4. Peux-tu nous raconter ce que tu fais comme métier?
En quoi, ton métier a eu des conséquences
spécifiques?
5. - J’ai eu une période pendant quelques mois, j’étais dans la
résistance d’une nouvelle situation à l’hôpital car je suis
pharmacien hospitalier.
6. - Donc, il y avait un projet de fusionner, enfin de faire disparaître
ma pharmacie et de la faire fusionner avec une autre pharmacie
d’un autre hôpital.
7. - C’est mon ancienne chef de service qui est à l’origine
un peu de cette démarche.
Donc, j’étais un peu dans la résistance comme beaucoup
et pendant quelques mois, j’ai tout fait pour pas que ça
n’arrive.
8. - Donc, je me suis trouvé des alliés. D’abord, j’ai été allié
avec le directeur des services économiques.
Donc, on avait un projet de nouvelle structure à côté
d’un autre établissement, hors projet fusion, on va dire.
9. - On a fait donc, un projet de plateforme logistique associant
les services économiques et la pharmacie.
10. - Après, on a pris les soutiens de politiques.
Donc, on a pris le soutien de la présidente du conseil
d’administration, du maire, on a fait pas mal de réunions.
11. - En fait le directeur de l’établissement, on lui a expliqué la
situation au directeur de l’ARS qui a eu l’oreille attentive,
comme on dit.
L’ARS c’est l’agence régionale d’hospitalisation, c’est eux qui
décident ou pas de la fusion etc. etc.
12. - En fait, il faut savoir que mon ancienne chef de service a tout
fait pour me faire fusionner avec elle parce qu’elle ne voulait
pas rentrer dans une nouvelle organisation de fusion
avec le centre hospitalier universitaire.
13. - Pour contrer, ce projet où elle allait se faire bouffer.
En gros elle voulait me bouffer, moi! Et associer les petits
hôpitaux pour faire, disons, un groupement un peu concurrent
de la fusion pour contrer ce projet.
14. - Bon, elle avait pas mal d’aillés parce qu’elle est présidente
de la CME, c’est la commission médicale d’établissement donc
elle a fait jouer tous ses appuis.
Son mari avait aussi beaucoup de relais dont l’ARS.
Du coup, elle est arrivée à ses fins !
15. - Malgré mes démarches, pour faire capoter le projet,
on m’a promené beaucoup aussi, en me laissant croire
que la fusion n’aurait pas lieu.
16. - Une réunion avec tous les acteurs, les directeurs, l’ARS et faire
une grande réunion. Avant d’entrer on m’a dit de toute façon,
il n’y a pas de problème et que l’officine psychiatrique ne
fusionnera pas.
Et quand on est rentré dans la salle, on m’a montré que ça a
fusionné.
19. - Donc, voilà, après, j’ai eu beaucoup de conflits
avec le directeur, il m’a promené comme ce n’est pas permis.
20. - Enfin, c’était un personnage assez particulier, très pervers,
narcissique; donc très difficile.
Donc, j’ai fait un burn out !
21. - Donc, en fait du coup, toi, t’as pensé qu’avec tout ce que
t’allais faire, de mettre en place des stratégies que la fusion
n’aurait pas lieu.
Tout d’un coup, t’arrives dans une réunion et tu découvres
du jour au lendemain que tout a été décidé et fait dans ton dos.
22. - Tout a été fait, décidé et dans mon dos. On m’a fait croire
des choses. En plus, moi j’ai pour habitude de réussir
ce que j’entreprends.
23. - Je me suis retrouvé le bec dans l’eau, voilà.
24. Et du coup du jour au lendemain,
tu t’es senti pas bien du tout en burn out
ou est ce que ça a été progressif?
25. - Non, je ne sais pas. J’étais plus dans l’ironie…, un peu speed
quand même.
Et puis un soir, je suis allé dîner avec un copain psychiatre,
je n’étais pas trop bien quand même, mais bon,
fallait quand même.
26. - Au milieu de la nuit, je me suis réveillé avec une angoisse
insurmontable.
28. - J’ai appelé Claude
- Ah d’accord, donc, est ce que tu avais déjà commencé
à prendre des médicaments, quelque chose ou pas du tout?
- Non pas du tout
29. - T’as directement appelé?
- J’ai directement appelé, elle m’a conseillé de laissé filer le
flux, me laisser traverser par tout ça… que j’ai fait. J’ai
réussi à me rendormir et le lendemain matin, on a
commencé une thérapie
31. - Parallèlement, je suis allé quand même allé voir une amie
qui est psychiatre qui a entrepris un traitement anti
dépresseur avec un nouveau médicament qui s’appelle
le Valdoxan, nouveau à l’époque et d’une efficacité légère.
33. - Oui, j’ai trouvé que c’était léger.
Je trouvais que ça ne me mettait pas beaucoup mieux, voilà.
Après, c’est difficile à dire sans traitement peut-être ça aurait
duré plus longtemps.
34. Du coup, qu’est ce qu’il s’est passé au départ?
A la première séance, elle t’a dit de laisser filer ?
35. - Elle m’a dit de me laisser traverser par tout ce qui m’arrivait.
36. Est-ce que tu arrives à prendre du recul
par rapport à ce qu’il s’est passé?
Qu’est ce que tu faisais?
Qu’est ce qu’elle t’a fait faire?
37. - Elle m’a fait faire des travaux, des exercices notamment
d’écrire un peu toutes les pensées que j’avais.
38. - Parce qu’en fait, ca tourbillonnait dans ta tête, c’est ça?
- Euh oui, j’étais dans un état comme jamais j’avais été.
Fracassé, fracassé, en petits morceaux.
39. - Il faut dire en plus de ça que les questions de problèmes
psychiatriques tout ça pour toi, ça a toujours été quelque chose
que tu connais bien dans ton métier et qu’en plus de ça,
pour lequel tu n’as jamais été vraiment concerné par ça.
40. - Oh, j’avais été concerné, j’avais fait une dépression
réactionnelle suite à une séparation mais après je n’ai pas eu
de problèmes particuliers. C’était, il y a 25 ou 30 ans.
41. - Après, j’ai fait des exercices, j’ai écrit, écrit, écrit.
Elle m’a demandé de faire des exercices
dont je ne me rappelais plus très bien la teneur.
42. - En écrivant, ça te permettait de déverser le flot.
- Oui, de déverser tout ce que j’avais dans la tête.
43. - Tu étais quelque part, un peu comme en boucle
sur un problème qui ne trouvait pas d’issue.
- Oui, je ne voyais pas trop l’utilité.
44. - Bien sûr.
- Je l’ai fait parce qu’on m’a demandé de le faire et à priori,
je l’ai fait pour que ça fonctionne. On a progressé comme ça,
on a fait des séances régulières, on les a un peu espacées
et petit à petit, je m’en suis remis.
50. - Oui, en fait, elle a un petit peu évolué dans les exercices,
elle a fait des choses un peu plus.
Je ne faisais pas que déverser ce que je ressentais
mais j’avais des…
51. - Je ne me rappelle plus très bien des exercices mais il y a
des choses que j’ai pu quand même faire de façon concrète.
- Qui t’ont permis quelque part, d’affronter mieux cette nouvelle
situation.
- Oh oui complètement. Je pense que sans appui psychologique,
ça aurait été plus difficile.
55. - Ah oui, j’ai changé d’attitude. J’ai pris beaucoup de recul par
rapport à la situation professionnelle.
Je ne suis plus du tout combatif, je ne suis pas dans la
résistance. Je suis dans l’acceptation.
Après, je reste sur mes gardes, je garde mes idées et mes
convictions.
56. - Mais, je me suis recentré d’abord, au niveau professionnel
sur le cœur de mon métier c’est à dire que j’ai refusé tout ce qui
était institutionnel, les réunions, les directions, les conseils
d’administration, les CME.
Je n’ai pas envie du tout de participer aux décisions de l’hôpital.
Je laisse faire.
57. - Finalement, t’as pu lâcher prise quelque part sur une partie
du boulot où tu étais un peu trop impliqué.
58. - J’ai lâché prise sur tout ce qui… m’échappe.
Mais moi, je ne le percevais pas. Je pensais qu’en bataillant,
j’allais pouvoir contrôler les choses ou faire évoluer les choses
à ma façon. Mais en fait, il y a des choses qui m’échappent
complètement.
59. - Donc, le boulot que t’as fait avec Claude consistait à
accepter une partie que tu ne puisses pas contrôler?
- Oui, je pense que ça en faisait parti, c’était dans la thérapie.
Maintenant, j’ai une attitude vraiment.. À ce niveau là
60. Toi, en tant que pharmacien hospitalier, quel regard as-tu sur
cette forme de thérapie et à la prise en charge de certains
types de pathologies et des médicaments?
61. - Je connais bien les médicaments, je connais bien leurs
limites. C’est évident que l’accompagnement psychologique
moi je trouve ça complètement indispensable. C’était
vraiment essentiel dans la prise en charge, même plus
important que le médical.
Pour moi, c’est clair !
62. - Pour toi, les médicaments?
- Les médicaments c’est juste un étouffeur de symptômes
donc ça met un petit couvercle sur la bouilloire et puis ca
calme un peu, ok, ca permet de mieux dormir mais après
derrière, il y a un travail a faire. Bon, le temps agit aussi
mais bon, j’ai changé d’attitude grâce à ce travail.
Hinweis der Redaktion
DES CREENT DES ATTENTES ELEVEES = QUI S’AUTOALIMENTENT D’AUTANT PLUS SI LA VIE PERSONNELLE EST DIFFICILE
Qui s’incarne par une stratégie = croyance