110621 mj les echos 210611 le point de vue de michel juvet
110701 lb banque d'investissement
1. Justification. Kaspar
Villiger assure qu’UBS n’a
jamais menacé de quitter
la Suisse. Mais il veut que
le pays évite «de graves
erreurs en matière de
régulation».
Profil
Kaspar Villiger (70 ans)
est président du conseil
d’administration d’UBS depuis
deux ans. Il a une formation
d’ingénieur mécanicien EPF.
Il a dirigé le groupe familial
Villiger de 1966 à 1989, avant
d’être élu au Conseil fédéral,
qu’il a quitté en 2003.
14 JUIllet-août 2011 | LA BANQUE SUISSE
2. dossier
Kaspar Villiger
«Au contraire, je suis
partisan du Swiss Finish»
L’ancien conseiller fédéral et président d’UBS se défend
contre les critiques qu’on lui adresse. Beat Balzli, Armin Müller
Ne devriez-vous pas jouer un Apparemment, Credit Suisse En tout cas, cela rend les banques
rôle plus autonome aux côtés du s’accommode des nouvelles règles. suisses plus sûres, ce qui est un
CEO d’UBS Oswald Grübel? On a Pourquoi pas vous? argument pour le client.
l’impression que vous restez un Examinez la réponse des deux Entièrement d’accord. Il faut
spectateur passif. banques à la procédure de consulta- simplement savoir qu’il y aura des
C’est vous qui avez cette impres- tion et comparez-les! La différence conséquences pour la Suisse si le
sion. Le fait que le président et le CEO n’est pas bien grande. décalage avec les places financières
apportent les mêmes réponses aux concurrentes est hors de proportion.
questions fondamentales ne devrait Pourquoi votre critique du projet Nous avons étayé tout cela dans la
pas surprendre. Devrions-nous pas- est-elle si véhémente? procédure de consultation. Après
ser notre temps à contredire l’autre L’est-elle? Une chose est sûre: il tout, c’est à ça que servent les consul-
pour mieux correspondre à certaines ne doit plus jamais se produire qu’un tations. Maintenant la balle est dans
attentes du public? C’est nul. Etat doive sauver une grande banque. le camp du Parlement. Par ailleurs,
Le fait que cela se soit produit n’est pas UBS est bien armée: très bien capi-
Mais il est contre-productif de uniquement lié à la crise financière. talisée, profitable en dépit de risques
brandir la menace d’un départ à Cela a aussi à voir avec les erreurs que comparativement bas.
l’étranger. la banque a commises. La première
Je n’ai jamais brandi cette ligne de défense est donc claire: nous Au fond, UBS a-t-elle besoin de la
menace. devons d’abord faire nos devoirs dans banque d’investissement?
la gestion du risque et dans la gou- Je me suis aussi posé la question
Oswald Grübel oui. vernance d’entreprise. Et en plus il quand je suis arrivé à la banque.
Il ne l’a pas dit ainsi. Si, pour des faut une autorité de surveillance du Je rencontre beaucoup de clients,
raisons liées au capital, on ne peut marché forte et compétente. parfois fortunés, et je constate que
plus réaliser en Suisse des opérations le grand avantage par rapport à la
stratégiquement indispensables, il Et les exigences de capital propre? concurrence internationale est clai-
est tout de même plus honnête de La réglementation de Bâle III rement ce lien entre gestion de for-
l’annoncer maintenant. Nous avons est juste. On pourrait chipoter sur tune et banque d’investissement.
toujours affirmé notre appartenance les détails, mais davantage de fonds On peut réduire les transactions
à la Suisse. Je n’ai assumé ce travail propres et une meilleure qualité de pour compte propre et concentrer
que parce qu’il est important pour capital s’avèrent indispensables. la banque d’investissement sur les
notre pays. Je pouvais très bien vivre besoins des clients. Nous l’avons fait.
sans ça. Ce que je dis à propos des Vous vous opposez au Swiss Finish La question qui se pose est jusqu’à
réglementations, je le dis pour éviter et au fait que les grandes banques quel point peut-on condenser l’in-
que la Suisse ne commette d’erreurs suisses doivent posséder plus vestment banking tout en restant
en matière de régulation. de fonds propres parce que leur attractif pour les clients?
grande taille représente un risque
Le public comprend mal que le pour la petite Suisse. Le repositionnement de la banque
président d’une grande banque qui Au contraire, je suis partisan du d’investissement est-il déjà décidé?
a été sauvée par l’Etat s’exprime Swiss Finish. Que nous devions déte- Nous avons accompli pas mal de
contre le modèle «Too big to fail». nir plus de capital, être plus parfaits choses. Il nous faut maintenant voir
Nous approuvons le concept de que la concurrence, ok, d’accord! quelles seront les répercussions des
base du modèle. Vous le constatez Seulement, tout dépend de com- réglementations.
en vous référant à mes discours. Le bien sera ce supplément. Il ne faut
Photo: R. Wernli
portrait que certains commentaires pas fixer un taux avant de savoir ce Continuerez-vous à réduire votre
brossent de moi n’est ni véridique ni que vont faire les principales places effectif cette année?
vérifié. financières. Il va de soi que nous examinons »
La banque Suisse | JUIllet-août 2011 15
3. dossier
» de près l’évolution des coûts. Nous restructuration stratégique
sommes convaincus que nous
Qui veut encore
avons maintenant une base qui
nous permet d’être compétitifs.
Et dans la gestion de fortune?
Où en est le contentieux avec
l’Allemagne sur l’argent au noir?
Je ne peux pas m’exprimer sur
de sa banque
d’investissement?
les négociations en cours.
Le secret bancaire est en
lambeaux. Il n’est plus guère un
argument de marketing.
Si le secret bancaire a été réduit UBS pense délocaliser sa banque d’affaires,
à sa plus simple expression, la confi-
dentialité restera une qualité-clé
assure la rumeur. Une stratégie qui
en Suisse. Les nouvelles prescrip- pourrait intéresser d’autres établissements
tions compliquent énormément les
opérations internationales. Ce qui suisses. Edouard Bolleter
accroît dramatiquement les efforts
L
à consentir par les banques et cer- a rumeur a été lancée dans Séparation en plusieurs structures
taines auront de la peine à suivre. les médias il y a quelques distinctes, entrée en Bourse, vente
semaines et certains pré- ou même abandon pur et simple de
Le changement structurel se tendent que les dirigeants l’activité de banque d’affaires, les
poursuit? d’UBS l’avaient fait savoir entre les options sont nombreuses et elles
Probablement. Les banques lignes depuis longtemps. L’avenir diffèrent selon la taille des établis-
suisses devront faire davantage de la banque d’affaires du grand sements. Beaucoup sont actuelle-
d’efforts au niveau de la perfor- établissement suisse est en pleine ment à l’étude. Nous faisons le point
mance. Ce qui n’a pas toujours été discussion et de nombreux scéna- sur un phénomène qui risque de
le cas par le passé. rios se dessinent pour ce qui était remodeler considérablement l’acti-
encore considéré comme un des vité bancaire suisse ces prochains
Hans J. Bär a dit un jour: «Le piliers de l’activité de la banque il mois.
secret bancaire a rendu gras et y a quelques mois.
impotent.» Selon les dernières supputa- Cloisonner les risques
Je ne le dirais pas en termes tions, UBS chercherait à délocali- Le groupe UBS a démenti les
aussi sévères. C’est sûr qu’à l’ave- ser sa banque d’investissement vers rumeurs de délocalisation à venir
nir on ne nous fera pas de cadeaux. des cieux plus cléments du point de sa banque d’affaires. Pourtant,
Il y a énormément d’argent déposé de vue législatif afin d’échapper des spécialistes du marché ima-
en Suisse. Pas pour des raisons aux rigueurs réglementaires hel- ginent aisément qu’une réflexion
fiscales, plutôt pour notre large vétiques. Que ce soit vers Londres, soit en cours à ce sujet à la tête de
gamme de services. Si nous ne Singapour ou même New York, le l’établissement. Pour une raison
fournissons pas de prestations de lieu de destination importe peu tout à fait spécifique. Les chan-
qualité à nos clients, il est possible en définitive. Un potentiel démé- gements devraient porter sur
que cet argent ne reste pas ici. nagement de la banque d’affaires un remaniement des structures
d’UBS serait avant tout le reflet légales de la grande banque afin
Croyez-vous encore à la place d’un questionnement latent dans de cloisonner les risques des dif-
financière suisse? de nombreuses banques en Suisse férentes activités. Une délocalisa-
Nos bonnes conditions-cadres que faire aujourd’hui de sa banque tion permettrait alors de séparer
sont le résultat d’un long travail d’investissement? les structures légalement d’une
politique et économique. Selon plusieurs témoignages, la façon nette et précise. C’est peut-
place financière suisse va connaître être cette volonté de séparation
Comment la place suisse pourra- ces prochains mois des annonces qui a lancé la rumeur de délocali-
t-elle s’affirmer face à des importantes concernant l’activité sation. Reste que certains milieux
concurrents comme Singapour? de banque d’investissement. Les politiques ainsi que les autorités
La réglementation de l’OCDE structures légales pourraient chan- fédérales pourraient officieuse-
sur l’entraide en cas de soustraction ger, les dirigeants chercheraient ment voir d’un bon œil cette sépa-
fiscale est aussi la norme à Singa- dorénavant à séparer clairement ration, les milliards de pertes de
pour. Ils n’ont aucun intérêt à attirer la gestion de fortune traditionnelle la banque d’affaires d’UBS ayant
des fonds douteux. des autres activités bancaires. traumatisé tout le pays. Les cen-
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4. dossier
taines d’emplois perdus en Suisse sécurité à long terme offertes par liés aux énormes rémunérations des
et les pertes fiscales prévisibles en l’activité de private banking sont banquiers d’affaires ont fortement
cas de délocalisation seraient alors aujourd’hui une priorité. C’est pour sali l’image de la place financière
des dégâts collatéraux politique- certains bel et bien le concept de dans son ensemble. Si l’on considère
ment «acceptables». «Mais il ne banque intégrée qui est en sursis. également les risques de manipula-
faut pas oublier que les employés Loïc Bhend apporte des précisions: tion ou de délit d’initié inhérents à
de la banque d’affaires sont déjà là «Il faut quand même signaler que certaines opérations, on comprend
où est l’activité (New York, Londres, depuis la crise les banques ont beau- que la banque d’investissement soit
Hongkong, Singapour, etc.) et les coup recapitalisé et rééquilibré leurs devenue un danger réputationnel et
impôts sont payés en grande partie bilans. Alors que la filialisation de légal pour ses propriétaires.
là où est produit le bénéfice», note certaines activités est effective-
Loïc Bhend, analyste à la banque ment une solution d’avenir.» «Dans Que faire de son entité?
Bordier. Il donne ensuite son avis Les réflexions en cours chez
technique: «Les nouvelles exi- UBS sont symptomatiques de ce
gences suisses de fonds propres à que traversent les établissements
hauteur de 19% sont très élevées qui connaissent encore des activités
pour la banque d’affaires. C’est un intégrées. Et ils sont nombreux et de
désavantage compétitif au niveau toutes tailles en Suisse. Des mandats
mondial. Il est possible qu’UBS ont été lancés par des établissements
fasse du lobbying à ce sujet. En cas dans le but de trouver une solution
de scénario de délocalisation de adéquate et de se séparer de l’activité
cette activité, l’UBS devrait trou- de banque d’affaires. Les possibili-
ver une place financière où les tés sont alors nombreuses pour une
exigences en fonds propres sont banque.
moindres qu’en Suisse, ce qui n’est Pour les grands établissements,
pas difficile», ajoute Loïc Bhend qui à l’image d’UBS, l’abandon de l’acti-
ne favorise pas les Etats-Unis pour vité est évidemment hors de ques-
autant car «le risque juridique y est tion. Comme on l’a vu, une délo-
nettement supérieur et la part des Les employés de la calisation ou une séparation légale
bénéfices taxés aux Etats-Unis en plus ou moins franche est alors un
cas de filialisation serait supérieure. banque d’affaires sont des scénarios requis. «Il existe pour
Or le taux d’imposition n’y est pas déjà là où est l’activité les grands groupes la possibilité de
particulièrement avantageux.» séparer les activités sous une même
et les impôts sont payés holding, à l’exemple de ce que vient
Très inconstantes en grande partie là où de faire Swiss Re. On garde le nom
Et pourquoi veulent-ils tous de l’établissement ainsi que ses divi-
aujourd’hui se «débarrasser» de leur est produit le bénéfice. sions, mais le danger de contamina-
activité de banque d’investissement? tion est bien moindre», détaille Loïc
Véritable locomotive des grandes Loïc Bhend / Bordier Bhend.
banques il y a quelques années, la Pour des établissements plus
planète financière ne jurait que par le cas d’une filialisation, on essaie modestes, la situation est très diffé-
la banque d’investissement et ses justement de diminuer les besoins rente. Selon l’urgence ou les priorités
«gros coups» très rémunérateurs. en fonds propres, à taille équiva- de l’institution, la revente ou l’aban-
Chaque établissement d’envergure lente. Donc on réduit le risque pour don de l’activité liée à la banque d’in-
a alors beaucoup investi en hommes les autres activités et finalement le vestissement est alors envisageable.
et en structures afin de rivaliser sur groupe en entier (par cloisonne- Une séparation de l’activité dans une
ce marché excessivement porteur. ment), mais pas pour la banque d’in- structure neutre suivie d’une mise
Mais l’activité est perverse, elle vestissement elle-même», explique en Bourse sont également possibles,
peut être bénéficiaire en milliards l’analyste de la banque Bordier. bien que moins probables.
une année et causer des pertes Séparer clairement les activités «En Suisse romande, le problème
gigantesques l’exercice suivant. permet d’éviter une contagion dan- ne se pose pas. il n’existe plus d’éta-
Une inconstance directement liée à gereuse en cas de retournements blissements avec une grosse activité
la santé de l’économie. Un parcours négatifs des opérations de banques de banque d’affaires car il faut une
cyclique qui rend les bilans ban- d’investissements. La pérennité des taille critique dépassant largement
caires très compliqués à anticiper, activités traditionnelles pourrait les besoins régionaux. Certaines
contrairement à la gestion de for- même être en jeu en cas de «faillite» structures font encore du conseil en
tune, plus «stable» avec les années. d’une autre entité, juridiquement fusion et acquisition ou de l’analyse.
Après des mois de crise et d’incer- liée et dépendante du groupe. En ce moment, il y a peu d’acheteurs
Photo: DR
titudes, les banques ont tiré quelques En outre, les banques veulent pour ce genre d’activités», conclut
leçons de sagesse. La pérennité et la redorer leur blason. Les scandales Loïc Bhend.
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