Points-clés
Faciliter le changement de comportement par les formations humaines. Chaque apprenant démarre son apprentissage par une série de formations humaines. La première formation concerne la résolution pacifique des conflits, basée sur la communication non-violente. Cette formation permet aux candidats recrutés de dépasser les clivages ethniques, politiques, religieuses et favorise l’harmonie sociale au travail.
Un règlement de travail pour tous. L’ensemble des apprenants doit s’y conformer sans distinction. Ainsi, les différentes catégories d’apprenants partagent les mêmes valeurs professionnelles.
Niveler les différences par le travail. Tout le monde démarre au même niveau et peut évoluer selon son mérite et ses compétences. Chacun bénéficie de la même chance.
Solidarité communautaire et appropriation des infrastructures. La participation aux travaux d’infrastructures permet de développer l’appartenance à une identité commune. Les apprenants sont fiers d’avoir contribués au bien-être de leur commune en rendant les quartiers plus propres et mieux entretenus.
Encourager au maximum le dialogue. La communication claire et transparente est facilitée par des organisations indépendantes qui travaillent pour le Projet Pavage, ce qui permet de désamorcer les conflits et d’encourager le dialogue.
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Face à cette situation visant à cibler certaines catégories,
la méthodologie choisie pour offrir à chacun la même chance
a été l’identification par tirage au sort. Un travail de sensibili-
sation et de communication a dû être fait auprès des autorités
communales, des élus locaux, des représentants d’associa-
tions locales et des églises. Des critères objectifs pour pouvoir
participer au tirage au sort ont ensuite été définis. Il faut rési-
der dans le quartier, ne pas être scolarisé, avoir entre 18 ans et
45 ans et posséder une carte d’identité valable. Des critères
quantitatifs sont mis en place pour garantir la parité hommes-
femmes et assurer une représentation équitable par quartier.
Au moment de l’identification, toutes les personnes dans le
besoin sont donc soumises aux mêmes conditions d’éligibilité :
il suffit de satisfaire aux critères pour participer au tirage au sort.
Afin de prévenir toutes contestations liées au manque d’infor-
mation, l’annonce d’une journée d’identification est largement
diffusée au niveau des communes d’intervention (réunions,
affichages, communiqués dans les lieux de cultes et lieux
publics). Les candidats sont classés par quartier et reçoivent
des tickets numérotés. Aucune distinction ethnique, politique
ou confessionnelle n’est faite. Il est ensuite procédé au tirage
au sort public. Après vérification de la validité de chaque can-
didature, on remplit une fiche d’identification pour chaque
apprenant. Cette fiche comporte des informations concernant
l’identité de l’apprenant, son niveau d’études, ses éventuelles
qualifications en construction. Quelques jours plus tard, la
liste des futurs apprenants identifiés est publiée.
Faciliter la réconciliation par la résolution
pacifique des conflits
Une formation en résolution pacifique des conflits a lieu
avant le début du chantier-école. Ce cours se base sur des
exemples locaux et les témoignages des participants. Il vise
notamment à enseigner les bases de la communication non
violente. Ensuite, pendant les travaux de chantier, qui durent
jusqu'à neuf mois, les différentes catégories de population se
côtoient et découvrent qu’elles peuvent vivre ensemble sans
heurt. Le travail constitue donc un facteur de rapprochement
entre des communautés naguère divisées.
Il fut un temps où des personnes d’ethnie ou de religions différentes ne pouvaient
pas communiquer ou travailler ensemble, suite à la crise qui a secoué notre pays
et plus particulièrement ma commune. Mais depuis que j'ai incorporé le
chantier-école, j’ai constaté que tout était possible grâce aux différentes
formations dont j’ai bénéficié et au respect qui s’est développé entre les apprenants
de tous les groupes.
Édith
ex-apprenante chef d’équipe
“
”
Auparavant, je voyais des gens
en conflit, je continuais mon chemin.
Maintenant, j’interviens pour calmer
la situation. Bon nombre de gens
sont devenus amis…
Bape Manirambona
ex-apprenant maçon
“
”
Promotion de l’équité et de la réinsertion
Auparavant, l’aide à la réinsertion socio-économique des mé-
nages sinistrés et des jeunes en fin de cycle de formation était
généralement accordée suivant des critères variables et en
fonction des objectifs du projet. Cela était perçu comme in-
juste et pouvait donc devenir source de tensions puisqu’avec
des conditions de vie semblables, des personnes d’une
même localité n’avaient pas forcément droit au même type
d’assistance.
Pour corriger cette situation, le Projet Pavage a instauré, en
remplacement de l’aide à la réinsertion socio-économique,
un système de bourse d’installation, le même montant pour
tous. Tout apprenant du chantier-école bénéficie d’une bourse
d’installation qu’il perçoit à la fin du cycle d’apprentissage et
dont le montant est proportionnel au nombre de jours consa-
crés aux travaux et à la formation. Les apprenants ont tous
droit aux mêmes conditions d’insertion socio-économique
après le chantier.
En fonction des affinités nées durant les travaux, des groupes
d’entraide se mettent ensuite en place pour démarrer des
activités génératrices de revenus. Dans les quartiers, de nou-
velles relations se sont ainsi tissées entre des personnes de
catégories différentes.
4. 4
Élaboration d’un cadre règlementaire
Les chantiers-écoles rassemblent chaque jour environ 750 ap-
prenants issus de catégories sociales différentes pour effec-
tuer diverses activités de construction de routes pavées. Sur
ce type de chantier, il arrive que des apprenants se plaignent
lorsqu’ils sont affectés à des tâches pénibles, qu’ils se que-
rellent entre eux ou qu’ils réclament des avantages sociaux et
financiers.
Afin de prévenir cette situation, un cadre règlementaire pour
une gestion administrative, technique et financière du projet a
été élaboré. Ce règlement du chantier-école tient compte du
profil social des apprenants et de la nature des activités. Ce
document approuvé par le Ministère ayant la formation profes-
sionnelle et des métiers dans ses attributions, régit l’organisa-
tion des activités, les conditions de recrutement et les condi-
tions de participation aux travaux, les règles de discipline, les
rôles et les responsabilités des partenaires ainsi que les sanc-
tions positives et négatives, etc. Chaque apprenant est soumis
au même régime de droits et de responsabilités et ils partagent
tous les mêmes valeurs professionnelles. Avec ce règlement,
les apprenants ont découvert qu’ils pouvaient vivre ensemble,
indépendamment de leurs catégories socio-politiques.
Une communication claire et efficace
Le contexte de pauvreté aiguë des communautés et les diffé-
rents clivages qui y existent poussaient certains responsables
à fausser, voire à monnayer les informations concernant le
processus d’identification. Pour faire face à cette situation, le
Projet Pavage a mis en place un dispositif de communication
et d’information : un panneau d’affichage est placé dans le
chef-lieu de chaque commune ; les informations sont égale-
ment affichées sur les sites où ont lieu les travaux. Pour expli-
quer les messages et recueillir les doléances à portée sociale,
un employé d’une organisation locale reste aux côtés des
apprenants. En outre, organisation partenaire en charge de la
gestion sociale gère l'informations et les doléances salariales
et une autre organisation en charge de la gestion organisation-
nelle reste en permanence sur place pour évaluer les commu-
nications entre les apprenants et les partenaires afin de veiller
à ce que les explications fournies soient cohérentes et claires.
Cela réduit le risque d’une déformation des messages et de
pertes de temps dans la gestion des doléances ou des conflits
sur les chantiers.
Sur chaque chantier, un carnet social du chantier-école per-
met d’enregistrer les faits quotidiens (accidents, conflits, de-
mandes de congé pour cause de décès dans la famille, per-
turbations du chantier, sanctions). Ce carnet social complète
le journal de chantier classique que les ingénieurs utilisent
pour le suivi des travaux.
Parfois, les apprenants ont des messages difficiles à com-
muniquer verbalement aux personnels du projet et aux par-
tenaires, comme dans le cas de doléances contre des chefs
hiérarchiques et l’équipe technique ou d’accusations de vols
commis par des collègues. Pour recueillir ce genre d’informa-
tions confidentielles, des boîtes à suggestions ont été instal-
lées sur chaque chantier. Un des risques de cette pratique est
de favoriser la délation et d’utiliser ce moyen pour régler leurs
comptes. Dans la pratique, ces boîtes à suggestions sont
moins bien utilisées qu’au début puisqu’ils ont l’impression
que cela ne sert à rien.
Graphique 1 : Gestion de la communication au sein du Projet Pavage.
La réconciliation par le travail : le cas du Projet Pavage au Burundi
6. La CTB, l’agence belge de
développement, appuie et encadre
des programmes de développement
pour le compte de l’État belge
et d’autres donneurs d'ordre.
Ont participé et contribué
à cette publication
Chanoine Olivier,
Dubois Pierre-Yves,
Habonimana Yvonne,
Hocq Stéphanie,
Mateso Faustin,
Nibashikire Cariton,
Niyonizigiye Bonaventure,
Nkurunziza Fabrice.
Ont apporté un appui technique
et de relecture
Baltissen Gérard (KIT),
Rerolle Antoine.
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