Le projet « Développement économique et social via les chantiers de pavage » ou Projet Pavage (2009-2015) est géré par l'Agence belge de développement (CTB) et le gouvernement burundais. Ce projet consiste en la construction de 36 kilomètres de routes pavées dans le cadre de chantiers-écoles situés dans les communes de Kinama, Kamenge et Cibitoke, au nord de la ville de Bujumbura. Ces chantiers appliquent la méthode à haute intensité de main d’oeuvre (HIMO). A terme, le Projet Pavage permettra de fournir des emplois à environ 4 500 personnes résidant dans ces communes, pour une période de maximum neuf mois. Environ 13 % des ménages habitant dans la zone d’intervention seront touchés par le projet.
Au-delà de la rénovation des infrastructures, le Projet Pavage a pour but de contribuer au développement et à la redynamisation économique et sociale de ces communes, qui ont été gravement atteintes par la guerre de 1993-2004. Durant le cycle d’apprentissage, les apprenants suivent un apprentissage du pavage sur les chantiers-écoles (pose de pavé, maçonnerie, bétonnage…) et bénéficient d’autres formations humaines, professionnelles et entrepreneuriales.
Ils finalisent leur cycle d’apprentissage par une formation en éveil entrepreneurial et reçoivent une bourse d’installation. Cette bourse leur permet de lancer leur propre activité génératrice de revenus. Pour ceux qui le désirent, un accompagnement personnalisé est proposé au lancement des activités génératrices de revenus.
En parallèle à ces chantiers-écoles de pavage, les tailleurs de pavés qui travaillent dans les carrières avoisinant la ville de Bujumbura, bénéficient d’un soutien technique et organisationnel. Constituant un point d’attention du Projet Pavage, un appui à la bonne gestion environnementale des carrières est aussi fourni aux tailleurs de pavés.
3. 3
Promotion interne et développement des
compétences personnelles
Une fois recrutés, tous les candidats commencent par la
catégorie apprenant tous travaux, qui correspond à la main-
d’œuvre non qualifiée (catégorie A). Désormais, les candidats
sont affectés au chantier indépendamment des qualifications
qu’ils ont déclarées lors de l’identification. Dès le premier
jour, les apprenants perçoivent une bourse journalière d’ap-
prentissage. Le paiement de cette bourse s’effectue tous les
15 jours. Cette indemnité est calculée selon le niveau de qua-
lification de l’apprenant.
Au début du Projet, la promotion interne était basée sur la
seule décision du chef de chantier, sans fiche de suivi-éva-
luation, ce qui nuisait au principe d’impartialité et d’évaluation
efficace des candidats à une promotion. Il a donc été décidé
de créer une commission comprenant le chef de chantier, les
ingénieurs et la coordination technique, et d’établir des cri-
tères objectifs d’évaluation. Les organisations partenaires res-
ponsables de la gestion sociale et organisationnelle sur chan-
tier ont été associées au processus de promotion. Après la
réunion, les résultats du processus de promotion sont affichés
sur les lieux de travail.
Chaque apprenant peut donc devenir, par ses compétences
et sa motivation, apprenant qualifié (catégorie B) ou chef
d’équipe (catégorie C) en faisant preuve de compétences
techniques et pratiques sur le chantier. Ils seront évalués selon
certains critères : leurs capacités dans les travaux demandés,
leur motivation personnelle, leur compréhension de la tâche
qu’ils ont et leur comportement dans l’équipe.
Les candidats potentiels sont admis à une période de suivi-
évaluation par la commission, en vue de passer de la catégo-
rie A apprenant tous travaux à la catégorie B ou C. Chaque
membre de l’équipe technique évalue les critères de perfor-
mance définis par la fiche de suivi-évaluation et sélectionne
par consensus les candidats admis à la promotion. Le suivi-
évaluation des candidats est individuel et les critères d’éva-
luation seront choisis en fonction de la fonction à laquelle il
prétend. Après 15 jours, une séance de validation des com-
pétences est organisée par l’équipe technique.
Le processus de promotion mis en place par le Projet Pavage,
basé entièrement sur le mérite et les compétences donnent
véritablement à tous l’opportunité d’occuper une fonction plus
qualifiée. Toute personne capable, qu’elle ait de l’expérience
ou non, peut accéder à une qualification professionnelle,
ce qui réduit l’effet du corporatisme, largement répandu au
Burundi. L’élément essentiel de l’évaluation est alors le respect
du rendement et la qualité du travail effectué quotidiennement
par le groupe et par l’individu. Une des motivations à changer
de catégorie, c’est aussi de bénéficier d’une rémunération
plus importante.
Je remercie le Projet Pavage de m’avoir donné la formation de chef d’équipe.
Quand j’ai été recrutée, je n’étais qu’apprenant tous travaux. Petit à petit,
j’ai été formée comme chef d’équipe et j’ai terminé la formation avec une expérience
pointue dans ce domaine, reconnue par un certificat. C’est pourquoi quand j’ai appris
qu’on cherchait des maçons pour le chantier de construction du nouveau marché
de Bujumbura, j’ai postulé au poste de chef d’équipe sans hésiter.
Quand je me suis présentée le jour du recrutement, les gens ont été étonnés
de voir une femme parmi les candidats chefs d’équipe. Ils ne me croyaient pas
quand je disais que j’avais travaillé comme chef d’équipe. Les chefs ont failli
me refuser le travail mais j’ai pu présenter les certificats du Projet Pavage.
Vestine
Ex-chef d’équipe sur le chantier-école, au moment de l'interview chef d’équipe sur le chantier
de construction du nouveau marché de Bujumbura
“
”
Tableau 1 : Promotion interne - montant des bourses par catégorie et par jour (chiffre pour 2013).
Catégorie
Bourse
d’apprentissage
Bourse
d’installation
Total
Catégorie C
Chef d’équipe / capita
3 €
(6 500 FBU)
0,6 €
(1 200 FBU)
3,6 €
Catégorie B
Apprenant qualifié
2,3 €
(5 000 FBU)
3,3 €
Catégorie A
Apprenant tous travaux /
non qualifié
1,6 €
(3 000 FBU)
2,2 €
Commission validant la promotion
des candidats
Chefs de chantiers, prestataires de
gestion de chantiers, ingénieurs du projet
6. La CTB, l’agence belge de
développement, appuie et encadre
des programmes de développement
pour le compte de l’État belge
et d’autres donneurs d'ordre.
Ont participé et contribué
à cette publication
Chanoine Olivier,
Dubois Pierre-Yves,
Habonimana Yvonne,
Hocq Stéphanie,
Mateso Faustin,
Nibashikire Cariton,
Niyonizigiye Bonaventure,
Nkurunziza Fabrice.
Ont apporté un appui technique
et de relecture
Baltissen Gérard (KIT),
Rerolle Antoine.
Cette note est publiée sous Licence
Creative Commons « by/nc/nd »
Dissémination du concept
Le recours aux méthodes HIMO sur les chantiers d’infrastruc-
tures pour créer des emplois est déjà intégré dans la politique
nationale burundaise de lutte contre la pauvreté1
. Malheureu-
sement, la transposition pratique de la méthode HIMO aux
chantiers d’infrastructures est timide et sa généralisation se
fait attendre. Pourtant, la combinaison du travail et de la for-
mation pour améliorer les capacités des participants est un
investissement à long terme pour le développement.
Le concept des chantiers-écoles va plus loin que la méthode
HIMO seule. Elle permet, le développement des compétences
des populations-cibles, tout en encourageant l’amélioration
des infrastructures au bénéfice des populations. Valorisé
par les compétences acquises, ils le sont d’autant plus dans
leur quotidien au contact direct des infrastructures qu’ils ont
construit. Cela contribue au sentiment d’appropriation des in-
frastructures, à l’amélioration des relations interpersonnelles
et à la prévention des conflits au sein des communautés.
Ces chantiers-écoles pourraient être intégrés à tout marché
de construction de l’État. Le type de chantier HIMO déve-
loppé par le Projet Pavage pourrait être transposé dans bon
nombre d’autres secteurs, notamment le secteur agricole. On
peut ainsi envisager de réaliser des aménagements hydroa-
gricoles, de construire des infrastructures de stockage et de
transformation et de gérer les cours d’eau via l’aménagement
des berges par la méthode HIMO. Les petits agriculteurs enga-
gés pour faire ce travail pourraient être formés en techniques
de production et de conservation des produits agricoles, par
exemple. Dans le domaine des infrastructures routières, les
formations dispensées pourraient porter sur l’entretien de ces
infrastructures.
Une autre opportunité de transposition de la méthode est le
domaine de la formation socio-professionnelle car les chan-
tiers-écoles sont aussi valables dans le cadre des travaux pra-
tiques des écoles techniques et professionnelles, sous forme
de projets pédagogiques appliqués.
1 | « Dans ce contexte, l’analyse des priorités pour la consolidation de la paix au Burundi (2011-2015) met l’accent sur les objectifs
visant à : (i) promouvoir l’entreprenariat des jeunes, l’accès au crédit et la création d’emplois, (ii) améliorer l’encadrement de la
jeunesse, (iii) promouvoir les droits de l’homme et des jeunes et (iv) promouvoir le droit des jeunes à un emploi décent. La Stratégie
Nationale pour la réintégration socio-économique de la population affectée par la crise et pour le relèvement économique définit les
principes qui doivent guider la politique de réintégration économique. Son but est d’adapter les programmes de réintégration à la
demande d’emploi et de promouvoir les créneaux économiques porteurs et les projets HIMO. » CSLP 2 – deuxième génération, p. 79.