Management des risques : plaidoyer pour une vision unifiée
Règles de sécurité Les or More
1. Event Management 41
I
l est regrettable que cette tragédie se soit
précisément produite au Pukkelpop, un
festival connu pour sa vision inspirée en
termes de prévention et de sécurité.
Ce regrettable évènement illustre clairement
que si les mesures de sécurité réduisent ef-
fectivement les risques d’accident, elles n’ex-
cluent toutefois pas totalement les incidents
ni les accidents. Aucun événement n’est à
l’abri d’un accident ou d’une catastrophe, car
ceux-ci résultent de la convergence de nom-
breux facteurs qui fluctuent constamment et
s’influencent mutuellement. C’est ce qui rend
cette problématique si difficile à englober.
Des inspections, des contrôles complémen-
taires et de nouvelles initiatives telles que pi-
quets ou rondes d’incendie supplémentaires
constituent certes des initiatives louables,
mais qui ne représentent qu’une facette d’une
politique efficace en matière de prévention et
de sécurité.
Davantage de législation?
L’article suggère qu’il devrait y avoir plus de
clartédans la législation. Une réaction compré-
hensible mais regrettable. Car en général, nous
nous plaignons des contraintes législatives.
Or, à chaque fois que quelque chose tourne
mal - qui aurait pu être évité - nous réclamons
davantage de lois. C’est précisément pour cette
raison que l’on adopte souvent des lois à voca-
tion symbolique, en réponse à un évènement
ponctuel, et généralement récent. Ce n’est pas
de plus de réglementation dont nous avons
besoin, mais d’établir nos propres règles!
Notre société évolue délibérément vers
moins de lois (même si nous ne le percevons
pas toujours comme ça). Parallèlement à
cette évolution, on assiste au développement
de la soft law. Il s’agit d’un large éventail de
circulaires ministérielles, de directives, de
codes de bonnes pratiques, etc. Tout cet arse-
nal législatif est publié par les autorités elles-
mêmes, par des syndicats ou des experts, et
fournit des orientations – non contraignantes
– dans le respect des obligations légales.
Les règles qui nous sont imposées de cette
façon n’ont pas tant ce caractère «command
& control», mais elles évoluent vers une légis-
lation plus communicative et plus réfléchie.
On attend de chacun qu’il pense davantage
(réfléchi) à ce qui est nécessaire dans sa situa-
tion concrète. Plus de liberté donc. Mais cela
signifie aussi plus de responsabilité.
Sommes-nous tous prêts pour cela? Peut-on
vaincre cette résistance aux lois et aux règles,
bien enracinéedans les esprits, jusqu’àaccepter
une législation plus pratique, qui incite à ré-
fléchir au comportement approprié, sans tout
prescrire jusque dans les moindres détails... Il
existe, dans tous lescas, desavantagesévidents.
Des accords clairs
Le secteur de l’événementiel est vaste et
diversifié. Il comprend à la fois les agences
d’événements pour entreprises - des entre-
prises qui organisent principalement des évé-
nements d’entreprise -, les organisateurs de
festivals, les gestionnaires d’événements dans
les entreprises, les villes et les communes
De Standaard a publié le 14 août 2014 un article intéressant sur la
tente qui s’est effondrée lors du Pukkelpop, intitulé « Des piquets
supplémentaires doivent supporter la tente » *. Le fait d’accorder
autant d’attention, ces dernières années, aux mesures prises lors de
festivals et de spectacles, constitue en soi une évolution positive. En
remettant régulièrement cette question à l’avant-plan, on accroît la
sensibilisation.
FAUT-IL ÉTOFFER OU ALLÉGER LA RÉGLEMENTATION EN
MATIÈRE DE SÉCURITÉ LORS D’ÉVÉNEMENTS ET DE FESTIVALS?
Texte: Tom Bellens et dr. Kathleen Van Heuverswyn
2. Event Management 43
dent nese transformeen catastrophe majeure
s’en trouve considérablement réduite. « Que
faire si quelque chose arrive dans mon orga-
nisation, quelles conséquences cela peut-il
entraîner en termes de sécurité, de finances,
d’image de marque, de relations publiques,
de médias sociaux...? »
En effet, avec le rôle et l’influence des mé-
dias sociaux, le moindre incident inattendu
peut de nos jours déclencher une cascade de
conséquences importantes pour un organisa-
teur.
Organisez-vous vous-même
Tout secteur qui se respecte essaie de se mon-
trer innovant en anticipant les changements
qui les attendent au tournant. Ces circons-
tances changeantes constituent précisément
le facteur crucial dans les événements. Y
a-t-il plus ou moins de visiteurs? Tous mes
bénévoles sont-ils venus? A quelle météo
pouvons-nous nous attendre? Comment se
comporte mon public?
En d’autres termes, le secteur a l’habitude
de se retrouver confronté à des incertitudes,
c’est là l’un des défis inhérents à la gestion
des risques. Les inspections réalisées par
des organismes externes sont assurément
louables et nécessaires, mais ce sont des
contrôles ponctuels comparables au contrôle
technique annuel de votre voiture. Une
demi-heure plus tard, vous vous retrouvez
en pleine circulation, avec plus ou moins de
passagers, avec plus ou moins de stress et des
conditions météorologiques changeantes.
Chaque événement est-il une catastrophe?
Cette latitude, c’est ce qui leur permet de faire
la différence, de survivre et donc de continuer
à réaliser des profits.
Si chaque organisateur, petit ou grand, com-
mençait par effectuer une analyse de risque
sur base de laquelle on assemblerait les
équipes compétentes, on prescrirait les ac-
tions et les procédures et on pourrait réaliser
des estimations, nous ferions déjà un grand
pas en avant. Se lancer dans l’organisation
d’un événement animé de cette mentalité ne
suffit cependant pas encore à éviter les ca-
tastrophes ni les incidents, mais cela permet
néanmoins de se faire une idée claire des «et
si ...» Certes cela n’empêche pas les dangers,
mais la probabilité qu’un incident ou un acci-
TOM BELLENS est directeur associé chez Act!Events, et spécialisé en événements d’entreprise avec un
contenu complexe, professeur de communication à Thomas More Malines, fondateur de l’Expert Centre
Eventmarketing dans le cadre de l’AAC, consultant en prévention, et propose des réflexions stratégiques
en communication de crise et gestion des catastrophes. t.bellens@act-events.com
qui organisent elles-mêmes quelque chose,
comme les personnes qui souhaitent, en de
très rares occasions, partager leur passion
du week-end et organiser une fête. Tous ces
organisateurs ont besoin d’accords clairs en
matière de prévention et de sécurité.
La législation actuelle laisse beaucoup plus de
place aux règlements sur mesure de chaque
organisation, en fonction de la taille, des
activités, des risques, etc. Moins la législation
est stricte, plus il y a de place pour l’interpré-
tation personnelle, et donc la créativité. Avec
davantage de latitude, il est plus aisé de sortir
des sentiers battus, cela coule de source. Et
sortir des sentiers battus, c’est précisément ce
qui distingue les organisateurs d’événements.
3. Event Management 45
concrétiserde façonconstructive lesobligations
légales minimales existantes. Utilisons notre
créativité, et de préférence conjointement, via
le partage de nos connaissances et de notre ex-
périence. Mêmesi chaqueorganisation possède
des caractéristiques spécifiques, il y a plus de
choses que nous partageons en commun que
de choses qui nous différencient. Y oeuvrer
ensemble augmentera notre efficacité et notre
capacité d’apprentissage.
Et de cette façon, nous pouvons empêcher
que les autorités limitent la liberté actuelle,
en imposant une réglementation uniforme.
Car une industrie créative a également besoin
de liberté!
www.standaard.be/cnt/dmf20140813_01216835
que méconnu. Dans un prochain article, nous
allons vous expliquer comment la loi pourrait
servir de levier.
Par ailleurs, il est inutile de réinventer l’eau
chaude. Il existe une offre suffisante en
informations, connaissances, formations,
manuels, etc. Quant à la meilleure façon de
s’y retrouver, nous nous efforcerons de vous
apporter une aide efficace dans un article à
paraître prochainement.
Prendre le taureau par les cornes
Enfin, songeons à nous organiser – nous, les or-
ganisateurs d’événements, les associations pro-
fessionnelles, lesécoles, lescentresdeformation
- de telle sorte que nous puissions nous-mêmes
De nombreuses personnes travaillant dans le
monde des secours – pompiers, médecins et
policiers – s’entraînent régulièrement à faire
face à des événements complexes. Car la seule
certitude en cas de crise, c’est celle de se retrou-
verconfronté à une avalanche de problèmes, de
changements et de faits «sans précédent». Ces
processus se répètent invariablement, et il y a
énormément de leçons à tirer des crises précé-
dentes. Lesimple faitdes’yentraînerpermetde
développer son agilité, sa résistance.
Le monde de la création peut-il donc tirer
les enseignements de ces processus qui
surviennent dans les services d’urgence? En
ce sens, «chaque événement est une catas-
trophe» est à prendre comme une boutade
pour partager des connaissances.
Les bonnes nouvelles
La gestion de la sécurité exige de nom-
breuses compétences, déjà présentes dans
le secteur de l’événementiel: faire face à
l’incertitude, penser de façon créative et
hors des sentiers battus, travailler dans
un environnement complexe avec une
multitude d’acteurs... Autrement dit, les
opportunités ne manquent pas d’utiliser
ces compétences, en mettant l’accent sur la
sécurité. Dans un article à paraître ultérieu-
rement, cette question sera plus largement
débattue.
Il y a encore d’autres bonnes nouvelles. Les
plaintes concernant le caractère complexe
et opaque de la législation sont essentielle-
ment le fait de préjugés dus à un manque de
connaissances sur le sujet. Impopulaire parce
DR. KATHLEEN VAN HEUVERSWYN est juriste et spécialisée en gestion de la sécurité. Elle
travaille en tant que conseillère juridique (JURRISK sprl), elle est aussi formatrice en gestion de
l’Environnement et de la Prévention (KULeuven Campus Bruxelles) et en gestion de catastrophes
(école du feu Campus VESTA). kathleen.vanheuverswyn@jurrisk.be