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L’influence

d’internet

sur

création

la

musicale

baptiste
bourgoin
acom3a
1
Sommaire
Introduction
I- Internet, élément perturbateur du processus
créatif
1- Un bouleversement des considérations artistiques
2- Un bouleversement des outils de création
3- Un bouleversement des outils de diffusion

II- Internet, nouvelle matière première à destination des compositeurs
1- Échantillonnage, Sampling, Mashup

2- Un nouveau créateur/curateur : le DJ
3- La question de l’album

Conclusion
Remerciements
Bibliographie
Annexes
2
Introduction
« Je ne comprends pas pourquoi les gens ont peur des idées nouvelles. Moi, j’ai peur des
vieilles idées. »
Cette phrase, extraite d’une conférence donnée par John Cage dans les années 70,
résume, à elle-seule, la nécessité qu’a l’art de se renouveler. Il semble bien souvent
confortable pour les critiques de toutes les époques de rejeter le nouveau pour mystifier
le passé. Simon Reynolds, critique musical anglais, en fera un livre intitulé Retromania
ou comment la pop culture recycle son passé. L’on définira ici la musique comme
l’assemblement des sons et des silences dans le temps.
Or l’art, et la musique a fortiori, sont sous influence directe et totale d’un contexte
historique. L’une des révolutions technologiques majeures de cette seconde moitié du
XXème siècle est la révolution des moyens de communication, et plus particulièrement
internet. Internet est un réseau mondial sur lequel des informations de tous types, des
données, circulent, sont échangées, de manière quasi instantanée.
Il semble dès lors essentiel de chercher à percevoir l’influence à travers ce siècle des
technologies de l’information et de la communication, et plus particulièrement internet,
sur la création artistique, et spécialement ici la musique.
C’est pourquoi nous analyserons tout d’abord l’influence d’internet sur le processus
créatif, segmenté entre les considérations artistiques, les outils de production et les outils
de diffusion. Ensuite nous verrons en quoi internet est actuellement une matière première
pour de nombreux compositeurs et en quoi il bouleverse leurs créations.

3
I-Internet comme élément perturbateur du processus créatif
1-Bouleversement des considérations artistiques
La musique, selon Jacques Attali dans son ouvrage Bruits, reflète les changements socioéconomiques de la société. La création musicale, à travers les siècles, est intimement liée
aux différents paramètres de la société : économie, technologie, systèmes politiques.
Ainsi, la musique classique qui se développe en Europe au XVIIème siècle, influencée par
l’imprimerie, devient une musique de partition, musique écrite, qu’il convient d’interpréter,
de lire et de réciter.
Luigi Russolo, compositeur italien avant gardiste du début du XXème siècle confirme
ce postulat. Dans son manifeste intitulé L’Art des bruits, il pose les fondements d’une
esthétique musicale influencée par la révolution industrielle, le travail des usines et le bruit
des machines. Selon lui, la musique doit s’accorder avec la société d’alors, et proposer
des sonorités nouvelles, bruitistes, cacophoniques, alors impensables dans le monde
musical. Il composera plusieurs pièces pour des orchestres aux instruments originaux,
véritables machines sonores construites par ses soins. Russolo tend alors à faire
accepter les sons et bruits dans leur totalité comme prenant part à la création musicale.
La musique concrète, qui voit le jour avec les expérimentations de Pierre Schaeffer, est
une conséquence directe d’une avancée technologique : le gramophone. Les techniques
d’enregistrement des sons, mises au point par Edison, influencent les compositeurs
d’alors qui ne composent plus à partir d’une portée, mais à partir d’enregistrement. Des
techniques de création telles que le sampling ou encore le collage sonore sont alors
inventées directement sous influence des technologies d’enregistrement sur micro-sillon
ou sur bande magnétique. Les compositeurs de musique concrète vont ainsi introduire la
possibilité de composer un morceau, une pièce, non à partir d’une page blanche, mais à
partir de matériaux pré existants.
Dans les années 1960, John Cage initiera le mouvement de la musique expérimentale
aux États-Unis. Ce mouvement aura pour leitmotiv de bouleverser les distinctions entre
compositeur, interprète et spectateur. Il regroupera des artistes aux influences et aux
compétences variées. John Cage donnera au hasard une importance majeure dans
son processus de composition. Il créera également des pièces novatrices comme 4’33,
souvent connue comme la pièce silencieuse. Elle consiste pour l’interprète à ne jouer
aucun son via son instrument et à laisser l’environnement s’exprimer. Lors de la première
représentation, le troisième mouvement a été envahi par le bruit des chaises raclant le
sol, une pluie battante sur le toit etc. Ainsi, Cage tente non seulement de faire réécouter
le monde, mais également de décentraliser la place du compositeur pour donner à
l’auditeur une part de plus en plus importante dans le processus de création.
Ces bouleversements du processus créatif voient apparaitre un nouveau paradigme dans
la création musicale : la co-création. Que ce soit dans la musique concrète ou dans les
4
expérimentations de John Cage, il semble évident que l’hégémonie de l’auteur comme
seul et unique créateur est de plus en plus remise en question. Ici, la musique reflète
et anticipe à la fois la société et ses changements. Comment ne pas voir de lien entre
cette co-création et la division du travail tayloro-fordiste, où le travail d’un ensemble de
personnes permet la création d’une seule et même pièce. Mais il semble évident que
les créations communes, disparates dans le temps, entre plusieurs artistes, parfois entre
musiciens et peintres, anticipent les changements qui vont survenir quelques décennies
plus tard dans les technologies de l’information. Internet est en effet le lieu ultime du
partage, de l’entraide et du réseau.
Dans Hegel ou les vaches du Wisconsin, Alessandro Baricco tente de proposer une
approche contemporaine de la musique, et surtout une manière de l’approcher qui ne soit
pas nostalgique. Pour cela, il valorise l’interprétation. Selon lui, une musique ne prend de
sens dans son époque, que si elle est justement capable de faire le lien entre le moment
de sa création et le moment de son interprétation. En ce sens, il devient essentiel pour
lui de constamment revisiter les chefs d’oeuvres afin de ne pas les laisser mourir dans un
musée-mausolée.
Baricco permet ici de conceptualiser une approche de la musique comme un art en
mouvement et non pas figé. De plus, ses remarques sont cohérentes avec les nouveaux
paradigmes des musiques contemporaines : le remix, le sample, le mashup.
Cette philosophie de la musique semble être en accord avec les bouleversements
engendrés par le web et les nouvelles technologies de la communication.
La licence art libre, copyleft, alternative au copyright, institutionnalise ces changements.
Fruit d’un dialogue entre plusieurs acteurs du droit, de l’art et de l’informatique, la Licence
Art Libre tend à redéfinir les notions de droit d’auteur à l’époque du digital.
Tout d’abord, elle redéfinit la conception même de l’oeuvre en la précisant : oeuvre
commune, initiale, conséquente, originale et copie.
À travers 11 points précis, la licence redéfinit et adapte le contexte d’exploitation des
oeuvres pour permettre une législation plus en phase avec la société actuelle.
Cette licence montre bien ici la prise de conscience par les milieux juridiques, artistiques
et informatiques de la nécessité de redéfinir les fondements même de l’art. Il s’agit de
proposer des solutions nouvelles pour répondre aux problématiques récentes de la
création contemporaine.
Ces changements sont symptomatiques des nouvelles préoccupations de ces milieux et
ils annoncent des changements dans la reconnaissance de ces types d’oeuvres.
En abordant des problématiques telles que la co-création ou le remix, la licence art libre
tente d’accorder le contexte juridique avec l’actualité artistique. Son but est de gommer
le décalage actuel entre les institutions de droit d’auteur et les réalités de la création.
Ces changements ont ainsi permis des changements profonds au niveau des
considérations artistiques. L’un des enjeux majeurs de l’art n’est pas de découvrir de
nouveaux moyens techniques, pratiques pour créer, mais bien de bouleverser les codes
5
et les visions du monde. En ce sens, il s’agit pour la communauté artistique d’influencer
et de modifier les perceptions non seulement en son sein, mais également au sein de
la société dans son ensemble. Un art sans public n’est pas un art, et c’est ce que l’on
pourrait finalement retenir du travail de John Cage : l’art doit englober à la fois son
créateur mais également son environnement.

2-Bouleversement des outils
Si les modifications de perception des artistes, mais également du public, permettent
à l’art d’évoluer, ces derniers sont également permis par des changements techniques
et technologiques. Nous avons en effet précédemment vu l’influence des inventions
d’Edison sur la composition dans la musique concrète. Les techniques d’enregistrement
que sont la photographie, la phonographie et la cinématographie vont être en effet à
la base de nombreux arts du XXème siècle, et notamment des arts populaires. L’autre
révolution technologique qui va affecter la musique et sa création est l’évolution
des technologies de communication et de l’information. Le XXème siècle verra
successivement apparaitre différents outils de communication qui aboutiront enfin dans
les années 60 pour l’usage militaire, et dans les années 80 pour l’usage public, à internet.
Ces différents outils, télégramme, téléphone, minitel, fax et enfin internet auront comme
points communs de rendre le transport de l’information plus rapide, plus sûr, plus facile et
plus économique.
Stockhausen est un musicien allemand né en 1928 qui a notamment participé à l’essor
de la musique sérielle. Il évolue dans un contexte où la musique enregistrée et la
globalisation se généralise. Ainsi il écrit dans un essai intitulé Au-delà de la polyphonie du
village global à quel point il est facile à son époque d’échanger, d’écouter et de modifier
des sons issus de toute la surface du globe. Là où il fallait avant aller en Afrique pour
écouter de la musique africaine, il suffit désormais de se la faire transmettre.
Même si Stockhausen n’évoque pas spécifiquement internet dans sa démonstration,
son développement met en avant les avantages de technologies similaires. Que ce soit
le téléphone, le courrier postal ou tout autre moyen d’envoi de données, le problème de
fond reste le même et internet synthétise toutes ces technologies. Grâce à internet il est
plus facile, plus rapide et moins couteux d’expédier à l’autre bout du monde toutes sortes
d’informations. L’internaute devient ainsi présent partout et immédiatement.
C’est cette modification du statut du consommateur qui nous semble ici intéressant dans
nos recherches. Il y a une conséquence de la modification des moyens de communication
sur le récepteur. La modification du canal au sens de Weaver entraine des modifications
pour les utilisateurs de ce canal.
Stockhausen nous offre dans cet essai sa vision de compositeur mais aussi de théoricien
de la musique. Il nous permet de mettre en perspective la composition, la diffusion et
l’écoute musicale en fonction des apports technologiques tels internet.
Il dresse une esquisse de ce que pourrait devenir la musique en acceptant ces
6
modifications, tant sur le plan esthétique qu’économique.
La communication numérique est permise dès les années 1990, entre des musiciens
éloignés géographiquement. Échange de fichier, travail plus virtuel, plus besoin de
rassemblement en studio.
On parle alors de déterritorialisation de la musique.
Certains sites permettent le partage de musique, à la fois à ses connaissances, mais
aussi à un plus large public : c’est la médiatisation de la musique.
On assiste à une mise à disposition d’outils collectifs (patch etc.). La communication
entre les musiciens, les ingénieurs est accélérée mais surtout dans les niches.
Les technologies d’enregistrement des sons, puis de numérisation, et enfin de diffusion
permettent l’émergence d’un nouveau paradigme musical : le remix. Un remix consiste
en la reprise par un artiste ou groupe d’artistes de la création d’un autre artiste ou groupe
d’artistes.
Nicolas Bourriaud met en exèrgue dans Postproduction une citation de Serge Daney qui
illustre, de manière synthétique et sur un ton encourageant, son propos : «C’est simple,
l’être humain produit des oeuvres, eh bien on en fait ce qu’on a à en faire, on s’en sert
pour nous.»
Dans cet ouvrage, l’auteur développe sa thèse selon laquelle l’art depuis la fin des années
90 est non pas produit mais postproduit. Ce terme vient de la télévision, du cinéma et
de la vidéo. Il s’agit des traitements effectués a posteriori sur un matériau enregistré.
Il ne s’agit pas ici de produire à partir de rien, mais bien de re-traiter des matières
transformées et non pas premières. Selon Deleuze, on ne répond plus à la question «que
faire de nouveau ?» mais «que faire avec ?».
Bourriaud se situe donc clairement dans un contexte créatif à partir d’un flux
d’informations préexistant. Il ne s’agit plus de faire table rase, mais de réussir à insérer
son propos au sein d’un contexte pré-existant. Internet est clairement le plus grand
vecteur de flux existant et il s’agit ici pour les artistes de s’orienter et d’orienter dans
ce flux. L’artiste fait donc office de passeur, il n’est plus un point arrêté dans le temps
mais un relais entre plusieurs points. Cette nouvelle esthétique dépend totalement
des techniques d’enregistrement et de traitement de la musique. Et Internet facilite
encore une fois l’émergence de cette esthétique en augmentant significativement les
caractéristiques des moyens de communication modernes : vitesse, omniprésence et
simultanéïté.
Le remix, son apparition et son développement, sont donc intimement liés à internet. Tout
d’abord, internet rend tout simplement possible et réalisable de manière simple l’échange
entre les artistes de données numérisées. Si Stockhausen vante dans les années 1960
les avantages du transport d’enregistrement africains par voie postale, internet radicalise
des années plus tard cette facilité du transport de l’information. Mais si cette diffusion
amplifiée de la musique permet à de nouveaux paradigmes d’émerger au sein de la
communauté créative, comme le remix, elle permet également de toucher plus facilement
7
son public.

3-Bouleversement de la diffusion
Si internet a permis de bouleverser les outils de production et les considérations
artistiques inhérentes à la création musicale, force est de constater que la diffusion de la
musique et sa commercialisation ont radicalement été modifiées.
Classiquement, et depuis les débuts de la musique enregistrée, de grandes maisons de
disques, appelées majors, prennent en charge l’industrie musicale de sa première à sa
dernière étape. Ces majors, organisations tentaculaires, gèrent ainsi tant le management
d’un artiste, l’enregistrement de ses albums que la production et la diffusion des copies
de ses créations. Elles s’appellent Sony, Universal ou encore Warner. Représentant
71% des parts de marché, elles sont depuis de nombreuses années le modèle de
référence pour la diffusion de la musique. Organismes normés et bureaucratiques, ils ne
correspondent bien souvent pas à de nouveaux artistes dynamiques, qui ne souhaitent
pas nécessairement respecter leurs délais et impératifs.
En réaction à ces majors, de nombreux labels indépendants ont été créés depuis les
années 1960. Des labels tels qu’Obscure Records, label fondé par Brian Eno, permettent
durant ces années de produire des artistes ne correspondant pas aux normes du marché
de la musique.
L’évolution logique de ces labels indépendants est les labels digitaux. Ces labels,
en reprenant la liberté des labels indépendants, se caractérisent par le fait qu’ils
diffusent leurs créations au format digital uniquement et non sur les supports
physiques traditionnels que sont les cds et vinyles. Il s’agit pour eux de se délivrer tant
idéologiquement que physique des contraintes des majors. Internet leur permet en effet
non seulement de réduire considérablement la chaine de production, mais également
de développer leurs artistes à leur rythme, sans aucune contrainte hiérarchique. Bien
souvent, ces labels sont fondés par les artistes eux-mêmes. Ainsi, l’artiste embrasse un
nouveau rôle quasimment de gérant d’entreprise. Ils gèrent toute l’infrastructure du label,
la sélection des artistes, et leur diffusion.
Des initiatives françaises telles que Sound Pellegrino ou Marble permettent à leurs
artistes de diffuser leurs créations de manière nettement moins poussive que via les
circuits de distribution classiques. Ces labels se servent d’internet comme d’un vecteur
de communication rapide, efficace, et surtout moins couteux que les habituels circuits de
distribution.
Le modèle de ces labels est bien souvent à 360° : ils sont booker, tourneur, manager,
éditeur. En effet, la vente seule de morceaux ne permet pas leur survie.
La vente moyenne par sortie en musique électronique est de moins de 1 000 exemplaires.
Des plateformes telles qu’iTunes, Soundcloud ou encore Deezer facilitent en effet la
chaine de diffusion des créations. Elles permettent via des outils accessibles au plus
8
grand nombre, de diffuser facilement, de classer les morceaux, de les pré écouter.
Ces changements de vitesse dans la publication des artistes a des conséquences sur
le format des créations proposées. Si le modèle dominant de la musique a été jusqu’à
maintenant la production d’albums, d’une vingtaine de titres, les labels digitaux ont, eux,
tendance à privilégier des formats courts, de deux ou trois titres, nommés Extended Play.
Ainsi, ces labels digitaux peuvent s’adapter à une demande qui se fait de plus en plus
présente et rapide.
Les vecteurs de diffusion ont donc une importance capitale sur le format final écouté par
l’auditeur.
Internet a donc changé les considérations artistiques, les outils de production et enfin
les moyens de diffusion. Ainsi, internet, et les améliorations techniques qui l’ont précédé,
a été un élément perturbateur central dans l’évolution des processus créatifs au XXème
siècle.
Mais il est possible d’envisager le lien entre internet et la création musicale d’une manière
encore plus étroite. Voyons maintenant en quoi internet est également devenu une
matière première pour la création musicale.

II-Internet comme matière première
1- L’échantillonnage
La musique concrète à l’initiative de Pierre Schaeffer est, comme nous l’avons vu, le
premier mouvement à s’emparer de la donnée pour s’en servir par la suite. C’est en
utilisant des enregistrements de bruits de portes, de cloches, enregistrés alors sur bandes
magnétiques, que les artistes de musique concrète vont utiliser l’information, la détourner.
Ce principe d’échantillonnage, de sampling en anglais, naît donc de cette volonté de
prélever, pour détourner, ré-utiliser, recycler.
Dans le cadre d’un workshop à la Bpi du Centre Pompidou, les dirigeants de la Bpi et du
Forum des Images ont organisé une conférence autour de la question du mashup afin
d’en définir l’origine, d’en percevoir les intérêts et d’en organiser l’émergence.
Selon eux, l’activité d’apprentissage devient de plus en plus pratique et créative.
La lecture devient active et sort de ses frontières classiques. Le web est en effet à 90%
audiovisuel et fait donc évoluer la réception des contenus.
Le sampling, qui vient de la musique, est une pratique qui sous-tend le mashup. Il s’agit
de recueillir des données afin de les réexploiter par la suite. On s’approprie puis re
diffuse. Internet facilite ici la recherche de matière.
Accumulation, stockage, banque d’images, banque de samples.
Cette conférence traite tout d’abord de la question du sampling. Pratique consistant
à prélever, dans une oeuvre, préexistante un élément pour le réutiliser. Cette pratique
9
apparait dans la musique du XXème siècle avec la musique expérimentale initiée par
John Cage. Dans Imaginary Landscapes ce dernier compose en effet à partir de sources
préexistantes de musiques radiodiffusées à l’instant de la représentation de l’oeuvre.
Démocratisé par le hip hop au milieu des années 80 et par des producteurs comme Dj
Shadow, le sampling est une des évolutions majeures de la musique et de la technologie.
En effet si le sample est tout d’abord possible, c’est grace à des avancées
technologiques initiées par le phonographe d’Edison, les montages/collages de la
musique concrète et la démocratisation des techniques d’enregistrement.
Mais si la technologie rend possible d’un point de vue technique le sampling, il se trouve
qu’elle permet aussi d’un point de vue artistique et historique son développement.
Comme le dit McLuhan, l’apport essentiel du medium, c’est le medium lui-même.
L’essor de la musique enregistrée et de ses moyens de distribution créent un contexte
social et culturel propice à sa réutilisation. L’artiste, comme le citoyen lambda, baigne
quotidiennement dans un environnement sonore prolifique. Internet vient augmenter
ces tendances déjà à l’oeuvre avant son apparition. En effet, il permet une distribution
plus étendue, plus rapide et moins couteuse. Internet participe donc entièrement ici à
l’accélération d’un phénomène propre à la musique du XXème siècle : le sampling.
Cela vient fortement bouleverser le paradigme de la création tel qu’envisagé depuis la
Renaissance : la création d’une oeuvre par un seul et unique auteur, à partir d’une feuille
blanche.
En effet, l’artiste utilise, détourne, se réapproprie un matériau produit par autrui, qu’il vient
puiser dans un contexte culturel préexistant.
On voit même se développer sur internet des banques de samples, qui permettent de
venir piocher en leur sein des bouts de création pour les réutiliser.
Internet facilite ici le stockage de ces données et leur partage.
Neveu de John et Alice Coltrane, Steven Elisson aka Flying Lotus est un musicien de Los
Angeles, produit en 2010 Cosmogramma. Salué par la critique, cet album est à première
écoute assez perturbant par la multitude des données que l’auditeur a à digérer. Le
travail de Flying Lotus consiste en effet en une accumulation de différents tiroirs dans
ses morceaux, de différents effets qui viennent se superposer les uns aux autres. On y
retrouve l’influence familiale du jazz instrumental expérimental, autant que le hip hop de la
côte ouest.
Cette oeuvre est indéniablement le produit d’un artiste issu d’une génération où
l’information doit être digérée, mixée puis recrachée. Il s’agit là à la fois d’un artiste qui
compose via des outils nouveaux, mais aussi pour créer un genre musical nouveau. C’est
une création hybride, sorte de course effrénée à travers des données qui arrivent de
manière faussement aléatoire, qui se révèle être au final terriblement équilibrée.
Cosmogramma, le titre de l’album, est une carte de l’univers et des relations entre le
paradis et l’enfer.
Flying Lotus semble avec cet album être allé puiser au coeur de l’enfer qu’est internet
pour sublimer ses trouvailles et les intégrer dans une création d’une grande beauté. C’est
ainsi que l’on assiste à un assemblage d’influences très variées. Le hip hop côtoie le jazz
10
expérimental tandis que des solos de harpe se font entendre. Flying Lotus propose dans
cet album une musique à son image : influencée.
Le label allemand Raster-Noton produit depuis une vingtaine d’années des artistes
fortement influencés par cette esthétique informatique et informationnelle. Les artistes
du label tels qu’Alva Noto, Ryoji Ikeda ou encore Vladislav Delay s’emploient à composer
une musique dont le nom même est inspiré du vocabulaire informatique. La glitch music,
ou musique de l’erreur, est un style basé sur les erreurs informatiques, ou bugs dans le
langage français courant. C’est un style qui puise sa matière dans l’informatique et dans
ses bruits. On retiendra par exemple le double album Xerrox, produit par Alva Noto, qui
tire ses sonorités de photocopieurs à travers le monde.

2- Un nouveau créateur/curateur : le dj
Nicolas Bourriaud pose, dans Postproduction, la question du DJ comme centrale dans la
création musicale.
La figure de DJ semble en effet très importante dans ce contexte où des notions
d’émetteur et de récepteur sont modifiées. L’émetteur propose, le récepteur participe. Le
DJ s’inscrit donc dans une posture de sélectionneur qui propose à son public une playlist.
Cette esthétique générale permet ici de trouver une réponse à la surproduction, de ne pas
la voir comme un problème mais au contraire comme un facteur nouveau de création.
Axel Tafforêt DJ résidant en Charente Maritime considère le rôle d’internet comme
central, voire vital dans sa carrière. Éloigné de tout véritable centre culturel, internet a été
pour lui une solution tout d’abord pour se familiariser avec la musique. L’apparition de
site comme Soundcloud ou Youtube lui ont permis dans un premier temps de se forger
une culture musicale nécessaire à son métier. C’est fort de cette culture, qu’il a ainsi
développé grâce à internet, qu’il aiguise ses goûts. Il n’a en effet jamais bénéficié d’une
éducation musicale, ne sait pas lire une portée ou jouer d’un quelconque instrument.
Néanmoins, il se considère tout de même comme un artiste, un musicien à part entière.
Si son rôle n’est pas de composer un morceau à partir de zéro, il est d’avantage
d’assembler, de mixer, de proposer de nouveaux assemblages. C’est ainsi qu’internet
lui a permis de découvrir de nombreux genres et sous-genres de musique. Internet lui a
permis d’explorer des moments et des lieux musicaux très éloignés de sa culture initiale
et il est, à son avis, impensable de pouvoir explorer autant de genres.
D’un point de vue tout simplement pratique, il n’existe pas, dans son lieu d’habitation, de
disquaire. Ainsi le téléchargement et l’écoute en streaming sont des alternatives pratiques
aux systèmes classiques de découverte musicale.
Beatport par exemple, site de téléchargement légal, lui permet hebdomadairement de
parcourir les sorties et de les acheter immédiatement.
Des plateformes de téléchargement illégal lui permettent de s’abreuver tout autant, à
moindre coût.
11
Son travail consiste ensuite à récupérer tous ces contenus, et de les assembler pour
créer de nouvelles sonorités.
La composition d’un morceau n’est plus un but en soi, mais une matière pré existante
qu’il convient d’utiliser et de modifier.
Le DJ devient sélectionneur, influenceur, guide.
Cette tendance au mixage provient d’un élément essentiel d’internet : la surabondance.
L’évolution des techniques de production, l’avènement des home studios, ont permis à la
masse musicale d’évoluer de manière exponentielle. La facilité des outils de production,
comme de diffusion, permet à tout un chacun de publier ses créations sur internet. Ainsi,
la masse musicale croît toujours plus et nécessite donc d’être traitée d’une manière
ou d’une autre. Ce modèle de mixité, d’abolition des frontières stylistiques est donc
directement fruit de la quantité de musique disponible.
Selon Jean-Yves Leloup, auteur de Digital Magma, la création des artistes est aujourd’hui
retraitée, réutilisée dans un magma digital.
La mise à disposition généralisée des données a permis de modifier la législation pour
se mettre au diapason des usagers, des artistes et des amateurs. Il y a certainement des
alternatives à trouver. Le creative commons, le copyleft ont été créés dans cette direction.
Or bien souvent les artistes qui mettent à disposition leurs oeuvres sont des artistes
confidentiels.

3- La question de l’album
En ce sens, la composition classique de morceaux, qui constituent ensuite des
albums, est fortement remise en question. C’est ainsi que l’on assiste de plus en plus à
l’apparition de concerts enregistrés, de formats alternatifs à l’album. Gordon Shumway,
à la fois compositeur et promoteur pour le label français InFiné, nous confirme cette
tendance. Le format de l’album n’est pas viable pour un label qui vend majoritairement
sur le digital. Selon lui, la logique de développement des artistes s’est quelque peu
inversée. Il était dans la norme de d’abord sortir un album, puis de faire une tournée pour
le promouvoir. Aujourd’hui la plupart des artistes, DJ ou compositeurs, ont tendance à
d’abord développer leur notoriété par les concerts, puis à sortir des EP ou des albums.
La sortie de morceaux vient en récompense de bonnes performances sur scène. Cette
tendance est d’autant plus forte dans les styles tels que les musiques électroniques.
Selon Patrice Bardot, journaliste et rédacteur en chef du magazine Tsugi, le format
d’album est bel et bien un format dépassé.
Il est en effet peu adapté à la musique électronique par rapport aux compilations mixées,
aux maxi.
Il considère que la musique électronique doit trouver un format à elle, un format du futur :
format court pour faire parler du producteur puis le booker.
Selon lui, on constate beaucoup de remplissage sur les albums de musique électronique.
Les cas Marble ou Sound Pellegrino, vus en première partie, sont intéressants puisqu’ils
12
arrivent à proposer une alternative : des sorties courtes, rapides et pointues. Cependant
ils ont un passé important qui leur permet de faire ça à contre courant.
Le constat général est que les gens n’écoutent plus des albums entiers mais plutôt des
morceaux : la consommation devient fragmentée.
Le groupe 2manydj’s propose une expérience, une véritable alternative à l’album :
diffusion d’émissions fictives de radio sur des thèmes musicaux précis, lives interactifs.
Composé de deux frères collectionneurs compulsifs de musique, 2manydj’s est en ce
sens un groupe né de la surabondance de musique.
On constate donc qu’internet, en cette fin de XXème siècle, représente de plus en
plus une matière première pour les artistes musicaux. Cette matière première, véritable
masse musicale jusqu’alors dispersée, a permis l’apparition de nouveaux acteurs dans
le paysage musical : les DJs. Véritables sélectionneurs, personnages d’influences, ils ont
pour but de guider leurs auditeurs dans la jungle qu’est internet.

13
Conclusion
Internet a donc été un media prédominant dans le développement de la musique au
XXème siècle. Cet art entretient des relations étroites, depuis ses débuts, avec les
technologies de l’information et de la communication. L’on a tendance a souvent
considérer internet par rapport à la musique sous l’angle unique du téléchargement
illégal, comme si internet était uniquement facteur d’appauvrissement culturel.
Cependant, l’art peut, et doit, s’adapter aux particularités de son époque, c’est en cela
qu’il devient même essentiel à cette dernière. Il est évident que les évolutions stylistiques
successives dans la musique du XXème siècle sont étroitement liées à différents facteurs
technologiques, économiques et sociaux. La glitch music en est un des exemples les plus
récents, ancré dans l’ère technologique actuelle.
S’il est donc indéniable qu’internet a enrichi la création musicale, et parfois sa réception,
il semble tout de même subsister actuellement un décalage entre l’industrie musicale, la
législation et le consommateur. D’un point de vue moins centré sur le créateur, et plus sur
la réception de son oeuvre, internet semble avoir actuellement crée une zone temporaire
dans laquelle l’ancien modèle économique n’est plus viable, sans qu’un nouveau ait
vraiment émergé. Dès lors, la situation instable actuelle est directement imputable aux
révolutions informationnelles.
L’enjeu majeur semble donc, pour les artistes, leur industrie et les auditeurs, de faire
correspondre les changements stylistiques, idéologiques avec une réalité économique.

14
Remerciements
Je remercie l’Institut Supérieur de Communication de Paris, Catherine Charlier pour ses
tutorats, Jean-Yves Leloup, Thomas Hennebicque et Patrice Bardot pour leur temps et
leurs réponses.
15
Bibliographie
16
Généralités sur l’art

- BARICCO, Alessandro, Hegel ou les vaches du Wisconsin, Folio, 1998
- DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix, Milles Plateaux, Éditions de Minuit, 1976
- REBATET, Lucien, Une histoire de la musique, Laffont, 2011
- GOULD, Glenn, Glenn Gould par Glenn Gould sur Glenn Gould, Allia, 2012
- SARTRE, Jean-Paul, L’imaginaire, Folio, 1940

Généralités sur l’économie

- BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation, Paris, Denoel/Folio essais, 1970
- RIFKIN, Jérémy, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005

Art contemporain
Ouvrages

- Ouvrage collectif, Modulations, Allia, 2004
- BOURRIAUD, Nicolas, Postproduction, Les presses du réel, 2003
- BUREAUD, Annick, MAGNAN, Nathalie, Connexions, art, réseaux, media, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2002
- CAGE, John, Silence, Éditions Contrechamps et Héros-Limite, 2012
- LELOUP, Jean-Yves, Digital Magma, Paris, Scali, 2006
- NYMAN, Michael, Experimental Music, Allia, 2005
- RUSSOLO, Luigi, L’art des bruits, Paris, Allia, 2003
- SCHAEFFER, Pierre, À la recherche de la musique concrète, Seuil, 1952
- TOOP, David, Ocean of Sound, Kargo, 2008

Articles Internet

- LELOUP, Jean-Yves, Les Basiques : la musique électronique, in Site OLATS
http://www.olats.org/livresetudes/basiques/musiqueelectronique/basiquesME.php (page
consultée le 5/11/12)
- MANNOURY, Philippe, Stockhausen et au-delà, in Site IRCAM
http://brahms.ircam.fr/documents/document/20045/
(page consultée le 5/11/12)
- MATTIN, Noise and capitalism, in Site Rebellyon
http://rebellyon.info/Noise-Capitalism-extraits-traduits.html
(page consultée le 5/11/12)
- LELOUP, Jean-Yves, Musique et technologie, un siècle d’affrontement in Site Culture
Mobile
http://www.culturemobile.net/cultures-numerique/musique-et-technologie-un-siecle-affrontements/21e-siecle-dematerialisation-et
- LELOUP, Jean-Yves, Ryoji Ikeda, l’esthétique de la data, in Site Culture Mobile
http://www.culturemobile.net/artek/ryoji-ikeda-esthetique-data

Articles papier

- BAL-BLANC, Pierre, Compositions Libres, in Volume #3, Les Presses du réel
- BOUAICI, Smaël, Rone en plein croissance, in Trax #160
- DARMENDRAIL, Géromé, Le business selon Surkin, in Tsugi #46
- DARO, Carlotta, Telephone Art, in Volume #5, Les Presses du réel
17
- GALLOIS, Christophe, Notes sur Pendulum Music, in Volume #1, Les Presses du réel
- MATTIN, Unconstituted Praxis, in Volume #3, Les Presses du réel
- VINCENT, Émeline, Haroon Mirza, in Volume #5, Les Presses du réel

Vidéos

- CONTENTO, Augusto, Parallax Sound, 2012
- HELLIWELL, Ian, Practical Electronica, 2011

Conférences

- Visionner, annonter, monter, conférence sur le mashup au Centre Pompidou, Novembre
2012
- Culture libre, the open world forum, conférence donnée par la revue MCD : musiques et
cultures digitales, Novembre 2012

Autres

- IKEDA, Ryoji, Feuillet explicatif pour la performance Superposition au Centre Pompidou,
Novembre 2012
- Copyleft Attitude, Licence Art Libre, in http://artlibre.org (consultée le 5/12/12)

Media

Ouvrages

- MCLUHAN, Marshall, Pour comprendre les media, Seuil, 1977
- WIENER, Norbert, Cybernétique et société, Union Générale d’Éditions, Collection 10/18

Articles papier

- MADER, Pierre-Nicolas, Bandcamp : Le Myspace des années 10 ?, in Boing Poum
Tchak #3

Vidéos

- DAMMBECK, Lutz, Das Netz, Allemagne, 2005

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Comment Internet influence la création musicale ?

  • 2. Sommaire Introduction I- Internet, élément perturbateur du processus créatif 1- Un bouleversement des considérations artistiques 2- Un bouleversement des outils de création 3- Un bouleversement des outils de diffusion II- Internet, nouvelle matière première à destination des compositeurs 1- Échantillonnage, Sampling, Mashup 2- Un nouveau créateur/curateur : le DJ 3- La question de l’album Conclusion Remerciements Bibliographie Annexes 2
  • 3. Introduction « Je ne comprends pas pourquoi les gens ont peur des idées nouvelles. Moi, j’ai peur des vieilles idées. » Cette phrase, extraite d’une conférence donnée par John Cage dans les années 70, résume, à elle-seule, la nécessité qu’a l’art de se renouveler. Il semble bien souvent confortable pour les critiques de toutes les époques de rejeter le nouveau pour mystifier le passé. Simon Reynolds, critique musical anglais, en fera un livre intitulé Retromania ou comment la pop culture recycle son passé. L’on définira ici la musique comme l’assemblement des sons et des silences dans le temps. Or l’art, et la musique a fortiori, sont sous influence directe et totale d’un contexte historique. L’une des révolutions technologiques majeures de cette seconde moitié du XXème siècle est la révolution des moyens de communication, et plus particulièrement internet. Internet est un réseau mondial sur lequel des informations de tous types, des données, circulent, sont échangées, de manière quasi instantanée. Il semble dès lors essentiel de chercher à percevoir l’influence à travers ce siècle des technologies de l’information et de la communication, et plus particulièrement internet, sur la création artistique, et spécialement ici la musique. C’est pourquoi nous analyserons tout d’abord l’influence d’internet sur le processus créatif, segmenté entre les considérations artistiques, les outils de production et les outils de diffusion. Ensuite nous verrons en quoi internet est actuellement une matière première pour de nombreux compositeurs et en quoi il bouleverse leurs créations. 3
  • 4. I-Internet comme élément perturbateur du processus créatif 1-Bouleversement des considérations artistiques La musique, selon Jacques Attali dans son ouvrage Bruits, reflète les changements socioéconomiques de la société. La création musicale, à travers les siècles, est intimement liée aux différents paramètres de la société : économie, technologie, systèmes politiques. Ainsi, la musique classique qui se développe en Europe au XVIIème siècle, influencée par l’imprimerie, devient une musique de partition, musique écrite, qu’il convient d’interpréter, de lire et de réciter. Luigi Russolo, compositeur italien avant gardiste du début du XXème siècle confirme ce postulat. Dans son manifeste intitulé L’Art des bruits, il pose les fondements d’une esthétique musicale influencée par la révolution industrielle, le travail des usines et le bruit des machines. Selon lui, la musique doit s’accorder avec la société d’alors, et proposer des sonorités nouvelles, bruitistes, cacophoniques, alors impensables dans le monde musical. Il composera plusieurs pièces pour des orchestres aux instruments originaux, véritables machines sonores construites par ses soins. Russolo tend alors à faire accepter les sons et bruits dans leur totalité comme prenant part à la création musicale. La musique concrète, qui voit le jour avec les expérimentations de Pierre Schaeffer, est une conséquence directe d’une avancée technologique : le gramophone. Les techniques d’enregistrement des sons, mises au point par Edison, influencent les compositeurs d’alors qui ne composent plus à partir d’une portée, mais à partir d’enregistrement. Des techniques de création telles que le sampling ou encore le collage sonore sont alors inventées directement sous influence des technologies d’enregistrement sur micro-sillon ou sur bande magnétique. Les compositeurs de musique concrète vont ainsi introduire la possibilité de composer un morceau, une pièce, non à partir d’une page blanche, mais à partir de matériaux pré existants. Dans les années 1960, John Cage initiera le mouvement de la musique expérimentale aux États-Unis. Ce mouvement aura pour leitmotiv de bouleverser les distinctions entre compositeur, interprète et spectateur. Il regroupera des artistes aux influences et aux compétences variées. John Cage donnera au hasard une importance majeure dans son processus de composition. Il créera également des pièces novatrices comme 4’33, souvent connue comme la pièce silencieuse. Elle consiste pour l’interprète à ne jouer aucun son via son instrument et à laisser l’environnement s’exprimer. Lors de la première représentation, le troisième mouvement a été envahi par le bruit des chaises raclant le sol, une pluie battante sur le toit etc. Ainsi, Cage tente non seulement de faire réécouter le monde, mais également de décentraliser la place du compositeur pour donner à l’auditeur une part de plus en plus importante dans le processus de création. Ces bouleversements du processus créatif voient apparaitre un nouveau paradigme dans la création musicale : la co-création. Que ce soit dans la musique concrète ou dans les 4
  • 5. expérimentations de John Cage, il semble évident que l’hégémonie de l’auteur comme seul et unique créateur est de plus en plus remise en question. Ici, la musique reflète et anticipe à la fois la société et ses changements. Comment ne pas voir de lien entre cette co-création et la division du travail tayloro-fordiste, où le travail d’un ensemble de personnes permet la création d’une seule et même pièce. Mais il semble évident que les créations communes, disparates dans le temps, entre plusieurs artistes, parfois entre musiciens et peintres, anticipent les changements qui vont survenir quelques décennies plus tard dans les technologies de l’information. Internet est en effet le lieu ultime du partage, de l’entraide et du réseau. Dans Hegel ou les vaches du Wisconsin, Alessandro Baricco tente de proposer une approche contemporaine de la musique, et surtout une manière de l’approcher qui ne soit pas nostalgique. Pour cela, il valorise l’interprétation. Selon lui, une musique ne prend de sens dans son époque, que si elle est justement capable de faire le lien entre le moment de sa création et le moment de son interprétation. En ce sens, il devient essentiel pour lui de constamment revisiter les chefs d’oeuvres afin de ne pas les laisser mourir dans un musée-mausolée. Baricco permet ici de conceptualiser une approche de la musique comme un art en mouvement et non pas figé. De plus, ses remarques sont cohérentes avec les nouveaux paradigmes des musiques contemporaines : le remix, le sample, le mashup. Cette philosophie de la musique semble être en accord avec les bouleversements engendrés par le web et les nouvelles technologies de la communication. La licence art libre, copyleft, alternative au copyright, institutionnalise ces changements. Fruit d’un dialogue entre plusieurs acteurs du droit, de l’art et de l’informatique, la Licence Art Libre tend à redéfinir les notions de droit d’auteur à l’époque du digital. Tout d’abord, elle redéfinit la conception même de l’oeuvre en la précisant : oeuvre commune, initiale, conséquente, originale et copie. À travers 11 points précis, la licence redéfinit et adapte le contexte d’exploitation des oeuvres pour permettre une législation plus en phase avec la société actuelle. Cette licence montre bien ici la prise de conscience par les milieux juridiques, artistiques et informatiques de la nécessité de redéfinir les fondements même de l’art. Il s’agit de proposer des solutions nouvelles pour répondre aux problématiques récentes de la création contemporaine. Ces changements sont symptomatiques des nouvelles préoccupations de ces milieux et ils annoncent des changements dans la reconnaissance de ces types d’oeuvres. En abordant des problématiques telles que la co-création ou le remix, la licence art libre tente d’accorder le contexte juridique avec l’actualité artistique. Son but est de gommer le décalage actuel entre les institutions de droit d’auteur et les réalités de la création. Ces changements ont ainsi permis des changements profonds au niveau des considérations artistiques. L’un des enjeux majeurs de l’art n’est pas de découvrir de nouveaux moyens techniques, pratiques pour créer, mais bien de bouleverser les codes 5
  • 6. et les visions du monde. En ce sens, il s’agit pour la communauté artistique d’influencer et de modifier les perceptions non seulement en son sein, mais également au sein de la société dans son ensemble. Un art sans public n’est pas un art, et c’est ce que l’on pourrait finalement retenir du travail de John Cage : l’art doit englober à la fois son créateur mais également son environnement. 2-Bouleversement des outils Si les modifications de perception des artistes, mais également du public, permettent à l’art d’évoluer, ces derniers sont également permis par des changements techniques et technologiques. Nous avons en effet précédemment vu l’influence des inventions d’Edison sur la composition dans la musique concrète. Les techniques d’enregistrement que sont la photographie, la phonographie et la cinématographie vont être en effet à la base de nombreux arts du XXème siècle, et notamment des arts populaires. L’autre révolution technologique qui va affecter la musique et sa création est l’évolution des technologies de communication et de l’information. Le XXème siècle verra successivement apparaitre différents outils de communication qui aboutiront enfin dans les années 60 pour l’usage militaire, et dans les années 80 pour l’usage public, à internet. Ces différents outils, télégramme, téléphone, minitel, fax et enfin internet auront comme points communs de rendre le transport de l’information plus rapide, plus sûr, plus facile et plus économique. Stockhausen est un musicien allemand né en 1928 qui a notamment participé à l’essor de la musique sérielle. Il évolue dans un contexte où la musique enregistrée et la globalisation se généralise. Ainsi il écrit dans un essai intitulé Au-delà de la polyphonie du village global à quel point il est facile à son époque d’échanger, d’écouter et de modifier des sons issus de toute la surface du globe. Là où il fallait avant aller en Afrique pour écouter de la musique africaine, il suffit désormais de se la faire transmettre. Même si Stockhausen n’évoque pas spécifiquement internet dans sa démonstration, son développement met en avant les avantages de technologies similaires. Que ce soit le téléphone, le courrier postal ou tout autre moyen d’envoi de données, le problème de fond reste le même et internet synthétise toutes ces technologies. Grâce à internet il est plus facile, plus rapide et moins couteux d’expédier à l’autre bout du monde toutes sortes d’informations. L’internaute devient ainsi présent partout et immédiatement. C’est cette modification du statut du consommateur qui nous semble ici intéressant dans nos recherches. Il y a une conséquence de la modification des moyens de communication sur le récepteur. La modification du canal au sens de Weaver entraine des modifications pour les utilisateurs de ce canal. Stockhausen nous offre dans cet essai sa vision de compositeur mais aussi de théoricien de la musique. Il nous permet de mettre en perspective la composition, la diffusion et l’écoute musicale en fonction des apports technologiques tels internet. Il dresse une esquisse de ce que pourrait devenir la musique en acceptant ces 6
  • 7. modifications, tant sur le plan esthétique qu’économique. La communication numérique est permise dès les années 1990, entre des musiciens éloignés géographiquement. Échange de fichier, travail plus virtuel, plus besoin de rassemblement en studio. On parle alors de déterritorialisation de la musique. Certains sites permettent le partage de musique, à la fois à ses connaissances, mais aussi à un plus large public : c’est la médiatisation de la musique. On assiste à une mise à disposition d’outils collectifs (patch etc.). La communication entre les musiciens, les ingénieurs est accélérée mais surtout dans les niches. Les technologies d’enregistrement des sons, puis de numérisation, et enfin de diffusion permettent l’émergence d’un nouveau paradigme musical : le remix. Un remix consiste en la reprise par un artiste ou groupe d’artistes de la création d’un autre artiste ou groupe d’artistes. Nicolas Bourriaud met en exèrgue dans Postproduction une citation de Serge Daney qui illustre, de manière synthétique et sur un ton encourageant, son propos : «C’est simple, l’être humain produit des oeuvres, eh bien on en fait ce qu’on a à en faire, on s’en sert pour nous.» Dans cet ouvrage, l’auteur développe sa thèse selon laquelle l’art depuis la fin des années 90 est non pas produit mais postproduit. Ce terme vient de la télévision, du cinéma et de la vidéo. Il s’agit des traitements effectués a posteriori sur un matériau enregistré. Il ne s’agit pas ici de produire à partir de rien, mais bien de re-traiter des matières transformées et non pas premières. Selon Deleuze, on ne répond plus à la question «que faire de nouveau ?» mais «que faire avec ?». Bourriaud se situe donc clairement dans un contexte créatif à partir d’un flux d’informations préexistant. Il ne s’agit plus de faire table rase, mais de réussir à insérer son propos au sein d’un contexte pré-existant. Internet est clairement le plus grand vecteur de flux existant et il s’agit ici pour les artistes de s’orienter et d’orienter dans ce flux. L’artiste fait donc office de passeur, il n’est plus un point arrêté dans le temps mais un relais entre plusieurs points. Cette nouvelle esthétique dépend totalement des techniques d’enregistrement et de traitement de la musique. Et Internet facilite encore une fois l’émergence de cette esthétique en augmentant significativement les caractéristiques des moyens de communication modernes : vitesse, omniprésence et simultanéïté. Le remix, son apparition et son développement, sont donc intimement liés à internet. Tout d’abord, internet rend tout simplement possible et réalisable de manière simple l’échange entre les artistes de données numérisées. Si Stockhausen vante dans les années 1960 les avantages du transport d’enregistrement africains par voie postale, internet radicalise des années plus tard cette facilité du transport de l’information. Mais si cette diffusion amplifiée de la musique permet à de nouveaux paradigmes d’émerger au sein de la communauté créative, comme le remix, elle permet également de toucher plus facilement 7
  • 8. son public. 3-Bouleversement de la diffusion Si internet a permis de bouleverser les outils de production et les considérations artistiques inhérentes à la création musicale, force est de constater que la diffusion de la musique et sa commercialisation ont radicalement été modifiées. Classiquement, et depuis les débuts de la musique enregistrée, de grandes maisons de disques, appelées majors, prennent en charge l’industrie musicale de sa première à sa dernière étape. Ces majors, organisations tentaculaires, gèrent ainsi tant le management d’un artiste, l’enregistrement de ses albums que la production et la diffusion des copies de ses créations. Elles s’appellent Sony, Universal ou encore Warner. Représentant 71% des parts de marché, elles sont depuis de nombreuses années le modèle de référence pour la diffusion de la musique. Organismes normés et bureaucratiques, ils ne correspondent bien souvent pas à de nouveaux artistes dynamiques, qui ne souhaitent pas nécessairement respecter leurs délais et impératifs. En réaction à ces majors, de nombreux labels indépendants ont été créés depuis les années 1960. Des labels tels qu’Obscure Records, label fondé par Brian Eno, permettent durant ces années de produire des artistes ne correspondant pas aux normes du marché de la musique. L’évolution logique de ces labels indépendants est les labels digitaux. Ces labels, en reprenant la liberté des labels indépendants, se caractérisent par le fait qu’ils diffusent leurs créations au format digital uniquement et non sur les supports physiques traditionnels que sont les cds et vinyles. Il s’agit pour eux de se délivrer tant idéologiquement que physique des contraintes des majors. Internet leur permet en effet non seulement de réduire considérablement la chaine de production, mais également de développer leurs artistes à leur rythme, sans aucune contrainte hiérarchique. Bien souvent, ces labels sont fondés par les artistes eux-mêmes. Ainsi, l’artiste embrasse un nouveau rôle quasimment de gérant d’entreprise. Ils gèrent toute l’infrastructure du label, la sélection des artistes, et leur diffusion. Des initiatives françaises telles que Sound Pellegrino ou Marble permettent à leurs artistes de diffuser leurs créations de manière nettement moins poussive que via les circuits de distribution classiques. Ces labels se servent d’internet comme d’un vecteur de communication rapide, efficace, et surtout moins couteux que les habituels circuits de distribution. Le modèle de ces labels est bien souvent à 360° : ils sont booker, tourneur, manager, éditeur. En effet, la vente seule de morceaux ne permet pas leur survie. La vente moyenne par sortie en musique électronique est de moins de 1 000 exemplaires. Des plateformes telles qu’iTunes, Soundcloud ou encore Deezer facilitent en effet la chaine de diffusion des créations. Elles permettent via des outils accessibles au plus 8
  • 9. grand nombre, de diffuser facilement, de classer les morceaux, de les pré écouter. Ces changements de vitesse dans la publication des artistes a des conséquences sur le format des créations proposées. Si le modèle dominant de la musique a été jusqu’à maintenant la production d’albums, d’une vingtaine de titres, les labels digitaux ont, eux, tendance à privilégier des formats courts, de deux ou trois titres, nommés Extended Play. Ainsi, ces labels digitaux peuvent s’adapter à une demande qui se fait de plus en plus présente et rapide. Les vecteurs de diffusion ont donc une importance capitale sur le format final écouté par l’auditeur. Internet a donc changé les considérations artistiques, les outils de production et enfin les moyens de diffusion. Ainsi, internet, et les améliorations techniques qui l’ont précédé, a été un élément perturbateur central dans l’évolution des processus créatifs au XXème siècle. Mais il est possible d’envisager le lien entre internet et la création musicale d’une manière encore plus étroite. Voyons maintenant en quoi internet est également devenu une matière première pour la création musicale. II-Internet comme matière première 1- L’échantillonnage La musique concrète à l’initiative de Pierre Schaeffer est, comme nous l’avons vu, le premier mouvement à s’emparer de la donnée pour s’en servir par la suite. C’est en utilisant des enregistrements de bruits de portes, de cloches, enregistrés alors sur bandes magnétiques, que les artistes de musique concrète vont utiliser l’information, la détourner. Ce principe d’échantillonnage, de sampling en anglais, naît donc de cette volonté de prélever, pour détourner, ré-utiliser, recycler. Dans le cadre d’un workshop à la Bpi du Centre Pompidou, les dirigeants de la Bpi et du Forum des Images ont organisé une conférence autour de la question du mashup afin d’en définir l’origine, d’en percevoir les intérêts et d’en organiser l’émergence. Selon eux, l’activité d’apprentissage devient de plus en plus pratique et créative. La lecture devient active et sort de ses frontières classiques. Le web est en effet à 90% audiovisuel et fait donc évoluer la réception des contenus. Le sampling, qui vient de la musique, est une pratique qui sous-tend le mashup. Il s’agit de recueillir des données afin de les réexploiter par la suite. On s’approprie puis re diffuse. Internet facilite ici la recherche de matière. Accumulation, stockage, banque d’images, banque de samples. Cette conférence traite tout d’abord de la question du sampling. Pratique consistant à prélever, dans une oeuvre, préexistante un élément pour le réutiliser. Cette pratique 9
  • 10. apparait dans la musique du XXème siècle avec la musique expérimentale initiée par John Cage. Dans Imaginary Landscapes ce dernier compose en effet à partir de sources préexistantes de musiques radiodiffusées à l’instant de la représentation de l’oeuvre. Démocratisé par le hip hop au milieu des années 80 et par des producteurs comme Dj Shadow, le sampling est une des évolutions majeures de la musique et de la technologie. En effet si le sample est tout d’abord possible, c’est grace à des avancées technologiques initiées par le phonographe d’Edison, les montages/collages de la musique concrète et la démocratisation des techniques d’enregistrement. Mais si la technologie rend possible d’un point de vue technique le sampling, il se trouve qu’elle permet aussi d’un point de vue artistique et historique son développement. Comme le dit McLuhan, l’apport essentiel du medium, c’est le medium lui-même. L’essor de la musique enregistrée et de ses moyens de distribution créent un contexte social et culturel propice à sa réutilisation. L’artiste, comme le citoyen lambda, baigne quotidiennement dans un environnement sonore prolifique. Internet vient augmenter ces tendances déjà à l’oeuvre avant son apparition. En effet, il permet une distribution plus étendue, plus rapide et moins couteuse. Internet participe donc entièrement ici à l’accélération d’un phénomène propre à la musique du XXème siècle : le sampling. Cela vient fortement bouleverser le paradigme de la création tel qu’envisagé depuis la Renaissance : la création d’une oeuvre par un seul et unique auteur, à partir d’une feuille blanche. En effet, l’artiste utilise, détourne, se réapproprie un matériau produit par autrui, qu’il vient puiser dans un contexte culturel préexistant. On voit même se développer sur internet des banques de samples, qui permettent de venir piocher en leur sein des bouts de création pour les réutiliser. Internet facilite ici le stockage de ces données et leur partage. Neveu de John et Alice Coltrane, Steven Elisson aka Flying Lotus est un musicien de Los Angeles, produit en 2010 Cosmogramma. Salué par la critique, cet album est à première écoute assez perturbant par la multitude des données que l’auditeur a à digérer. Le travail de Flying Lotus consiste en effet en une accumulation de différents tiroirs dans ses morceaux, de différents effets qui viennent se superposer les uns aux autres. On y retrouve l’influence familiale du jazz instrumental expérimental, autant que le hip hop de la côte ouest. Cette oeuvre est indéniablement le produit d’un artiste issu d’une génération où l’information doit être digérée, mixée puis recrachée. Il s’agit là à la fois d’un artiste qui compose via des outils nouveaux, mais aussi pour créer un genre musical nouveau. C’est une création hybride, sorte de course effrénée à travers des données qui arrivent de manière faussement aléatoire, qui se révèle être au final terriblement équilibrée. Cosmogramma, le titre de l’album, est une carte de l’univers et des relations entre le paradis et l’enfer. Flying Lotus semble avec cet album être allé puiser au coeur de l’enfer qu’est internet pour sublimer ses trouvailles et les intégrer dans une création d’une grande beauté. C’est ainsi que l’on assiste à un assemblage d’influences très variées. Le hip hop côtoie le jazz 10
  • 11. expérimental tandis que des solos de harpe se font entendre. Flying Lotus propose dans cet album une musique à son image : influencée. Le label allemand Raster-Noton produit depuis une vingtaine d’années des artistes fortement influencés par cette esthétique informatique et informationnelle. Les artistes du label tels qu’Alva Noto, Ryoji Ikeda ou encore Vladislav Delay s’emploient à composer une musique dont le nom même est inspiré du vocabulaire informatique. La glitch music, ou musique de l’erreur, est un style basé sur les erreurs informatiques, ou bugs dans le langage français courant. C’est un style qui puise sa matière dans l’informatique et dans ses bruits. On retiendra par exemple le double album Xerrox, produit par Alva Noto, qui tire ses sonorités de photocopieurs à travers le monde. 2- Un nouveau créateur/curateur : le dj Nicolas Bourriaud pose, dans Postproduction, la question du DJ comme centrale dans la création musicale. La figure de DJ semble en effet très importante dans ce contexte où des notions d’émetteur et de récepteur sont modifiées. L’émetteur propose, le récepteur participe. Le DJ s’inscrit donc dans une posture de sélectionneur qui propose à son public une playlist. Cette esthétique générale permet ici de trouver une réponse à la surproduction, de ne pas la voir comme un problème mais au contraire comme un facteur nouveau de création. Axel Tafforêt DJ résidant en Charente Maritime considère le rôle d’internet comme central, voire vital dans sa carrière. Éloigné de tout véritable centre culturel, internet a été pour lui une solution tout d’abord pour se familiariser avec la musique. L’apparition de site comme Soundcloud ou Youtube lui ont permis dans un premier temps de se forger une culture musicale nécessaire à son métier. C’est fort de cette culture, qu’il a ainsi développé grâce à internet, qu’il aiguise ses goûts. Il n’a en effet jamais bénéficié d’une éducation musicale, ne sait pas lire une portée ou jouer d’un quelconque instrument. Néanmoins, il se considère tout de même comme un artiste, un musicien à part entière. Si son rôle n’est pas de composer un morceau à partir de zéro, il est d’avantage d’assembler, de mixer, de proposer de nouveaux assemblages. C’est ainsi qu’internet lui a permis de découvrir de nombreux genres et sous-genres de musique. Internet lui a permis d’explorer des moments et des lieux musicaux très éloignés de sa culture initiale et il est, à son avis, impensable de pouvoir explorer autant de genres. D’un point de vue tout simplement pratique, il n’existe pas, dans son lieu d’habitation, de disquaire. Ainsi le téléchargement et l’écoute en streaming sont des alternatives pratiques aux systèmes classiques de découverte musicale. Beatport par exemple, site de téléchargement légal, lui permet hebdomadairement de parcourir les sorties et de les acheter immédiatement. Des plateformes de téléchargement illégal lui permettent de s’abreuver tout autant, à moindre coût. 11
  • 12. Son travail consiste ensuite à récupérer tous ces contenus, et de les assembler pour créer de nouvelles sonorités. La composition d’un morceau n’est plus un but en soi, mais une matière pré existante qu’il convient d’utiliser et de modifier. Le DJ devient sélectionneur, influenceur, guide. Cette tendance au mixage provient d’un élément essentiel d’internet : la surabondance. L’évolution des techniques de production, l’avènement des home studios, ont permis à la masse musicale d’évoluer de manière exponentielle. La facilité des outils de production, comme de diffusion, permet à tout un chacun de publier ses créations sur internet. Ainsi, la masse musicale croît toujours plus et nécessite donc d’être traitée d’une manière ou d’une autre. Ce modèle de mixité, d’abolition des frontières stylistiques est donc directement fruit de la quantité de musique disponible. Selon Jean-Yves Leloup, auteur de Digital Magma, la création des artistes est aujourd’hui retraitée, réutilisée dans un magma digital. La mise à disposition généralisée des données a permis de modifier la législation pour se mettre au diapason des usagers, des artistes et des amateurs. Il y a certainement des alternatives à trouver. Le creative commons, le copyleft ont été créés dans cette direction. Or bien souvent les artistes qui mettent à disposition leurs oeuvres sont des artistes confidentiels. 3- La question de l’album En ce sens, la composition classique de morceaux, qui constituent ensuite des albums, est fortement remise en question. C’est ainsi que l’on assiste de plus en plus à l’apparition de concerts enregistrés, de formats alternatifs à l’album. Gordon Shumway, à la fois compositeur et promoteur pour le label français InFiné, nous confirme cette tendance. Le format de l’album n’est pas viable pour un label qui vend majoritairement sur le digital. Selon lui, la logique de développement des artistes s’est quelque peu inversée. Il était dans la norme de d’abord sortir un album, puis de faire une tournée pour le promouvoir. Aujourd’hui la plupart des artistes, DJ ou compositeurs, ont tendance à d’abord développer leur notoriété par les concerts, puis à sortir des EP ou des albums. La sortie de morceaux vient en récompense de bonnes performances sur scène. Cette tendance est d’autant plus forte dans les styles tels que les musiques électroniques. Selon Patrice Bardot, journaliste et rédacteur en chef du magazine Tsugi, le format d’album est bel et bien un format dépassé. Il est en effet peu adapté à la musique électronique par rapport aux compilations mixées, aux maxi. Il considère que la musique électronique doit trouver un format à elle, un format du futur : format court pour faire parler du producteur puis le booker. Selon lui, on constate beaucoup de remplissage sur les albums de musique électronique. Les cas Marble ou Sound Pellegrino, vus en première partie, sont intéressants puisqu’ils 12
  • 13. arrivent à proposer une alternative : des sorties courtes, rapides et pointues. Cependant ils ont un passé important qui leur permet de faire ça à contre courant. Le constat général est que les gens n’écoutent plus des albums entiers mais plutôt des morceaux : la consommation devient fragmentée. Le groupe 2manydj’s propose une expérience, une véritable alternative à l’album : diffusion d’émissions fictives de radio sur des thèmes musicaux précis, lives interactifs. Composé de deux frères collectionneurs compulsifs de musique, 2manydj’s est en ce sens un groupe né de la surabondance de musique. On constate donc qu’internet, en cette fin de XXème siècle, représente de plus en plus une matière première pour les artistes musicaux. Cette matière première, véritable masse musicale jusqu’alors dispersée, a permis l’apparition de nouveaux acteurs dans le paysage musical : les DJs. Véritables sélectionneurs, personnages d’influences, ils ont pour but de guider leurs auditeurs dans la jungle qu’est internet. 13
  • 14. Conclusion Internet a donc été un media prédominant dans le développement de la musique au XXème siècle. Cet art entretient des relations étroites, depuis ses débuts, avec les technologies de l’information et de la communication. L’on a tendance a souvent considérer internet par rapport à la musique sous l’angle unique du téléchargement illégal, comme si internet était uniquement facteur d’appauvrissement culturel. Cependant, l’art peut, et doit, s’adapter aux particularités de son époque, c’est en cela qu’il devient même essentiel à cette dernière. Il est évident que les évolutions stylistiques successives dans la musique du XXème siècle sont étroitement liées à différents facteurs technologiques, économiques et sociaux. La glitch music en est un des exemples les plus récents, ancré dans l’ère technologique actuelle. S’il est donc indéniable qu’internet a enrichi la création musicale, et parfois sa réception, il semble tout de même subsister actuellement un décalage entre l’industrie musicale, la législation et le consommateur. D’un point de vue moins centré sur le créateur, et plus sur la réception de son oeuvre, internet semble avoir actuellement crée une zone temporaire dans laquelle l’ancien modèle économique n’est plus viable, sans qu’un nouveau ait vraiment émergé. Dès lors, la situation instable actuelle est directement imputable aux révolutions informationnelles. L’enjeu majeur semble donc, pour les artistes, leur industrie et les auditeurs, de faire correspondre les changements stylistiques, idéologiques avec une réalité économique. 14
  • 15. Remerciements Je remercie l’Institut Supérieur de Communication de Paris, Catherine Charlier pour ses tutorats, Jean-Yves Leloup, Thomas Hennebicque et Patrice Bardot pour leur temps et leurs réponses. 15
  • 17. Généralités sur l’art - BARICCO, Alessandro, Hegel ou les vaches du Wisconsin, Folio, 1998 - DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix, Milles Plateaux, Éditions de Minuit, 1976 - REBATET, Lucien, Une histoire de la musique, Laffont, 2011 - GOULD, Glenn, Glenn Gould par Glenn Gould sur Glenn Gould, Allia, 2012 - SARTRE, Jean-Paul, L’imaginaire, Folio, 1940 Généralités sur l’économie - BAUDRILLARD, Jean, La société de consommation, Paris, Denoel/Folio essais, 1970 - RIFKIN, Jérémy, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005 Art contemporain Ouvrages - Ouvrage collectif, Modulations, Allia, 2004 - BOURRIAUD, Nicolas, Postproduction, Les presses du réel, 2003 - BUREAUD, Annick, MAGNAN, Nathalie, Connexions, art, réseaux, media, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2002 - CAGE, John, Silence, Éditions Contrechamps et Héros-Limite, 2012 - LELOUP, Jean-Yves, Digital Magma, Paris, Scali, 2006 - NYMAN, Michael, Experimental Music, Allia, 2005 - RUSSOLO, Luigi, L’art des bruits, Paris, Allia, 2003 - SCHAEFFER, Pierre, À la recherche de la musique concrète, Seuil, 1952 - TOOP, David, Ocean of Sound, Kargo, 2008 Articles Internet - LELOUP, Jean-Yves, Les Basiques : la musique électronique, in Site OLATS http://www.olats.org/livresetudes/basiques/musiqueelectronique/basiquesME.php (page consultée le 5/11/12) - MANNOURY, Philippe, Stockhausen et au-delà, in Site IRCAM http://brahms.ircam.fr/documents/document/20045/ (page consultée le 5/11/12) - MATTIN, Noise and capitalism, in Site Rebellyon http://rebellyon.info/Noise-Capitalism-extraits-traduits.html (page consultée le 5/11/12) - LELOUP, Jean-Yves, Musique et technologie, un siècle d’affrontement in Site Culture Mobile http://www.culturemobile.net/cultures-numerique/musique-et-technologie-un-siecle-affrontements/21e-siecle-dematerialisation-et - LELOUP, Jean-Yves, Ryoji Ikeda, l’esthétique de la data, in Site Culture Mobile http://www.culturemobile.net/artek/ryoji-ikeda-esthetique-data Articles papier - BAL-BLANC, Pierre, Compositions Libres, in Volume #3, Les Presses du réel - BOUAICI, Smaël, Rone en plein croissance, in Trax #160 - DARMENDRAIL, Géromé, Le business selon Surkin, in Tsugi #46 - DARO, Carlotta, Telephone Art, in Volume #5, Les Presses du réel 17
  • 18. - GALLOIS, Christophe, Notes sur Pendulum Music, in Volume #1, Les Presses du réel - MATTIN, Unconstituted Praxis, in Volume #3, Les Presses du réel - VINCENT, Émeline, Haroon Mirza, in Volume #5, Les Presses du réel Vidéos - CONTENTO, Augusto, Parallax Sound, 2012 - HELLIWELL, Ian, Practical Electronica, 2011 Conférences - Visionner, annonter, monter, conférence sur le mashup au Centre Pompidou, Novembre 2012 - Culture libre, the open world forum, conférence donnée par la revue MCD : musiques et cultures digitales, Novembre 2012 Autres - IKEDA, Ryoji, Feuillet explicatif pour la performance Superposition au Centre Pompidou, Novembre 2012 - Copyleft Attitude, Licence Art Libre, in http://artlibre.org (consultée le 5/12/12) Media Ouvrages - MCLUHAN, Marshall, Pour comprendre les media, Seuil, 1977 - WIENER, Norbert, Cybernétique et société, Union Générale d’Éditions, Collection 10/18 Articles papier - MADER, Pierre-Nicolas, Bandcamp : Le Myspace des années 10 ?, in Boing Poum Tchak #3 Vidéos - DAMMBECK, Lutz, Das Netz, Allemagne, 2005 18