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ANACT




                               Quelle qualité de vie
                                au travail en Europe
                              pour la décennie 2010 ?




                          COMPTE RENDU DE L’ATELIER 3 :

                         « COMMENT SÉCURISER ET ADAPTER

                    LES PARCOURS TOUT AU LONG DE LA VIE   ?»




                         Jeudi 2 et vendredi 3 octobre 2008
                                    Lyon, Valpré




Lyon, 2-3 octobre 2008                                             2
Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                                                               ANACT




Sommaire


Quelle qualité de vie..................................................................................................................2
au travail en Europe..................................................................................................................2
pour la décennie 2010 ?.............................................................................................................2
Compte rendu de l’atelier 3 :....................................................................................................2
« Comment sécuriser et adapter...............................................................................................2
les parcours tout au long de la vie ? ».......................................................................................2
Jeudi 2 et vendredi 3 octobre 2008...........................................................................................2
Lyon, Valpré..............................................................................................................................2
Sommaire...................................................................................................................................3
Introduction générale................................................................................................................5
Intervention de Frédéric BRUGGEMAN................................................................................6
Intervention de Michael WHITTALL....................................................................................17
Intervention de Robert SALAIS.............................................................................................23
Introduction de la deuxième session.......................................................................................31
Intervention de Jean-Yves BOULIN......................................................................................32
Intervention de David FODEN...............................................................................................41
Intervention de Roberto PEDERSINI....................................................................................47
Conclusion de l’atelier.............................................................................................................54
Synthèse de l’atelier en plénière.............................................................................................58




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NB : Les interventions en anglais sont retranscrites à partir d’une prise de note à la volée
des traductions simultanées proposées sur place. Ces interventions sont signalées par la
mention « en anglais » à la suite du nom de l’orateur.




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Introduction générale

Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
Bonjour à tous. Bienvenue à cet atelier organisé par le département Compétences
Travail Emploi de l’ANACT. Cet après-midi et demain matin, nous allons nous poser la
question suivante : « comment sécuriser et adapter les parcours professionnels tout au
long de la vie ? ». J’animerai les débats de ces deux demi-journées, et Michel
PARLIER, responsable du département Compétences Travail Emploi de l’ANACT, en
sera demain le rapporteur.
Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi de traiter ce sujet de la sécurisation des
parcours professionnels au sein de ce colloque sur la qualité de vie au travail en Europe
pour la décennie 2010. Nous estimons en effet que la qualité de vie au travail peut être
cause et effet de parcours de natures différentes selon qu’elle permet ou non le
développement de compétences, le maintien de la santé physique et psychique ou encore
la conciliation entre vies professionnelle et personnelle.
Nous allons travailler ensemble ces questions grâce aux apports d’experts. Trois d’entre
eux nous accompagneront cet après-midi, et trois autres demain matin.
Je vous présente nos trois experts de cet après-midi par ordre de prise de parole :
Frédéric BRUGGEMAN, directeur des mutations économiques au sein du cabinet
AMNYOS, Michael WHITTALL, sociologue à l’université de Munich, et l’économiste
Robert SALAIS, spécialiste de l’histoire du travail et de l’emploi et de l’économie des
conventions.
Nos trois experts de demain sont Jean-Yves BOULIN, de l’université Paris Dauphine,
sociologue au CNRS et sociologue à l’IRIS (Institut de recherches interdisciplinaires en
sociologie, économie et sciences cognitives), David FODEN, responsable du réseau des
observatoires européens à la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions
de vie et de travail, et Roberto PEDERSINI, professeur associé de sociologie à
l’université de Milan.
Que nos experts soient d’ores et déjà tous remerciés de leur présence et de leurs apports
qui, je n’en doute pas, nourriront de forts intéressants échanges.
Entrons maintenant dans le vif du sujet. Grâce à l’intervention de Frédéric
BRUGGEMAN, nous allons tout d’abord poser un cadre sur les parcours professionnels.
Pour ce faire, nous allons regarder comment la déstabilisation du modèle de l’emploi
impacte les parcours professionnels. Nous verrons comment cette déstabilisation
introduit des moments de transition dans l’emploi en rendant ces parcours moins
linéaires. Nous verrons également qu’elle introduit de nouveaux acteurs pour
l’articulation de ces parcours.
Chaque intervenant dispose d’une vingtaine de minutes pour sa présentation, à la suite
de quoi nous échangerons une vingtaine de minutes. Toutes les participations seront les
bienvenues, car c’est bien dans l’échange actif que la réflexion avance.



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Intervention de Frédéric BRUGGEMAN

Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants
Merci beaucoup pour votre invitation. Avant de commencer, permettez-moi de vous dire
combien ma présentation est difficile. Il s’agit en effet d’essayer d’apporter un point de
vue global sur les parcours professionnels, ce qui est extrêmement compliqué. La
transversalité suppose de mobiliser des connaissances issues de nombreux domaines.
Aussi, je vous prie d’emblée de bien vouloir m’excuser des carences de mon propos. Je
suis sûr en tout cas que nos discussions permettront de combler ces carences.
Autre précision liminaire, je ne dirai pas que mon point de vue global va poser un cadre,
mais plutôt essayer d’exprimer la façon dont les questions se posent sur le terrain.
J’essaierai également de repérer les points communs qui peuvent ressortir de parcours
extrêmement différents.
La présentation est intitulée : « Parcours professionnels : vers une mise en œuvre
opérationnelle ? ». Si j’ai choisi ce titre, c’est parce qu’il me semble qu’il y a
effectivement un mouvement « vers une mise en œuvre opérationnelle » depuis quelques
années. Le basculement date certainement du tournant du millénaire : c’est à partir de
cette date que l’on a commencé à considérer, tout au moins en France, qu’il fallait
aborder les choses par le biais du « parcours professionnel ». Toute une série
d’évolutions se déploient depuis lors, évolutions desquelles je vais essayer de retirer des
points communs. Quels sont les éléments méthodologiques qui peuvent permettre de
repérer des points communs dans des parcours extrêmement différents ?
Je vous propose une première approche de la question en quelques points introductifs.
Premier point, la montée en puissance de la thématique « sécurisation des parcours »
n’est pas qu’un effet de mode : c’est à la fois un symptôme et une réponse à la
déstabilisation du modèle de l’emploi basé sur un échange non seulement de force de
travail contre salaire, mais aussi de mobilité contre prise en charge du devenir
professionnel et de la carrière à l’intérieur de l’entreprise. Du point de vue des politiques
publiques, le discours sur la sécurisation des parcours professionnels résulte clairement
de la volonté d’adopter un point de vue moins segmenté et davantage axé sur les besoins
des personnes que sur leur statut.
Deuxième point, si les parcours professionnels supposent des transitions, il est important
de rappeler que l’ensemble des transitions ne sont pas professionnelles, bien qu’elles
interagissent avec le marché du travail. Je pense par exemple aux retraits du marché du
travail pour élever un enfant, aux départs en retraite ou encore aux départs pour
s’investir dans une ONG. En somme, il existe une multitude de mouvements de vie qui
interagissent avec le marché du travail sans pour autant constituer des parcours
professionnels en tant que tels. Je précise tout de suite que je n’en parlerai pas dans ma
présentation, mais je crois important de rappeler ici que cette interaction existe, ne
serait-ce que pour pouvoir prendre en charge une approche de type « marché
transitionnel du travail ».
Le troisième point est un truisme : si les transitions ont besoin d’être sécurisées, c’est

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qu’elles comportent une part de danger. Il faut donc s’interroger sur la part de danger
des transitions. À ce propos, j’attire votre attention sur la différence entre l’itinéraire et
le parcours. L’itinéraire est fait de trois éléments : un point de départ connu, un point
d’arrivée connu, et plusieurs chemins préexistants pour atteindre le point d’arrivée. Pour
partir en Bretagne, par exemple, vous pouvez utiliser le train ou la voiture et, si vous
prenez la voiture, opter pour l’autoroute, les nationales ou les départementales : tout cela
constitue votre itinéraire. Le parcours, quant à lui, a une autre signification : c’est un
point d’arrivée vaguement défini et des chemins à construire. Dans le parcours, on n’est
pas sûr de par où le chemin passe et on ne sait pas exactement où l’on va arriver. C’est
probablement cela qui crée le risque des parcours professionnels. Un itinéraire
professionnel, c’est réussir Polytechnique puis entrer au CEA pour devenir directeur de
filiale et terminer PDG. Le parcours professionnel, au contraire, n’obéit pas à ce schéma.
Voilà ce qui fonde le risque inhérent au parcours, d’où ce constat : oui, il existe des
parcours plus risqués que d’autres. En outre, s’il existe plusieurs parcours, il y a
certainement des parcours types dotés de propriétés communes.
Dernier point, la sécurisation des parcours a pour objet de rendre faciles et fluides les
transitions entre les différentes situations qu’un individu peut être amené à rencontrer
dans son existence (entre formation et emploi, entre deux emplois, entre chômage et
emploi). J’insiste ici sur les notions de transition et d’individu. En effet, je m’intéresse
moins à l’emploi en lui-même qu’au passage d’un emploi à un autre : c’est l’articulation
entre les deux qui joue sur la sécurisation des parcours. En d’autres termes, je cherche à
appréhender la sécurité de l’emploi dans une perspective dynamique : pour que le
parcours soit réussi, il faut agir dans l’emploi, pendant la transition et après l’emploi. Ce
sont donc des trajectoires et non plus des emplois qu’il faut sécuriser.
Il existe quatre types de parcours professionnels : les parcours de professionnalisation,
les parcours de mobilité professionnelle subie, les parcours de mobilité professionnelle
choisie, et enfin les parcours d’insertion. Je vous en projette à l’écran une illustration
graphique. Il s’agit d’un parcours délicat vers la fin : l’individu est demandeur d’emploi
indemnisé puis allocataire du RMI avant de finalement retrouver un emploi. Ce cas
illustre ma typologie avec les mobilités subies (perte d’emploi et licenciement), les
parcours de professionnalisation (à l’intérieur et / ou à l’extérieur de l’entreprise), les
mobilités choisies et les parcours d’insertion (même si je ne traite pas ici de la première
insertion, celle qui articule le système scolaire et le marché du travail).
Ces quatre types de parcours professionnels sont différents mais recèlent des éléments
communs. Venons-en donc à ces points communs.
Le premier peut s’énoncer comme suit : sécuriser les parcours requiert des dispositifs
collectivement élaborés et mis en œuvre, adaptables aux individus et aux particularités
des situations locales. Cela peut apparaître comme un programme, mais c’est surtout
l’une des conditions de succès de la sécurisation des parcours.
Sécuriser les parcours suppose toujours une cohérence des mesures et des dispositifs qui
s’accommodent assez mal des « tuyaux d’orgue ». J’en donnerai une illustration
désormais classique : c’est l’exemple cent fois ressassé du salarié qui suit une formation
dans le cadre de son congé de reclassement, et dont la durée de formation excède celle
de son congé ; le salarié entre donc dans le chômage sans être à la fin de son congé de
reclassement, de sorte qu’il n’est pas « disponible à la recherche d’un emploi » et que
l’Assédic peut donc lui refuser ses indemnités.

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Sécuriser les parcours suppose aussi un accompagnement des personnes, très
certainement autour de la notion d’employabilité. Cela suppose aussi un
accompagnement des institutions. C’est ce qu’on appelle l’« assonance avec
l’employabilité » ou « employeurabilité » : l’idée est qu’il faut une mise à niveau
permanente pour pouvoir être un bon employeur, c’est-à-dire pour maintenir à un niveau
élevé sa capacité d’être employeur.
La conjugaison de tous ces éléments permet une combinatoire personnalisée,
contractualisée de manière souple et utilisant des dispositifs déjà existants.
Permettez-moi de faire ici une parenthèse sur un point important que je n’approfondirai
pas : les parcours professionnels sont des champs d’innovation sociale. Oui, des acteurs
innovent ! Par ailleurs, il existe aujourd’hui un certain nombre de savoirs actualisés
permettant de capitaliser sur ces innovations et de les faire fructifier. Je n’y insiste pas.
Pour être plus concret, je vous propose d’entrer dans le détail des parcours de
professionnalisation. Il faut dire ici que les parcours de professionnalisation supposent
de ne plus considérer la compétence comme une matière finie et de faire des individus
les acteurs du développement de leurs compétences : on n’est pas tourneur-fraiseur ou
ingénieur-logiciel à vie (si tant est que l’on parle encore d’« ingénieurs-logiciel ») ; au
contraire, on réactualise en permanence ses compétences. Dans ce cadre, c’est bien
l’individu qui est le mieux placé pour savoir comment actualiser ses compétences.
Cela suppose de pouvoir proposer des trajectoires individualisées d’évolution
professionnelle, mais aussi de pouvoir mobiliser des ressources formatives de type
nouveau. Autrement dit, un plan de formation s’appliquant à un individu ne peut pas être
une succession de formations inscrites au plan de formation. C’est pourquoi j’oppose le
plan de formation à l’utilisation articulée du conseil en orientation, de la VAE
(Validation des acquis de l’expérience), du plan de formation, de la formation en
situation de travail, du tutorat et du management qualifiant. On voit aussi qu’organiser
des parcours, c’est toujours faire des alchimies. L’image de la cuisine me paraît ici
féconde : il faut marier des ingrédients bien choisis et bien dosés pour confectionner un
bon plat. En dernier lieu, n’oublions pas qu’il faut donner des garanties.
Pour que la mise en œuvre soit efficace, il faut que le cadre juridique soit adapté. Pour
ce qui concerne la France, cette adaptation est en cours de manière assez forte depuis
2000. Je pense particulièrement à l’ANI (Accord national interprofessionnel) de
décembre 2003 sur l’accès des salariés à la formation tout au long de leur vie
professionnelle. Cet ANI a, si je puis dire, fait des petits. La DGEFP (Direction générale
de l’emploi et de la formation professionnelle) a publié une circulaire du 14 novembre
2006 spécifiant que les parcours peuvent faire l’objet d’une formation globale. Les
partenaires sociaux ont redéfini la mission du FONGECIF (Fonds de gestion du congé
individuel de formation) pour proposer à tout salarié souhaitant élaborer un projet de
formation individuelle des mesures d’accompagnement. En somme, un ensemble
d’éléments convergent vers l’organisation de ces parcours de professionnalisation.
Le deuxième point dur est que le dispositif doit être coordonné et affranchi des
contraintes de statut (fonctionnaires, CDI, CDD, intérim) : la professionnalisation
concerne tout un chacun, quel que soit son statut. Or, ce n’est pas évident sur le terrain,
notamment pour les intérimaires ou les personnes en CDD.
Il convient enfin de délivrer les conseils dont les individus ont besoin et d’assurer un

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accompagnement des structures publiques, associatives ou privées qui n’ont pas les
moyens financiers et les capacités d’assurer la mise en œuvre des parcours de
professionnalisation.
Après être entré dans le détail des parcours de professionnalisation, je vous propose
maintenant d’examiner en profondeur les parcours liés aux transitions professionnelles
subies. La notion de transition professionnelle subie traduit le fait que l’emploi occupé
est transitoire. À ce titre, je souscris pleinement à la remarque formulée ce matin et
soulignant que les transitions ne s’inscrivent pas dans une sorte de mouvement
brownien : cela ne change pas tous les mois ou tous les ans. Cela dit, le changement
intervient plusieurs fois au cours d’une vie professionnelle. Quoi qu’il en soit, pour que
ces transitions professionnelles subies puissent se dénouer positivement, il faut non
seulement des parcours de professionnalisation mis en place en amont, mais aussi que
les individus soient particulièrement aidés au moment de la rupture. Le programme de
ce parcours est de faire en sorte que les individus deviennent acteurs d’une transition
qu’ils n’ont pas décidée.
Les conditions sont les mêmes que celles énoncées précédemment pour les parcours de
professionnalisation. Je les répète brièvement. Il faut proposer des trajectoires
individualisées d’évolution professionnelle : par exemple, on ne peut pas proposer à une
ouvrière du textile de cinquante ans de prendre un emploi dans les télécoms. Il faut aussi
mobiliser du conseil individualisé capable d’agencer en situation les services offerts tels
que le bilan professionnel, le bilan de compétences, l’aide à la recherche d’emploi ou la
formation. On retrouve ici cette fonction que je qualifierai d’« ingénierie des mesures et
dispositifs existants ». Il convient également de donner des droits et, en l’occurrence, un
statut, un revenu, une protection sociale et une offre de services durant la transition.
Enfin, cela suppose un cadre juridique adapté. Je ne pense pas que le cadre juridique
actuel soit adapté, mais je tiens à dire qu’il est en évolution. J’en veux pour preuve le
fait que l’on ait ajouté au PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi) le projet de mobilité, les
ruptures conditionnelles ou la CRP (Convention de reclassement personnalisée). Par
ailleurs, n’oublions pas que la loi de 2005 a marqué le renouveau de la GPEC (Gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences) et qu’il est désormais possible de
recourir à des accords.
Les dispositifs doivent être coordonnés et affranchis des contraintes de statut
(fonctionnaire, CDI, CDD, intérim), ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ces dispositifs
doivent également être affranchis du contexte initial du parcours : il faut proposer à peu
près le même service aux salariés, qu’ils soient issus de grandes entreprises ou de PME
et quelle que soit la nature de la rupture. C’est indispensable si l’on veut organiser
correctement les transitions subies.
Enfin, il faut un accompagnement des structures collectives qui sont censées mettre en
œuvre ces dispositifs.
À titre d’exemple, je vous projette un graphique tiré du projet MIRE (Monitoring
Innovative Restructuring in Europe). Ce schéma affiche la courbe des licenciements
pour motif économique en France entre 1989 à 2004. Cette courbe montre une baisse de
ces licenciements économiques sur la période, concomitamment à une augmentation des
licenciements pour motif personnel. Toutes ces données sont disponibles sur le site de la
DARES (Direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques), à la
rubrique « Premières informations, Premières synthèses ».

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Si l’on n’examine que les CDI, on constate que la France a enregistré 800.000
transitions professionnelles subies depuis 1989. De leur côté, les dispositifs dits de PSE
concernent un public beaucoup plus restreint. Je précise tout de suite que cette donnée
est fictive car il n’existe aucun chiffre officiel sur les PSE. À ma connaissance, il
n’existe que deux estimations : la première a été donnée il y a longtemps par l’UNEDIC
(Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) et
fait état de 20 % de salariés licenciés bénéficiant d’un PSE ; la deuxième a été fournie
par Geneviève CANCEILL, de la DARES, et fait état de 40 % de salariés licenciés
bénéficiant d’un PSE. Partant de ces deux estimations, je me suis fixé sur une proportion
d’un tiers. Quel que soit le chiffre exact, on voit bien que les dispositifs censés organiser
les transitions professionnelles ne s’adressent qu’à une fraction du public ciblé.
Quatre conditions doivent être remplies pour avancer. La première est d’accompagner
les personnes. Comme je l’ai dit, ce travail suppose de mettre en œuvre une ingénierie
des dispositifs qui sont pour le moins complexes. En raison de cette complexité, les
individus ont besoin de conseils pour « s’y retrouver ». J’en profite pour signaler que
l’on pourrait, à mon sens, aller plus loin : outre l’accompagnement des individus, il
faudrait assurer un accompagnement des projets. C’est ce que font aujourd’hui les
structures d’accompagnement à la création d’entreprise ; dès lors, pourquoi ne pas
étendre cet accompagnement aux projets de reclassement des salariés licenciés ? Cela
commence à se développer pour les salariés en activité, mais il faut bien admettre que
c’est encore marginal : peu d’organismes s’y consacrent.
La deuxième condition est d’accompagner les structures, y compris les grandes. Cela
m’amène à poser une question en forme de provocation : ne faudrait-il pas intégrer les
plateformes de transition professionnelle dans chaque structure productive ? Le rôle
d’une plateforme de transition professionnelle est d’organiser, au sein de l’entreprise, les
transitions à la fois internes et externes. Puisque nous sommes dans un monde de
transitions, il faut en prendre en acte et doter ces transitions d’un outil permanent dans
les entreprises.
Enfin, il faut donner une place de premier ordre aux accords. C’est en effet la condition
sine qua non de la nécessaire adaptabilité. À ce titre, je vous ai apporté la reproduction
d’une affiche que je projette maintenant à l’écran. On y voit un personnage sautant et ce
slogan en suédois : « Ne sautez pas de job en job ! ». Notre personnage saute donc de
job en job, et il n’acquiert aucune qualification ni aucun niveau de formation
professionnelle suffisant pour éviter les accidents. Devinez d’où vient cette affiche.
C’est une affiche cofinancée par le patronat suédois, la confédération des syndicats
suédois et l’État suédois en 1949 ! Vous voyez donc que nos amis Suédois ne sont pas
génétiquement programmés pour faire des transitions professionnelles. Au contraire, ils
étaient comme nous au début des années 1950 : ils voulaient construire une société de
plein emploi stabilisé. Par la suite, les Suédois ont rencontré les mêmes problèmes que
nous, mais ils ont adapté plus vite leurs dispositifs afin de mieux organiser les transitions
professionnelles. La méthode qu’ils ont choisie a été de donner une place de premier
ordre aux accords. C’est pourquoi j’ai voulu vous présenter ici cette affiche. Bien sûr, la
France ne pourra pas copier le dispositif suédois. En revanche, je crois qu’une traduction
de ce système d’accords dans le système français serait favorable. Dans ce cadre, il est
clair que l’État devrait jouer un rôle plus fort qu’en Suède afin de respecter le modèle
français (même s’il est vrai que l’État joue un rôle important, quoique indirect, en

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                   ANACT


Suède).
Pour finir, la quatrième condition est qu’il existe un cadre intégrateur. À mon sens, les
territoires ont un rôle naturel à jouer ici, rôle qu’ils ne jouent pas toujours actuellement.
Il convient donc de lancer une vraie territorialisation de la sécurisation des parcours
professionnels.

Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
Merci, Frédéric BRUGGEMAN. Votre intervention nous fournit déjà quelques
propositions de pistes : accompagner les personnes, accompagner les entreprises et
accompagner les territoires. À partir de là, on peut se demander quels types d’instances
ont commencé à exister pour réaliser cet accompagnement. Si l’entreprise n’est pas un
lieu qui sait contractualiser avec les individus de manière à permettre leurs parcours
professionnels, quelles instances peuvent accompagner les personnes dans leurs
parcours professionnels ? Votre exposé soulève cette question, mais je suis sûre que la
salle en a également d’autres à vous poser.

Danielle THOMAS, AFPA
J’aurais besoin d’éclaircissements car je n’ai pas tout compris. Tout d’abord, puisque
vous avez parlé d’innovation, l’une des questions fondamentales est de savoir comment
passer à la généralisation de façon pertinente. Ensuite, je n’ai pas compris la notion de
« management qualifiant » que vous avez utilisée. Vous avez également parlé de
« transitions professionnelles au sein des structures », et j’ai fini par comprendre que le
mot « structure » signifiait parfois « entreprise ». Une autre question soulevée par votre
intervention est de savoir qui prend en charge la plateforme de transition professionnelle
au sein des entreprises : est-ce l’entreprise d’origine ou l’entreprise accueillante ? On
sait comment cela fonctionne en Angleterre, mais la question est de savoir qui pourrait
le prendre en charge en France. Par ailleurs, vous avez parlé d’accompagnement à
destination des entreprises qui n’auraient pas les moyens ou l’organisation nécessaires.
N’est-ce pas tout simplement le partenariat ?


Marie-Christine LENAIN, ARACT Nord Pas-de-Calais
Une chose me frappe sur ce sujet des parcours professionnels : on sait beaucoup de
choses mais, dans le même temps, on est obligé d’innover et d’inventer parce qu’on ne
sait pas tout. On sait faire des morceaux de choses mais on ne sait pas les accoler : on ne
sait pas croiser la logique de l’entreprise et la logique de l’individu, aussi bien sur
certaines périodes (transitions) que sur certains types d’entreprises (PME sans
ressources) ou de salariés (personnes enfermées dans un marché interne).
Je suis frappée par les propos de salariés qui me disent : « J’ai plus désappris qu’appris
dans ce travail », ou « Ce n’est pas ici que je vais me professionnaliser ». Les salariés
sont très conscients du risque, surtout lorsqu’ils ont déjà vécu un licenciement, mais ils
ne savent pas comment s’en prémunir.
Ce qui me frappe aussi, ce sont les dirigeants qui disent : « Nous voudrions aider les
salariés à partir avant une rupture d’emploi, mais nous ne comprenons pas pourquoi les
salariés ne le font pas, car ce serait mieux pour eux ». Autrement dit, ces dirigeants ne

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                   ANACT


trouvent pas le levier d’action adapté. Ces sujets sont formulés quand on questionne les
acteurs.
Autre point qui me frappe : on a tous les outils et méthodes nécessaires (bilans de
compétences, VAE, entretiens d’orientation, etc.), mais on ne sait pas les activer dans
les moments de transition de la vie professionnelle.
Un des sujets développés me paraît particulièrement important : la notion de risque. Ce
risque concerne à la fois le dirigeant et le salarié. Pour le dirigeant, c’est le risque
d’organiser et de faciliter les parcours, ou bien de provoquer les mobilités choisies ;
c’est le risque de gérer dans la durée le départ du salarié et la nécessité d’en intégrer
d’autres. Pour le salarié, le risque est de quitter son collectif et de se remettre en
condition d’apprendre ailleurs.
Enfin, je m’interroge sur la fonction d’accompagnement des salariés : faut-il une
nouvelle fonction d’accompagnement des salariés ? En tout cas, elle doit être interne à
l’entreprise et tournée vers l’externe, tout en fonctionnant dans la durée (depuis le début
de la VAE jusqu’à l’entrée dans un nouvel emploi) et, probablement, à l’échelon local.
Y a-t-il une fonction à créer ou plutôt des acteurs déjà capables de remplir ce rôle ? Y a-
t-il des acteurs capables d’entrer dans l’entreprise et d’être présents dès la conception de
l’accord ?

Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants
Je vais répondre aux différentes questions en commençant par celle d’Emmanuelle
SAINT-GENIS sur les types d’instances capables d’assurer l’accompagnement. Je ne
pense pas une seule minute que l’entreprise ne soit pas un lieu de contrat. Il est question
d’articuler les contrats qui se tissent dans l’entreprise avec ceux qui se tissent à
l’extérieur et vice-versa. Il n’est absolument pas question de remplacer le dialogue social
dans l’entreprise, mais d’y ajouter une fonctionnalité : l’articulation avec l’externe et
notamment le territoire.
J’en viens à la question Danielle THOMAS sur la généralisation des innovations. Je n’ai
pas la réponse mais j’apporterai deux éléments de méthode.
Primo, il faut capitaliser sur ce qui se fait. Il est tout de même très étonnant de voir que
les expériences meurent avec les gens qui les portent : nous n’avons pas, en France, la
capacité à dupliquer les expériences qui fonctionnent. Il faut absolument y remédier en
animant un jeu d’acteurs sur la capitalisation des expériences. À cet égard, la
Commission européenne est en train de réfléchir à un site « Anticipez bien » qui
recenserait des expériences positives. C’est une très bonne initiative.
Secundo, il n’y a pas de transfert possible d’une situation à une autre. C’est aussi vrai
entre le Danemark et la France qu’entre Bourges et Nevers ! Toute situation de
transition est spécifique, de sorte qu’il est toujours nécessaire d’opérer des traductions :
il faut regarder quelles fonctions a rempli un dispositif dans un contexte particulier et
s’en inspirer pour l’adapter dans une autre entreprise, un autre département ou un autre
pays. Si nous procédons de la sorte, nous disposerons rapidement d’un « stock »
d’expériences qui nous permettront de construire des dispositifs. Or, pour le moment,
personne n’est en charge de cela.
Danielle THOMAS m’a également demandé des éclaircissements sur la notion de


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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                   ANACT


« management qualifiant ». Je vais préciser en disant que je pensais à la notion
d’« organisation qualifiante ». L’idée est de sortir du schéma dans lequel des salariés
savent moins bien lire et écrire lorsqu’ils sortent d’un poste que lorsqu’ils y entrent.
Toute la question est ici de savoir comment on apprend à son poste de travail.
Autre question de Danielle THOMAS : qui prend en charge la plateforme de transition
professionnelle ? A priori, c’est l’entreprise dès lors qu’elle en a les moyens. Cela dit, il
peut y avoir des financements externes à partir du moment où la transition
professionnelle ne se fait pas exclusivement au bénéfice de l’entreprise. Prenez le cas
d’un salarié souhaitant effectuer une VAE : si cette VAE fonctionne et que les salariés
veulent rejoindre une autre entreprise, il est clair qu’il faut d’autres financements que
ceux de l’entreprise d’origine.
Cela nous conduit à la question du type d’instances capables d’accompagner les
transitions. Je pense que les instances en question sont forcément négociées et multi-
acteurs. Il faut forcément des lieux de rencontre où l’on discute.
S’agissant de l’accompagnement des salariés, il existe trois catégories d’acteurs : les
DRH, les syndicalistes et les professionnels. Ils ne sont pas en compétition mais leurs
zones d’intervention se recouvrent partiellement. Tout va donc dépendre de l’espace pris
par chacun. À ce titre, je voudrais évoquer une expérience britannique dans laquelle des
délégués syndicaux spécifiques encouragent les salariés à suivre des formations.
Aujourd’hui, ces délégués syndicaux à la formation professionnelle sont au nombre de
18.000 en Grande-Bretagne. Résultat, les syndicats disent que leur rapport aux salariés a
changé, les entreprises disent que leur rapport à la formation a changé, et les salariés
disent qu’ils accèdent plus facilement à la formation. L’heure n’est pas encore au bilan,
mais je crois qu’il y a tout de même des leçons à tirer de cette expérience.
J’en viens maintenant à l’accompagnement des entreprises. À mes yeux, deux
organismes peuvent aujourd’hui y prétendre : les CCI (Chambres de commerce et
d’industrie) et la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises).
Peut-être faut-il en trouver d’autres. Sachez en tout cas que Marie-Christine LENAIN,
de l’ARACT Nord Pas-de-Calais, participe à une expérience d’accompagnement des
entreprises, en l’occurrence d’entreprises en difficulté. Je crois que cela donne des
exemples d’actions possibles.

Henri ROUILLEAULT, INSEE
Je voudrais réagir à l’un des graphiques présentés par Frédéric BRUGGEMAN. Il s’agit
de la représentation d’un parcours dans laquelle on voyait un salarié changer
d’employeur à chaque étape, que ce soit en mobilité subie ou volontaire. Pour avoir une
approche compréhensive de cette question des parcours professionnels, il me semble
qu’il faut tenir compte à la fois du marché interne et du marché externe. En d’autres
termes, j’insiste sur le fait qu’il se passe aussi des choses dans le cadre de la mobilité
interne au sein l’entreprise. Je pense au développement des compétences à l’intérieur de
l’entreprise. Celui-ci joue aussi un rôle dans le passage d’une entreprise à l’autre. En
d’autres termes, ceux qui ont appris des choses dans l’entreprise et ont bénéficié de
mobilité interne seront plus facilement capables de se reconvertir que ceux qui auront
toujours occupé le même poste et peu appris. Par conséquent, il me semble qu’il
convient d’adopter une approche combinant développement des compétences, mobilité
interne et mobilité externe.

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                    ANACT


J’en viens à ma deuxième remarque. Il me semble qu’il faut un triple accompagnement à
destination des entreprises, des individus et des acteurs institutionnels, notamment les
collectivités territoriales.
En troisième lieu, je voudrais vous parler de la plateforme de mobilité créée à Grenoble.
Montée au départ par cinq entreprises grandes et moyennes, cette plateforme est en
cours d’élargissement. Cette démarche me paraît intéressante à plusieurs titres. Il s’agit
tout d’abord d’une action à deux niveaux : les entreprises participantes sont volontaires
mais, pour être admises, elles doivent obligatoirement disposer de leur propre accord de
GPEC. En d’autres termes, la condition à la mise en commun des moyens est de mener
des actions en interne. Le suivi avec les syndicats se fait également au double niveau de
chacune des entreprises membres et de la plateforme. Cette démarche va dans le sens de
la combinaison que j’appelle de mes vœux entre mobilité interne et mobilité externe.
Dernier point, je souscris pleinement au discours de Frédéric BRUGGEMAN sur la
généralisation des expériences. Je vais appuyer ce propos en évoquant la GPEC.
Aujourd’hui, les syndicats souhaiteraient développer cette GPEC au plan territorial. Or,
l’une des difficultés qu’ils rencontrent est que ce développement ne peut pas reposer sur
un modèle unique. Au contraire, il existe de nombreuses expériences intéressantes sur
lesquelles il faut capitaliser. En clair, il n’existe pas de pierre philosophale qui serait la
même dans tous les territoires et pour toutes les activités. À l’heure actuelle, je pense
que nous en sommes effectivement à la phase où il faut capitaliser et diffuser.

François GUERIN, Consultant
Ma question porte sur la sécurisation. Vous évoquez la sécurisation des parcours par la
sécurisation des transitions. Dans votre schéma, vous présentez les transitions comme
des accidents au sens générique du terme, c’est-à-dire de façon neutre. Il me semble que
la question des processus est plus importante. La question des parcours professionnels et
la capacité des salariés à se maintenir dans leur emploi ou à changer d’emploi est bien
liée à des processus et à une histoire. Dès lors, je souhaiterais savoir comment vous
imaginez pouvoir traiter des processus plutôt que des transitions.
Par ailleurs, il me semble que la question de la sécurisation des parcours ne peut pas se
limiter à la professionnalisation : ce n’est pas seulement la mise en œuvre d’un ensemble
de dispositifs formatifs à articuler de manière particulière ; c’est aussi la capacité des
individus, au cours de ces processus, à pouvoir se maintenir dans l’emploi. N’oubliez
pas que l’acquisition de compétences par des dispositifs formatifs particuliers peut être
contradictoire avec leurs capacités et leur état de santé : on peut avoir accumulé des
connaissances et être dans l’incapacité de les mettre en œuvre. Dès lors, la responsabilité
n’est plus du côté des salariés mais bien des entreprises. Celles-ci doivent créer des
environnements capacitants combinant les questions de compétence, de mobilité, de
santé et de management. Tout l’enjeu est de savoir comment combiner tout cela dans la
réalité des entreprises.

Jean-PIerre THERRY, CFTC
J’aimerais que Frédéric BRUGGEMAN m’apporte des précisions sur la notion
d’« employeurabilité » qu’il a utilisée. Cela m’intéresse d’autant plus que je participe
aux négociations sur la GPEC et la formation professionnelle qui viennent d’être
engagées.

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                    ANACT


En second lieu, je crois qu’il manque un élément dans vos propos : l’orientation
professionnelle. Où placez-vous cette orientation professionnelle ? À quel moment est-
elle positionnée dans un parcours tout au long de la vie ?
Troisième point, je voudrais réagir aux propos d’Henri ROUILLEAULT sur la GPEC
territoriale. Il me semble qu’une expérience a été réalisée dans sept territoires français
avec le contrat de transition professionnelle. Un rapport de l’IGAS (Inspection générale
des affaires sociales) avait d’ailleurs mis en avant le bienfondé de cette expérimentation
basée sur des partenariats (région, État, partenaires sociaux, organismes de formation,
entreprises). Apparemment, 60 % des salariés ayant bénéficié de ce dispositif ont pu
retrouver un emploi, et un grand nombre d’entre eux a pu suivre des formations. Malgré
cela, on nous annonce aujourd’hui la fin de cette expérimentation. Quel dispositif
pourrait la remplacer, alors que nous ouvrons les négociations sur la GPEC et la
formation professionnelle ?
Pour finir, je signale que Frédéric BRUGGEMAN a oublié de mentionner l’accord du
11 janvier sur la modernisation du marché du travail, lequel aborde largement nos débats
d’aujourd’hui, tant sur la territorialisation que sur le développement des compétences.

Joseph LEFEUVRE, DRTEFP Bretagne
Je suis surpris que l’on ne parle de sécurisation des parcours professionnels que dans le
cadre des ruptures. À l’heure actuelle, l’un des enjeux forts est de convaincre les
entreprises d’assurer une sécurisation des parcours professionnels à l’interne, et donc de
mener des politiques actives de GPEC tout au long de la vie. C’est aussi comme cela que
l’on convaincra les partenaires sociaux de travailler sur la GPEC, laquelle porte
également sur la sécurité des parcours professionnels. La question est donc la suivante :
comment développer des pratiques de GPEC permettant aux salariés de mener des
parcours professionnels dans l’entreprise et sans rupture ? C’est en tout cas notre
ambition première, même si nous savons que nous aurons toujours à traiter des ruptures.
En résumé, le fait d’aborder d’emblée la sécurisation des parcours professionnels en
passant par la rupture me fait dire qu’il manque un maillon essentiel et préalable à
l’analyse.

Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants
Je vais tout de suite répondre à la remarque de Joseph LEFEUVRE. Mes transparents
ont peut-être trahi ma pensée, car je ne considère absolument pas que la sécurisation des
parcours professionnels se limite aux cas de rupture. Je suis tout à fait conscient que ce
n’est absolument pas le cas : il est bien entendu que la professionnalisation se fait au
sein de l’entreprise. Cela étant dit, je récuse l’idée selon laquelle il y aurait, d’une part,
les bonnes transitions professionnelles qui s’effectueraient dans l’entreprise et, d’autre
part, les moins bonnes transitions professionnelles qui résulteraient de ruptures. Nous
sommes aujourd’hui dans un monde où les marchés internes se rétrécissent. Par ailleurs,
les ruptures sont à l’initiative du salarié comme de l’employeur. Dans ce contexte, nous
devons mener une politique équilibrée qui sécurise l’ensemble des parcours
professionnels, à la fois dans l’entreprise et entre les entreprises ou les emplois. Il faudra
aussi certainement sécuriser les allers-retours entre marché du travail et hors marché du
travail. En résumé, il n’y a pas de bonnes transitions professionnelles au sein des
entreprises et de mauvaises transitions professionnelles en cas de rupture.

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                   ANACT


J’en viens maintenant à la remarque de François GUERIN sur les notions de transition et
de processus. La définition même de la transition soulève une question théorique : quand
commence et quand finit une transition ? À la limite, on pourrait dire que nous sommes
toujours en transition : la vie professionnelle serait une transition permanente. Pour
autant, il faut noter que les choses se cristallisent à certains moments dans des décisions.
C’est vrai pour les mobilités professionnelles subies comme pour les mobilités
professionnelles choisies : « un jour, je décide ou quelqu’un décide à ma place que je
change de poste ou d’organisation ».
François GUERIN a également soulevé la question de la capacité que je n’ai pas traitée.
C’est une vraie question à laquelle je répondrai en reprenant les travaux sur les marchés
transitionnels : il ne suffit pas d’équiper les gens pour le marché, il faut aussi équiper le
marché pour les gens. Des expériences nordiques sont à cet égard très parlantes : en
Norvège et en Suède, l’employeur est obligé d’assumer le retour à l’emploi d’un salarié
ayant souffert d’une longue maladie.
Un mot sur le CTP (Contrat de transition professionnelle) évoqué par Jean-Pierre
THERRY. Je n’ai pas grand-chose à en dire si ce n’est que c’est l’une de nos plus belles
contradictions. En effet, voici le bilan que nous en faisons : primo, cela marche mieux
que le reste ; secundo, cela coûte cher ; tertio, on va l’arrêter. Je suis profondément
désolé qu’on ne veuille pas payer le prix que coûte la sécurisation des transitions
professionnelles.
Jean-Pierre THERRY m’a également demandé de préciser la notion
d’« employeurabilité ». Je dirai que c’est un peu le symétrique de l’employabilité pour
le salarié. Cela signifie que la fonction d’employeur devient de plus en plus complexe et
qu’elle suppose d’intégrer toute une série de savoirs et de savoir-faire pour accompagner
les parcours. Il faut donc développer cette fonction et aider les entreprises à la remplir
correctement.

Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
Nous concluons ce premier échange sur le rôle de l’employeur. Nous avons vu que les
parcours professionnels s’envisageaient bien dans l’entreprise et en dehors de celle-ci,
avec l’employeur et avec l’employé. Avec l’intervention de Michael WHITTALL, nous
allons maintenant voir ce que la flexibilité signifie pour chacune des deux parties. Nous
allons voir comment, lorsqu’on introduit de la flexibilité dans l’organisation du temps de
travail ou dans la nature du contrat employeur / employé, on envisage des modalités
d’organisation du travail et de gestion de l’emploi comme génératrices d’une
augmentation de la productivité pour l’entreprise et d’une possibilité pour la personne de
construire son propre chemin.




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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                   ANACT




Intervention de Michael WHITTALL

Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
Lorsque j’ai préparé ma présentation en mettant l’accent sur flexibilité croissante du
marché du travail, l’équilibre vie / travail est apparu comme un point essentiel. J’ai alors
réfléchi à ma propre vie. Au cours des dernières 24 heures, j’ai pris une douche, réveillé
mes enfants et amené ma fille à l’école. Je me suis ensuite assis à ma table de travail,
sans cravate car les sociologues n’en portent pas. À 14 heures, j’ai vu que je devais aller
chercher mes enfants à l’école, ce que j’ai fait. Puis, vers 18 heures, j’ai dû partir
rapidement à l’aéroport. Je suis arrivé à 2 heures du matin à Lyon. Comme vous le
voyez, il y a des points négatifs en ce qui concerne l’équilibre vie / travail…
J’interviens aujourd’hui avec deux casquettes : j’appartiens à l’université de
technologies de Munich, mais je travaille aussi pour la Fondation européenne pour
l’amélioration des conditions de vie et de travail. Dans ce cadre, j’ai mené une étude sur
le travail attractif avec des collègues de l’université de Göttingen. Les résultats de cette
étude sont disponibles sur le site de la Fondation. Il s’agit d’une étude élaborée en 2005,
c’est-à-dire à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne. Cette étude visait clairement à
déployer certains principes de la stratégie de Lisbonne.
Ce dont je veux vous parler aujourd’hui n’est pas une recherche mais une initiative pour
évaluer les meilleures pratiques. Comme le disait ce matin Greet VERMEYLEN, de la
Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, il faut se
concentrer sur les entreprises actives. C’est ce que je vais faire en mettant l’accent sur
les meilleures pratiques observées sur le terrain.
Cette présentation va s’articuler autour de trois thèmes : d’abord, un aperçu du projet et
un état des lieux ; ensuite, deux études de cas ; enfin, une conclusion qui reprendra les
grands enseignements tirés de ces études de cas.
Dès le début de notre étude, nous avons essayé de bien identifier et de bien comprendre
les dispositifs existants en matière de travail attractif. Nous avons constaté qu’un certain
nombre de sociétés déployaient des pratiques reprenant des éléments de la stratégie de
Lisbonne. Nous avons abordé toute une série de questions et notamment la croissance
économique durable, l’augmentation quantitative et qualitative de l’emploi, ou encore
l’amélioration de la productivité des travailleurs.
Nous nous sommes également penchés sur le projet de la Fondation qui pose six
orientations. Dans ce cadre, nous avons porté une attention particulière à la deuxième
orientation qui met l’accent sur les seniors, les chômeurs de longue durée, les femmes et
les personnes non qualifiées.
Ensuite, nous avons essayé de recenser les politiques visant à donner des avantages
financiers aux différents salariés au sein des entreprises. Il s’agissait notamment de
mesures de participation aux bénéfices.
Au total, nous avons mené quinze études de cas. Je vous en présenterai deux
aujourd’hui. La première porte sur une PME allemande et la seconde sur une grande
multinationale.

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                  ANACT


La PME allemande est un petit éditeur de publications scientifiques et académiques. Il
s’agit d’une société familiale comptant environ 200 salariés, principalement en
Allemagne. 60 % de l’effectif est constitué de femmes.
Quels étaient les défis rencontrés par cette entreprise ? Le principal était lié à son
système d’organisation du travail. Celui-ci était totalement flexible : les employés
arrivaient entre 7 et 9 heures du matin et commençaient à quitter l’entreprise à partir de
15 heures 30. L’un des problèmes posés par cette organisation était le recours massif aux
heures supplémentaires. Un autre problème soulevé était celui de la rentabilité : les
dirigeants nous disaient qu’ils payaient les salariés pour leur présence, il arrivait qu’il
n’y ait pas assez de travail pour tous les salariés présents. Nous avons également relevé
des problèmes de discipline et de motivation. Parmi les autres difficultés, signalons le
cas des pics d’activité : durant ces périodes, certains salariés arrivaient tôt le matin et
restaient jusqu’à 22 heures. Une partie des employés essayait d’accumuler les heures
supplémentaires. Pour les dirigeants, il fallait instaurer de la discipline.
Je vais maintenant vous dire comment le problème a été abordé. La solution a été
élaborée conjointement par les dirigeants et les syndicats, et notamment le président du
syndicat. Celui-ci a joué un rôle important. Il faisait partie des salariés qu’il fallait
rappeler à l’ordre car il restait au travail tard le soir. La société a décidé de mettre en
place un système flexible et souple avec davantage d’autonomie pour les salariés : elle a
déployé un système d’aménagement des heures de travail fondé sur la confiance. Ainsi,
une variable a changé : l’employeur a cessé de contrôler les heures des employés. En
lieu et place de l’ancien système, l’entreprise a mis en place une durée de service. Dans
ce cadre, il fallait s’assurer de la continuité du service. C’est ainsi qu’il a été décidé
qu’une personne par département soit présente toute la journée pour assurer la continuité
service. Au total, cela a conduit à constituer une équipe de quatre ou cinq personnes
garantissant la continuité de l’ensemble des activités.
À noter que ce système était basé sur le volontariat. Certains salariés y étaient hostiles,
car ils soupçonnaient les dirigeants de vouloir les flouer. Pour autant, si 30 % des
employés souhaitaient rester dans l’ancien système, 70 % ont décidé de tester la
nouvelle organisation.
J’en viens maintenant aux enseignements tirés de cette étude de cas. Aujourd’hui, 90 %
des employés ont décidé de participer à l’initiative de l’entreprise et l’ancien système
n’est plus utilisé. On note une nette diminution du stress et des arrêts maladie. Les
problèmes d’absentéisme ne se posent plus. L’initiative a également renforcé la
motivation des équipes, point largement mis en avant par la direction de l’entreprise. En
outre, la responsabilisation des salariés a débouché sur une amélioration du travail
d’équipe et a constitué un élément déterminant pour souder les salariés entre eux.
Le deuxième cas est très différent du premier puisqu’il concerne une grande
multinationale : British Telecom. Cette société compte plusieurs dizaines de milliers
d’employés à travers le monde, dont un tiers de femmes. Son chiffre d’affaires est
naturellement beaucoup plus élevé que celui du petit éditeur allemand.
Le problème auquel était confronté British Telecom était essentiellement
démographique : la population de l’entreprise était vieillissante et le turn-over y était
important. Le défi était donc de maintenir la continuité de l’activité malgré le
vieillissement de la force de travail, ainsi que de réussir à retenir les salariés les plus

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                    ANACT


qualifiés.
La solution choisie par British Telecom a été d’offrir des solutions d’aménagement du
temps de travail. L’entreprise a déployé en ce sens toute une série de dispositifs. L’un
d’entre eux, le télétravail, a rencontré un grand succès : un grand nombre de salariés se
sont mis à travailler à l’extérieur sur ordinateur. Il est d’ailleurs intéressant de noter ici
combien l’ordinateur a bouleversé les modes de travail. En outre, ce succès du télétravail
renvoie à la question de la responsabilisation. Parmi les autres solutions déployées par
British Telecom, citons le temps partagé et l’annualisation du temps de travail.
Aujourd’hui, 60 % des salariés ont recours à ces solutions de travail flexibles. Il en
résulte une hausse de la productivité de l’entreprise.
Une étude a été menée auprès de 5.000 personnes pratiquant le télétravail. Il en ressort
que la productivité de ces personnes s’accroît de 15 %. Par ailleurs, la façon dont les
salariés abordent leur travail s’améliore car ils se sentent gratifiés.
La conjugaison de cette satisfaction professionnelle et de la réduction de la présence est
particulièrement féconde. Les entreprises pourraient économiser plusieurs millions
d’euros grâce à ce genre de systèmes. Par ailleurs, British Telecom a montré que le
télétravail générait moins de déplacements et donc moins d’émissions de CO2, d’où un
meilleur impact environnemental.
Quelles conclusions tirer de ces études de cas ?
En premier lieu, ce sont des situations gagnant-gagnant : pour la direction, les solutions
permettent de réduire les coûts, d’augmenter la productivité et d’améliorer la
motivation ; pour les salariés, elles apportent davantage de satisfaction et de
responsabilisation. Ce sont autant de facteurs pertinents au vu de la stratégie de
Lisbonne.
Un autre élément essentiel est que ces solutions résultent d’accords négociés et non
imposés par la direction. Le fait que les dirigeants respectent les procédures de
négociation avec les syndicats ou les représentants du personnel a incontestablement
aidé les employés à accepter les dispositifs mis en place.
Le troisième point-clé est l’importance de la technologie. En ce qui concerne British
Telecom, un portail intranet a été mis en place. Celui-ci délivre des conseils aux
employés pour les aider à choisir la solution la plus adaptée à leurs besoins. C’est sans
doute l’un des volets les plus difficiles.
Dernier point, il faut redéfinir le contrôle exercé par les dirigeants. En effet, les études
montrent que l’échec de ce genre de projets résulte plus souvent d’un manque
d’adhésion des dirigeants que d’un rejet des employés. Dès lors, il convient de déployer
des mesures visant à surmonter les craintes des dirigeants qui ne souhaitent pas perdre le
contrôle de leurs salariés.

La parole est la salle

Michelle GUILLOT, Conseil régional Rhône-Alpes
Ce qui est en train de se mettre en place chez British Telecom va-t-il faire l’objet d’un
suivi pour en connaître les impacts sur les processus de travail et de gestion du temps
des personnes ?

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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                  ANACT


Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
Malheureusement, je ne vais pas pouvoir répondre à cette question pour deux raisons. La
première est que je n’étais pas le responsable de cette étude sur British Telecom. La
seconde est qu’il ne s’agit pas d’un projet de recherche classique mais plutôt d’une visite
isolée sur les pratiques en vigueur dans cette entreprise. C’est sans doute son principal
point faible. Je peux tout de même vous dire que cette société a été sélectionnée pour
son exemplarité dans son domaine, laquelle lui a valu d’être distinguée par un prix. Par
ailleurs, étant donné que les solutions mises en œuvre résultent de négociations, je pense
qu’il y a aura un suivi. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faudrait effectivement aller
visiter une seconde fois l’entreprise pour effectuer ce suivi.

David FODEN, Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie
et de travail (en anglais)
L’une de vos conclusions est l’importance d’un scénario gagnant-gagnant. J’aimerais
comprendre comment vous arrivez à cette conclusion dans la première étude de cas.
Vous avez parlé d’un recours massif aux heures supplémentaires dans l’ancien système.
Dès lors, je me demande si l’on a supprimé ces heures supplémentaires pour les
employés. Si oui, je pense que c’est une perte pour les employés. À partir de là,
comment pouvez-vous parler d’un scénario gagnant-gagnant ?

Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
En fait, l’ancien système permettait de bénéficier d’un crédit de 50 heures
supplémentaires. Au-delà de ce seuil, les heures étaient perdues. Par ailleurs, les
employés ne disposaient que de quatre mois pour les récupérer, de sorte que la plupart
des heures étaient perdues. Grâce au système flexible mis en place, les employés n’ont
plus besoin d’avoir recours aux heures supplémentaires. S’agissant du caractère
gagnant-gagnant de ce scénario, je rappelle que 60 % de l’effectif de cette entreprise est
constitué de femmes. Celles-ci ont vu la flexibilité du temps de travail comme un
avantage, dans la mesure où elle leur a permis d’aller chercher leurs enfants à l’école
(puisque ce sont encore, hélas, majoritairement les femmes qui se chargent de ces
tâches). Un autre avantage pour les salariés a été la fin des procédures disciplinaires
pour non respect des horaires.

Henri ROUILLEAULT, INSEE (en anglais)
Ces deux études de cas nous ont permis d’aborder la question de la flexisécurité de
manière large. En effet, la flexisécurité est trop souvent perçue de façon étroite, la
flexibilité étant vue comme un instrument au service de l’entreprise, et la sécurité
comme un avantage pour les salariés. Or, comme l’a bien montré Michael WHITTALL,
la flexibilité offre des avantages non seulement aux entreprises mais encore aux salariés.
Pour les entreprises, ces avantages sont notamment l’aménagement du temps de travail,
la polyvalence ou encore la maîtrise des effectifs. Dans le même temps, la flexibilité
permet aussi aux salariés de gérer eux-mêmes leur temps de travail. Réciproquement, la
sécurité n’est pas seulement bénéfique aux salariés : elle permet aussi aux entreprises de
garantir, entre autres, la fiabilité de leurs produits. Tout l’enjeu est donc de trouver un
compris entre employeurs et salariés sur les différentes formes de sécurité et de
flexibilité.


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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                   ANACT


Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
Je souscris à ce propos. Je suis notamment d’accord pour dire que toute entreprise
souhaitant augmenter sa productivité et sa rentabilité souhaite également maintenir sa
sécurité.

De la salle (en anglais)
Vous avez parlé de différentes solutions de flexibilité du travail. Ce sont des formes de
travail flexible. Vous parlez du télétravail, mais qu’en est-il des autres solutions ?

Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
L’étude montre que British Telecom a proposé le télétravail comme une solution parmi
d’autres. L’entreprise proposait différentes solutions, sans d’ailleurs en imposer aucune.
L’accent mis sur le télétravail s’explique simplement par le fait que c’était singulier au
Royaume-Uni. Cela dit, un certain nombre d’employés ont préféré d’autres solutions.
Par exemple, les personnes pratiquant des loisirs particuliers ont choisi d’avoir des
week-ends plus longs. D’autres salariés ont préféré l’option du temps de travail
annualisé. Il n’y avait donc pas une solution imposée mais un ensemble de solutions
proposées. Par ailleurs, grâce à la technologie, les salariés avaient accès à un portail leur
permettant de choisir la solution la plus adaptée à leur situation. Je précise que je
travaille beaucoup avec les syndicats allemands, alors que je promeus ici des solutions
plutôt managériales. Toutefois, il me semble que l’approche adoptée ici est équilibrée.
Du reste, l’ensemble des acteurs nous ont dit leur satisfaction.

Marie-Christine LENAIN, ARACT Nord Pas-de-Calais
Personnellement, je reste sur ma faim. Dans les entreprises que vous avez citées ou
d’autres que vous auriez pu rencontrer dans le cadre de cette étude, avez-vous trouvé des
expériences ayant concouru à la construction et au déploiement de compétences et, ce
faisant, ayant permis la construction de parcours au sens de progression individuelle ou
de progression de collectif métier, tant interne qu’externe ?

Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
Ma présentation est un peu à l’écart, dans la mesure où elle n’a pas particulièrement mis
l’accent sur le développement des parcours professionnels. Ce point était plutôt traité
dans la première orientation, c’est-à-dire l’apprentissage tout au long de la vie. Cela dit,
dans le premier cas que je vous ai présenté, les salariés ont progressé en
responsabilisation grâce à une gestion plus autonome de leur temps. On peut donc y voir
un développement de leur parcours professionnel.

Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
En guise de conclusion, je noterai que les deux premières interventions nous ont fourni
comme une proposition de redistribuer les droits et devoirs entre les acteurs pour étayer
les parcours professionnels. Tout se passe comme si ces responsabilités partagées
redonnaient d’autres bornes pour appréhender la relation au travail et à l’emploi. Que ce
soit dans la typologie des parcours professionnels proposée par Frédéric BRUGGEMAN
ou dans l’exemple de British Telecom développé par Michael WHITTALL, on voit
combien les individus sont sollicités. On voit également que les entreprises mettent en

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place des politiques de gestion des parcours professionnels qui permettent à certains
salariés, par exemple les femmes chez British Telecom, d’accéder à des parcours qui
leur étaient auparavant fermés. Par conséquent, on voit bien là que le champ des
parcours professionnels est à la fois dans et hors l’entreprise, et qu’il élargit bien le
périmètre de tous les acteurs concernés. Nous allons maintenant voir, avec Robert
SALAIS, une proposition d’approche théorique à partir des travaux d’Amartya SEN
concernant les capabilities.




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Intervention de Robert SALAIS

Robert SALAIS, École normale supérieure de Cachan, UMR IDHE
Le sujet n’est pas facile à développer en si peu de temps. L’idée de base est de ne pas
partir de la compétence pour aller vers la capacité, mais plutôt d’utiliser un concept plus
englobant que la compétence. Ce concept ne s’oppose pas à la compétence : il conduit
simplement à la redéfinir différemment pour l’ouvrir à ce qui se passe à l’extérieur de
l’entreprise pour le salarié. En effet, la vie ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise, de
même que le travail ne s’arrête pas à la sortie de l’entreprise. Il est donc nécessaire
d’avoir une vue plus globale.
Quelques mots de background. Je coordonne un programme de recherche européen dont
le but est d’essayer de développer en la reformulant l’approche d’Amartya SEN, laquelle
est surtout connue pour les questions de développement économique et social dans les
pays en voie de développement. La conviction commune des quelque cinquante
chercheurs de quinze laboratoires qui composent ce programme est la suivante : nous
pensons que l’approche d’Amartya SEN peut être développée de manière fructueuse
pour les politiques sociales du travail et de l’emploi en Europe.
Vous êtes des professionnels confirmés du terrain, et je me rends compte que le lien
avec la sécurisation des parcours professionnels n’est pas évident. Je vais vous expliquer
pourquoi.
Le livre majeur d’Amartya SEN s’intitule « Development as Freedom ». Il est traduit en
français aux éditions Odile Jacob sous le titre « Un nouveau modèle économique.
Développement, justice, liberté ». Le titre anglais dit bien l’intention du programme de
recherche : il n’y a de véritable développement économique et social que s’il
s’accompagne du développement des libertés individuelles et collectives, civiques,
politiques, sociales et même économiques. En effet, en sens inverse, le développement
de ces libertés et la création des conditions pour que ces libertés soient véritablement
exercées constituent un facteur du développement économique lui-même. Amartya SEN
cherche donc un cercle vertueux entre un processus de développement des libertés et le
développement économique.
La notion de capacité est au cœur de la réflexion d’Amartya SEN. En effet, pour lui, la
capacité d’une personne mesure l’étendue de sa liberté effective de choix, par exemple
dans son parcours professionnel ou dans l’organisation de la conciliation entre sa vie
privée et sa vie professionnelle. Voilà pour la première dimension que l’on appelle
« opportunités ».
J’en viens maintenant à la seconde dimension, celle que l’on appelle « processus ». Il
s’agit, au fond, de la participation de la personne au processus de décision et de mise en
oeuvre des mesures qui vont concerner son travail et sa vie. À cet égard, l’exemple que
Michael WHITTALL nous a donné me paraît porter sur la mise en place d’une liberté
effective, pour chacun, de choisir l’organisation de son temps de travail, liberté qui
s’accompagne en même temps d’une mise en responsabilité de la personne qui participe
elle-même à l’organisation. Michael WHITTALL a bien insisté sur la liberté de la
personne. Dès lors, on en arrive à une conciliation de la justice sociale et de l’efficacité

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économique, alors que celles-ci sont généralement opposées.
Nous sommes donc à la recherche de cette pierre philosophale en menant à la fois des
enquêtes de terrain et des réflexions plus théoriques.
Pour Amartya SEN, c’est la personne qui doit être au centre de l’attention, tant dans les
organisations que pour les politiques publiques. Cependant, la pensée d’Amartya SEN
ne conduit pas à une logique d’accompagnement de la personne. Il s’agit plutôt d’aider
la personne à réussir à se créer un espace de libre choix et de libre action, tant dans la
vie que dans le travail.
À partir de là, Amartya SEN accorde une importance cruciale aux contextes de vie et de
travail. Ceux-ci permettent en effet repérer les facteurs (matériels, personnels et
institutionnels) qui s’opposent à ce que cet espace de liberté soit reconnu et développé.
C’est un peu révolutionnaire : Amartya SEN n’est pas du tout dans une logique
d’adaptation de la personne à l’environnement économique, social et organisationnel ;
au contraire, sa logique suppose que l’employeur, le salarié et les représentants
cherchent un assouplissement pour qu’un espace de liberté soit ménagé, tout en
reconnaissant les contraintes.
Cette pensée comporte naturellement une dimension de compétence : pouvoir faire des
choses suppose, bien sûr, de disposer de compétences. Cependant, cette dimension n’est
pas seule : il y a aussi une dimension de liberté. De plus, l’espace de réflexion ne se
réduit pas au travail.
Nous ne sommes donc plus dans une logique d’accompagnement, mais bien dans une
logique de travail sur les contraintes pour trouver de nouveaux espaces d’action
individuelle et collective. Dès lors, le concours de tous est nécessaire. Nous aboutissons
donc à une justification du recours à des formes de délibérations ouvertes. Ces
délibérations sont des procédures dans lesquelles la voix de tous les participants est
entendue, et où les compromis sont recherchés autour des solutions. C’est donc une
manière de justifier économiquement le besoin de démocratie. Ce n’est pas négligeable
aujourd’hui.
Amartya SEN ne voit pas l’État comme paternel et accompagnateur. Il imagine plutôt un
État visant à redonner une forme d’autonomie collective aux acteurs. Cette autonomie
peut s’exercer à des niveaux variés comme l’entreprise, le territoire, la branche ou la
nation. Cette idée est d’ailleurs très proche du grand principe de subsidiarité de la
Commission européenne. En effet, pour Amartya SEN, ceux qui sont les plus proches du
terrain où les problèmes se posent sont les plus à même de résoudre ces problèmes. En
résumé, l’État peut intervenir, mais il intervient toujours de manière à favoriser
l’« employerment » des acteurs collectifs aux différents niveaux.
Est-ce une utopie ? Peut-être. C’est en tout cas un modèle de développement. Ceci étant,
nos travaux de recherche constatent que l’Europe utilise, sans le savoir, le registre des
capacités. L’Europe s’apparente au Monsieur Jourdain de Molière faisant de la prose
sans le savoir. Dans cette optique, notre projet serait que certains acteurs européens
commencent à se dire qu’ils peuvent commencer à systématiser ce qu’ils font.
Je vous donne à présent quelques exemples au niveau européen.
Le premier est le travail normatif sur l’égalité hommes-femmes. Il s’agit bien d’un


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problème de mise en capacité des femmes à l’égal des hommes. C’est donc une égalité
en capacité qui est cherchée à travers les normes édictées par la Commission
européenne. Ce n’est sans doute pas le seul motif, mais c’en est incontestablement un.
Deuxième exemple : la participation des travailleurs à l’élaboration, non pas de la
décision économique en elle-même, mais à la manière de poser les problèmes liés à la
décision économique. Cette logique est très présente dans la construction européenne. Je
pense notamment aux comités d’entreprise européens et aux procédures d’information-
consultation. Au fond, on voit que l’entreprise a tout à gagner à écouter ce que lui disent
ses salariés. On le voit notamment lors des restructurations. Ces droits participatifs des
salariés permettent de réajuster les plans de restructuration.
Troisième exemple : le congé parental. L’idée est typiquement ici de donner des droits
égaux aux deux partenaires du couple pour pouvoir mener de front une vie de travail et
de famille.
Le schéma que je vous projette maintenant à l’écran représente le système. Ce système
est triangulaire. Je m’explique. La personne dispose de ressources telles que le poste de
travail et le salaire. À partir de là, la question est de savoir comment ceci est organisé
pour lui donner une liberté de choix. Autre question qui se pose : quels sont les facteurs
qui, dans cette situation, bloquent les capacités à choisir, par exemple, l’organisation de
son temps de travail ?
Ces facteurs sont de diverses natures : certains sont liés à l’endroit où vit la personne,
d’autres sont liés aux transports, d’autres encore à l’aménagement du temps dans la vie
et à l’environnement institutionnel, ainsi qu’à l’organisation du travail dans l’entreprise,
l’aménagement des postes, etc. L’intervention est donc toujours à multiples facettes.
Amartya SEN se donne également une autre contrainte que l’on peut énoncer comme
suit : les politiques publiques doivent poursuivre des résultats de valeur. En d’autres
termes, les politiques ne peuvent pas se donner n’importe quel objectif. Par exemple, la
qualité de l’emploi est un résultat de valeur, en particulier si on la comprend comme un
contenu du travail qui développe les capacités des personnes. Dans cette logique, les
politiques ne visent donc absolument pas à maximiser le taux d’emploi aux dépens de la
qualité d’emploi.
Enfin, la pensée d’Amartya SEN est aussi une réflexion sur la responsabilité individuelle
et collective. L’idée est qu’il est impossible d’accorder des responsabilités à une
personne si celle-ci n’a pas les capacités, les ressources et l’environnement nécessaires
pour exercer cette responsabilité. Rien n’est pire que d’être responsable de quelque
chose que l’on n’arrive pas à faire. D’une certaine manière, cette approche est une
critique de certains discours sur la responsabilisation faisant l’économie de la mise en
place de ses conditions.
Pour terminer, je voudrais vous présenter une enquête du CEREQ (Centre d’études et de
recherches sur les qualifications).
Avant toute chose, je vous signale que cette enquête obéit à d’assez fortes contraintes
méthodologiques. En effet, il n’est pas facile d’apprécier l’étendue de la liberté de choix
et le degré de participation d’une personne à la décision. Cela suppose de mener une
enquête qualitative par interview, mais aussi de recueillir des données quantitatives.
Amartya SEN insiste constamment sur le fait que les données subjectives sont, à elles

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seules, dangereuses, car elles peuvent être biaisées. En effet, la personne interrogée peut
avoir développé ce que l’on appelle des « préférences adaptatives » : dans ce cas, la
personne finit par accepter un environnement négatif, ce qui arrive notamment dans les
contextes conflictuels. Un autre biais est que la personne peut chercher à donner la
réponse qu’elle croit que l’on attend d’elle. Dès lors, il faut toujours mélanger les
données objectives et qualitatives.
D’autre part, il faut rassembler simultanément les données venant du management et
celles venant des employés. Il existe en effet des divergences dans les réponses des uns
et des autres.
Enfin, il convient de collecter l’information sur plusieurs points tels que la liberté de
choix, la participation ou pas dans l’organisation du travail, sans oublier de s’intéresser
au devenir des personnes interrogées sur deux ou trois ans (enquêtes longitudinales). À
ma connaissance, ces croisements ne sont pas effectués aujourd’hui. J’ignore si la
Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail l’a fait.
L’un des atouts de notre réseau européen est que le CEREQ en fait partie. Ce centre
dispose de suffisamment de moyens pour mener ce genre d’études. Il l’a fait notamment
sur l’accès à la formation continue dans l’entreprise. À ce propos, je remercie les
chercheurs du CEREQ qui m’ont communiqué les informations non encore publiées que
je vous présente ici.
Cette étude porte sur un échantillon représentatif d’entreprises et part de la question
suivante : ne voit-on pas dans certaines entreprises un début de mise en œuvre de ce que
l’on appelle « Capabillity-friendly Approach », c’est-à-dire une approche intégrant le
développement des capacités des salariés.
L’échantillon se répartit en trois catégories : la moitié des entreprises n’ont pas ou peu
d’intérêt à la formation en leur sein ; un quart des entreprises se situent dans une logique
de compétence interne, c’est-à-dire qu’elles visent une bonne performance des salariés
dans leur intérêt à elles et sans penser au devenir des salariés ; enfin, un dernier quart de
l’échantillon met en œuvre, sous certains aspects, des éléments de capacité.
En réorganisant les données du CEREQ à ma manière, j’ai pu observer une sorte de
gradation à quatre ou cinq étapes, la dernière étape étant une véritable approche par les
capacités et concernant environ 10 % des entreprises.
La première étape est d’offrir un véritable panel d’opportunités de formation continue.
C’est loin d’être diffusé, puisque cela représente à peu près un quart des entreprises.
La deuxième étape est de faire attention, dans la mise en œuvre du plan de formation et
dans l’accès au DIF, aux inégalités d’accès (hommes / femmes, qualifiés / non qualifiés,
etc.). L’idée est ici de voir si l’entreprise s’intéresse à cette question.
La troisième étape est d’informer les salariés des opportunités de formation qui se
présentent. Curieusement, ce n’est pas évident dans les entreprises : si certains
employeurs assurent qu’ils informent leurs salariés, les salariés, eux, déclarent qu’ils ne
sont pas au courant.
La quatrième étape est que les syndicats puissent avoir leur mot dans la définition du
plan de formation et que les personnes puissent êtres actrices de leurs choix.
La dernière chose à faire serait de renouveler l’enquête dans deux ou trois ans. Il

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s’agirait de voir si le devenir de ces personnes a été différencié. Ce serait un très bon
test.
D’une manière plus générale, il est intéressant de se pencher sur les motivations des
entreprises. Si celles-ci développent ces approches, c’est d’abord parce qu’elles y
trouvent leur intérêt. Mais c’est aussi parce que l’État français intervient activement,
depuis maintenant trente ans, sur la formation continue. Des instruments publics
existent, et l’État a donné des ressources aux partenaires pour qu’ils puissent se saisir de
ces sujets.
Pour finir, je dirai que le passage à une logique d’accompagnement des parcours et des
transitions n’est pas naturellement dans l’esprit de l’approche d’Amartya SEN. Pour
SEN, le lieu d’acquisition des compétences est le travail.

Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
Merci, Robert SALAIS. Je retiens que l’on ne peut pas investir une personne de
responsabilités si on ne l’a pas dotée de capacités, de ressources et de moyens. Cela nous
repose la question des premières interventions sur la nature des instances capables
d’organiser le développement et la gestion de ces ressources.

Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais)
J’ai beaucoup apprécié la présentation de Robert SALAIS. C’est une bonne suite à ce
que nous avons fait. Cela me conduit à formuler une remarque. Nous vivons une époque
passionnante. Quand on voit que l’État allemand va jouer un rôle plus actif dans les
finances, on se dit que des changements sont en cours. C’est peut-être la base qui serait
nécessaire à la mise en place d’un environnement capacitant. Je sais que vous n’avez pas
de boule de cristal pour prédire l’avenir. Je voudrais cependant vous interroger sur le
devenir de la France par rapport aux autres pays d’Europe. En Grande-Bretagne, l’État a
pris du recul tandis qu’en Allemagne, on a vu comment l’État est intervenu dans la
réunification. Il serait intéressant de voir votre positionnement français. Nicolas
SARKOZY va peut-être changer les choses.

Robert SALAIS, École normale supérieure de Cachan, UMR IDHE
La question financière n’est pas dans mes compétences. Cela dit, je crois que l’on
pourrait donner le message du retour de l’État sur la scène avec la réorganisation des
marchés du travail. On ne peut pas parler d’un État interventionniste à l’ancienne, mais
d’un État qui essaie de mettre les acteurs collectifs dans des structures de délibération en
les dotant de ressources, et en plaçant des contraintes de résultats. La question des
capacités des marchés du travail pose celle de l’apprentissage de nouvelles manières
d’intervenir pour les partenaires sociaux. Il s’agit en particulier de réinvestir les
transitions et le travail lui-même dans son contenu, qui a été délaissé au profit des
notions d’emploi. Dans une logique de capacité, on pourrait travailler avec des acteurs
plus larges que ceux du dialogue social. Pour les chômeurs, on voit que la tendance
actuelle est de contraindre à reprendre un travail. Les chômeurs sont en mauvaise
position pour pouvoir faire entendre leur voix. Il y a des problèmes de représentation.
L’acteur n’est pas ici le syndicat. Plus on creuse dans cette voie, plus on découvre que
des questions se posent.


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Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
Cela repose aussi une autre question : si l’accès aux dispositifs, de formation par
exemple, est lié au statut, la construction des parcours est peut-être plus délicate.

Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants
Je ne suis pas sûr que ce que nous venons d’entendre soit déconnecté de ce que nous
avons dit auparavant. J’y vois une vraie continuité : nous sommes sur les fondements
théoriques. À partir de là, je ferai deux remarques.
Je voudrais tout d’abord réagir à une phrase de Robert SALAIS : « ceux qui sont le plus
à même de résoudre les problèmes sont ceux qui sont les plus proches du terrain ».
Concrètement, cela signifie qu’il faut des accords multi-acteurs. Dans ce cadre, le rôle
de l’État est de vérifier que les accords vont dans le bon sens et d’outiller les acteurs
pour qu’ils puissent passer ses accords. En revanche, le rôle de l’État ne me semble pas
être d’imposer unilatéralement sa loi aux acteurs.
L’autre phrase de Robert SALAIS qui me fait réagir est la suivante : « arriver à ce que la
personne se donne le libre choix ». Il s’agit concrètement de permettre à l’individu de
devenir acteur. Là où s’arrête la comparaison, c’est que je restreins mon propos aux
transitions professionnelles, alors qu’il n’y a pas que cela.

Danielle THOMAS, AFPA
Je voudrais relier nos débats à ce qui se passe actuellement en France avec le Grenelle
de l’insertion et la politique de Martin HIRSCH. Cette politique vise toutes les
personnes qui se trouvent en deçà de celles dont nous parlons (transitions
professionnelles et chômeurs) : ce sont les 10 % de personnes vivant dans la grande
pauvreté. Je ne veux pas défendre le RSA (Revenu de solidarité active), mais je tiens à
rappeler qu’il s’agit de redonner à une personne une liberté de choix, tout en lui donnant
les moyens de se positionner. J’y vois comme une tentative, certes imparfaite, de réduire
ces 10 % de grande pauvreté.

Jean-Paul PEULET, ANACT - DCR
La dernière interrogation de Frédéric BRUGGEMAN me semble intéressante. Au-delà
de la boîte à outils institutionnelle dont nous disposons et qui est certainement à parfaire,
une des questions centrales autour des parcours professionnels est effectivement la
capacité de choix des individus. Je crois que la citation que faisait Robert SALAIS nous
aide beaucoup à oser poser un certain nombre de questions. Je pense que le fait de se
poser la question des moyens auxquels l’individu peut faire appel n’est pas négligeable.
C’est particulièrement vrai lorsque l’individu se pose la question de sa transition
professionnelle.
J’ai effectué il y a quelques années un voyage d’étude aux Pays-Bas, et je voudrais
rappeler ici une initiative intéressante de la FMB, qui est la plus grande centrale
syndicale néerlandaise. Face à cette question des choix auxquels sont confrontés les
individus, la FMB a mis en place des rendez-vous offerts à ses membres. Il s’agit de
rendez-vous carrière normalisés qui s’appuient sur du bénévolat. Il y a d’ailleurs plus
d’offre de bénévoles que de besoins. Je crois que ce service répond à un vrai besoin.
Le deuxième exemple que je voudrais citer concerne toujours la FMB, mais également

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l’université d’Amsterdam. C’est la possibilité d’aller voir ce que sont les conditions
d’emploi et de travail dans des métiers que l’on ne connaît pas. Les salariés néerlandais
sont appelés à remplir un questionnaire et, dès lors que les résultats sont significatifs, les
réponses sont mises en ligne pour permettre à d’autres salariés de prendre connaissance
des conditions d’emploi dans ce métier. Le but final de ce dispositif est d’aider les
salariés à faire des choix. Ce dispositif que j’ai pu observer sur place en 2005 a été,
depuis lors, repris par huit pays européens. Des Africains du Sud ont même voulu s’en
inspirer.

Henri ROUILLEAULT, INSEE
C’est la deuxième fois que j’entends Robert SALAIS présenter ce genre de questions.
La dernière fois que je l’ai entendu, j’étais en train de quitter de l’ANACT. Une des
questions que je m’étais alors posées était de savoir ce que l’on peut tirer de ce genre de
problématiques, sachant que c’est un appareil conceptuel très différent de ceux que nous
avons l’habitude d’utiliser : comment appliquer à nos contextes cette théorie partie du
Tiers monde avec l’idée que la démocratie peut être facteur de performance ?
En premier lieu, il me semble que cette vision pousse à une approche large des
conditions de travail, intégrant les parcours professionnels et la capacité des salariés à
être acteurs dans leur travail et dans leur parcours. Cela fait écho à des réflexions que
nous avons eues sur le temps de travail. Lorsque la France a mis en place la réduction du
temps de travail, nous avons vu que les réorganisations n’étaient pas perçues de la même
manière par les salariés selon qu’ils disposaient ou non d’une liberté de choix de leurs
horaires.
Cela évoque aussi pour moi un point de l’accord cité tout à l’heure par Jean-Pierre
THERRY : l’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Cet
accord stipule, à propos de la GPEC, qu’il faut donner des points de repère aux salariés.
Cela signifie que la GPEC comporte à la fois un volet collectif (avenir de l’entreprise, de
ses métiers et de son activité) et un volet individuel (chacun étant acteur de son propre
parcours). Dans ce cadre, le volet collectif a pour fonction de donner des points de
repère et d’aider les personnes à être actrices de leur propre parcours.
Du coup, cela enrichit aussi la question de la négociation abordée par Frédéric
BRUGGEMAN. En effet, cela montre qu’on ne peut plus voir la négociation comme un
échange primaire entre la direction et les organisations syndicales. Il existe en réalité
une deuxième négociation, qui est celle de l’individu par rapport à son parcours. Notre
objectif n’est pas l’avènement d’un monde anomique dans lequel il n’y aurait qu’une
seule négociation qui serait la négociation avec l’individu (projet caressé par certains
employeurs). Nous nous plaçons plutôt dans l’optique d’une négociation à double
niveau : un niveau où l’on se fixe des règles, et un niveau où l’individu use de ces
règles.

François GUERIN, Consultant
Je voudrais vous livrer une réflexion. Pour ma part, j’utilise un modèle de type triaxial.
Je vais qualifier ces axes.
Le premier est un axe X. C’est l’axe santé physique-psychique et charge de travail. Cet
axe part de la dégradation pour aller à la construction.


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Le deuxième axe, Y, est l’axe management : « mon travail est reconnu ou pas par le
management et par mes pairs ». On touche ici à l’organisation du travail, puisque
certaines organisations permettent cette reconnaissance tandis que d’autres ne la
permettent pas et disqualifient les collectifs.
Le troisième axe, Z, est l’axe expérience : « je peux ou pas construire une expérience
permettant la mobilité ».
L’idée est d’intervenir simultanément sur les trois axes. Ces trois axes ne sont pas gérés
par les mêmes personnes dans l’entreprise : ce sont les managers de proximité, les gens
qui s’occupent de la prévention professionnelle ou les organisateurs du travail, ou encore
les gens qui s’occupent des parcours professionnels et de la formation.
C’est donc un modèle intégrateur, avec des axes qui permettent d’imaginer des
environnements qui deviennent capacitants lorsque l’on progresse sur les trois axes. En
général, cela marche quand on en parle aux chefs d’entreprise et aux salariés : ils
imaginent que l’on peut travailler simultanément sur ces trois axes.




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Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                  ANACT




Introduction de la deuxième session

Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT
Bonjour à tous. Nous reprenons nos travaux sur la sécurisation et l’adaptation des
parcours tout au long de la vie.
Hier, nous avons vu que les parcours professionnels pouvaient être de différentes
natures, avec des parcours subis ou choisis, des parcours d’insertion ou encore de
professionnalisation. À cet égard, nous avons vu combien s’élargissait le périmètre des
acteurs impliqués dans l’organisation de ces parcours et des transitions. Nous avons
également vu que les parcours professionnels s’entendaient bien dans et en dehors de
l’entreprise. Tout cela requestionne le pacte entre employeur et employés au sein de
l’entreprise. Nous avons par exemple vu que la conciliation des différents points de vue
au sein d’une entreprise pouvait permettre une meilleure articulation des parcours
bénéficiant à la fois à l’entreprise et au salarié. Il existe cependant une condition, comme
nous l’avons vu avec Robert SALAIS : il faut que les capacités soient identifiées et
structurées par une structure dédiée. En effet, on ne peut pas décréter qu’une personne
est responsable de son parcours sans la doter préalablement de moyens pour identifier et
développer ses compétences. Cette dotation s’envisage bien tout au long de la vie, on l’a
dit à plusieurs reprises. Elle s’envisage également à travers la vie. Comme vous le savez,
on parle de Life long learning et de Life wide learning : à la dimension temporelle
s’ajoute une dimension plus spatiale qui traverse les différents champs de la vie.
Comment cette professionnalisation peut-elle être articulée dans les différents temps
sociaux ? C’est le thème que nous allons aborder maintenant grâce à l’intervention de
Jean-Yves BOULIN va articuler maintenant.




Lyon, 2-3 octobre 2008                                                                   31
Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ?                  ANACT




Intervention de Jean-Yves BOULIN

Jean-Yves BOULIN, Université Paris Dauphine
Je vais aborder la question de la sécurisation des parcours professionnels en adoptant un
angle de vue plus global que celui des précédents orateurs. Frédéric BRUGGEMAN, par
exemple, s’est centré sur la sphère professionnelle en essayant d’examiner les transitions
qui s’y déroulent. Sur un mode dynamique, il me semble nécessaire d’intégrer aussi le
hors travail, c’est-à-dire la dimension non professionnelle. Cela me semble nécessaire
pour comprendre comment s’articulent parcours professionnels et parcours de vie.
Cette approche renvoie à la contribution en plénière de Dominique MEDA qui a bien
montré un paradoxe du cas français. Ce paradoxe est le suivant : d’un côté, la valeur
travail est privilégiée mais, d’un autre côté, on enregistre une forte insatisfaction quant
aux répercussions de l’organisation du travail sur la vie quotidienne. Nous sommes bien
ici face à une recherche d’équilibre.
Je crois que l’on ne peut pas séparer les questions de travail des questions de vie
quotidienne. En effet, il existe une sensibilité de plus en plus forte à ces questions
compte tenu des transformations en cours (modification des structures familiales,
mouvements de population, vieillissement démographique).
Dans cette approche, je me centre aussi sur les options de temps de travail, c’est-à-dire
les différentes possibilités offertes par le temps de travail. De ce point de vue, mon
approche constitue aussi une réponse à Michael WHITTALL. La seule différence est
que l’on choisit ici une option dynamique : on essaie de travailler sur les différentes
phases de la vie dans leur continuité.
L’approche par le Life Course, que l’on pourrait traduire en français par « parcours de
vie », présente un intérêt majeur : elle permet comprendre que, si le temps est
irréversible, les choix, eux, pourraient être réversibles. Or, on constate un phénomène
intéressant dans le Life Course : certains choix opérés à certains moments vont avoir des
effets ultérieurs ; je pense par exemple aux conséquences d’un passage à temps partiel,
qui peuvent s’observer sur le revenu, le niveau des pensions ou encore l’évolution d’une
carrière.
Cette question, que l’on pourrait baptiser « question des sentiers de dépendance »,
permet de réfléchir à de nouvelles formes de régulation collective des choix individuels
qui permettent un libre choix. Ce nous ramène d’ailleurs à la contribution de Robert
SALAIS. Il s’agit de donner des capacités en termes de régulation permettant de faire
des choix dépourvus d’effets négatifs ultérieurs ou de conséquences discriminatoires en
termes d’âge, de genre ou de catégorie sociale.
Je ferai ici une petite incise par rapport à la discussion que nous avons eue hier :
favoriser les choix individuels est effectivement très souhaitable, mais soyons aussi
attentifs aux effets pervers. Ceux-ci sont importants dans un contexte d’individualisation
forte et de remise en cause des principes fondamentaux du modèle européen de
protection sociale, qui posent qu’il faut soutenir les plus faibles.
Je crois que ces principes doivent être préservés. Or, quand on regarde un État comme

Lyon, 2-3 octobre 2008                                                                   32
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  • 1.
  • 2. ANACT Quelle qualité de vie au travail en Europe pour la décennie 2010 ? COMPTE RENDU DE L’ATELIER 3 : « COMMENT SÉCURISER ET ADAPTER LES PARCOURS TOUT AU LONG DE LA VIE ?» Jeudi 2 et vendredi 3 octobre 2008 Lyon, Valpré Lyon, 2-3 octobre 2008 2
  • 3. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Sommaire Quelle qualité de vie..................................................................................................................2 au travail en Europe..................................................................................................................2 pour la décennie 2010 ?.............................................................................................................2 Compte rendu de l’atelier 3 :....................................................................................................2 « Comment sécuriser et adapter...............................................................................................2 les parcours tout au long de la vie ? ».......................................................................................2 Jeudi 2 et vendredi 3 octobre 2008...........................................................................................2 Lyon, Valpré..............................................................................................................................2 Sommaire...................................................................................................................................3 Introduction générale................................................................................................................5 Intervention de Frédéric BRUGGEMAN................................................................................6 Intervention de Michael WHITTALL....................................................................................17 Intervention de Robert SALAIS.............................................................................................23 Introduction de la deuxième session.......................................................................................31 Intervention de Jean-Yves BOULIN......................................................................................32 Intervention de David FODEN...............................................................................................41 Intervention de Roberto PEDERSINI....................................................................................47 Conclusion de l’atelier.............................................................................................................54 Synthèse de l’atelier en plénière.............................................................................................58 Lyon, 2-3 octobre 2008 3
  • 4. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT NB : Les interventions en anglais sont retranscrites à partir d’une prise de note à la volée des traductions simultanées proposées sur place. Ces interventions sont signalées par la mention « en anglais » à la suite du nom de l’orateur. Lyon, 2-3 octobre 2008 4
  • 5. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Introduction générale Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT Bonjour à tous. Bienvenue à cet atelier organisé par le département Compétences Travail Emploi de l’ANACT. Cet après-midi et demain matin, nous allons nous poser la question suivante : « comment sécuriser et adapter les parcours professionnels tout au long de la vie ? ». J’animerai les débats de ces deux demi-journées, et Michel PARLIER, responsable du département Compétences Travail Emploi de l’ANACT, en sera demain le rapporteur. Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi de traiter ce sujet de la sécurisation des parcours professionnels au sein de ce colloque sur la qualité de vie au travail en Europe pour la décennie 2010. Nous estimons en effet que la qualité de vie au travail peut être cause et effet de parcours de natures différentes selon qu’elle permet ou non le développement de compétences, le maintien de la santé physique et psychique ou encore la conciliation entre vies professionnelle et personnelle. Nous allons travailler ensemble ces questions grâce aux apports d’experts. Trois d’entre eux nous accompagneront cet après-midi, et trois autres demain matin. Je vous présente nos trois experts de cet après-midi par ordre de prise de parole : Frédéric BRUGGEMAN, directeur des mutations économiques au sein du cabinet AMNYOS, Michael WHITTALL, sociologue à l’université de Munich, et l’économiste Robert SALAIS, spécialiste de l’histoire du travail et de l’emploi et de l’économie des conventions. Nos trois experts de demain sont Jean-Yves BOULIN, de l’université Paris Dauphine, sociologue au CNRS et sociologue à l’IRIS (Institut de recherches interdisciplinaires en sociologie, économie et sciences cognitives), David FODEN, responsable du réseau des observatoires européens à la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, et Roberto PEDERSINI, professeur associé de sociologie à l’université de Milan. Que nos experts soient d’ores et déjà tous remerciés de leur présence et de leurs apports qui, je n’en doute pas, nourriront de forts intéressants échanges. Entrons maintenant dans le vif du sujet. Grâce à l’intervention de Frédéric BRUGGEMAN, nous allons tout d’abord poser un cadre sur les parcours professionnels. Pour ce faire, nous allons regarder comment la déstabilisation du modèle de l’emploi impacte les parcours professionnels. Nous verrons comment cette déstabilisation introduit des moments de transition dans l’emploi en rendant ces parcours moins linéaires. Nous verrons également qu’elle introduit de nouveaux acteurs pour l’articulation de ces parcours. Chaque intervenant dispose d’une vingtaine de minutes pour sa présentation, à la suite de quoi nous échangerons une vingtaine de minutes. Toutes les participations seront les bienvenues, car c’est bien dans l’échange actif que la réflexion avance. Lyon, 2-3 octobre 2008 5
  • 6. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Intervention de Frédéric BRUGGEMAN Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants Merci beaucoup pour votre invitation. Avant de commencer, permettez-moi de vous dire combien ma présentation est difficile. Il s’agit en effet d’essayer d’apporter un point de vue global sur les parcours professionnels, ce qui est extrêmement compliqué. La transversalité suppose de mobiliser des connaissances issues de nombreux domaines. Aussi, je vous prie d’emblée de bien vouloir m’excuser des carences de mon propos. Je suis sûr en tout cas que nos discussions permettront de combler ces carences. Autre précision liminaire, je ne dirai pas que mon point de vue global va poser un cadre, mais plutôt essayer d’exprimer la façon dont les questions se posent sur le terrain. J’essaierai également de repérer les points communs qui peuvent ressortir de parcours extrêmement différents. La présentation est intitulée : « Parcours professionnels : vers une mise en œuvre opérationnelle ? ». Si j’ai choisi ce titre, c’est parce qu’il me semble qu’il y a effectivement un mouvement « vers une mise en œuvre opérationnelle » depuis quelques années. Le basculement date certainement du tournant du millénaire : c’est à partir de cette date que l’on a commencé à considérer, tout au moins en France, qu’il fallait aborder les choses par le biais du « parcours professionnel ». Toute une série d’évolutions se déploient depuis lors, évolutions desquelles je vais essayer de retirer des points communs. Quels sont les éléments méthodologiques qui peuvent permettre de repérer des points communs dans des parcours extrêmement différents ? Je vous propose une première approche de la question en quelques points introductifs. Premier point, la montée en puissance de la thématique « sécurisation des parcours » n’est pas qu’un effet de mode : c’est à la fois un symptôme et une réponse à la déstabilisation du modèle de l’emploi basé sur un échange non seulement de force de travail contre salaire, mais aussi de mobilité contre prise en charge du devenir professionnel et de la carrière à l’intérieur de l’entreprise. Du point de vue des politiques publiques, le discours sur la sécurisation des parcours professionnels résulte clairement de la volonté d’adopter un point de vue moins segmenté et davantage axé sur les besoins des personnes que sur leur statut. Deuxième point, si les parcours professionnels supposent des transitions, il est important de rappeler que l’ensemble des transitions ne sont pas professionnelles, bien qu’elles interagissent avec le marché du travail. Je pense par exemple aux retraits du marché du travail pour élever un enfant, aux départs en retraite ou encore aux départs pour s’investir dans une ONG. En somme, il existe une multitude de mouvements de vie qui interagissent avec le marché du travail sans pour autant constituer des parcours professionnels en tant que tels. Je précise tout de suite que je n’en parlerai pas dans ma présentation, mais je crois important de rappeler ici que cette interaction existe, ne serait-ce que pour pouvoir prendre en charge une approche de type « marché transitionnel du travail ». Le troisième point est un truisme : si les transitions ont besoin d’être sécurisées, c’est Lyon, 2-3 octobre 2008 6
  • 7. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT qu’elles comportent une part de danger. Il faut donc s’interroger sur la part de danger des transitions. À ce propos, j’attire votre attention sur la différence entre l’itinéraire et le parcours. L’itinéraire est fait de trois éléments : un point de départ connu, un point d’arrivée connu, et plusieurs chemins préexistants pour atteindre le point d’arrivée. Pour partir en Bretagne, par exemple, vous pouvez utiliser le train ou la voiture et, si vous prenez la voiture, opter pour l’autoroute, les nationales ou les départementales : tout cela constitue votre itinéraire. Le parcours, quant à lui, a une autre signification : c’est un point d’arrivée vaguement défini et des chemins à construire. Dans le parcours, on n’est pas sûr de par où le chemin passe et on ne sait pas exactement où l’on va arriver. C’est probablement cela qui crée le risque des parcours professionnels. Un itinéraire professionnel, c’est réussir Polytechnique puis entrer au CEA pour devenir directeur de filiale et terminer PDG. Le parcours professionnel, au contraire, n’obéit pas à ce schéma. Voilà ce qui fonde le risque inhérent au parcours, d’où ce constat : oui, il existe des parcours plus risqués que d’autres. En outre, s’il existe plusieurs parcours, il y a certainement des parcours types dotés de propriétés communes. Dernier point, la sécurisation des parcours a pour objet de rendre faciles et fluides les transitions entre les différentes situations qu’un individu peut être amené à rencontrer dans son existence (entre formation et emploi, entre deux emplois, entre chômage et emploi). J’insiste ici sur les notions de transition et d’individu. En effet, je m’intéresse moins à l’emploi en lui-même qu’au passage d’un emploi à un autre : c’est l’articulation entre les deux qui joue sur la sécurisation des parcours. En d’autres termes, je cherche à appréhender la sécurité de l’emploi dans une perspective dynamique : pour que le parcours soit réussi, il faut agir dans l’emploi, pendant la transition et après l’emploi. Ce sont donc des trajectoires et non plus des emplois qu’il faut sécuriser. Il existe quatre types de parcours professionnels : les parcours de professionnalisation, les parcours de mobilité professionnelle subie, les parcours de mobilité professionnelle choisie, et enfin les parcours d’insertion. Je vous en projette à l’écran une illustration graphique. Il s’agit d’un parcours délicat vers la fin : l’individu est demandeur d’emploi indemnisé puis allocataire du RMI avant de finalement retrouver un emploi. Ce cas illustre ma typologie avec les mobilités subies (perte d’emploi et licenciement), les parcours de professionnalisation (à l’intérieur et / ou à l’extérieur de l’entreprise), les mobilités choisies et les parcours d’insertion (même si je ne traite pas ici de la première insertion, celle qui articule le système scolaire et le marché du travail). Ces quatre types de parcours professionnels sont différents mais recèlent des éléments communs. Venons-en donc à ces points communs. Le premier peut s’énoncer comme suit : sécuriser les parcours requiert des dispositifs collectivement élaborés et mis en œuvre, adaptables aux individus et aux particularités des situations locales. Cela peut apparaître comme un programme, mais c’est surtout l’une des conditions de succès de la sécurisation des parcours. Sécuriser les parcours suppose toujours une cohérence des mesures et des dispositifs qui s’accommodent assez mal des « tuyaux d’orgue ». J’en donnerai une illustration désormais classique : c’est l’exemple cent fois ressassé du salarié qui suit une formation dans le cadre de son congé de reclassement, et dont la durée de formation excède celle de son congé ; le salarié entre donc dans le chômage sans être à la fin de son congé de reclassement, de sorte qu’il n’est pas « disponible à la recherche d’un emploi » et que l’Assédic peut donc lui refuser ses indemnités. Lyon, 2-3 octobre 2008 7
  • 8. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Sécuriser les parcours suppose aussi un accompagnement des personnes, très certainement autour de la notion d’employabilité. Cela suppose aussi un accompagnement des institutions. C’est ce qu’on appelle l’« assonance avec l’employabilité » ou « employeurabilité » : l’idée est qu’il faut une mise à niveau permanente pour pouvoir être un bon employeur, c’est-à-dire pour maintenir à un niveau élevé sa capacité d’être employeur. La conjugaison de tous ces éléments permet une combinatoire personnalisée, contractualisée de manière souple et utilisant des dispositifs déjà existants. Permettez-moi de faire ici une parenthèse sur un point important que je n’approfondirai pas : les parcours professionnels sont des champs d’innovation sociale. Oui, des acteurs innovent ! Par ailleurs, il existe aujourd’hui un certain nombre de savoirs actualisés permettant de capitaliser sur ces innovations et de les faire fructifier. Je n’y insiste pas. Pour être plus concret, je vous propose d’entrer dans le détail des parcours de professionnalisation. Il faut dire ici que les parcours de professionnalisation supposent de ne plus considérer la compétence comme une matière finie et de faire des individus les acteurs du développement de leurs compétences : on n’est pas tourneur-fraiseur ou ingénieur-logiciel à vie (si tant est que l’on parle encore d’« ingénieurs-logiciel ») ; au contraire, on réactualise en permanence ses compétences. Dans ce cadre, c’est bien l’individu qui est le mieux placé pour savoir comment actualiser ses compétences. Cela suppose de pouvoir proposer des trajectoires individualisées d’évolution professionnelle, mais aussi de pouvoir mobiliser des ressources formatives de type nouveau. Autrement dit, un plan de formation s’appliquant à un individu ne peut pas être une succession de formations inscrites au plan de formation. C’est pourquoi j’oppose le plan de formation à l’utilisation articulée du conseil en orientation, de la VAE (Validation des acquis de l’expérience), du plan de formation, de la formation en situation de travail, du tutorat et du management qualifiant. On voit aussi qu’organiser des parcours, c’est toujours faire des alchimies. L’image de la cuisine me paraît ici féconde : il faut marier des ingrédients bien choisis et bien dosés pour confectionner un bon plat. En dernier lieu, n’oublions pas qu’il faut donner des garanties. Pour que la mise en œuvre soit efficace, il faut que le cadre juridique soit adapté. Pour ce qui concerne la France, cette adaptation est en cours de manière assez forte depuis 2000. Je pense particulièrement à l’ANI (Accord national interprofessionnel) de décembre 2003 sur l’accès des salariés à la formation tout au long de leur vie professionnelle. Cet ANI a, si je puis dire, fait des petits. La DGEFP (Direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle) a publié une circulaire du 14 novembre 2006 spécifiant que les parcours peuvent faire l’objet d’une formation globale. Les partenaires sociaux ont redéfini la mission du FONGECIF (Fonds de gestion du congé individuel de formation) pour proposer à tout salarié souhaitant élaborer un projet de formation individuelle des mesures d’accompagnement. En somme, un ensemble d’éléments convergent vers l’organisation de ces parcours de professionnalisation. Le deuxième point dur est que le dispositif doit être coordonné et affranchi des contraintes de statut (fonctionnaires, CDI, CDD, intérim) : la professionnalisation concerne tout un chacun, quel que soit son statut. Or, ce n’est pas évident sur le terrain, notamment pour les intérimaires ou les personnes en CDD. Il convient enfin de délivrer les conseils dont les individus ont besoin et d’assurer un Lyon, 2-3 octobre 2008 8
  • 9. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT accompagnement des structures publiques, associatives ou privées qui n’ont pas les moyens financiers et les capacités d’assurer la mise en œuvre des parcours de professionnalisation. Après être entré dans le détail des parcours de professionnalisation, je vous propose maintenant d’examiner en profondeur les parcours liés aux transitions professionnelles subies. La notion de transition professionnelle subie traduit le fait que l’emploi occupé est transitoire. À ce titre, je souscris pleinement à la remarque formulée ce matin et soulignant que les transitions ne s’inscrivent pas dans une sorte de mouvement brownien : cela ne change pas tous les mois ou tous les ans. Cela dit, le changement intervient plusieurs fois au cours d’une vie professionnelle. Quoi qu’il en soit, pour que ces transitions professionnelles subies puissent se dénouer positivement, il faut non seulement des parcours de professionnalisation mis en place en amont, mais aussi que les individus soient particulièrement aidés au moment de la rupture. Le programme de ce parcours est de faire en sorte que les individus deviennent acteurs d’une transition qu’ils n’ont pas décidée. Les conditions sont les mêmes que celles énoncées précédemment pour les parcours de professionnalisation. Je les répète brièvement. Il faut proposer des trajectoires individualisées d’évolution professionnelle : par exemple, on ne peut pas proposer à une ouvrière du textile de cinquante ans de prendre un emploi dans les télécoms. Il faut aussi mobiliser du conseil individualisé capable d’agencer en situation les services offerts tels que le bilan professionnel, le bilan de compétences, l’aide à la recherche d’emploi ou la formation. On retrouve ici cette fonction que je qualifierai d’« ingénierie des mesures et dispositifs existants ». Il convient également de donner des droits et, en l’occurrence, un statut, un revenu, une protection sociale et une offre de services durant la transition. Enfin, cela suppose un cadre juridique adapté. Je ne pense pas que le cadre juridique actuel soit adapté, mais je tiens à dire qu’il est en évolution. J’en veux pour preuve le fait que l’on ait ajouté au PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi) le projet de mobilité, les ruptures conditionnelles ou la CRP (Convention de reclassement personnalisée). Par ailleurs, n’oublions pas que la loi de 2005 a marqué le renouveau de la GPEC (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) et qu’il est désormais possible de recourir à des accords. Les dispositifs doivent être coordonnés et affranchis des contraintes de statut (fonctionnaire, CDI, CDD, intérim), ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ces dispositifs doivent également être affranchis du contexte initial du parcours : il faut proposer à peu près le même service aux salariés, qu’ils soient issus de grandes entreprises ou de PME et quelle que soit la nature de la rupture. C’est indispensable si l’on veut organiser correctement les transitions subies. Enfin, il faut un accompagnement des structures collectives qui sont censées mettre en œuvre ces dispositifs. À titre d’exemple, je vous projette un graphique tiré du projet MIRE (Monitoring Innovative Restructuring in Europe). Ce schéma affiche la courbe des licenciements pour motif économique en France entre 1989 à 2004. Cette courbe montre une baisse de ces licenciements économiques sur la période, concomitamment à une augmentation des licenciements pour motif personnel. Toutes ces données sont disponibles sur le site de la DARES (Direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques), à la rubrique « Premières informations, Premières synthèses ». Lyon, 2-3 octobre 2008 9
  • 10. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Si l’on n’examine que les CDI, on constate que la France a enregistré 800.000 transitions professionnelles subies depuis 1989. De leur côté, les dispositifs dits de PSE concernent un public beaucoup plus restreint. Je précise tout de suite que cette donnée est fictive car il n’existe aucun chiffre officiel sur les PSE. À ma connaissance, il n’existe que deux estimations : la première a été donnée il y a longtemps par l’UNEDIC (Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) et fait état de 20 % de salariés licenciés bénéficiant d’un PSE ; la deuxième a été fournie par Geneviève CANCEILL, de la DARES, et fait état de 40 % de salariés licenciés bénéficiant d’un PSE. Partant de ces deux estimations, je me suis fixé sur une proportion d’un tiers. Quel que soit le chiffre exact, on voit bien que les dispositifs censés organiser les transitions professionnelles ne s’adressent qu’à une fraction du public ciblé. Quatre conditions doivent être remplies pour avancer. La première est d’accompagner les personnes. Comme je l’ai dit, ce travail suppose de mettre en œuvre une ingénierie des dispositifs qui sont pour le moins complexes. En raison de cette complexité, les individus ont besoin de conseils pour « s’y retrouver ». J’en profite pour signaler que l’on pourrait, à mon sens, aller plus loin : outre l’accompagnement des individus, il faudrait assurer un accompagnement des projets. C’est ce que font aujourd’hui les structures d’accompagnement à la création d’entreprise ; dès lors, pourquoi ne pas étendre cet accompagnement aux projets de reclassement des salariés licenciés ? Cela commence à se développer pour les salariés en activité, mais il faut bien admettre que c’est encore marginal : peu d’organismes s’y consacrent. La deuxième condition est d’accompagner les structures, y compris les grandes. Cela m’amène à poser une question en forme de provocation : ne faudrait-il pas intégrer les plateformes de transition professionnelle dans chaque structure productive ? Le rôle d’une plateforme de transition professionnelle est d’organiser, au sein de l’entreprise, les transitions à la fois internes et externes. Puisque nous sommes dans un monde de transitions, il faut en prendre en acte et doter ces transitions d’un outil permanent dans les entreprises. Enfin, il faut donner une place de premier ordre aux accords. C’est en effet la condition sine qua non de la nécessaire adaptabilité. À ce titre, je vous ai apporté la reproduction d’une affiche que je projette maintenant à l’écran. On y voit un personnage sautant et ce slogan en suédois : « Ne sautez pas de job en job ! ». Notre personnage saute donc de job en job, et il n’acquiert aucune qualification ni aucun niveau de formation professionnelle suffisant pour éviter les accidents. Devinez d’où vient cette affiche. C’est une affiche cofinancée par le patronat suédois, la confédération des syndicats suédois et l’État suédois en 1949 ! Vous voyez donc que nos amis Suédois ne sont pas génétiquement programmés pour faire des transitions professionnelles. Au contraire, ils étaient comme nous au début des années 1950 : ils voulaient construire une société de plein emploi stabilisé. Par la suite, les Suédois ont rencontré les mêmes problèmes que nous, mais ils ont adapté plus vite leurs dispositifs afin de mieux organiser les transitions professionnelles. La méthode qu’ils ont choisie a été de donner une place de premier ordre aux accords. C’est pourquoi j’ai voulu vous présenter ici cette affiche. Bien sûr, la France ne pourra pas copier le dispositif suédois. En revanche, je crois qu’une traduction de ce système d’accords dans le système français serait favorable. Dans ce cadre, il est clair que l’État devrait jouer un rôle plus fort qu’en Suède afin de respecter le modèle français (même s’il est vrai que l’État joue un rôle important, quoique indirect, en Lyon, 2-3 octobre 2008 10
  • 11. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Suède). Pour finir, la quatrième condition est qu’il existe un cadre intégrateur. À mon sens, les territoires ont un rôle naturel à jouer ici, rôle qu’ils ne jouent pas toujours actuellement. Il convient donc de lancer une vraie territorialisation de la sécurisation des parcours professionnels. Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT Merci, Frédéric BRUGGEMAN. Votre intervention nous fournit déjà quelques propositions de pistes : accompagner les personnes, accompagner les entreprises et accompagner les territoires. À partir de là, on peut se demander quels types d’instances ont commencé à exister pour réaliser cet accompagnement. Si l’entreprise n’est pas un lieu qui sait contractualiser avec les individus de manière à permettre leurs parcours professionnels, quelles instances peuvent accompagner les personnes dans leurs parcours professionnels ? Votre exposé soulève cette question, mais je suis sûre que la salle en a également d’autres à vous poser. Danielle THOMAS, AFPA J’aurais besoin d’éclaircissements car je n’ai pas tout compris. Tout d’abord, puisque vous avez parlé d’innovation, l’une des questions fondamentales est de savoir comment passer à la généralisation de façon pertinente. Ensuite, je n’ai pas compris la notion de « management qualifiant » que vous avez utilisée. Vous avez également parlé de « transitions professionnelles au sein des structures », et j’ai fini par comprendre que le mot « structure » signifiait parfois « entreprise ». Une autre question soulevée par votre intervention est de savoir qui prend en charge la plateforme de transition professionnelle au sein des entreprises : est-ce l’entreprise d’origine ou l’entreprise accueillante ? On sait comment cela fonctionne en Angleterre, mais la question est de savoir qui pourrait le prendre en charge en France. Par ailleurs, vous avez parlé d’accompagnement à destination des entreprises qui n’auraient pas les moyens ou l’organisation nécessaires. N’est-ce pas tout simplement le partenariat ? Marie-Christine LENAIN, ARACT Nord Pas-de-Calais Une chose me frappe sur ce sujet des parcours professionnels : on sait beaucoup de choses mais, dans le même temps, on est obligé d’innover et d’inventer parce qu’on ne sait pas tout. On sait faire des morceaux de choses mais on ne sait pas les accoler : on ne sait pas croiser la logique de l’entreprise et la logique de l’individu, aussi bien sur certaines périodes (transitions) que sur certains types d’entreprises (PME sans ressources) ou de salariés (personnes enfermées dans un marché interne). Je suis frappée par les propos de salariés qui me disent : « J’ai plus désappris qu’appris dans ce travail », ou « Ce n’est pas ici que je vais me professionnaliser ». Les salariés sont très conscients du risque, surtout lorsqu’ils ont déjà vécu un licenciement, mais ils ne savent pas comment s’en prémunir. Ce qui me frappe aussi, ce sont les dirigeants qui disent : « Nous voudrions aider les salariés à partir avant une rupture d’emploi, mais nous ne comprenons pas pourquoi les salariés ne le font pas, car ce serait mieux pour eux ». Autrement dit, ces dirigeants ne Lyon, 2-3 octobre 2008 11
  • 12. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT trouvent pas le levier d’action adapté. Ces sujets sont formulés quand on questionne les acteurs. Autre point qui me frappe : on a tous les outils et méthodes nécessaires (bilans de compétences, VAE, entretiens d’orientation, etc.), mais on ne sait pas les activer dans les moments de transition de la vie professionnelle. Un des sujets développés me paraît particulièrement important : la notion de risque. Ce risque concerne à la fois le dirigeant et le salarié. Pour le dirigeant, c’est le risque d’organiser et de faciliter les parcours, ou bien de provoquer les mobilités choisies ; c’est le risque de gérer dans la durée le départ du salarié et la nécessité d’en intégrer d’autres. Pour le salarié, le risque est de quitter son collectif et de se remettre en condition d’apprendre ailleurs. Enfin, je m’interroge sur la fonction d’accompagnement des salariés : faut-il une nouvelle fonction d’accompagnement des salariés ? En tout cas, elle doit être interne à l’entreprise et tournée vers l’externe, tout en fonctionnant dans la durée (depuis le début de la VAE jusqu’à l’entrée dans un nouvel emploi) et, probablement, à l’échelon local. Y a-t-il une fonction à créer ou plutôt des acteurs déjà capables de remplir ce rôle ? Y a- t-il des acteurs capables d’entrer dans l’entreprise et d’être présents dès la conception de l’accord ? Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants Je vais répondre aux différentes questions en commençant par celle d’Emmanuelle SAINT-GENIS sur les types d’instances capables d’assurer l’accompagnement. Je ne pense pas une seule minute que l’entreprise ne soit pas un lieu de contrat. Il est question d’articuler les contrats qui se tissent dans l’entreprise avec ceux qui se tissent à l’extérieur et vice-versa. Il n’est absolument pas question de remplacer le dialogue social dans l’entreprise, mais d’y ajouter une fonctionnalité : l’articulation avec l’externe et notamment le territoire. J’en viens à la question Danielle THOMAS sur la généralisation des innovations. Je n’ai pas la réponse mais j’apporterai deux éléments de méthode. Primo, il faut capitaliser sur ce qui se fait. Il est tout de même très étonnant de voir que les expériences meurent avec les gens qui les portent : nous n’avons pas, en France, la capacité à dupliquer les expériences qui fonctionnent. Il faut absolument y remédier en animant un jeu d’acteurs sur la capitalisation des expériences. À cet égard, la Commission européenne est en train de réfléchir à un site « Anticipez bien » qui recenserait des expériences positives. C’est une très bonne initiative. Secundo, il n’y a pas de transfert possible d’une situation à une autre. C’est aussi vrai entre le Danemark et la France qu’entre Bourges et Nevers ! Toute situation de transition est spécifique, de sorte qu’il est toujours nécessaire d’opérer des traductions : il faut regarder quelles fonctions a rempli un dispositif dans un contexte particulier et s’en inspirer pour l’adapter dans une autre entreprise, un autre département ou un autre pays. Si nous procédons de la sorte, nous disposerons rapidement d’un « stock » d’expériences qui nous permettront de construire des dispositifs. Or, pour le moment, personne n’est en charge de cela. Danielle THOMAS m’a également demandé des éclaircissements sur la notion de Lyon, 2-3 octobre 2008 12
  • 13. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT « management qualifiant ». Je vais préciser en disant que je pensais à la notion d’« organisation qualifiante ». L’idée est de sortir du schéma dans lequel des salariés savent moins bien lire et écrire lorsqu’ils sortent d’un poste que lorsqu’ils y entrent. Toute la question est ici de savoir comment on apprend à son poste de travail. Autre question de Danielle THOMAS : qui prend en charge la plateforme de transition professionnelle ? A priori, c’est l’entreprise dès lors qu’elle en a les moyens. Cela dit, il peut y avoir des financements externes à partir du moment où la transition professionnelle ne se fait pas exclusivement au bénéfice de l’entreprise. Prenez le cas d’un salarié souhaitant effectuer une VAE : si cette VAE fonctionne et que les salariés veulent rejoindre une autre entreprise, il est clair qu’il faut d’autres financements que ceux de l’entreprise d’origine. Cela nous conduit à la question du type d’instances capables d’accompagner les transitions. Je pense que les instances en question sont forcément négociées et multi- acteurs. Il faut forcément des lieux de rencontre où l’on discute. S’agissant de l’accompagnement des salariés, il existe trois catégories d’acteurs : les DRH, les syndicalistes et les professionnels. Ils ne sont pas en compétition mais leurs zones d’intervention se recouvrent partiellement. Tout va donc dépendre de l’espace pris par chacun. À ce titre, je voudrais évoquer une expérience britannique dans laquelle des délégués syndicaux spécifiques encouragent les salariés à suivre des formations. Aujourd’hui, ces délégués syndicaux à la formation professionnelle sont au nombre de 18.000 en Grande-Bretagne. Résultat, les syndicats disent que leur rapport aux salariés a changé, les entreprises disent que leur rapport à la formation a changé, et les salariés disent qu’ils accèdent plus facilement à la formation. L’heure n’est pas encore au bilan, mais je crois qu’il y a tout de même des leçons à tirer de cette expérience. J’en viens maintenant à l’accompagnement des entreprises. À mes yeux, deux organismes peuvent aujourd’hui y prétendre : les CCI (Chambres de commerce et d’industrie) et la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises). Peut-être faut-il en trouver d’autres. Sachez en tout cas que Marie-Christine LENAIN, de l’ARACT Nord Pas-de-Calais, participe à une expérience d’accompagnement des entreprises, en l’occurrence d’entreprises en difficulté. Je crois que cela donne des exemples d’actions possibles. Henri ROUILLEAULT, INSEE Je voudrais réagir à l’un des graphiques présentés par Frédéric BRUGGEMAN. Il s’agit de la représentation d’un parcours dans laquelle on voyait un salarié changer d’employeur à chaque étape, que ce soit en mobilité subie ou volontaire. Pour avoir une approche compréhensive de cette question des parcours professionnels, il me semble qu’il faut tenir compte à la fois du marché interne et du marché externe. En d’autres termes, j’insiste sur le fait qu’il se passe aussi des choses dans le cadre de la mobilité interne au sein l’entreprise. Je pense au développement des compétences à l’intérieur de l’entreprise. Celui-ci joue aussi un rôle dans le passage d’une entreprise à l’autre. En d’autres termes, ceux qui ont appris des choses dans l’entreprise et ont bénéficié de mobilité interne seront plus facilement capables de se reconvertir que ceux qui auront toujours occupé le même poste et peu appris. Par conséquent, il me semble qu’il convient d’adopter une approche combinant développement des compétences, mobilité interne et mobilité externe. Lyon, 2-3 octobre 2008 13
  • 14. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT J’en viens à ma deuxième remarque. Il me semble qu’il faut un triple accompagnement à destination des entreprises, des individus et des acteurs institutionnels, notamment les collectivités territoriales. En troisième lieu, je voudrais vous parler de la plateforme de mobilité créée à Grenoble. Montée au départ par cinq entreprises grandes et moyennes, cette plateforme est en cours d’élargissement. Cette démarche me paraît intéressante à plusieurs titres. Il s’agit tout d’abord d’une action à deux niveaux : les entreprises participantes sont volontaires mais, pour être admises, elles doivent obligatoirement disposer de leur propre accord de GPEC. En d’autres termes, la condition à la mise en commun des moyens est de mener des actions en interne. Le suivi avec les syndicats se fait également au double niveau de chacune des entreprises membres et de la plateforme. Cette démarche va dans le sens de la combinaison que j’appelle de mes vœux entre mobilité interne et mobilité externe. Dernier point, je souscris pleinement au discours de Frédéric BRUGGEMAN sur la généralisation des expériences. Je vais appuyer ce propos en évoquant la GPEC. Aujourd’hui, les syndicats souhaiteraient développer cette GPEC au plan territorial. Or, l’une des difficultés qu’ils rencontrent est que ce développement ne peut pas reposer sur un modèle unique. Au contraire, il existe de nombreuses expériences intéressantes sur lesquelles il faut capitaliser. En clair, il n’existe pas de pierre philosophale qui serait la même dans tous les territoires et pour toutes les activités. À l’heure actuelle, je pense que nous en sommes effectivement à la phase où il faut capitaliser et diffuser. François GUERIN, Consultant Ma question porte sur la sécurisation. Vous évoquez la sécurisation des parcours par la sécurisation des transitions. Dans votre schéma, vous présentez les transitions comme des accidents au sens générique du terme, c’est-à-dire de façon neutre. Il me semble que la question des processus est plus importante. La question des parcours professionnels et la capacité des salariés à se maintenir dans leur emploi ou à changer d’emploi est bien liée à des processus et à une histoire. Dès lors, je souhaiterais savoir comment vous imaginez pouvoir traiter des processus plutôt que des transitions. Par ailleurs, il me semble que la question de la sécurisation des parcours ne peut pas se limiter à la professionnalisation : ce n’est pas seulement la mise en œuvre d’un ensemble de dispositifs formatifs à articuler de manière particulière ; c’est aussi la capacité des individus, au cours de ces processus, à pouvoir se maintenir dans l’emploi. N’oubliez pas que l’acquisition de compétences par des dispositifs formatifs particuliers peut être contradictoire avec leurs capacités et leur état de santé : on peut avoir accumulé des connaissances et être dans l’incapacité de les mettre en œuvre. Dès lors, la responsabilité n’est plus du côté des salariés mais bien des entreprises. Celles-ci doivent créer des environnements capacitants combinant les questions de compétence, de mobilité, de santé et de management. Tout l’enjeu est de savoir comment combiner tout cela dans la réalité des entreprises. Jean-PIerre THERRY, CFTC J’aimerais que Frédéric BRUGGEMAN m’apporte des précisions sur la notion d’« employeurabilité » qu’il a utilisée. Cela m’intéresse d’autant plus que je participe aux négociations sur la GPEC et la formation professionnelle qui viennent d’être engagées. Lyon, 2-3 octobre 2008 14
  • 15. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT En second lieu, je crois qu’il manque un élément dans vos propos : l’orientation professionnelle. Où placez-vous cette orientation professionnelle ? À quel moment est- elle positionnée dans un parcours tout au long de la vie ? Troisième point, je voudrais réagir aux propos d’Henri ROUILLEAULT sur la GPEC territoriale. Il me semble qu’une expérience a été réalisée dans sept territoires français avec le contrat de transition professionnelle. Un rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) avait d’ailleurs mis en avant le bienfondé de cette expérimentation basée sur des partenariats (région, État, partenaires sociaux, organismes de formation, entreprises). Apparemment, 60 % des salariés ayant bénéficié de ce dispositif ont pu retrouver un emploi, et un grand nombre d’entre eux a pu suivre des formations. Malgré cela, on nous annonce aujourd’hui la fin de cette expérimentation. Quel dispositif pourrait la remplacer, alors que nous ouvrons les négociations sur la GPEC et la formation professionnelle ? Pour finir, je signale que Frédéric BRUGGEMAN a oublié de mentionner l’accord du 11 janvier sur la modernisation du marché du travail, lequel aborde largement nos débats d’aujourd’hui, tant sur la territorialisation que sur le développement des compétences. Joseph LEFEUVRE, DRTEFP Bretagne Je suis surpris que l’on ne parle de sécurisation des parcours professionnels que dans le cadre des ruptures. À l’heure actuelle, l’un des enjeux forts est de convaincre les entreprises d’assurer une sécurisation des parcours professionnels à l’interne, et donc de mener des politiques actives de GPEC tout au long de la vie. C’est aussi comme cela que l’on convaincra les partenaires sociaux de travailler sur la GPEC, laquelle porte également sur la sécurité des parcours professionnels. La question est donc la suivante : comment développer des pratiques de GPEC permettant aux salariés de mener des parcours professionnels dans l’entreprise et sans rupture ? C’est en tout cas notre ambition première, même si nous savons que nous aurons toujours à traiter des ruptures. En résumé, le fait d’aborder d’emblée la sécurisation des parcours professionnels en passant par la rupture me fait dire qu’il manque un maillon essentiel et préalable à l’analyse. Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants Je vais tout de suite répondre à la remarque de Joseph LEFEUVRE. Mes transparents ont peut-être trahi ma pensée, car je ne considère absolument pas que la sécurisation des parcours professionnels se limite aux cas de rupture. Je suis tout à fait conscient que ce n’est absolument pas le cas : il est bien entendu que la professionnalisation se fait au sein de l’entreprise. Cela étant dit, je récuse l’idée selon laquelle il y aurait, d’une part, les bonnes transitions professionnelles qui s’effectueraient dans l’entreprise et, d’autre part, les moins bonnes transitions professionnelles qui résulteraient de ruptures. Nous sommes aujourd’hui dans un monde où les marchés internes se rétrécissent. Par ailleurs, les ruptures sont à l’initiative du salarié comme de l’employeur. Dans ce contexte, nous devons mener une politique équilibrée qui sécurise l’ensemble des parcours professionnels, à la fois dans l’entreprise et entre les entreprises ou les emplois. Il faudra aussi certainement sécuriser les allers-retours entre marché du travail et hors marché du travail. En résumé, il n’y a pas de bonnes transitions professionnelles au sein des entreprises et de mauvaises transitions professionnelles en cas de rupture. Lyon, 2-3 octobre 2008 15
  • 16. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT J’en viens maintenant à la remarque de François GUERIN sur les notions de transition et de processus. La définition même de la transition soulève une question théorique : quand commence et quand finit une transition ? À la limite, on pourrait dire que nous sommes toujours en transition : la vie professionnelle serait une transition permanente. Pour autant, il faut noter que les choses se cristallisent à certains moments dans des décisions. C’est vrai pour les mobilités professionnelles subies comme pour les mobilités professionnelles choisies : « un jour, je décide ou quelqu’un décide à ma place que je change de poste ou d’organisation ». François GUERIN a également soulevé la question de la capacité que je n’ai pas traitée. C’est une vraie question à laquelle je répondrai en reprenant les travaux sur les marchés transitionnels : il ne suffit pas d’équiper les gens pour le marché, il faut aussi équiper le marché pour les gens. Des expériences nordiques sont à cet égard très parlantes : en Norvège et en Suède, l’employeur est obligé d’assumer le retour à l’emploi d’un salarié ayant souffert d’une longue maladie. Un mot sur le CTP (Contrat de transition professionnelle) évoqué par Jean-Pierre THERRY. Je n’ai pas grand-chose à en dire si ce n’est que c’est l’une de nos plus belles contradictions. En effet, voici le bilan que nous en faisons : primo, cela marche mieux que le reste ; secundo, cela coûte cher ; tertio, on va l’arrêter. Je suis profondément désolé qu’on ne veuille pas payer le prix que coûte la sécurisation des transitions professionnelles. Jean-Pierre THERRY m’a également demandé de préciser la notion d’« employeurabilité ». Je dirai que c’est un peu le symétrique de l’employabilité pour le salarié. Cela signifie que la fonction d’employeur devient de plus en plus complexe et qu’elle suppose d’intégrer toute une série de savoirs et de savoir-faire pour accompagner les parcours. Il faut donc développer cette fonction et aider les entreprises à la remplir correctement. Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT Nous concluons ce premier échange sur le rôle de l’employeur. Nous avons vu que les parcours professionnels s’envisageaient bien dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, avec l’employeur et avec l’employé. Avec l’intervention de Michael WHITTALL, nous allons maintenant voir ce que la flexibilité signifie pour chacune des deux parties. Nous allons voir comment, lorsqu’on introduit de la flexibilité dans l’organisation du temps de travail ou dans la nature du contrat employeur / employé, on envisage des modalités d’organisation du travail et de gestion de l’emploi comme génératrices d’une augmentation de la productivité pour l’entreprise et d’une possibilité pour la personne de construire son propre chemin. Lyon, 2-3 octobre 2008 16
  • 17. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Intervention de Michael WHITTALL Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) Lorsque j’ai préparé ma présentation en mettant l’accent sur flexibilité croissante du marché du travail, l’équilibre vie / travail est apparu comme un point essentiel. J’ai alors réfléchi à ma propre vie. Au cours des dernières 24 heures, j’ai pris une douche, réveillé mes enfants et amené ma fille à l’école. Je me suis ensuite assis à ma table de travail, sans cravate car les sociologues n’en portent pas. À 14 heures, j’ai vu que je devais aller chercher mes enfants à l’école, ce que j’ai fait. Puis, vers 18 heures, j’ai dû partir rapidement à l’aéroport. Je suis arrivé à 2 heures du matin à Lyon. Comme vous le voyez, il y a des points négatifs en ce qui concerne l’équilibre vie / travail… J’interviens aujourd’hui avec deux casquettes : j’appartiens à l’université de technologies de Munich, mais je travaille aussi pour la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. Dans ce cadre, j’ai mené une étude sur le travail attractif avec des collègues de l’université de Göttingen. Les résultats de cette étude sont disponibles sur le site de la Fondation. Il s’agit d’une étude élaborée en 2005, c’est-à-dire à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne. Cette étude visait clairement à déployer certains principes de la stratégie de Lisbonne. Ce dont je veux vous parler aujourd’hui n’est pas une recherche mais une initiative pour évaluer les meilleures pratiques. Comme le disait ce matin Greet VERMEYLEN, de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, il faut se concentrer sur les entreprises actives. C’est ce que je vais faire en mettant l’accent sur les meilleures pratiques observées sur le terrain. Cette présentation va s’articuler autour de trois thèmes : d’abord, un aperçu du projet et un état des lieux ; ensuite, deux études de cas ; enfin, une conclusion qui reprendra les grands enseignements tirés de ces études de cas. Dès le début de notre étude, nous avons essayé de bien identifier et de bien comprendre les dispositifs existants en matière de travail attractif. Nous avons constaté qu’un certain nombre de sociétés déployaient des pratiques reprenant des éléments de la stratégie de Lisbonne. Nous avons abordé toute une série de questions et notamment la croissance économique durable, l’augmentation quantitative et qualitative de l’emploi, ou encore l’amélioration de la productivité des travailleurs. Nous nous sommes également penchés sur le projet de la Fondation qui pose six orientations. Dans ce cadre, nous avons porté une attention particulière à la deuxième orientation qui met l’accent sur les seniors, les chômeurs de longue durée, les femmes et les personnes non qualifiées. Ensuite, nous avons essayé de recenser les politiques visant à donner des avantages financiers aux différents salariés au sein des entreprises. Il s’agissait notamment de mesures de participation aux bénéfices. Au total, nous avons mené quinze études de cas. Je vous en présenterai deux aujourd’hui. La première porte sur une PME allemande et la seconde sur une grande multinationale. Lyon, 2-3 octobre 2008 17
  • 18. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT La PME allemande est un petit éditeur de publications scientifiques et académiques. Il s’agit d’une société familiale comptant environ 200 salariés, principalement en Allemagne. 60 % de l’effectif est constitué de femmes. Quels étaient les défis rencontrés par cette entreprise ? Le principal était lié à son système d’organisation du travail. Celui-ci était totalement flexible : les employés arrivaient entre 7 et 9 heures du matin et commençaient à quitter l’entreprise à partir de 15 heures 30. L’un des problèmes posés par cette organisation était le recours massif aux heures supplémentaires. Un autre problème soulevé était celui de la rentabilité : les dirigeants nous disaient qu’ils payaient les salariés pour leur présence, il arrivait qu’il n’y ait pas assez de travail pour tous les salariés présents. Nous avons également relevé des problèmes de discipline et de motivation. Parmi les autres difficultés, signalons le cas des pics d’activité : durant ces périodes, certains salariés arrivaient tôt le matin et restaient jusqu’à 22 heures. Une partie des employés essayait d’accumuler les heures supplémentaires. Pour les dirigeants, il fallait instaurer de la discipline. Je vais maintenant vous dire comment le problème a été abordé. La solution a été élaborée conjointement par les dirigeants et les syndicats, et notamment le président du syndicat. Celui-ci a joué un rôle important. Il faisait partie des salariés qu’il fallait rappeler à l’ordre car il restait au travail tard le soir. La société a décidé de mettre en place un système flexible et souple avec davantage d’autonomie pour les salariés : elle a déployé un système d’aménagement des heures de travail fondé sur la confiance. Ainsi, une variable a changé : l’employeur a cessé de contrôler les heures des employés. En lieu et place de l’ancien système, l’entreprise a mis en place une durée de service. Dans ce cadre, il fallait s’assurer de la continuité du service. C’est ainsi qu’il a été décidé qu’une personne par département soit présente toute la journée pour assurer la continuité service. Au total, cela a conduit à constituer une équipe de quatre ou cinq personnes garantissant la continuité de l’ensemble des activités. À noter que ce système était basé sur le volontariat. Certains salariés y étaient hostiles, car ils soupçonnaient les dirigeants de vouloir les flouer. Pour autant, si 30 % des employés souhaitaient rester dans l’ancien système, 70 % ont décidé de tester la nouvelle organisation. J’en viens maintenant aux enseignements tirés de cette étude de cas. Aujourd’hui, 90 % des employés ont décidé de participer à l’initiative de l’entreprise et l’ancien système n’est plus utilisé. On note une nette diminution du stress et des arrêts maladie. Les problèmes d’absentéisme ne se posent plus. L’initiative a également renforcé la motivation des équipes, point largement mis en avant par la direction de l’entreprise. En outre, la responsabilisation des salariés a débouché sur une amélioration du travail d’équipe et a constitué un élément déterminant pour souder les salariés entre eux. Le deuxième cas est très différent du premier puisqu’il concerne une grande multinationale : British Telecom. Cette société compte plusieurs dizaines de milliers d’employés à travers le monde, dont un tiers de femmes. Son chiffre d’affaires est naturellement beaucoup plus élevé que celui du petit éditeur allemand. Le problème auquel était confronté British Telecom était essentiellement démographique : la population de l’entreprise était vieillissante et le turn-over y était important. Le défi était donc de maintenir la continuité de l’activité malgré le vieillissement de la force de travail, ainsi que de réussir à retenir les salariés les plus Lyon, 2-3 octobre 2008 18
  • 19. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT qualifiés. La solution choisie par British Telecom a été d’offrir des solutions d’aménagement du temps de travail. L’entreprise a déployé en ce sens toute une série de dispositifs. L’un d’entre eux, le télétravail, a rencontré un grand succès : un grand nombre de salariés se sont mis à travailler à l’extérieur sur ordinateur. Il est d’ailleurs intéressant de noter ici combien l’ordinateur a bouleversé les modes de travail. En outre, ce succès du télétravail renvoie à la question de la responsabilisation. Parmi les autres solutions déployées par British Telecom, citons le temps partagé et l’annualisation du temps de travail. Aujourd’hui, 60 % des salariés ont recours à ces solutions de travail flexibles. Il en résulte une hausse de la productivité de l’entreprise. Une étude a été menée auprès de 5.000 personnes pratiquant le télétravail. Il en ressort que la productivité de ces personnes s’accroît de 15 %. Par ailleurs, la façon dont les salariés abordent leur travail s’améliore car ils se sentent gratifiés. La conjugaison de cette satisfaction professionnelle et de la réduction de la présence est particulièrement féconde. Les entreprises pourraient économiser plusieurs millions d’euros grâce à ce genre de systèmes. Par ailleurs, British Telecom a montré que le télétravail générait moins de déplacements et donc moins d’émissions de CO2, d’où un meilleur impact environnemental. Quelles conclusions tirer de ces études de cas ? En premier lieu, ce sont des situations gagnant-gagnant : pour la direction, les solutions permettent de réduire les coûts, d’augmenter la productivité et d’améliorer la motivation ; pour les salariés, elles apportent davantage de satisfaction et de responsabilisation. Ce sont autant de facteurs pertinents au vu de la stratégie de Lisbonne. Un autre élément essentiel est que ces solutions résultent d’accords négociés et non imposés par la direction. Le fait que les dirigeants respectent les procédures de négociation avec les syndicats ou les représentants du personnel a incontestablement aidé les employés à accepter les dispositifs mis en place. Le troisième point-clé est l’importance de la technologie. En ce qui concerne British Telecom, un portail intranet a été mis en place. Celui-ci délivre des conseils aux employés pour les aider à choisir la solution la plus adaptée à leurs besoins. C’est sans doute l’un des volets les plus difficiles. Dernier point, il faut redéfinir le contrôle exercé par les dirigeants. En effet, les études montrent que l’échec de ce genre de projets résulte plus souvent d’un manque d’adhésion des dirigeants que d’un rejet des employés. Dès lors, il convient de déployer des mesures visant à surmonter les craintes des dirigeants qui ne souhaitent pas perdre le contrôle de leurs salariés. La parole est la salle Michelle GUILLOT, Conseil régional Rhône-Alpes Ce qui est en train de se mettre en place chez British Telecom va-t-il faire l’objet d’un suivi pour en connaître les impacts sur les processus de travail et de gestion du temps des personnes ? Lyon, 2-3 octobre 2008 19
  • 20. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) Malheureusement, je ne vais pas pouvoir répondre à cette question pour deux raisons. La première est que je n’étais pas le responsable de cette étude sur British Telecom. La seconde est qu’il ne s’agit pas d’un projet de recherche classique mais plutôt d’une visite isolée sur les pratiques en vigueur dans cette entreprise. C’est sans doute son principal point faible. Je peux tout de même vous dire que cette société a été sélectionnée pour son exemplarité dans son domaine, laquelle lui a valu d’être distinguée par un prix. Par ailleurs, étant donné que les solutions mises en œuvre résultent de négociations, je pense qu’il y a aura un suivi. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faudrait effectivement aller visiter une seconde fois l’entreprise pour effectuer ce suivi. David FODEN, Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (en anglais) L’une de vos conclusions est l’importance d’un scénario gagnant-gagnant. J’aimerais comprendre comment vous arrivez à cette conclusion dans la première étude de cas. Vous avez parlé d’un recours massif aux heures supplémentaires dans l’ancien système. Dès lors, je me demande si l’on a supprimé ces heures supplémentaires pour les employés. Si oui, je pense que c’est une perte pour les employés. À partir de là, comment pouvez-vous parler d’un scénario gagnant-gagnant ? Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) En fait, l’ancien système permettait de bénéficier d’un crédit de 50 heures supplémentaires. Au-delà de ce seuil, les heures étaient perdues. Par ailleurs, les employés ne disposaient que de quatre mois pour les récupérer, de sorte que la plupart des heures étaient perdues. Grâce au système flexible mis en place, les employés n’ont plus besoin d’avoir recours aux heures supplémentaires. S’agissant du caractère gagnant-gagnant de ce scénario, je rappelle que 60 % de l’effectif de cette entreprise est constitué de femmes. Celles-ci ont vu la flexibilité du temps de travail comme un avantage, dans la mesure où elle leur a permis d’aller chercher leurs enfants à l’école (puisque ce sont encore, hélas, majoritairement les femmes qui se chargent de ces tâches). Un autre avantage pour les salariés a été la fin des procédures disciplinaires pour non respect des horaires. Henri ROUILLEAULT, INSEE (en anglais) Ces deux études de cas nous ont permis d’aborder la question de la flexisécurité de manière large. En effet, la flexisécurité est trop souvent perçue de façon étroite, la flexibilité étant vue comme un instrument au service de l’entreprise, et la sécurité comme un avantage pour les salariés. Or, comme l’a bien montré Michael WHITTALL, la flexibilité offre des avantages non seulement aux entreprises mais encore aux salariés. Pour les entreprises, ces avantages sont notamment l’aménagement du temps de travail, la polyvalence ou encore la maîtrise des effectifs. Dans le même temps, la flexibilité permet aussi aux salariés de gérer eux-mêmes leur temps de travail. Réciproquement, la sécurité n’est pas seulement bénéfique aux salariés : elle permet aussi aux entreprises de garantir, entre autres, la fiabilité de leurs produits. Tout l’enjeu est donc de trouver un compris entre employeurs et salariés sur les différentes formes de sécurité et de flexibilité. Lyon, 2-3 octobre 2008 20
  • 21. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) Je souscris à ce propos. Je suis notamment d’accord pour dire que toute entreprise souhaitant augmenter sa productivité et sa rentabilité souhaite également maintenir sa sécurité. De la salle (en anglais) Vous avez parlé de différentes solutions de flexibilité du travail. Ce sont des formes de travail flexible. Vous parlez du télétravail, mais qu’en est-il des autres solutions ? Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) L’étude montre que British Telecom a proposé le télétravail comme une solution parmi d’autres. L’entreprise proposait différentes solutions, sans d’ailleurs en imposer aucune. L’accent mis sur le télétravail s’explique simplement par le fait que c’était singulier au Royaume-Uni. Cela dit, un certain nombre d’employés ont préféré d’autres solutions. Par exemple, les personnes pratiquant des loisirs particuliers ont choisi d’avoir des week-ends plus longs. D’autres salariés ont préféré l’option du temps de travail annualisé. Il n’y avait donc pas une solution imposée mais un ensemble de solutions proposées. Par ailleurs, grâce à la technologie, les salariés avaient accès à un portail leur permettant de choisir la solution la plus adaptée à leur situation. Je précise que je travaille beaucoup avec les syndicats allemands, alors que je promeus ici des solutions plutôt managériales. Toutefois, il me semble que l’approche adoptée ici est équilibrée. Du reste, l’ensemble des acteurs nous ont dit leur satisfaction. Marie-Christine LENAIN, ARACT Nord Pas-de-Calais Personnellement, je reste sur ma faim. Dans les entreprises que vous avez citées ou d’autres que vous auriez pu rencontrer dans le cadre de cette étude, avez-vous trouvé des expériences ayant concouru à la construction et au déploiement de compétences et, ce faisant, ayant permis la construction de parcours au sens de progression individuelle ou de progression de collectif métier, tant interne qu’externe ? Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) Ma présentation est un peu à l’écart, dans la mesure où elle n’a pas particulièrement mis l’accent sur le développement des parcours professionnels. Ce point était plutôt traité dans la première orientation, c’est-à-dire l’apprentissage tout au long de la vie. Cela dit, dans le premier cas que je vous ai présenté, les salariés ont progressé en responsabilisation grâce à une gestion plus autonome de leur temps. On peut donc y voir un développement de leur parcours professionnel. Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT En guise de conclusion, je noterai que les deux premières interventions nous ont fourni comme une proposition de redistribuer les droits et devoirs entre les acteurs pour étayer les parcours professionnels. Tout se passe comme si ces responsabilités partagées redonnaient d’autres bornes pour appréhender la relation au travail et à l’emploi. Que ce soit dans la typologie des parcours professionnels proposée par Frédéric BRUGGEMAN ou dans l’exemple de British Telecom développé par Michael WHITTALL, on voit combien les individus sont sollicités. On voit également que les entreprises mettent en Lyon, 2-3 octobre 2008 21
  • 22. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT place des politiques de gestion des parcours professionnels qui permettent à certains salariés, par exemple les femmes chez British Telecom, d’accéder à des parcours qui leur étaient auparavant fermés. Par conséquent, on voit bien là que le champ des parcours professionnels est à la fois dans et hors l’entreprise, et qu’il élargit bien le périmètre de tous les acteurs concernés. Nous allons maintenant voir, avec Robert SALAIS, une proposition d’approche théorique à partir des travaux d’Amartya SEN concernant les capabilities. Lyon, 2-3 octobre 2008 22
  • 23. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Intervention de Robert SALAIS Robert SALAIS, École normale supérieure de Cachan, UMR IDHE Le sujet n’est pas facile à développer en si peu de temps. L’idée de base est de ne pas partir de la compétence pour aller vers la capacité, mais plutôt d’utiliser un concept plus englobant que la compétence. Ce concept ne s’oppose pas à la compétence : il conduit simplement à la redéfinir différemment pour l’ouvrir à ce qui se passe à l’extérieur de l’entreprise pour le salarié. En effet, la vie ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise, de même que le travail ne s’arrête pas à la sortie de l’entreprise. Il est donc nécessaire d’avoir une vue plus globale. Quelques mots de background. Je coordonne un programme de recherche européen dont le but est d’essayer de développer en la reformulant l’approche d’Amartya SEN, laquelle est surtout connue pour les questions de développement économique et social dans les pays en voie de développement. La conviction commune des quelque cinquante chercheurs de quinze laboratoires qui composent ce programme est la suivante : nous pensons que l’approche d’Amartya SEN peut être développée de manière fructueuse pour les politiques sociales du travail et de l’emploi en Europe. Vous êtes des professionnels confirmés du terrain, et je me rends compte que le lien avec la sécurisation des parcours professionnels n’est pas évident. Je vais vous expliquer pourquoi. Le livre majeur d’Amartya SEN s’intitule « Development as Freedom ». Il est traduit en français aux éditions Odile Jacob sous le titre « Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté ». Le titre anglais dit bien l’intention du programme de recherche : il n’y a de véritable développement économique et social que s’il s’accompagne du développement des libertés individuelles et collectives, civiques, politiques, sociales et même économiques. En effet, en sens inverse, le développement de ces libertés et la création des conditions pour que ces libertés soient véritablement exercées constituent un facteur du développement économique lui-même. Amartya SEN cherche donc un cercle vertueux entre un processus de développement des libertés et le développement économique. La notion de capacité est au cœur de la réflexion d’Amartya SEN. En effet, pour lui, la capacité d’une personne mesure l’étendue de sa liberté effective de choix, par exemple dans son parcours professionnel ou dans l’organisation de la conciliation entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Voilà pour la première dimension que l’on appelle « opportunités ». J’en viens maintenant à la seconde dimension, celle que l’on appelle « processus ». Il s’agit, au fond, de la participation de la personne au processus de décision et de mise en oeuvre des mesures qui vont concerner son travail et sa vie. À cet égard, l’exemple que Michael WHITTALL nous a donné me paraît porter sur la mise en place d’une liberté effective, pour chacun, de choisir l’organisation de son temps de travail, liberté qui s’accompagne en même temps d’une mise en responsabilité de la personne qui participe elle-même à l’organisation. Michael WHITTALL a bien insisté sur la liberté de la personne. Dès lors, on en arrive à une conciliation de la justice sociale et de l’efficacité Lyon, 2-3 octobre 2008 23
  • 24. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT économique, alors que celles-ci sont généralement opposées. Nous sommes donc à la recherche de cette pierre philosophale en menant à la fois des enquêtes de terrain et des réflexions plus théoriques. Pour Amartya SEN, c’est la personne qui doit être au centre de l’attention, tant dans les organisations que pour les politiques publiques. Cependant, la pensée d’Amartya SEN ne conduit pas à une logique d’accompagnement de la personne. Il s’agit plutôt d’aider la personne à réussir à se créer un espace de libre choix et de libre action, tant dans la vie que dans le travail. À partir de là, Amartya SEN accorde une importance cruciale aux contextes de vie et de travail. Ceux-ci permettent en effet repérer les facteurs (matériels, personnels et institutionnels) qui s’opposent à ce que cet espace de liberté soit reconnu et développé. C’est un peu révolutionnaire : Amartya SEN n’est pas du tout dans une logique d’adaptation de la personne à l’environnement économique, social et organisationnel ; au contraire, sa logique suppose que l’employeur, le salarié et les représentants cherchent un assouplissement pour qu’un espace de liberté soit ménagé, tout en reconnaissant les contraintes. Cette pensée comporte naturellement une dimension de compétence : pouvoir faire des choses suppose, bien sûr, de disposer de compétences. Cependant, cette dimension n’est pas seule : il y a aussi une dimension de liberté. De plus, l’espace de réflexion ne se réduit pas au travail. Nous ne sommes donc plus dans une logique d’accompagnement, mais bien dans une logique de travail sur les contraintes pour trouver de nouveaux espaces d’action individuelle et collective. Dès lors, le concours de tous est nécessaire. Nous aboutissons donc à une justification du recours à des formes de délibérations ouvertes. Ces délibérations sont des procédures dans lesquelles la voix de tous les participants est entendue, et où les compromis sont recherchés autour des solutions. C’est donc une manière de justifier économiquement le besoin de démocratie. Ce n’est pas négligeable aujourd’hui. Amartya SEN ne voit pas l’État comme paternel et accompagnateur. Il imagine plutôt un État visant à redonner une forme d’autonomie collective aux acteurs. Cette autonomie peut s’exercer à des niveaux variés comme l’entreprise, le territoire, la branche ou la nation. Cette idée est d’ailleurs très proche du grand principe de subsidiarité de la Commission européenne. En effet, pour Amartya SEN, ceux qui sont les plus proches du terrain où les problèmes se posent sont les plus à même de résoudre ces problèmes. En résumé, l’État peut intervenir, mais il intervient toujours de manière à favoriser l’« employerment » des acteurs collectifs aux différents niveaux. Est-ce une utopie ? Peut-être. C’est en tout cas un modèle de développement. Ceci étant, nos travaux de recherche constatent que l’Europe utilise, sans le savoir, le registre des capacités. L’Europe s’apparente au Monsieur Jourdain de Molière faisant de la prose sans le savoir. Dans cette optique, notre projet serait que certains acteurs européens commencent à se dire qu’ils peuvent commencer à systématiser ce qu’ils font. Je vous donne à présent quelques exemples au niveau européen. Le premier est le travail normatif sur l’égalité hommes-femmes. Il s’agit bien d’un Lyon, 2-3 octobre 2008 24
  • 25. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT problème de mise en capacité des femmes à l’égal des hommes. C’est donc une égalité en capacité qui est cherchée à travers les normes édictées par la Commission européenne. Ce n’est sans doute pas le seul motif, mais c’en est incontestablement un. Deuxième exemple : la participation des travailleurs à l’élaboration, non pas de la décision économique en elle-même, mais à la manière de poser les problèmes liés à la décision économique. Cette logique est très présente dans la construction européenne. Je pense notamment aux comités d’entreprise européens et aux procédures d’information- consultation. Au fond, on voit que l’entreprise a tout à gagner à écouter ce que lui disent ses salariés. On le voit notamment lors des restructurations. Ces droits participatifs des salariés permettent de réajuster les plans de restructuration. Troisième exemple : le congé parental. L’idée est typiquement ici de donner des droits égaux aux deux partenaires du couple pour pouvoir mener de front une vie de travail et de famille. Le schéma que je vous projette maintenant à l’écran représente le système. Ce système est triangulaire. Je m’explique. La personne dispose de ressources telles que le poste de travail et le salaire. À partir de là, la question est de savoir comment ceci est organisé pour lui donner une liberté de choix. Autre question qui se pose : quels sont les facteurs qui, dans cette situation, bloquent les capacités à choisir, par exemple, l’organisation de son temps de travail ? Ces facteurs sont de diverses natures : certains sont liés à l’endroit où vit la personne, d’autres sont liés aux transports, d’autres encore à l’aménagement du temps dans la vie et à l’environnement institutionnel, ainsi qu’à l’organisation du travail dans l’entreprise, l’aménagement des postes, etc. L’intervention est donc toujours à multiples facettes. Amartya SEN se donne également une autre contrainte que l’on peut énoncer comme suit : les politiques publiques doivent poursuivre des résultats de valeur. En d’autres termes, les politiques ne peuvent pas se donner n’importe quel objectif. Par exemple, la qualité de l’emploi est un résultat de valeur, en particulier si on la comprend comme un contenu du travail qui développe les capacités des personnes. Dans cette logique, les politiques ne visent donc absolument pas à maximiser le taux d’emploi aux dépens de la qualité d’emploi. Enfin, la pensée d’Amartya SEN est aussi une réflexion sur la responsabilité individuelle et collective. L’idée est qu’il est impossible d’accorder des responsabilités à une personne si celle-ci n’a pas les capacités, les ressources et l’environnement nécessaires pour exercer cette responsabilité. Rien n’est pire que d’être responsable de quelque chose que l’on n’arrive pas à faire. D’une certaine manière, cette approche est une critique de certains discours sur la responsabilisation faisant l’économie de la mise en place de ses conditions. Pour terminer, je voudrais vous présenter une enquête du CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les qualifications). Avant toute chose, je vous signale que cette enquête obéit à d’assez fortes contraintes méthodologiques. En effet, il n’est pas facile d’apprécier l’étendue de la liberté de choix et le degré de participation d’une personne à la décision. Cela suppose de mener une enquête qualitative par interview, mais aussi de recueillir des données quantitatives. Amartya SEN insiste constamment sur le fait que les données subjectives sont, à elles Lyon, 2-3 octobre 2008 25
  • 26. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT seules, dangereuses, car elles peuvent être biaisées. En effet, la personne interrogée peut avoir développé ce que l’on appelle des « préférences adaptatives » : dans ce cas, la personne finit par accepter un environnement négatif, ce qui arrive notamment dans les contextes conflictuels. Un autre biais est que la personne peut chercher à donner la réponse qu’elle croit que l’on attend d’elle. Dès lors, il faut toujours mélanger les données objectives et qualitatives. D’autre part, il faut rassembler simultanément les données venant du management et celles venant des employés. Il existe en effet des divergences dans les réponses des uns et des autres. Enfin, il convient de collecter l’information sur plusieurs points tels que la liberté de choix, la participation ou pas dans l’organisation du travail, sans oublier de s’intéresser au devenir des personnes interrogées sur deux ou trois ans (enquêtes longitudinales). À ma connaissance, ces croisements ne sont pas effectués aujourd’hui. J’ignore si la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail l’a fait. L’un des atouts de notre réseau européen est que le CEREQ en fait partie. Ce centre dispose de suffisamment de moyens pour mener ce genre d’études. Il l’a fait notamment sur l’accès à la formation continue dans l’entreprise. À ce propos, je remercie les chercheurs du CEREQ qui m’ont communiqué les informations non encore publiées que je vous présente ici. Cette étude porte sur un échantillon représentatif d’entreprises et part de la question suivante : ne voit-on pas dans certaines entreprises un début de mise en œuvre de ce que l’on appelle « Capabillity-friendly Approach », c’est-à-dire une approche intégrant le développement des capacités des salariés. L’échantillon se répartit en trois catégories : la moitié des entreprises n’ont pas ou peu d’intérêt à la formation en leur sein ; un quart des entreprises se situent dans une logique de compétence interne, c’est-à-dire qu’elles visent une bonne performance des salariés dans leur intérêt à elles et sans penser au devenir des salariés ; enfin, un dernier quart de l’échantillon met en œuvre, sous certains aspects, des éléments de capacité. En réorganisant les données du CEREQ à ma manière, j’ai pu observer une sorte de gradation à quatre ou cinq étapes, la dernière étape étant une véritable approche par les capacités et concernant environ 10 % des entreprises. La première étape est d’offrir un véritable panel d’opportunités de formation continue. C’est loin d’être diffusé, puisque cela représente à peu près un quart des entreprises. La deuxième étape est de faire attention, dans la mise en œuvre du plan de formation et dans l’accès au DIF, aux inégalités d’accès (hommes / femmes, qualifiés / non qualifiés, etc.). L’idée est ici de voir si l’entreprise s’intéresse à cette question. La troisième étape est d’informer les salariés des opportunités de formation qui se présentent. Curieusement, ce n’est pas évident dans les entreprises : si certains employeurs assurent qu’ils informent leurs salariés, les salariés, eux, déclarent qu’ils ne sont pas au courant. La quatrième étape est que les syndicats puissent avoir leur mot dans la définition du plan de formation et que les personnes puissent êtres actrices de leurs choix. La dernière chose à faire serait de renouveler l’enquête dans deux ou trois ans. Il Lyon, 2-3 octobre 2008 26
  • 27. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT s’agirait de voir si le devenir de ces personnes a été différencié. Ce serait un très bon test. D’une manière plus générale, il est intéressant de se pencher sur les motivations des entreprises. Si celles-ci développent ces approches, c’est d’abord parce qu’elles y trouvent leur intérêt. Mais c’est aussi parce que l’État français intervient activement, depuis maintenant trente ans, sur la formation continue. Des instruments publics existent, et l’État a donné des ressources aux partenaires pour qu’ils puissent se saisir de ces sujets. Pour finir, je dirai que le passage à une logique d’accompagnement des parcours et des transitions n’est pas naturellement dans l’esprit de l’approche d’Amartya SEN. Pour SEN, le lieu d’acquisition des compétences est le travail. Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT Merci, Robert SALAIS. Je retiens que l’on ne peut pas investir une personne de responsabilités si on ne l’a pas dotée de capacités, de ressources et de moyens. Cela nous repose la question des premières interventions sur la nature des instances capables d’organiser le développement et la gestion de ces ressources. Michael WHITTALL, Université de technologies de Munich (en anglais) J’ai beaucoup apprécié la présentation de Robert SALAIS. C’est une bonne suite à ce que nous avons fait. Cela me conduit à formuler une remarque. Nous vivons une époque passionnante. Quand on voit que l’État allemand va jouer un rôle plus actif dans les finances, on se dit que des changements sont en cours. C’est peut-être la base qui serait nécessaire à la mise en place d’un environnement capacitant. Je sais que vous n’avez pas de boule de cristal pour prédire l’avenir. Je voudrais cependant vous interroger sur le devenir de la France par rapport aux autres pays d’Europe. En Grande-Bretagne, l’État a pris du recul tandis qu’en Allemagne, on a vu comment l’État est intervenu dans la réunification. Il serait intéressant de voir votre positionnement français. Nicolas SARKOZY va peut-être changer les choses. Robert SALAIS, École normale supérieure de Cachan, UMR IDHE La question financière n’est pas dans mes compétences. Cela dit, je crois que l’on pourrait donner le message du retour de l’État sur la scène avec la réorganisation des marchés du travail. On ne peut pas parler d’un État interventionniste à l’ancienne, mais d’un État qui essaie de mettre les acteurs collectifs dans des structures de délibération en les dotant de ressources, et en plaçant des contraintes de résultats. La question des capacités des marchés du travail pose celle de l’apprentissage de nouvelles manières d’intervenir pour les partenaires sociaux. Il s’agit en particulier de réinvestir les transitions et le travail lui-même dans son contenu, qui a été délaissé au profit des notions d’emploi. Dans une logique de capacité, on pourrait travailler avec des acteurs plus larges que ceux du dialogue social. Pour les chômeurs, on voit que la tendance actuelle est de contraindre à reprendre un travail. Les chômeurs sont en mauvaise position pour pouvoir faire entendre leur voix. Il y a des problèmes de représentation. L’acteur n’est pas ici le syndicat. Plus on creuse dans cette voie, plus on découvre que des questions se posent. Lyon, 2-3 octobre 2008 27
  • 28. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT Cela repose aussi une autre question : si l’accès aux dispositifs, de formation par exemple, est lié au statut, la construction des parcours est peut-être plus délicate. Frédéric BRUGGEMAN, AMNYOS Consultants Je ne suis pas sûr que ce que nous venons d’entendre soit déconnecté de ce que nous avons dit auparavant. J’y vois une vraie continuité : nous sommes sur les fondements théoriques. À partir de là, je ferai deux remarques. Je voudrais tout d’abord réagir à une phrase de Robert SALAIS : « ceux qui sont le plus à même de résoudre les problèmes sont ceux qui sont les plus proches du terrain ». Concrètement, cela signifie qu’il faut des accords multi-acteurs. Dans ce cadre, le rôle de l’État est de vérifier que les accords vont dans le bon sens et d’outiller les acteurs pour qu’ils puissent passer ses accords. En revanche, le rôle de l’État ne me semble pas être d’imposer unilatéralement sa loi aux acteurs. L’autre phrase de Robert SALAIS qui me fait réagir est la suivante : « arriver à ce que la personne se donne le libre choix ». Il s’agit concrètement de permettre à l’individu de devenir acteur. Là où s’arrête la comparaison, c’est que je restreins mon propos aux transitions professionnelles, alors qu’il n’y a pas que cela. Danielle THOMAS, AFPA Je voudrais relier nos débats à ce qui se passe actuellement en France avec le Grenelle de l’insertion et la politique de Martin HIRSCH. Cette politique vise toutes les personnes qui se trouvent en deçà de celles dont nous parlons (transitions professionnelles et chômeurs) : ce sont les 10 % de personnes vivant dans la grande pauvreté. Je ne veux pas défendre le RSA (Revenu de solidarité active), mais je tiens à rappeler qu’il s’agit de redonner à une personne une liberté de choix, tout en lui donnant les moyens de se positionner. J’y vois comme une tentative, certes imparfaite, de réduire ces 10 % de grande pauvreté. Jean-Paul PEULET, ANACT - DCR La dernière interrogation de Frédéric BRUGGEMAN me semble intéressante. Au-delà de la boîte à outils institutionnelle dont nous disposons et qui est certainement à parfaire, une des questions centrales autour des parcours professionnels est effectivement la capacité de choix des individus. Je crois que la citation que faisait Robert SALAIS nous aide beaucoup à oser poser un certain nombre de questions. Je pense que le fait de se poser la question des moyens auxquels l’individu peut faire appel n’est pas négligeable. C’est particulièrement vrai lorsque l’individu se pose la question de sa transition professionnelle. J’ai effectué il y a quelques années un voyage d’étude aux Pays-Bas, et je voudrais rappeler ici une initiative intéressante de la FMB, qui est la plus grande centrale syndicale néerlandaise. Face à cette question des choix auxquels sont confrontés les individus, la FMB a mis en place des rendez-vous offerts à ses membres. Il s’agit de rendez-vous carrière normalisés qui s’appuient sur du bénévolat. Il y a d’ailleurs plus d’offre de bénévoles que de besoins. Je crois que ce service répond à un vrai besoin. Le deuxième exemple que je voudrais citer concerne toujours la FMB, mais également Lyon, 2-3 octobre 2008 28
  • 29. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT l’université d’Amsterdam. C’est la possibilité d’aller voir ce que sont les conditions d’emploi et de travail dans des métiers que l’on ne connaît pas. Les salariés néerlandais sont appelés à remplir un questionnaire et, dès lors que les résultats sont significatifs, les réponses sont mises en ligne pour permettre à d’autres salariés de prendre connaissance des conditions d’emploi dans ce métier. Le but final de ce dispositif est d’aider les salariés à faire des choix. Ce dispositif que j’ai pu observer sur place en 2005 a été, depuis lors, repris par huit pays européens. Des Africains du Sud ont même voulu s’en inspirer. Henri ROUILLEAULT, INSEE C’est la deuxième fois que j’entends Robert SALAIS présenter ce genre de questions. La dernière fois que je l’ai entendu, j’étais en train de quitter de l’ANACT. Une des questions que je m’étais alors posées était de savoir ce que l’on peut tirer de ce genre de problématiques, sachant que c’est un appareil conceptuel très différent de ceux que nous avons l’habitude d’utiliser : comment appliquer à nos contextes cette théorie partie du Tiers monde avec l’idée que la démocratie peut être facteur de performance ? En premier lieu, il me semble que cette vision pousse à une approche large des conditions de travail, intégrant les parcours professionnels et la capacité des salariés à être acteurs dans leur travail et dans leur parcours. Cela fait écho à des réflexions que nous avons eues sur le temps de travail. Lorsque la France a mis en place la réduction du temps de travail, nous avons vu que les réorganisations n’étaient pas perçues de la même manière par les salariés selon qu’ils disposaient ou non d’une liberté de choix de leurs horaires. Cela évoque aussi pour moi un point de l’accord cité tout à l’heure par Jean-Pierre THERRY : l’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Cet accord stipule, à propos de la GPEC, qu’il faut donner des points de repère aux salariés. Cela signifie que la GPEC comporte à la fois un volet collectif (avenir de l’entreprise, de ses métiers et de son activité) et un volet individuel (chacun étant acteur de son propre parcours). Dans ce cadre, le volet collectif a pour fonction de donner des points de repère et d’aider les personnes à être actrices de leur propre parcours. Du coup, cela enrichit aussi la question de la négociation abordée par Frédéric BRUGGEMAN. En effet, cela montre qu’on ne peut plus voir la négociation comme un échange primaire entre la direction et les organisations syndicales. Il existe en réalité une deuxième négociation, qui est celle de l’individu par rapport à son parcours. Notre objectif n’est pas l’avènement d’un monde anomique dans lequel il n’y aurait qu’une seule négociation qui serait la négociation avec l’individu (projet caressé par certains employeurs). Nous nous plaçons plutôt dans l’optique d’une négociation à double niveau : un niveau où l’on se fixe des règles, et un niveau où l’individu use de ces règles. François GUERIN, Consultant Je voudrais vous livrer une réflexion. Pour ma part, j’utilise un modèle de type triaxial. Je vais qualifier ces axes. Le premier est un axe X. C’est l’axe santé physique-psychique et charge de travail. Cet axe part de la dégradation pour aller à la construction. Lyon, 2-3 octobre 2008 29
  • 30. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Le deuxième axe, Y, est l’axe management : « mon travail est reconnu ou pas par le management et par mes pairs ». On touche ici à l’organisation du travail, puisque certaines organisations permettent cette reconnaissance tandis que d’autres ne la permettent pas et disqualifient les collectifs. Le troisième axe, Z, est l’axe expérience : « je peux ou pas construire une expérience permettant la mobilité ». L’idée est d’intervenir simultanément sur les trois axes. Ces trois axes ne sont pas gérés par les mêmes personnes dans l’entreprise : ce sont les managers de proximité, les gens qui s’occupent de la prévention professionnelle ou les organisateurs du travail, ou encore les gens qui s’occupent des parcours professionnels et de la formation. C’est donc un modèle intégrateur, avec des axes qui permettent d’imaginer des environnements qui deviennent capacitants lorsque l’on progresse sur les trois axes. En général, cela marche quand on en parle aux chefs d’entreprise et aux salariés : ils imaginent que l’on peut travailler simultanément sur ces trois axes. Lyon, 2-3 octobre 2008 30
  • 31. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Introduction de la deuxième session Emmanuelle SAINT-GENIS, ANACT Bonjour à tous. Nous reprenons nos travaux sur la sécurisation et l’adaptation des parcours tout au long de la vie. Hier, nous avons vu que les parcours professionnels pouvaient être de différentes natures, avec des parcours subis ou choisis, des parcours d’insertion ou encore de professionnalisation. À cet égard, nous avons vu combien s’élargissait le périmètre des acteurs impliqués dans l’organisation de ces parcours et des transitions. Nous avons également vu que les parcours professionnels s’entendaient bien dans et en dehors de l’entreprise. Tout cela requestionne le pacte entre employeur et employés au sein de l’entreprise. Nous avons par exemple vu que la conciliation des différents points de vue au sein d’une entreprise pouvait permettre une meilleure articulation des parcours bénéficiant à la fois à l’entreprise et au salarié. Il existe cependant une condition, comme nous l’avons vu avec Robert SALAIS : il faut que les capacités soient identifiées et structurées par une structure dédiée. En effet, on ne peut pas décréter qu’une personne est responsable de son parcours sans la doter préalablement de moyens pour identifier et développer ses compétences. Cette dotation s’envisage bien tout au long de la vie, on l’a dit à plusieurs reprises. Elle s’envisage également à travers la vie. Comme vous le savez, on parle de Life long learning et de Life wide learning : à la dimension temporelle s’ajoute une dimension plus spatiale qui traverse les différents champs de la vie. Comment cette professionnalisation peut-elle être articulée dans les différents temps sociaux ? C’est le thème que nous allons aborder maintenant grâce à l’intervention de Jean-Yves BOULIN va articuler maintenant. Lyon, 2-3 octobre 2008 31
  • 32. Comment sécuriser et adapter les parcours tout au long de la vie ? ANACT Intervention de Jean-Yves BOULIN Jean-Yves BOULIN, Université Paris Dauphine Je vais aborder la question de la sécurisation des parcours professionnels en adoptant un angle de vue plus global que celui des précédents orateurs. Frédéric BRUGGEMAN, par exemple, s’est centré sur la sphère professionnelle en essayant d’examiner les transitions qui s’y déroulent. Sur un mode dynamique, il me semble nécessaire d’intégrer aussi le hors travail, c’est-à-dire la dimension non professionnelle. Cela me semble nécessaire pour comprendre comment s’articulent parcours professionnels et parcours de vie. Cette approche renvoie à la contribution en plénière de Dominique MEDA qui a bien montré un paradoxe du cas français. Ce paradoxe est le suivant : d’un côté, la valeur travail est privilégiée mais, d’un autre côté, on enregistre une forte insatisfaction quant aux répercussions de l’organisation du travail sur la vie quotidienne. Nous sommes bien ici face à une recherche d’équilibre. Je crois que l’on ne peut pas séparer les questions de travail des questions de vie quotidienne. En effet, il existe une sensibilité de plus en plus forte à ces questions compte tenu des transformations en cours (modification des structures familiales, mouvements de population, vieillissement démographique). Dans cette approche, je me centre aussi sur les options de temps de travail, c’est-à-dire les différentes possibilités offertes par le temps de travail. De ce point de vue, mon approche constitue aussi une réponse à Michael WHITTALL. La seule différence est que l’on choisit ici une option dynamique : on essaie de travailler sur les différentes phases de la vie dans leur continuité. L’approche par le Life Course, que l’on pourrait traduire en français par « parcours de vie », présente un intérêt majeur : elle permet comprendre que, si le temps est irréversible, les choix, eux, pourraient être réversibles. Or, on constate un phénomène intéressant dans le Life Course : certains choix opérés à certains moments vont avoir des effets ultérieurs ; je pense par exemple aux conséquences d’un passage à temps partiel, qui peuvent s’observer sur le revenu, le niveau des pensions ou encore l’évolution d’une carrière. Cette question, que l’on pourrait baptiser « question des sentiers de dépendance », permet de réfléchir à de nouvelles formes de régulation collective des choix individuels qui permettent un libre choix. Ce nous ramène d’ailleurs à la contribution de Robert SALAIS. Il s’agit de donner des capacités en termes de régulation permettant de faire des choix dépourvus d’effets négatifs ultérieurs ou de conséquences discriminatoires en termes d’âge, de genre ou de catégorie sociale. Je ferai ici une petite incise par rapport à la discussion que nous avons eue hier : favoriser les choix individuels est effectivement très souhaitable, mais soyons aussi attentifs aux effets pervers. Ceux-ci sont importants dans un contexte d’individualisation forte et de remise en cause des principes fondamentaux du modèle européen de protection sociale, qui posent qu’il faut soutenir les plus faibles. Je crois que ces principes doivent être préservés. Or, quand on regarde un État comme Lyon, 2-3 octobre 2008 32