitation telles que le travail en servitude et la traite. La convention n° 169 comporte deux parties entières consacrées aux droits des peuples autochtones à l’emploi, à la formation professionnelle et à la protection de leurs droits au travail ainsi qu’à leur droit d’acquérir une éducation adéquate à tous les niveaux et à pied d’égalité avec le restant de la communauté nationale77 . La mise en écart des femmes autochtones dans la société canadienne est conçue souvent par un accès limité à la justice. Non seulement elles sont plus aptes d’être victimes d’exploitation sexuelle et économique et de violences mais les moyens qui sont à leur disposition pour 75 La Convention, supra note 72 art 7. 76 Ibid art. 3(1). 77 La Convention, supra note 72, Partie IV qui comprend les articles 21, 22 et 23 et la partie VI qui contient les articles 26, 27, 28, 29, 30 et 31.
  • 30. Chirine Haddad 29 demander réparation sont limités. Souvent, les femmes autochtones ne sont pas familières avec les lois de l’État et le système juridique national. Elles n’ont pas d’instructions suffisantes, ni les ressources financières pour accéder à la justice. Il est courant qu’elles ignorent lire et parler la langue officielle utilisée dans le cadre des poursuites judiciaires. Elles peuvent éprouver une certaine confusion devant les tribunaux et aux audiences. Pour faire face à cette situation, la convention prévoit que les peuples autochtones doivent avoir accès au système juridique de façon à garantir un respect certains de leurs droits78 . Jusqu’à date les femmes et filles autochtones sont privées des garanties prévues dans cette convention et subissent multiples formes de violence, discrimination et d’exploitation en raison de leur sexe et leur culture. En omettant de ratifier cette convention le Canada contrevient à son engagement politique de protéger les peuples autochtones, notamment les femmes et filles, contre toute violation de leurs droits fondamentaux. En conséquence la population féminine autochtone est peu protégée ce qui nous emmène à la 2ème critique dans notre recherche. 5.2 Les femmes et filles autochtones moins protégées au sein de la société canadienne : Jusqu’à date les gouvernements, fédérale, provinciaux, municipaux ainsi que les gouvernements de Premières Nations n’ont pas réussi à protéger les droits fondamentaux des femmes autochtones afin de vivre sans violence et dans la sécurité à l’abri de toute exploitation. Le 25 novembre 2015, Statistique Canada a diffusé son rapport indiquant que les femmes autochtones étaient six fois plus susceptibles d’être victimes d’un homicide que les femmes non autochtones 78 Ibid art. 12 (Les peuples intéressés doivent bénéficier d'une protection contre la violation de leurs droits et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par l'intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour assurer le respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour faire en sorte que, dans toute procédure légale, les membres de ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce à un interprète ou par d'autres moyens efficaces).
  • 31. Chirine Haddad 30 en 2014, alors que les Autochtones représentaient environ 5% de la population canadienne cette année-là79 . L'organisme Human Rights Watch a indiqué une «acceptation du statu quo choquant de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, même par ceux qui sont justement supposés les protéger», comme exprimé par Meghan Rhoad80 . Jusqu’en 2014, le nombre des femmes victimes de la violence étaient particulièrement élevés chez la population féminine autochtone ; leur taux d’agressions sexuelles était de 115 incidents pour 1 000 femmes, soit un taux beaucoup plus haut que celui envisagé chez leurs homologues non autochtones (35 incidents pour 1 000 femmes)81 . Les femmes et filles autochtones sont privées de la protection et le soutient dont elles ont besoin au temps opportun vu l’absence des forces policières dans plusieurs collectivités autochtones, les rendant encore plus vulnérables à l’exploitation, la violence et le meurtre82 . À Yellowknife, selon le témoignage de la directrice exécutive de l’YWCA (Young Women's Christian Association) Lyda Fuller, l’absence de la CRC est marquée dans 11 collectivités du Nord qui font recours aux services d’agents établis dans d’autres localités83 . Les services de police autogérés par les Premières Nations du Programme des services de police des Premières Nations (PSPPN) ne reçoivent pas l’appui et les fonds nécessaires afin d’assurer un service analogue à 79 Statistique Canada, « L’homicide au Canada 2014 », par Zoran Miladinovic et Lea Mulligan, No du catalogue : 85-002-X à la p.3, en ligne : < http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14244-fra.pdf>. 80 Goodman, Lee-Anne, « Le rapport sur la violence aux femmes autochtones ne préconise pas d'enquête » (7 mars 2014), La Presse Canadienne, Ottawa, en ligne : <http://www.lapresse.ca/actualites/national/201403/07/01- 4745606-le-rapport-sur-la-violence-aux-femmes-autochtones-ne-preconise-pas-denquete.php>. 81 Statistique Canada, «La victimisation criminelle au Canada 2014 », par Samuel Perrault, le 23 novembre 2015, No du catalogue : 85-002-X à la p.17, en ligne : <http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14241- fra.pdf>. 82 Femmes invisibles, supra note 7 à la p. 33. 83 Cri dans la nuit, supra note 14 à la p.19.
  • 32. Chirine Haddad 31 celui qui est fourni au reste de la société Canadienne84 . Le PSPPN ne remplace pas les services de polices offerts habituellement pas la province ou le territoire, mais il tente d’assurer des services de police professionnels efficaces et conformes aux cultures des collectivités autochtones85 . L’accès aux services policiers se révèle de plus en plus difficile aux femmes et filles autochtones vu le chevauchement qui marque les secteurs de compétences de la GRC, des Premières Nations et des services de polices municipaux86 ; l’AFC a indiqué que des familles autochtones qui voulaient signaler la disparation d’un proche ont été saisis par ce conflit de compétence où le service de police a décliné leur rapport sous prétexte que celui-ci doit être présenter à la ville où la personne est disparue alors que l’autre service de police maintenait que la disparation doit être signalée à la police qui se trouve dans la communauté où la personne disparue résidait. Ces problèmes de compétence empêchent les agents et les prestataires de service d’opérer efficacement et rapidement dans l’intérêt des femmes et filles autochtones victimes de traite, de meurtre et de disparition. La protection des femmes et filles autochtones devient de moins en moins importantes notamment dans les collectivités éloignées du Nord, où l’accès à la justice pour les femmes fait face à des obstacles de taille87 ; les juges qui doivent voyager par avion vers le Nord pour les audiences, ne s’y rendent pas souvent, et se trouvent parfois obligé d’ajourner les audiences en raison du climat. « Faute du juge ou du procureur dans la région, il est souvent difficile d’obtenir 84 Femmes invisibles, supra note 7 à la p.34. 85 Ibid à la p. 34. 86 Ce que leurs histoires, supra note 12, à la p.42. 87 Cri dans la nuit, supra note 14 à la p.19.
  • 33. Chirine Haddad 32 une ordonnance de protection d’urgence et de la faire appliquer »88 . Dans certain cas, les femmes présentaient leurs témoignages dans un lieu public, comme au bar local, où l’audience a eu lieu89 . Malgré les mesures prises par le gouvernement et les provinces canadiennes pour lutter contre la violence et la traite ciblant les femmes et filles autochtones, les données révèlent qu’ils n’ont pas porté une attention assez systématique à la vulnérabilité particulière des femmes autochtones liée à la persistances des causes profondes exacerbant les abus et les infractions commises à leurs encontre. Jusqu’à date, les femmes autochtones subissent la discrimination des forces policières, en raison de leur sexe et leur culture. Le 12 mai 2015 huit policiers de la Sûreté du Québec de Val-d’Or ont fait face à des allégations d’abus sexuels, d’abus de pouvoir d’intimidation envers des femmes autochtones90 . La lenteur qualifiant les enquêtes policières envers les femmes autochtones disparues demeure jusqu’à date, et le comportement de la police au sujet de la disparition de Cindy Ruperthouse n’en est qu’un exemple, où ses proches étaient sans nouvelle depuis un an. La famille était en attente d'un signe des enquêteurs depuis des mois91 . Un lien solide persiste entre la pauvreté, les logements inadéquats, le manque d’éducation, et la discrimination systématique, l’isolement et le faible estime de soi qui accroissent la vulnérabilité des jeunes filles autochtones à la violence et à la traite. Faisant face à la pauvreté, aux conditions 88 Ibid. 89 Ibid. 90 Ici Radio –Canada « Femmes autochtones à Val-d'Or: autopsie d'une enquête » en ligne : <http://ici.radio- canada.ca/nouvelles/societe/2015/10/23/003-fil-evenements-enquete-femmes-autochtones-val-dor-allegations- policiers.shtml>. 91 Ibid.
  • 34. Chirine Haddad 33 de logements misérables, à la dépendance aux substances, les familles autochtones sont profilées à haut risque au sein du système de protection de l’enfance. Les jeunes filles autochtones se trouvent placées en nombre inquiétants dans les services de protection de l’enfance, séparées de leurs familles et collectivités, empêchant ainsi leur bonne et saine éducation. Selon Cyndi Blackstock, une des plus ardentes partisanes des causes en rapport aux enfants autochtones, le gouvernement fédéral n’a pas fourni un financement adéquat aux services de soutien à l’enfance et à la famille pour les collectivités autochtones à comparer avec le financement accordé pour les enfants des provinces, de même le gouvernement n’a pas offert les soutiens culturels appropriés et il a manqué à son obligation de tenter de garder les enfants autochtones dans leur maison naturelle92 . Au sujet du recrutement des femmes et filles autochtones par les trafiquants dans le commerce du sexe, les forces policières, ainsi que les politiques et le restant de la société canadienne, blâmaient celles-ci qui en étaient victimes. Cela se traduisait par des poursuites contre elles pour actes de prostitution alors que leurs clients étaient référés dans un établissement afin de les rééduquer sur la prostitution pour qu’il en cesse d’y recourir93 . Incarcérer les femmes et filles autochtones victimes de traite, ne fait qu’accroitre leur vulnérabilité tout en les gardant sujettes à l’exploitation et la violence, et les empêche de trouver un emploi plus sécuritaire et fiable. La mauvaise image associée aux filles et femmes autochtones victimes de traite, est due en grande partie à la portée large de la définition du terme « traite de personnes » ce qui nous emmène à notre prochaine critique dans cette recherche. 92 Blackstock, Cindy, Why the world needs to watch: the Canadian government held to account for racial discrimination against children before the Canadian human rights tribunal, Ottawa, First Nation Child and Family Caring Society of Canada, 2010 à la p.2, en ligne: <http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/International%20EGM%20Presentation%20by%20Cindy.pdf>. 93 Exploitation et traite, supra note 4 à la p. 61.
  • 35. Chirine Haddad 34 5.3 La Protée très large de la définition de la traite de personne Malgré les définitions prévues dans le Protocole sur la traite et le Code criminel, on lit une compréhension divergente de ce terme. Le Manuel opérationnel de la GRC94 souligne que les dispositions concernant la traite au Canada peuvent conceptuellement chevaucher avec d'autres crimes connexes, tels que vivre des produits de la prostitution, le proxénétisme, les menaces, les voies de fait, l’agression sexuelle, l’enlèvement, la séquestration, l'enlèvement d'enfants, l'extorsion, la fraude, l'intimidation, le complot etc. Cela constitue une des explications qui sous- tendent la difficulté d’identifier les infractions de traite au Canada, puisque les forces policiers et les procureurs de la Couronne sont plus familiers avec les infractions déjà énumérées et elles sont plus faciles à établir que la traite. Ceci étant, certains étaient d’opinion qu’il est vain d’insérer au Code Criminel une disposition précise prévoyant l’infraction de la traite des personnes, puisque le Code prévoit déjà des infractions liées à l’exploitation et la violence95 . L’autre préoccupation soulevée par cette définition c’est la difficulté de repérer les victimes de la traite puisque leur identification exige des agents d’application de loi la reconnaissance des personnes faisant l’objet de cette infraction et les indices révélateurs de ce phénomène. Un certain nombre d’ONG qui fournissent des services aux victimes de la traite ont indiqué que l’interprétation de la traite ne correspond pas au aux expériences vécues par de nombreuses personnes. Ces organisations indiquent que certaines victimes ont exprimé au début leur consentement aux conditions de travail qui par la suite s’est manifestées en une forme 94 Gendarmerie Royale, “Operational Police Officer’s Handbook on Human Trafficking”, (Ottawa: RCMP, 2010), à la pp. 21-22. 95 Barnett Laura; La traite des personnes (Étude générale), Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2013 à la p. 15.
  • 36. Chirine Haddad 35 d’exploitation, pour cette raison elles n’ont pas osé de se plaindre96 . Conclusion : Les femmes et filles autochtones doive être protégées par les autorités et la société canadiennes. Les manques qui existent dans cette protection ont engendré des tragédies individuelles pour les familles qui ont perdu des sœurs, des filles, des mères à cause des actes violents racistes et sexistes. Ces carences ont également produit une véritable tragédie en matière des droits humains qui reposent sur la reconnaissance de la dignité et de la valeur inhérente à tous les êtres humains sans aucune distinction. Afin de concrétiser ses efforts pour promouvoir les droits des femmes autochtones et améliorer leur situation socio-économique, le Canada devrait absolument ratifier la Convention C169 relative aux peuples indigènes. Sans cet instrument juridique, le Canada n’aucun engagement juridique d’assurer et de promouvoir les droits des femmes autochtones en particulier et les communautés autochtones en général. L’État canadien est appelé de prendre ses responsabilités sérieusement envers la protection des femmes et filles autochtones tout en prenant des mesures efficaces assurant leur sécurité et leur bien-être à pied d’égalité avec le restant de la société canadienne. Pour cela, le Canada est appelé à développer des bases de données qui prennent compte de l’ethnie des femmes disparues, assassinées et celles qui sont victimes de traite. Il doit se doter d’une politique qui s’assure que les forces policières réagissent de façon appropriées aux signalements des personnes disparues. Il est efficace que les policiers, les procureurs de la Couronne, et les juges aient une formation 96 Barnett Laura; « Résumé législatif -Projet de Loi C-49: Loi modifiant le Code Criminel (traite des personnes) », Bibliothèque du Parlement (2005) à la p. 14.
  • 37. Chirine Haddad 36 continue et obligatoire sur les facteurs qui contribuent à la violence et l’exploitation des femmes autochtones ainsi que les conséquences engendrées par de tels phénomènes. Afin de lutter contre la violence, la disparation et à la traite qui ciblent les femmes autochtones, l’État canadien, en collaborant avec les femmes autochtones à travers les organisations qui les représentent, ainsi que les autorités provinciaux et territoriaux et les gouvernements de Premières-Nations, doit tout d’abord adresser les causes profondes qui sont à l’origine de ces phénomènes et qui les exacerbent. En ce sens il est important de remédier aux facteurs qui sont à l’origine de la discrimination systémique subie par les femmes et filles autochtones au Canada au passée et jusqu’à date. Cela comprend la dépossession de facto des peuples autochtones de leurs territoires ainsi que les lois et les politiques qui ont eu un impact négatif sur eux tout en les privant d’une pleine jouissance de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels historiques. Ceci requiert du gouvernement fédéral de reconnaitre et respecter les titres ancestraux sur les terres occupées traditionnellement par les groupes autochtones ainsi que les terrains auxquels ils ont traditionnellement accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. De même le gouvernement fédéral et appelé en collaboration avec les autorités provinciales, territoriale, de mettre en œuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté, entre autres, de prendre des mesures spéciales en vue de protéger les personnes, les institutions les biens, la culture, l’industrie des groupes autochtones, et d’adopter des politiques et des mesures afin d’améliorer l'éducation et favoriser l’accès au marché de travail, garantir un logement sûr et adéquat aux femmes autochtones. Le gouvernement fédéral doit, en collaboration avec les autorités provinciales et territoriales, accorder un financement suffisant aux organisations non gouvernementales qui fournissent des
  • 38. Chirine Haddad 37 soins, des services de « counselling », des refuges et de l’assistance aux victimes ainsi qu’à la PSPPN. Puisque le PSPPN, les refuges, les organisations non gouvernementales, et les autres fournisseurs des services, recourent à la générosité du public, du gouvernement fédéral et des autorités provinciaux et territoriaux, il est nécessaire de s’assurer que l’argent récolté est dépensé selon les souhaits des donateurs afin de maintenir la confiance de ces derniers, d’où la nécessité de désigner des auditeurs indépendants afin d’éviter les abus, la fraude, et la mauvaise gestion des fonds offerts. En plus de leur fonction de surveillance, les procédures de contrôle sur le financement des refuges, des NGO et des fournisseurs des services de soutien, concourraient à améliorer la fourniture d’aide humanitaire, en promouvant la rationalisation de l’aide, l’amélioration du professionnalisme et la responsabilisation des acteurs. Les programmes et les politiques visant les femmes et filles autochtones devraient être adaptés à leurs besoins, préoccupations et leurs cultures. Ainsi, un programme d’enseignement scolaire adapté aux cultures autochtones, contribue à lutter contre le décrochage scolaire et d’assurer un taux de réussite plus élevé ce qui communique aux enfants que leur culture et leur savoir culturel sont importants à l’éducation et suscite en eux un fort sentiment d’identité et une meilleure estime de soi. Que ce soit dans les écoles autochtones ou autres établissements adaptées aux différences culturelles, un programme de lutte contre la traite de personne pourrait être établis pour sensibiliser les jeunes sur cette réalité et de fournir aux enfants les moyens nécessaires pour se protéger contre l’exploitation. La consultation des femmes autochtones est fondamentale pour le succès de tout programme, vu qu’elles sont les plus ciblées par la violence, la disparation, et la traite domestique au Canada.
  • 39. Chirine Haddad 38 Ainsi, il faut que le Canada prenne des mesures afin d’assurer la participation active des femmes autochtones dans la création et la mise en œuvre des initiatives, des programmes et des politiques à tous les niveaux de gouvernement qui concernent les femmes autochtones, ainsi que ceux qui concernent les peuples autochtones de façon plus globale . La désignation des femmes autochtones pour participer à ces initiatives devrait être faite en consultation avec les organisations reconnues par les communautés autochtones, les femmes autochtones et leurs dirigeants. L’État canadien doit exercer la diligence nécessaire afin de mener des enquêtes, intenter des poursuites, et sanctionner les actes de violence, de traite et de meurtre commis à l’encontre des femmes et filles autochtones. Établir si le Canada a exercé la diligence requise dans ce contexte exige d’évaluer l’exécution par le gouvernement d’un certain nombre d’obligations. Au premier rang de ces obligations figure celui de faire des enquêtes sur les cas de traite, de disparations et de violences ciblant les femmes et filles autochtones. Une véritable enquête, selon le droit jurisprudentiel international des droits humains, est une enquête capable de conduire à l’identification et à la sanction des individus responsables97 . L’omission par la police des procéder aux étapes fondamentales d’une enquête telles que l’interrogatoire de témoins clés ou le suivi de pistes limite l’efficacité de cette enquête. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a exprimé la nécessité pour les personnes affectées d’avoir accès aux informations relatives à la progression d’une enquête 98 et d’être traitées avec respect par les autorités. Blâmer notamment les victimes peut détourner les personnes du système judiciaire et les priver de 97 V. entre autres, les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans Kaya c Turquie, jugement du 19 février 1998, (1998) Reports 1998-I, para. 107; Hugh Jordan c le Royaume-Uni, jugement du 4 mai 2001, no. 24746/94, ECHR 2001-III (extraits), para. 107; 98 CIDH, supra note 8 à la p. 124.
  • 40. Chirine Haddad 39 réparations pour les violences et exploitations subies. Des enquêtes menées efficacement et méticuleusement remplissent en conséquence une fonction préventive plus large. Non seulement elles peuvent prévenir des crimes futurs de la part d’un auteur spécifique, mais elles révèlent également à la communauté que les crimes perpétrés contre les femmes et les filles autochtones ne seront pas tolérées. La reconnaissance de la vulnérabilité des femmes et filles autochtones face à la traite domestique et les facteurs qui y contribuent est nécessaire. Il est important d’envisager la mise en œuvre des programmes et politiques qui ciblent ces facteurs et de les réviser de temps à autre, particulièrement (1) les programmes qui visent à la sensibilisation à la traite domestique à l’intention des chefs autochtones, les agents d’application de loi et la société canadienne en général; (2) les programmes de transitions et les refuges en se basant sur les approches culturelles autochtones d’intervention. Il est important de fournir une formation sur l’identification des victimes de la traite domestique à un éventail plus large de fonctionnaires au niveau fédéral, provincial, territorial, et municipal, ainsi que tous les fournisseurs de service de soutien et les travailleurs de santé, tout en fournissant une formation professionnelle aux organismes qui assistent les victimes à se réintégrer dans la société. Vu la portée large du terme « traite de personne » l’État canadien est appelé à examiner et mettre en œuvre toute loi jugée nécessaire pour assurer la dénonciation de toute forme de traite de personnes tout en consolidant le système de justice pénal afin de veiller à ce que les récidivistes violents subissent des peines suffisantes. À cela s’ajoute la nécessité d’offrir des ressources supplémentaires à la formation et à l’éducation des juges et des procureurs généraux ainsi qu’aux agents chargées d’appliquer les lois dont le PSPPN sur la traite de personnes.
  • 41. Chirine Haddad 40 Le Canada est appelé de mettre fin à toute politique, mesure législatives, règlement, tout comportement suscitant une discrimination à l’encontre la population féminine autochtone, entre autres, la nécessité de réviser la Loi sur les Indiens, et d’abolir ses dispositions discriminatoires. L’interdiction de discrimination à l’égard des femmes autochtones, est une interdiction qu’on retrouve au départ dans la Déclaration universelle de droit de l’homme de 1948 qui interdit la discrimination à l’égard de toutes les femmes, et c’est une interdiction qu’on retrouve dans le Pacte International sur les droits civils et politiques de 1966. C’est une interdiction que l’on retrouve dans la Déclaration de Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones et dans la Convention de l’Organisation Internationale du Travail (C169). C’est une interdiction qu’on retrouve également dans les conventions régionales sur les droits de l’homme, qu’il s’agisse de la Convention européenne ou de la Convention Interaméricaine, c’est une interdiction qu’on retrouve aussi dans certaines conventions internationale qui vise plus particulièrement les droits des femmes, comme la Convention des Nations-Unis qui interdit toute discrimination à l’égard des femmes. C’est une interdiction qu’on retrouve dans les Conventions de Genève qui concernent la protection des victimes de conflits armés. L’interdiction de toute discrimination à l’égard des femmes autochtones fait partie des valeurs universelles qui ne sont pas contestées, qui ne sont pas non plus contestables et qui sous-tendent le système juridique canadien. Il est temps d’agir! Une inaction des autorités canadiennes mène à des conséquences désastreuses; les femmes et filles autochtones vont continuer à disparaitre, à être assassinées, à être exploitées dans l’industrie du sexe, à être perçue comme des citoyennes de seconde zone.
  • 42. Chirine Haddad 41 BIBLIOGRAPHIE 1. Acte pour encourager la Civilisation graduelle des Tribus Sauvages en cette Province, et pour amender les Lois relatives aux Sauvages : S. Prov C.1857 (20 Vict.) ch.26. 2. A y ’ g d des Sauvages, à la meilleure administration d d S g ’ x d d d ’ -et-un Victoria, chapitre quarante-deux, sanctionnée le 22 juin 1869 S.C. 1869, ch. 6. 3. Amnistie Internationale, « On a volé la vie de nos sœurs : Discrimination et violence contre les femmes autochtones. Résumé des préoccupations d’Amnistie Internationale » (Londres : Amnistie Internationale, Publications, 2004), à la p.11 en ligne : <www.amnistie.ca/sites/default/files/upload/documents/publications/amr2000104.pdf>. 4. Association des femmes autochtones du Canada « Ce que leurs histoires nous disent : résultats de recherche de l’initiative Sœurs par l’esprit », 2010, en ligne: <www.nwac.ca/files/reports/2010_NWAC_SIS_Report_FR.pdf>. 5. Association des femmes autochtones du Canada, « Exploitation sexuelles et traite des filles et des femmes autochtones : Revue de la littérature et entrevues auprès d’intervenants clés », Rapport final, Octobre 2014. 6. Backhouse, Constance, De la couleur des lois: une histoire du racisme au Canada entre 1900 et 1950, Ottawa, Presse de l’Université d’Ottawa, 2010 à la p. 131. 7. Barnett Laura, « Résumé législatif –Projet de Loi C-49: Loi modifiant le Code Criminel (traite des personnes) », Bibliothèque du Parlement (2005) à la p. 14. 8. Barrett Nicole “An exploitation of promising practices in response to human trafficking in Canada”, International Center for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, (2010) Vancouver, British Columbia. 9. Barrett, Nicole, « Tour d'horizon des pratiques prometteuses en réponse à la traite des personnes au Canada », Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale, pour le Forum fédéral-provincial-territorial des hauts fonctionnaires responsables de la condition féminine, juin 2010, en ligne : <http://ccrweb.ca/files/tour_dhorizon_des_pratiques_prometteuses_traite_au_canada.pd>. 10. Bernett, Laura, La traite des personnes (Étude générale), Ottawa, Bibliothèque du Parlement, 2013. 11. Code criminel, LRC 1985, c C-46.
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  • 45. Chirine Haddad 44 33. Kingsley Cherry et Mark Melanie, « Sacred lives: Canadian Aboriginal children and youth speak out about sexual exploitation » (2001), Vancouver, Human Resources Development Canada. 34. LaPrairie, Carol, Adelberg, Ellen et Currie, Claudia (éd.) (1987), « Native Women and Crime in Canada: A theoretical Model », Too few to count. Canadian Women in Conflict with the Law, Press Gang Publishers, Vancouver, (pp. 103- 112). 35. La People’s Law School : « La traite de personne au Canada » (2014) Colombie Britannique, à la p 7 en ligne : <http://www.publiclegaled.bc.ca/wp- content/uploads/2014/04/French_Human-Trafficking-2014_online.pdf>. 36. La Reine c Drybones [1970] RCS 282. 37. Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux; LC 2013, c 20. 38. Lois sur les indiens, SC 1951, ch.149. 39. Ministère de la justice, d g ’ d g d’ d la loi - Infractions de traite des personnes prévues au Code criminel, en ligne <http://justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/tp/fr-is.html>. 40. PL C-49, Loi modifiant le Code criminel (traite de personne), 2005 (sanctionné le 25 novembre 2005), LC 2005, c 43. 41. Procureur général du Canada c Lavell, [1974] RCS 1349. 42. Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, A.G., rés. 55/25, annexe II, 55 UN GAOR Supp. No. 49, UN Doc. A/45/49 (Vol. I) (2001). 43. Sécurité publique Canada, « Centre national de coordination contre la traite de personnes (Détails) », en ligne : <http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/cntrng-crm/plcng/cnmcs- plcng/ndx/dtls-fra.aspx?n=489>. 44. Sécurité Publique Canada, « Plan national d’action national de lutte contre la traite de personne (2012) », Ottawa, à la p. 5, en ligne : <http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ntnl-ctn-pln-cmbt/ntnl-ctn-pln- cmbt-fra.pdf>. 45. Sikka Anette, « Trafficking for Aboriginal women and girls in Canada », Institut sur la gouvernance, Ottawa, 2009.
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