4 pages, Auteur(s) : Bénédicte GUALBERT, Julien TUILLIER
Les attentats de début janvier ont eu des répercussions considérables sur l’activité des commerçants parisiens pendant les soldes : frappés par la désaffection des consommateurs, ceux-ci n’ont même pas atteint les chiffres d’affaires de l’hiver dernier, pourtant déjà très décevants.
1. février 2015
des soldes à oublier
L’enquête menée par le CROCIS de la CCI de région Paris-Ile-de-France est réalisée
sur l’ensemble des arrondissements parisiens et dans tous les secteurs d’activités
concernés par les soldes. Elle est en outre complétée par des entretiens qualitatifs
auprès des commerçants de la rue de Rennes. Elle offre ainsi des résultats représen-
tatifs de l’ensemble du commerce parisien.
Les attentats de début janvier ont eu des répercussions considérables
sur l’activité des commerçants parisiens pendant les soldes : frappés par
la désaffection des consommateurs, ceux-ci n’ont même pas atteint les
chiffres d’affaires de l’hiver dernier, pourtant déjà très décevants. Des
démarques anticipées n’ont pas réussi à compenser un démarrage raté,
qui s’ajoute à une saison bien terne sur fond de baisse de la consomma-
tion.
Les attentats au début des soldes :
un impact majeur
Pour 87 % des commerçants, les attentats de début
janvier ont eu des répercussions importantes
(27 %) ou très importantes (60 %) sur les soldes : la
baisse de fréquentation a été générale puisque 99 %
des commerçants l’ont observée : « Dès l’annonce de
l’attentat, la rue s’est vidée en une demi-heure », nous a
déclaré le gérant d’un magasin de chaussures de la rue
de Rennes. Le premier attentat a eu lieu le premier jour
des soldes, qui est traditionnellement un jour de forte
affluence. « Et les clients ne sont pas revenus avant une
semaine », renchérit-il. Or c’est traditionnellement dans
les tout premiers jours que se réalise le plus gros des
achats : « c’est la première semaine que tout se joue, et
les boutiques étaient vides, les médias ne parlaient que des
attentats ». Même si après une semaine, les clients ont
peu à peu retrouvé le chemin des commerces, le mal
était fait : « On ne rattrape jamais ce qui a été perdu ! », se
désole un commerçant en articles de sport.
CENTRE REGIONAL D’OBSERVATION
DU COMMERCE DE L’INDUSTRIE ET
DES SERVICES
Par rapport aux soldes d’hiver de l’année dernière,
votre chiffre d’affaires est-il ?
Source : enquête Médiamétrie-CROCIS
Enquête Soldes d’hiver 2015
Inférieur
75%
Egal
18%
Supérieur
7%
2. Enquête Soldes d’hiver 2015 2
96 % des commerçants estiment que leur chiffre
d’affaires a pâti de cette actualité : « d’abord les gens
ont eu peur des attentats, ils étaient plutôt devant leur
télévision, et même ensuite, les gens n’avaient pas la tête à
consommer, ça devait leur sembler trop futile ».
Pour 25 % des commerçants, les soldes n’ont pas
entraîné de surplus de chiffre d’affaires, et pour 45 %
ce surplus a été compris entre 0 et 20 % de plus qu’un
mois normal. 71 % des commerçants se déclarent donc
insatisfaits de leur chiffre d’affaires, qu’ils jugent à 75 %
inférieur à celui de l’hiver dernier, pourtant déjà bien
peu élevé.
Faute de clients, 15 % des commerçants ont même
dû fermer temporairement leur magasin, lors de leur
ouverture exceptionnelle le premier dimanche des
soldes « Nous n’avions eu que trois clients dans la matinée,
alors à 15 heures nous avons décidé de fermer le magasin,
ça ne servait à rien de faire de la présence », indique une
commerçante en lingerie du 6e arrondissement. Il faut
dire que le premier dimanche des soldes se tenait la
marche républicaine qui a réuni plus d’un million de
personnes à Paris.
Afin de faire revenir les consommateurs, les commer-
çants ont aussitôt réagi en anticipant la deuxième
démarque, sans attendre la deuxième semaine : « il
fallait faire quelque chose, nous avons sorti les grands
moyens, il fallait vraiment proposer de bonnes affaires pour
inciter les clients à entrer dans le magasin ». Un quart des
commerçants est allé jusqu’à proposer des démarques
de 70 % pour attirer les clients dès la première semaine.
Une saison automne hiver bien terne
En effet, les commerçants devaient écouler les stocks
d’invendus qu’il leur restait après une saison automne-
hiver peu réjouissante.
65 % des commerçants se disent insatisfaits de la saison,
ils sont même 32 % à se déclarer « pas du tout satisfaits »,
soit 8 points de plus que l’année dernière. De nombreux
commerçants étaient bien loin de leurs objectifs fixés
en début de saison : « Moins de fréquentation, donc
moins de ventes, c’est mécanique. On a eu 22 % de trafic en
moins cette saison, comment voulez-vous qu’on fasse notre
chiffre ? », interroge cette gérante d’une boutique de
prêt-à-porter.
Echaudés par les années précédentes, les commerçants
avaient fait en sorte de limiter les stocks, mais ils étaient
quand même 32 % à posséder des stocks supérieurs à
l’hiver dernier. Car la météo n’a pas joué en leur faveur :
la douceur de l’automne n’a pas favorisé la vente
de pièces chaudes comme les manteaux, doudounes
et bottes fourrées. 54 % des commerçants n’avaient
d’ailleurs toujours pas installé la nouvelle collection
début février, faute de place.
Selon vous, les attentats commis à Paris
au début des soldes ont-ils eu sur votre
activité des répercussions…
Source : enquête Médiamétrie-CROCIS
Quels types de répercussions les attentats ont-ils eu
sur votre activité ?
Source : enquête Médiamétrie-CROCIS
Très importantes
60%
Importantes
27%
Peu importantes
10%
Aucune répercussion
3%
96 % 99 %
15 %
5 %
Baisse de
chiffre d’affaires
Baisse de
fréquentation
Fermeture
temporaire du
magasin
Autres
L’activité des grands magasins parisiens a fortement pâti du
contexte des attentats, qui a entraîné un fort ralentissement de la
fréquentation et des ventes les cinq premiers jours. La fréquenta-
tion a repris progressivement ensuite, portée par la présence des
grandes marques de luxe prisées des touristes étrangers.
3. Enquête soldes d’hiver 20153
La crise économique ne se dément pas
Cette météo peu favorable, et les événements exception-
nels de janvier se sont de plus déroulés sur fond de crise
économique, qui dure depuis plusieurs années mainte-
nant : l’Institut Français de la Mode évoque une septième
année consécutive de baisse des ventes dans l’habille-
ment, avec une chute de 0,8 % pour l’année 2014. 87 %
des commerçants jugent que la crise a eu des répercus-
sions importantes ou très importantes sur leur activité,
soit 7 points de plus que l’hiver dernier.
« Avant même les attentats, le marché était déjà très
difficile, on l’observe depuis plusieurs années, avec des
clients de plus en plus hésitants et exigeants ». Le pouvoir
d’achat des ménages est de plus en plus contraint, et
les arbitrages se font en défaveur des articles jugés
superflus.
D’ailleurs, le panier moyen des consommateurs pendant
les soldes est en baisse pour 70 % des commerçants,
alors qu’il était déjà en baisse l’hiver dernier par rapport
à l’année précédente : « Des petits prix, des petits
prix, c’est tout ce que réclament les clientes », confie
une vendeuse. « Les clientes achètent utile, mais l’achat
plaisir se fait rare, même pendant les soldes », ajoute la
gérante de la boutique. Mais une autre commerçante
avance une autre explication : « avec les promotions
en permanence, et les ventes privées, nous creusons
nous-mêmes notre tombe. Comment nous plaindre que les
soldes ne marchent pas alors que dès le 26 décembre nous
proposions une bonne partie du magasin à -40 % ? »
Les ventes privées : un succès, oui mais…
En effet, depuis plusieurs années les ventes privées se
sont développées dans le paysage commercial : 41 %
des commerçants interrogés ont pratiqué eux-mêmes
promotions ou ventes privées avant les soldes, un taux
stable par rapport à l’hiver dernier : « Dès que Noël est
passé, les clientes nous demandent des ristournes, à
Londres c’est déjà les soldes, donc on propose toujours des
offres intéressantes à ce moment-là, mais qu’on réserve
à notre clientèle fidèle via notre fichier clients ». Ces
ventes privées ont été satisfaisantes pour 62 % des
commerçants, alors qu’ils étaient seulement 49 % l’année
dernière.
En revanche, le « Black Friday », opération commer-
ciale venue des Etats-Unis et organisée le 28 novembre
dernier, n’a pas séduit les commerçants, puisque seuls
3 % d’entre eux l’ont pratiqué.
Mais certains s’interrogent sur l’opportunité de
continuer à offrir ces opérations de promotions ou
ventes privées, puisqu’ils ne sont que 30 % à vouloir les
proposer à nouveau dans les six prochains mois, alors
qu’ils étaient 55 % l’année dernière. Il semble que chez
certains s’amorce un doute sur la rentabilité réelle de
Selon vous, la crise économique a-t-elle sur votre
activité des répercussions…
Source : enquête Médiamétrie-CROCIS
Par rapport aux soldes d’hiver de l’année dernière,
vous estimez que le panier moyen dépensé par le
consommateur dans votre magasin est :
Source : enquête Médiamétrie-CROCIS
Très importantes
34%
Importantes
53%
Peu
importantes
10%
Aucune
répercussion
3%
en
hausse
5%
stable
25%
en baisse
70%
4. Enquête soldes d’hiver 2015 4
Crocis de la CCI région Paris-Ile-de-France - 27 avenue de Friedland - 75382 PARIS cedex 08
tél. : +33 (0) 1 55 65 82 00 - fax : +33 (0) 1 55 65 82 62 - e-mail : crocis@cci-paris-idf.fr
Retrouvez toutes nos publications sur www.crocis.cci-paris-idf.fr
Suivez nous sur twitter @CROCIS_CCI_IDF
Secrétaire général : Isabelle SAVELLI-THIAULT
Industrie - Démographie d’entreprise : Yves BURFIN
Commerce - Enquêtes - Développement durable : Julien TUILLIER
Conjoncture - Benchmark européen : Mickaël LE PRIOL
Services : Bénédicte GUALBERT
Veille économique : Marielle GUERARD ; Catherine PICQ ; Clément SAVELON
PAO - Multimédia : Nathalie PAGNOUX
Administration - Secrétariat : Isabelle BURGOT-LAMBERT
Méthodologie :
Cette enquête a été réalisée par téléphone auprès de 300 commerçants parisiens selon une répartition par secteur
d’activité et arrondissement. Les interviews ont été réalisées du 2 au 6 février 2015 par la société Médiamétrie et
le traitement et l’analyse ont été effectués par le CROCIS de la CCIR Paris Ile-de-France. L’enquête téléphonique a
été complétée par des entretiens en face-à-face avec les commerçants de la rue de Rennes, qui ont tous réservé un
excellent accueil aux chargés d’études du CROCIS.
Bénédicte GUALBERT
et Julien TUILLIER
ces opérations : « même si ça marche bien, c’est sur de
petits prix, donc on ne marge pas beaucoup, et on donne
de mauvaises habitudes au consommateur».
Internet, de la concurrence à la complémen-
tarité
A tout cela s’ajoutent les ventes par internet, qui
selon 71 % des commerçants viennent concurrencer
leur activité pendant les soldes : « c’est le déstoc-
kage permanent sur le web, alors forcément les soldes
perdent de leur magie ». Près de 50 % des commerçants
estiment d’ailleurs que les soldes ne sont plus un
événement pour les clients.
Toutefois, de plus en plus de marques possèdent leur
site commercial propre, et jouent des synergies entre
boutiques et site web : « Nous jouons de plus en plus
la complémentarité, nous pouvons recevoir les colis en
boutique, faire des échanges, proposer des essayages,
prendre des mesures, etc. Il ne faut pas oublier que les
clientes web sont aussi nos clientes, si on les accueille
bien dans le magasin, même juste pour leur délivrer un
colis, elles reviendront volontiers une autre fois », indique
la gérante d’un magasin de lingerie. « Sur le site web,
nous proposons aux clientes la possibilité de réserver une
paire de leur pointure en boutique. Normalement nous
suspendons ce service pendant les soldes, mais là compte
tenu du désastre des premiers jours, nous l’avons rétabli
et les clientes étaient contentes », signale la gérante
d’une grande enseigne de chaussures.
L’ouverture des commerces le dimanche permet-
trait-elle d’endiguer les difficultés des commerçants ?
Le projet de loi Macron leur propose en tous cas la
possibilité d’ouvrir jusqu’à 12 dimanche dans l’année.
Interrogés à ce sujet, ils s’y montrent favorables à 55 %.
Mais sur ce que sera la saison prochaine, ils s’avèrent
exactement partagés à 50/50 entre optimistes et
pessimistes : « la vie va reprendre son cours et les gens
revenir dans les magasins, mais pour la saison prochaine,
nous proposerons moins de modèles qu’avant, c’est
certain », conclut la propriétaire d’une boutique de
chaussures de la rue de Rennes.
Les soldes durent désormais 6 semaines. Les dates des soldes d’hiver 2015, du 7 janvier au 17 février, ont convenu à la
majorité des commerçants (57 %). Toutefois, les commerçants mécontents de ces dates jugent trop longue la nouvelle
durée des soldes, estimant qu’elle pénalise les nouvelles collections et empiète sur la Saint Valentin.