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Contribution d’AlstomTransport
au futur ferroviaire
AT
©2010
05
“NOS CLIENTS
SONT TOUS
UNIQUES”
ENTRETIEN AVEC
SIR RICHARD BRANSON
paroles et design
42
ARCHITECTURE
ET DESIGN,
LES LIAISONS
HEUREUSES
Directeur Design&Styling chez Alstom Transport, Xavier Allard
rencontre le célèbre architecte, urbaniste et designer
Jean-Michel Wilmotte. Comment se déploie sa démarche créative?
Comment naissent les idées et les projets? À quoi pourrait
ressembler le train de demain?
Xavier Allard : Après une expérience
dans le design, votre parcours vous a mené
vers l’architecture, avec le succès que
l’on connaît. Avez-vous toujours souhaité
devenir architecte?
Jean-Michel Wilmotte : À l’origine,
je voulais créer des décors de cinéma.
J’aimais l’idée de l’éphémère. Or, après 1968,
les écoles spécialisées dans ce domaine
ont fermé et je me suis finalement pris de
passion pour l’architecture. Et puis j’ai arrêté
parce que j’ai trouvé que tout ce que
l’on devait faire était trop lent. Pour moi,
à l’époque, des projets sur cinq ou six ans,
c’était interminable.
Je suis donc passé à l’architecture intérieure.
J’ai travaillé au Japon où j’ai ouvert une
agence. On m’a ensuite proposé un projet
d’architecture. Une fois de retour en France,
j’ai passé un concours d’architecture
proposé par le ministère de l’Équipement.
Aujourd’hui, je suis dans la recherche,
l’architecture, la réhabilitation et le design.
J’aime la grande variété, le fait de passer
d’un sujet à l’autre. Ne pas être spécialisé
est pour moi un avantage : une semaine,
nous travaillons sur un hippodrome;
une autre sur une cuisinière, un mobilier
urbain, un chalet privé ou un musée.
Chaque fois, les contraintes diffèrent.
Par exemple, je sais maintenant que pour
construire un hippodrome, il faut aller au-delà
des exigences d’ordre général. Le “zoning”
est très particulier et la configuration diffère
d’un pays à l’autre. En Russie, la “corde”
est à gauche, ce qui, au niveau de la ligne
d’arrivée, contraint le positionnement des
tribunes. Depuis cinq ans, nous travaillons
sur des circuits automobiles. Un circuit n’est
pas seulement une piste, mais un équipement
complexe qui réunit des usagers très
différents (public, presse, invités, sportifs…)
dont il faut maîtriser les flux. Il s’agit aussi
d’un outil événementiel à l’utilisation
temporaire. De nombreux équipements
habituellement intégrés aux bâtiments doivent
 43
ici être conçus comme des structures
temporaires, démontables ou réutilisables.
Les pistes répondent toutes à des contraintes
très précises : elles doivent prévoir une
ligne droite d’au moins 900 mètres avec deux
ou trois possibilités de doubler, des virages
conçus à la fois pour leur potentiel sportif
et leur sécurité.
Après la conception technique des pistes,
il faut se soucier du contexte environnemental :
prévoir des végétaux qui absorbent
le carbone, mettre en place des protections
des sols du ruissellement des hydrocarbures,
répondre aux problèmes acoustiques
en imaginant des revêtements de sols
absorbants ou des pièges à sons installés
dans les mouvements de terrain ou
intégrés dans les tribunes.
Tout cela constitue des domaines de
recherche avancée. On s’est d’ailleurs servi
de nos travaux assez sophistiqués sur
l’absorption du bruit pour les réseaux ferrés.
X. Allard : Cette progression personnelle
du design vers l’architecture facilite-t-elle
l’intégration de l’objet dessiné dans
le contexte qui l’environne?
J.-M. Wilmotte : Chaque création
est pensée en fonction de l’espace
où elle s’intègre, de son contexte à la fois
géographique, historique, culturel.
Prenez le cas du tramway : c’est souvent
l’occasion de revitaliser un lieu.
À Paris, par exemple, les boulevards
extérieurs étaient vraiment esthétiquement
abîmés. Regardez maintenant comment
le tramway a changé les lieux! Quand on
pense requalification, on pense au sol,
à l’environnement, au mobilier urbain,
aux distributeurs de billets, à la signalétique…
le projet va dépendre du contexte urbain
dans lequel il s’insère.
En outre, les porte-caténaires que nous
avons conçus pour les Maréchaux parisiens
sont de vrais objets dessinés : des mâts
bruns tels des troncs et des branches
argentées qui réagissent à la lumière…
Ils ont été inspirés par le besoin de réinjecter,
sur ces lieux visuellement délaissés,
une référence végétale.
X. Allard : L’approche de Design&Styling
est comparable mais nous n’avons pas de
contact direct avec le passager ou le client
pendant la phase d’appel d’offres. Alors,
nous faisons des hypothèses sur ce qui
pourrait être apprécié par l’opérateur. Nous
devons, par exemple, penser le matériel
Tour Signal, projet finaliste du concours
pour l’aménagement de la Défense.
paroles et design

44
roulant en fonction du mobilier, trouver une
cohérence, établir des clins d’œil. Dès lors,
le détail prend toute son importance.
J.-M. Wilmotte : L’expérience du design
apporte en effet l’exigence du détail. On part
d’un objet, puis on l’élargit à son contexte.
Quand je conçois une tour – qui est un jeu
de volumétrie dans l’espace, un rapport
de proportions hauteur/largeur, de
profilements – l’approche est similaire à celle
que je peux avoir pour un objet. Après,
tout est question de centimètres et d’échelle.
Quoi qu’il en soit, je pense toujours intérieur
et extérieur, je suis un obsessionnel du détail.
Rien que pour le musée d’art islamique de
Doha que nous venons d’achever, nous avons
produit 1 200 plans! Certains d’entre eux
vont même jusqu’à indiquer l’emplacement
et le profil des vis.
X. Allard : Quelle est concrètement la place
du design au sein du cabinet Wilmotte?
J.-M. Wilmotte : Sur 160 collaborateurs,
8 ne font que du design : mobilier urbain,
accessoires de cuisine, luminaires, meubles...
D’un point de vue quantitatif, c’est
relativement peu. Mais notre département
design intégré est notre valeur ajoutée.
Nous savons répondre au client en concevant
soit un objet unique, soit un objet en grande
série, voire même une gamme entière
de produits.
Nous travaillons, par exemple, sur les
célèbres cuisinières en fonte La Cornue.
Hors de question de dénaturer ces objets
de luxe et de tradition qui datent du début
du XXe
siècle. En revanche, il n’est pas
difficile d’ajouter des détails aux éléments
structurants déjà en place : la fonte,
la porte ou la poignée. En somme, il s’agit
de réinventer tout en respectant l’esprit,
de dessiner autour des codes que l’on
reprend. C’est comme cela que nous avons
conçu La Cornue du troisième millénaire.

“Chaque création est pensée en fonction
de l’espace où elle s’intègre, de son contexte
à la fois géographique, historique, culturel.”
45
X. Allard : Au-delà de cette importance
du détail, quelles sont vos principales
exigences dans votre travail?
J.-M. Wilmotte : Le bruit et la lumière
figurent parmi mes grandes préoccupations.
Ainsi, à Paris, notre projet de mobilier urbain
autour du nouveau tramway a gagné
le concours grâce au travail sur la lumière :
les toitures changent de couleur à l’arrivée
des tramways ou lors d’événements
particuliers comme le 14 juillet ou la
Gay Pride. Ces toitures sont à la fois très
fines, très aériennes et très solides parce
qu’elles doivent pouvoir supporter, en
cas de manifestations, 15 ou 20 personnes!
X. Allard : Certains architectes ou
designers ont tendance à prôner la rupture
plutôt que l’intégration. Or, il semble
finalement plus difficile et plus exigeant
de s’inscrire dans la continuité, le respect
de ce qui a été fait auparavant. Quand
vous abordez un projet, que prenez-vous
d’abord en compte?
J.-M. Wilmotte : Je suis un épidermique,
je me rends toujours sur les lieux pour
ressentir les choses. Après, chaque cas
est spécifique mais tout est important :
l’environnement, la culture, l’histoire du lieu.
Et puis tout dépend aussi du souhait du
client, du besoin du territoire qu’il représente.
X. Allard : Vos projets, qui s’intègrent
à l’environnement tout en l’embellissant,
sont-ils toujours retenus?
J.-M. Wilmotte : Certains ne passent pas,
pour des raisons de rentabilité notamment.
À Valenciennes, par exemple, mon idée était
que l’on déroule le tapis rouge pour
que ce soit chic de monter dans le tramway.
Avec plein d’idées autour de ce concept,
notamment installer un commerce différent
(fleurs, journaux…) à chaque station.
Mais je n’ai pas été suivi. D’ailleurs, pour
l’exploitant, c’était vraiment une idée
d’architecte!
Pour les Abribus des Champs-Elysées
qui nous ont été confiés, je voulais
aussi installer un fleuriste à chaque banc
pour mettre du vert et redonner une fraîcheur,
des couleurs, à la vie urbaine. Vous voyez
le petit marché aux fleurs de la place
des Ternes? C’était ça, mais multiplié par
vingt. On m’a rétorqué “pourquoi pas des
cravates?” L’idée a semblé trop fantaisiste.
Pourtant, dans certains lieux maltraités par
l’architecture, comme dans les périphéries
des villes ou certaines cités-dortoirs, je verrais
bien des tramways fluo, comme des rubans.
En région parisienne, il faudrait des trains
qui “claquent” au niveau des couleurs!
X. Allard : Cela me fait penser au tramway
de Reims dont nous venons de livrer la
première rame. Pour ce projet, nous avons
joué avec l’analogie du collier et imaginé
18 tramways qui glisseraient dans la ville
comme autant de perles de couleurs.
Le nombre de couleurs a été réduit à 8, pour
parvenir à un modèle plus industrialisable,
mais l’idée a été retenue. Car le moyen de
transport peut prendre dans la ville une part
ludique. Il peut être un repère important,
notamment en banlieue. Avant de dérouler
un projet, il faut trouver la bonne idée de
départ. Où puisez-vous votre inspiration?
J.-M. Wilmotte : Comme je me rends
toujours sur place, il y a le support visuel,
l’environnement qui m’est donné à voir.
Et puis, le client ou les élus peuvent aussi

“Lorsque vous rencontrez un client, normalement il vous
dit tout dans les dix premières minutes, vingt maximum.
C’est un moment magique parce que le projet prend
forme à mesure qu’il parle. Reste ensuite à sélectionner
la bonne équipe qui travaillera sur le projet.”
paroles et design
46
guider les choses : j’arrive sans idée
préconçue et une histoire se raconte.
Autre source d’inspiration : la technologie,
la source du produit, sa transformation. Nous
sommes, en fait, dans la recherche constante.
C’est le cas pour les matières. Notre cabinet
a été parmi les premiers à se constituer
une grande “matériauthèque”. La matière,
c’est la base du métier; c’est notre oxygène.
Chez nous, deux collaborateurs ne font
que cela : suivre l’évolution des matériaux,
des techniques, des finitions, des plaquages
de bois non encore utilisés, etc.
Avec 2 000 à 3 000 échantillons différents,
nous avons, pour l’anecdote, une des plus
belles collections de pierres.
L’évolution de matériaux comme le bois,
le fer, les synthétiques ou le verre a beaucoup
d’influence sur nos travaux, même si nous
les détournons parfois de leur utilisation
commune. J’ai fait beaucoup de recherches
récemment sur le Pyrex. Au début,
c’était pour étudier des briques de verre
pour un bâtiment. In fine, j’ai utilisé
ces travaux pour les bancs d’une chapelle.
Enfin, je suis amateur et collectionneur
d’art contemporain. Je pense que cela
m’inspire également beaucoup.
X. Allard : Quelle est la contribution
de votre client dans l’acte de création?
J.-M. Wilmotte : Elle est très importante.
Lorsque vous rencontrez un client,
normalement il vous dit tout dans les
dix premières minutes, vingt maximum.
Il vous dit ce qu’il veut mais n’arrive pas
à le concrétiser. Il vous dira toutefois
les cinq mots essentiels. C’est un moment
magique parce que le projet prend forme
à mesure qu’il parle. Reste ensuite à
sélectionner la bonne équipe qui travaillera
sur le projet.
X. Allard : Le bon projet est donc aussi
une question de bon casting?
J.-M. Wilmotte : Tout à fait. Une fois le choix
fait, je déroule mon idée initiale à l’équipe
choisie, souvent en racontant une histoire…
Dès lors, le dialogue rebondit, l’idée s’enrichit,
c’est un ping-pong interne. Le bon
collaborateur la développe en la modifiant.
Le mauvais l’applique très exactement.
Le projet avance aussi avec les réactions
du client, qui est la troisième bande du billard.
Vient ensuite la mise en forme. Nous avons
une équipe de dix personnes qui ne s’occupent
que du rendu, des supports visuels.
Porte-caténaires et mobiliers
des stations de la nouvelle ligne
de Tramway des Maréchaux
Sud à Paris.
 47
X. Allard : Le projet définitif est-il toujours
celui que vous imaginiez?
J.-M. Wilmotte : Même si nous y
investissons tout notre bon sens, il arrive que
le chiffrage modifie le projet. Car la principale
contrainte aujourd’hui est le respect
du budget. De ce fait, ce sont l’innovation
technique, la mise en œuvre et le détail
qui font la différence.
X. Allard : À propos de technique,
quelle est l’influence du numérique dans
votre inspiration?
J.-M. Wilmotte : Pas énorme. C’est une
technique parfois trompeuse. C’est surtout
un artifice de présentation car les images
générées par le numérique sont très belles.
L’image numérique permet de mieux
présenter le projet au client. Elle l’explique
de manière plus ludique, plus immédiate.
Cela ne nous empêche pas d’être à l’affût :
nous avons des collaborateurs qui passent
leur temps à chercher de nouveaux logiciels.
Des techniques comme Catia(1)
ont bien
marché et ont changé d’ailleurs la façon
de faire des voitures ou des avions.
Catia a notamment permis d’améliorer la
communication entre les différentes équipes
en charge de la conception (design, ingénierie
et industriels) et d’aller au-delà de son
imagination. C’est un incontournable dont
il nous faut suivre les développements.
X. Allard : La technologie numérique,
au niveau du vocabulaire formel, n’a donc
rien apporté à la créativité?
J.-M. Wilmotte : Je crois peu à la création
assistée par ordinateur. Je crois à la création
intelligente, à l’association mentale.
Il ne faut pas déconnecter le cerveau
du crayon. Avec la technologie qui prolifère,
si l’on continue, on aura les mêmes
formes partout. Simplement parce que
tout le monde sait se servir d’un ordinateur.
La technologie peut donc être facteur
de banalisation, pas de création.
Être un bon designer, ce n’est pas faire
de la 3D sur un écran.
(1) Conception assistée tridimensionnelle interactive appliquée.
X. Allard : Est-ce que vous pensez
avoir une signature?
J.-M. Wilmotte : Ce n’est pas moi qui
peux le dire. En tout cas, je suis fidèle à mon
propre langage. J’ai des racines classiques
et un vocabulaire qui évolue, qui s’enrichit
au fil des rencontres, des technologies,
des voyages, des lectures, des films…
Un alphabet, en somme, que j’ai transmis
à mes équipes. Donc il y a une signature
“agence” avec, de temps en temps,
des écarts que je corrige ou que j’accepte.
X. Allard : Pouvez-vous nous dire,
en conclusion, comment vous voyez
le train du futur?
J.-M. Wilmotte : Le train de demain sera
plus ergonomique avec des lieux de
rencontres mieux pensés tels que l’espace
bar, et d’une grande luminosité. Le train
du futur, je le vois silencieux. En tout cas,
acoustiquement pensé.
X. Allard : Nous considérons justement
le niveau sonore comme une composante
inaliénable du confort. Nos ingénieurs
travaillent donc énormément sur
les performances acoustiques de nos
trains, avec un grand souci du détail,
comme le bruit de la soufflerie du TGV.
J.-M. Wilmotte : Le bruit est aujourd’hui
un des grands problèmes de civilisation.
L’homme est très sensible au bruit. Certains
peuvent rendre fou. La diminution du bruit,
notamment celui des tablettes qui s’ouvrent
ou des portes coulissantes entre les voitures,
constitue donc, il me semble, une voie
de progrès. Entrer dans un train, élément
romanesque par essence, devrait être comme
pénétrer dans le silence et le feutré.
Cela me fait penser à ces sièges à oreilles
exceptionnels qui équipaient les trains
Florence-Rome dans les années 54/56.
Même le bruit des couverts – on entendait
que cela dans le restaurant – était presque
musical. Depuis, rien de plus beau,
rien de plus raffiné en matière de mobilier
ferroviaire n’a été créé.
Propos recueillis par
Carole Galland


paroles et design
48
Parcours en bref
Jean-Michel Wilmotte, né en 1948 en Picardie,
diplômé de l’École Camondo, crée son bureau
d’études Governor en 1975. Il est inscrit
à l’Ordre des architectes en 1993. Avec une
équipe de 160 personnes – architectes,
architectes-urbanistes, architectes d’intérieur,
designers… – il dirige aujourd’hui le cabinet
Wilmotte & Associés qui se voit confier de
nombreux chantiers en France et à l’étranger :
maisons privées, circuits automobiles,
centres commerciaux, logements et sièges
sociaux, hôtels, musées, aéroports…
L’agence est par ailleurs spécialisée dans
l’“architecture intérieure des villes”,
une nouvelle approche du traitement des
espaces urbains qui concerne les revêtements
(sols, murs et façades), les plantations,
l’éclairage, le mobilier urbain et les transports.
Passionné par le ferroviaire, il a aussi participé
à la réflexion et l’aménagement urbain
autour des tramways de Lyon, Rouen, Paris,
Valenciennes ou Orléans.
Conjugué à une approche sensible
des questions environnementales, culturelles
et sociales, le travail de Jean-Michel Wilmotte
a pour ambition de “faire entrer le beau
dans le quotidien et réconcilier l’homme
avec son environnement”.
49

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Alstom Transport n°5

  • 1. Contribution d’AlstomTransport au futur ferroviaire AT ©2010 05 “NOS CLIENTS SONT TOUS UNIQUES” ENTRETIEN AVEC SIR RICHARD BRANSON
  • 3. ARCHITECTURE ET DESIGN, LES LIAISONS HEUREUSES Directeur Design&Styling chez Alstom Transport, Xavier Allard rencontre le célèbre architecte, urbaniste et designer Jean-Michel Wilmotte. Comment se déploie sa démarche créative? Comment naissent les idées et les projets? À quoi pourrait ressembler le train de demain? Xavier Allard : Après une expérience dans le design, votre parcours vous a mené vers l’architecture, avec le succès que l’on connaît. Avez-vous toujours souhaité devenir architecte? Jean-Michel Wilmotte : À l’origine, je voulais créer des décors de cinéma. J’aimais l’idée de l’éphémère. Or, après 1968, les écoles spécialisées dans ce domaine ont fermé et je me suis finalement pris de passion pour l’architecture. Et puis j’ai arrêté parce que j’ai trouvé que tout ce que l’on devait faire était trop lent. Pour moi, à l’époque, des projets sur cinq ou six ans, c’était interminable. Je suis donc passé à l’architecture intérieure. J’ai travaillé au Japon où j’ai ouvert une agence. On m’a ensuite proposé un projet d’architecture. Une fois de retour en France, j’ai passé un concours d’architecture proposé par le ministère de l’Équipement. Aujourd’hui, je suis dans la recherche, l’architecture, la réhabilitation et le design. J’aime la grande variété, le fait de passer d’un sujet à l’autre. Ne pas être spécialisé est pour moi un avantage : une semaine, nous travaillons sur un hippodrome; une autre sur une cuisinière, un mobilier urbain, un chalet privé ou un musée. Chaque fois, les contraintes diffèrent. Par exemple, je sais maintenant que pour construire un hippodrome, il faut aller au-delà des exigences d’ordre général. Le “zoning” est très particulier et la configuration diffère d’un pays à l’autre. En Russie, la “corde” est à gauche, ce qui, au niveau de la ligne d’arrivée, contraint le positionnement des tribunes. Depuis cinq ans, nous travaillons sur des circuits automobiles. Un circuit n’est pas seulement une piste, mais un équipement complexe qui réunit des usagers très différents (public, presse, invités, sportifs…) dont il faut maîtriser les flux. Il s’agit aussi d’un outil événementiel à l’utilisation temporaire. De nombreux équipements habituellement intégrés aux bâtiments doivent  43
  • 4. ici être conçus comme des structures temporaires, démontables ou réutilisables. Les pistes répondent toutes à des contraintes très précises : elles doivent prévoir une ligne droite d’au moins 900 mètres avec deux ou trois possibilités de doubler, des virages conçus à la fois pour leur potentiel sportif et leur sécurité. Après la conception technique des pistes, il faut se soucier du contexte environnemental : prévoir des végétaux qui absorbent le carbone, mettre en place des protections des sols du ruissellement des hydrocarbures, répondre aux problèmes acoustiques en imaginant des revêtements de sols absorbants ou des pièges à sons installés dans les mouvements de terrain ou intégrés dans les tribunes. Tout cela constitue des domaines de recherche avancée. On s’est d’ailleurs servi de nos travaux assez sophistiqués sur l’absorption du bruit pour les réseaux ferrés. X. Allard : Cette progression personnelle du design vers l’architecture facilite-t-elle l’intégration de l’objet dessiné dans le contexte qui l’environne? J.-M. Wilmotte : Chaque création est pensée en fonction de l’espace où elle s’intègre, de son contexte à la fois géographique, historique, culturel. Prenez le cas du tramway : c’est souvent l’occasion de revitaliser un lieu. À Paris, par exemple, les boulevards extérieurs étaient vraiment esthétiquement abîmés. Regardez maintenant comment le tramway a changé les lieux! Quand on pense requalification, on pense au sol, à l’environnement, au mobilier urbain, aux distributeurs de billets, à la signalétique… le projet va dépendre du contexte urbain dans lequel il s’insère. En outre, les porte-caténaires que nous avons conçus pour les Maréchaux parisiens sont de vrais objets dessinés : des mâts bruns tels des troncs et des branches argentées qui réagissent à la lumière… Ils ont été inspirés par le besoin de réinjecter, sur ces lieux visuellement délaissés, une référence végétale. X. Allard : L’approche de Design&Styling est comparable mais nous n’avons pas de contact direct avec le passager ou le client pendant la phase d’appel d’offres. Alors, nous faisons des hypothèses sur ce qui pourrait être apprécié par l’opérateur. Nous devons, par exemple, penser le matériel Tour Signal, projet finaliste du concours pour l’aménagement de la Défense. paroles et design  44
  • 5. roulant en fonction du mobilier, trouver une cohérence, établir des clins d’œil. Dès lors, le détail prend toute son importance. J.-M. Wilmotte : L’expérience du design apporte en effet l’exigence du détail. On part d’un objet, puis on l’élargit à son contexte. Quand je conçois une tour – qui est un jeu de volumétrie dans l’espace, un rapport de proportions hauteur/largeur, de profilements – l’approche est similaire à celle que je peux avoir pour un objet. Après, tout est question de centimètres et d’échelle. Quoi qu’il en soit, je pense toujours intérieur et extérieur, je suis un obsessionnel du détail. Rien que pour le musée d’art islamique de Doha que nous venons d’achever, nous avons produit 1 200 plans! Certains d’entre eux vont même jusqu’à indiquer l’emplacement et le profil des vis. X. Allard : Quelle est concrètement la place du design au sein du cabinet Wilmotte? J.-M. Wilmotte : Sur 160 collaborateurs, 8 ne font que du design : mobilier urbain, accessoires de cuisine, luminaires, meubles... D’un point de vue quantitatif, c’est relativement peu. Mais notre département design intégré est notre valeur ajoutée. Nous savons répondre au client en concevant soit un objet unique, soit un objet en grande série, voire même une gamme entière de produits. Nous travaillons, par exemple, sur les célèbres cuisinières en fonte La Cornue. Hors de question de dénaturer ces objets de luxe et de tradition qui datent du début du XXe siècle. En revanche, il n’est pas difficile d’ajouter des détails aux éléments structurants déjà en place : la fonte, la porte ou la poignée. En somme, il s’agit de réinventer tout en respectant l’esprit, de dessiner autour des codes que l’on reprend. C’est comme cela que nous avons conçu La Cornue du troisième millénaire.  “Chaque création est pensée en fonction de l’espace où elle s’intègre, de son contexte à la fois géographique, historique, culturel.” 45
  • 6. X. Allard : Au-delà de cette importance du détail, quelles sont vos principales exigences dans votre travail? J.-M. Wilmotte : Le bruit et la lumière figurent parmi mes grandes préoccupations. Ainsi, à Paris, notre projet de mobilier urbain autour du nouveau tramway a gagné le concours grâce au travail sur la lumière : les toitures changent de couleur à l’arrivée des tramways ou lors d’événements particuliers comme le 14 juillet ou la Gay Pride. Ces toitures sont à la fois très fines, très aériennes et très solides parce qu’elles doivent pouvoir supporter, en cas de manifestations, 15 ou 20 personnes! X. Allard : Certains architectes ou designers ont tendance à prôner la rupture plutôt que l’intégration. Or, il semble finalement plus difficile et plus exigeant de s’inscrire dans la continuité, le respect de ce qui a été fait auparavant. Quand vous abordez un projet, que prenez-vous d’abord en compte? J.-M. Wilmotte : Je suis un épidermique, je me rends toujours sur les lieux pour ressentir les choses. Après, chaque cas est spécifique mais tout est important : l’environnement, la culture, l’histoire du lieu. Et puis tout dépend aussi du souhait du client, du besoin du territoire qu’il représente. X. Allard : Vos projets, qui s’intègrent à l’environnement tout en l’embellissant, sont-ils toujours retenus? J.-M. Wilmotte : Certains ne passent pas, pour des raisons de rentabilité notamment. À Valenciennes, par exemple, mon idée était que l’on déroule le tapis rouge pour que ce soit chic de monter dans le tramway. Avec plein d’idées autour de ce concept, notamment installer un commerce différent (fleurs, journaux…) à chaque station. Mais je n’ai pas été suivi. D’ailleurs, pour l’exploitant, c’était vraiment une idée d’architecte! Pour les Abribus des Champs-Elysées qui nous ont été confiés, je voulais aussi installer un fleuriste à chaque banc pour mettre du vert et redonner une fraîcheur, des couleurs, à la vie urbaine. Vous voyez le petit marché aux fleurs de la place des Ternes? C’était ça, mais multiplié par vingt. On m’a rétorqué “pourquoi pas des cravates?” L’idée a semblé trop fantaisiste. Pourtant, dans certains lieux maltraités par l’architecture, comme dans les périphéries des villes ou certaines cités-dortoirs, je verrais bien des tramways fluo, comme des rubans. En région parisienne, il faudrait des trains qui “claquent” au niveau des couleurs! X. Allard : Cela me fait penser au tramway de Reims dont nous venons de livrer la première rame. Pour ce projet, nous avons joué avec l’analogie du collier et imaginé 18 tramways qui glisseraient dans la ville comme autant de perles de couleurs. Le nombre de couleurs a été réduit à 8, pour parvenir à un modèle plus industrialisable, mais l’idée a été retenue. Car le moyen de transport peut prendre dans la ville une part ludique. Il peut être un repère important, notamment en banlieue. Avant de dérouler un projet, il faut trouver la bonne idée de départ. Où puisez-vous votre inspiration? J.-M. Wilmotte : Comme je me rends toujours sur place, il y a le support visuel, l’environnement qui m’est donné à voir. Et puis, le client ou les élus peuvent aussi  “Lorsque vous rencontrez un client, normalement il vous dit tout dans les dix premières minutes, vingt maximum. C’est un moment magique parce que le projet prend forme à mesure qu’il parle. Reste ensuite à sélectionner la bonne équipe qui travaillera sur le projet.” paroles et design 46
  • 7. guider les choses : j’arrive sans idée préconçue et une histoire se raconte. Autre source d’inspiration : la technologie, la source du produit, sa transformation. Nous sommes, en fait, dans la recherche constante. C’est le cas pour les matières. Notre cabinet a été parmi les premiers à se constituer une grande “matériauthèque”. La matière, c’est la base du métier; c’est notre oxygène. Chez nous, deux collaborateurs ne font que cela : suivre l’évolution des matériaux, des techniques, des finitions, des plaquages de bois non encore utilisés, etc. Avec 2 000 à 3 000 échantillons différents, nous avons, pour l’anecdote, une des plus belles collections de pierres. L’évolution de matériaux comme le bois, le fer, les synthétiques ou le verre a beaucoup d’influence sur nos travaux, même si nous les détournons parfois de leur utilisation commune. J’ai fait beaucoup de recherches récemment sur le Pyrex. Au début, c’était pour étudier des briques de verre pour un bâtiment. In fine, j’ai utilisé ces travaux pour les bancs d’une chapelle. Enfin, je suis amateur et collectionneur d’art contemporain. Je pense que cela m’inspire également beaucoup. X. Allard : Quelle est la contribution de votre client dans l’acte de création? J.-M. Wilmotte : Elle est très importante. Lorsque vous rencontrez un client, normalement il vous dit tout dans les dix premières minutes, vingt maximum. Il vous dit ce qu’il veut mais n’arrive pas à le concrétiser. Il vous dira toutefois les cinq mots essentiels. C’est un moment magique parce que le projet prend forme à mesure qu’il parle. Reste ensuite à sélectionner la bonne équipe qui travaillera sur le projet. X. Allard : Le bon projet est donc aussi une question de bon casting? J.-M. Wilmotte : Tout à fait. Une fois le choix fait, je déroule mon idée initiale à l’équipe choisie, souvent en racontant une histoire… Dès lors, le dialogue rebondit, l’idée s’enrichit, c’est un ping-pong interne. Le bon collaborateur la développe en la modifiant. Le mauvais l’applique très exactement. Le projet avance aussi avec les réactions du client, qui est la troisième bande du billard. Vient ensuite la mise en forme. Nous avons une équipe de dix personnes qui ne s’occupent que du rendu, des supports visuels. Porte-caténaires et mobiliers des stations de la nouvelle ligne de Tramway des Maréchaux Sud à Paris.  47
  • 8. X. Allard : Le projet définitif est-il toujours celui que vous imaginiez? J.-M. Wilmotte : Même si nous y investissons tout notre bon sens, il arrive que le chiffrage modifie le projet. Car la principale contrainte aujourd’hui est le respect du budget. De ce fait, ce sont l’innovation technique, la mise en œuvre et le détail qui font la différence. X. Allard : À propos de technique, quelle est l’influence du numérique dans votre inspiration? J.-M. Wilmotte : Pas énorme. C’est une technique parfois trompeuse. C’est surtout un artifice de présentation car les images générées par le numérique sont très belles. L’image numérique permet de mieux présenter le projet au client. Elle l’explique de manière plus ludique, plus immédiate. Cela ne nous empêche pas d’être à l’affût : nous avons des collaborateurs qui passent leur temps à chercher de nouveaux logiciels. Des techniques comme Catia(1) ont bien marché et ont changé d’ailleurs la façon de faire des voitures ou des avions. Catia a notamment permis d’améliorer la communication entre les différentes équipes en charge de la conception (design, ingénierie et industriels) et d’aller au-delà de son imagination. C’est un incontournable dont il nous faut suivre les développements. X. Allard : La technologie numérique, au niveau du vocabulaire formel, n’a donc rien apporté à la créativité? J.-M. Wilmotte : Je crois peu à la création assistée par ordinateur. Je crois à la création intelligente, à l’association mentale. Il ne faut pas déconnecter le cerveau du crayon. Avec la technologie qui prolifère, si l’on continue, on aura les mêmes formes partout. Simplement parce que tout le monde sait se servir d’un ordinateur. La technologie peut donc être facteur de banalisation, pas de création. Être un bon designer, ce n’est pas faire de la 3D sur un écran. (1) Conception assistée tridimensionnelle interactive appliquée. X. Allard : Est-ce que vous pensez avoir une signature? J.-M. Wilmotte : Ce n’est pas moi qui peux le dire. En tout cas, je suis fidèle à mon propre langage. J’ai des racines classiques et un vocabulaire qui évolue, qui s’enrichit au fil des rencontres, des technologies, des voyages, des lectures, des films… Un alphabet, en somme, que j’ai transmis à mes équipes. Donc il y a une signature “agence” avec, de temps en temps, des écarts que je corrige ou que j’accepte. X. Allard : Pouvez-vous nous dire, en conclusion, comment vous voyez le train du futur? J.-M. Wilmotte : Le train de demain sera plus ergonomique avec des lieux de rencontres mieux pensés tels que l’espace bar, et d’une grande luminosité. Le train du futur, je le vois silencieux. En tout cas, acoustiquement pensé. X. Allard : Nous considérons justement le niveau sonore comme une composante inaliénable du confort. Nos ingénieurs travaillent donc énormément sur les performances acoustiques de nos trains, avec un grand souci du détail, comme le bruit de la soufflerie du TGV. J.-M. Wilmotte : Le bruit est aujourd’hui un des grands problèmes de civilisation. L’homme est très sensible au bruit. Certains peuvent rendre fou. La diminution du bruit, notamment celui des tablettes qui s’ouvrent ou des portes coulissantes entre les voitures, constitue donc, il me semble, une voie de progrès. Entrer dans un train, élément romanesque par essence, devrait être comme pénétrer dans le silence et le feutré. Cela me fait penser à ces sièges à oreilles exceptionnels qui équipaient les trains Florence-Rome dans les années 54/56. Même le bruit des couverts – on entendait que cela dans le restaurant – était presque musical. Depuis, rien de plus beau, rien de plus raffiné en matière de mobilier ferroviaire n’a été créé. Propos recueillis par Carole Galland   paroles et design 48
  • 9. Parcours en bref Jean-Michel Wilmotte, né en 1948 en Picardie, diplômé de l’École Camondo, crée son bureau d’études Governor en 1975. Il est inscrit à l’Ordre des architectes en 1993. Avec une équipe de 160 personnes – architectes, architectes-urbanistes, architectes d’intérieur, designers… – il dirige aujourd’hui le cabinet Wilmotte & Associés qui se voit confier de nombreux chantiers en France et à l’étranger : maisons privées, circuits automobiles, centres commerciaux, logements et sièges sociaux, hôtels, musées, aéroports… L’agence est par ailleurs spécialisée dans l’“architecture intérieure des villes”, une nouvelle approche du traitement des espaces urbains qui concerne les revêtements (sols, murs et façades), les plantations, l’éclairage, le mobilier urbain et les transports. Passionné par le ferroviaire, il a aussi participé à la réflexion et l’aménagement urbain autour des tramways de Lyon, Rouen, Paris, Valenciennes ou Orléans. Conjugué à une approche sensible des questions environnementales, culturelles et sociales, le travail de Jean-Michel Wilmotte a pour ambition de “faire entrer le beau dans le quotidien et réconcilier l’homme avec son environnement”. 49