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REGARDER VERS L’AVENIR
Thomas ANDRIEU Septembre 2014
Pour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Caux
valorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole
avec les agricultures de la Pointe de Caux
Travail encadré par Boris MENGUY - Chef de projets
Alix GUILLEMETTE - Chargée d’études
Suivi Agro ParisTech : François LÉGER - Enseignant - Chercheur
Mise en page par Véronique LEDIER et Boris MENGUY
AURH - Étude 1457
REGARDER VERS L’AVENIR
Pour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Caux
valorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole
avec les agricultures de la Pointe de Caux
Sommaire
66
77
S O M M A I R E
DES ÉVOLUTIONS AGRICOLES ET SOCIÉTALES DIVERGENTES...................................................................................................... 9
I - UN TERRITOIRE RÉINTERROGÉ À LONG TERME POUR FONDER UN DIALOGUE PORTEUR D’AVENIR..................................... 17
1 - Agriculture, territoire et « résilience »....................................................................................................................................................... 19
2 - L’élaboration de scénarios à l’échelle de l’Estuaire de la Seine.......................................................................................................... 26
3 - Les trois scénarios retenus........................................................................................................................................................................ 31
II - DES ÉCHANGES RICHES FAISANT EMERGER LES BASES D’UN PROJET AGRICOLE « RÉSILIENT »......................................... 43
1 - Un accueil chaleureux malgré une tension palpable avec les pouvoirs publics.............................................................................. 46
2 - Pistes d’innovation et opportunités – l’agriculteur, véritable acteur du territoire ?............................................................................. 50
III - VISION STRATÉGIQUE POUR LA MISE EN PLACE D’UN PROJET AGRICOLE TERRITORIAL.................................................... 67
1 - L’enjeu de la « résilience » pour l’action publique................................................................................................................................. 69
2 - Une vision stratégique basée sur une réflexion sur le système alimentaire........................................................................................ 72
3 - Axes de travail pour entreprendre un projet agricole territorial durable............................................................................................ 73
QUELS AXES DE TRAVAIL ? ........................................................................................................................................................... 79
ANNEXES ....................................................................................................................................................................................... 85
99
Des évolutions agricoles et
sociétales divergentes
1010
11
Des évolutions agricoles et sociétales divergentes
Les mutations sociologiques de l’espace rural périurbain
Les cinquante dernières années ont été marquées par de profondes
mutations d’ordres sociologique et démographique, motivées par de
nouveaux modes d’habitation et de déplacement. Ceci a conduit
à la croissance des communes rurales proches des villes et au déve-
loppement des hameaux, phénomène appelé périurbanisation. De
nombreux citadins continuent à déménager en zone rurale où l’agricul-
ture était auparavant exclusive. Cette situation a transformé les surfaces
périurbaines, où un mode de vie citadin s’installe dans les campagnes
environnantes, touchant des zones continuellement plus éloignées du
centre-ville (jusqu’à 50 à 80 kilomètres aujourd’hui). L’agriculture en
place doit, par conséquent, composer sur une toile nouvelle, car les
surfaces périurbaines ne sont plus uniquement le support des activités
agricoles, mais aussi celui de lieux de vie et de loisirs de la population
issus d’un certain fantasme de la nature lié à l’idée de campagne. En
d’autres termes, l’agriculture périurbaine concerne aujourd’hui une
multitude d’acteurs, n’évoluant pas tous dans le secteur agricole, avec
des motivations différentes voire divergentes.
Les transformations agricoles de l’après-guerre
Parallèlement à ces changements, les techniques agricoles ont évolué.
Une forte mécanisation des techniques a permis de rendre le travail
agricole auparavant difficilement soutenable physiquement plus
acceptable. Cette dernière a fortement réduit les besoins en main
d’œuvre. L’utilisation de la chimie pour amender les sols et contrôler
les maladies s’est rapidement démocratisée. Les parcelles ont été
remembrées, l’élevage s’est intensifié, conduisant dans un premier
temps à l’augmentation de la surface enherbée. A partir des années
80, cette dernière a diminué avec l’apparition de la stabulation
permanente. Notre agriculture s’est insérée dans un schéma
d’exportation, marquant un fort développement des grandes cultures.
L’ensemble de ces éléments a conduit à la diminution du nombre
d’exploitants agricoles, ne représentant aujourd’hui plus que 3% de la
population active (contre 30% en 1945), ce qui explique leur quasi-dis-
paration ou leur moindre place dans le débat public. Aujourd’hui, une
promenade en campagne peut soulever un sentiment de vide face
au caractère improbable d’apercevoir un agriculteur dans les champs
et aussi de moins en moins d’animaux.
Une agriculture qui s’efface ?
Les deux tendances présentées plus ci-dessus ont peu été prises en
compte dans les processus d’aménagement du territoire. L’observation
d’une carte topographique est révélateur : l’espace entre les villages
et petites villes rurales apparaît blanc. Qu’est-il advenu de l’agriculture
aux yeux des cartographes ? Le monde agricole n’a suscité qu’un
intérêt limité de la part de l’appareil politique territorial, engendrant
une rupture sociale. D’un côté, la consommation foncière des terres
agricoles par la périurbanisation crée des tensions au sein de la
population agricole. De l’autre, les externalités négatives générées
par l’agriculture conventionnelle inquiètent l’opinion publique quant à
la pollution et l’augmentation des risques pour l’environnement et de
leurs impacts sur la santé humaine. De ce fait, les collectivités locales
accordent depuis une dizaine d’années une importance croissante
aux questions portant sur le lien entre l’agriculture, le développement
et l’aménagement du territoire (voir encadré n°1). La naissance des
intercommunalités a également impulsé une nouvelle démarche
dans les projets de territoires. Des élus citadins aujourd’hui travaillent
avec des élus ruraux, et sont donc à même de se questionner sur
l’agriculture, activité occupant généralement la majorité de la surface
de leur territoire d’action.
11
12
Susciter l’intérêt pour l’agriculture du SCoT LHPCE et
de l’Estuaire de la Seine
A l’échelle de l’Estuaire de la Seine et du Schéma de
Cohérence Territoriale Le Havre Pointe de Caux Estuaire
(SCoT LHPCE), territoire comprenant la Communauté de
l’Agglomération du Havre (CODAH) et la Communauté
de Communes Caux Estuaire, ces évolutions sont
avérées et un certain nombre d’indicateurs laissent à
supposer qu’il existe aujourd’hui un décalage entre
les attentes du territoire et la réalité agricole présente.
Si le terme de fracture sociale est probablement
un peu fort, la protection des ressources naturelles,
garante d’une qualité de vie pour l’épanouissement
de la population, est fragilisée par le manque de
collaboration entre les acteurs. Comment considérer
ou reconsidérer l’agriculture ? Est-elle uniquement une
force de production  ? Représente-t-elle un facteur de
cohésion sociale ? Peut-elle s’insérer à part entière dans
un schéma d’aménagement du territoire, afin d’être le
moteur d’un renouveau, qui permettrait d’asseoir une
attractivité qui semble faire actuellement défaut ? Pour
tenter de répondre à ces interrogations, une étude sur
l’avenir de l’agriculture de l’Estuaire de la Seine et du
SCoT LHPCE a été réalisée, afin de déterminer les marges
de manœuvre pour valoriser l’agriculture et ses différents
potentiels au sein du territoire. Cette étude se positionne
de manière originale par rapport aux travaux existants
de par la mobilisation de nombreux acteurs du territoire
et notamment ceux du monde agricole pour témoigner
avec « un regard de l’intérieur ».
Source : AURH
Octeville-sur-Mer : Une forte identité agricole pour une commune très attractive aux portes du Havre (maraîchage, grandes
cultures, agriculture de loisir, un mélange typique des bordures d’agglomération)
12
13
Des évolutions agricoles et sociétales divergentes
13
Encadré n°1
Intérêt grandissant des collectivités territoriales pour
l’agriculture
Extraits de l’article de Bertille Thareau et Mathilde Farby paru dans Terres
Agricoles, Editions Quae, pages 135 à 153 : Actions foncières au nom
de l’environnement : des élus locaux interviennent dans l’évolution de
l’agriculture.
« Depuis une quinzaine d’années, les politiques d’aménagement et de
développement des territoires ont été particulièrement auscultées sous cet
angle [prise en compte de l’agriculture par les politiques locales] […].
On assiste de ce fait à une prise en compte de plus en plus prégnante
de l’agriculture par les collectivités dans le cadre de leurs projets de
planification et de développement local. Cette prise en compte amène une
redéfinition, à partir de débats locaux, de la place et du rôle de l’agriculture
sur les territoires ».
L’origine de cet intérêt croissant pour l’agriculture est la protection de
l’eau, autour des bassins d’alimentation de captage. Face à une pollution
croissante générant des coûts de dépollution importants, « certains maires
se substituent au préfet pour réglementer l’agriculture, certains proposent
aux agriculteurs qui le souhaitent de faire évoluer leurs pratiques afin de
prévenir les risques de pollution, soit par des actions de formation, de
sensibilisation, d’animations de groupes, soit par des contrats […], d’autres
utilisent l’acquisition foncière afin de maîtriser et imposer sur ces espaces
un usage compatible avec la préservation de la ressource ».
Les dispositifs d’intervention sont contrastés, et sont souvent fonction de
l’agriculture en place. Trois formes se dégagent :
•	 La préemption agricole ou « l’exit de l’agriculture comme projet pour
la protection des ressources » : la collectivité devenue propriétaire,
impose les techniques agronomiques. Cette mesure n’est pas toujours
acceptée par le monde agricole, car jugée brutale.
•	 « Le soutien à une forme d’agriculture minoritaire » via la formation
et la sensibilisation : les techniciens soutiennent une agriculture
minoritaire souvent alternative sur le territoire. Cette démarche est
souvent considérée en décalage avec les réalités agricoles locales par
l’agriculture en place, d’autant plus si celle-ci s’insère dans le schéma
conventionnel.
•	 « L’adaptation des formes agricoles présentes » : le but premier
est de maintenir l’agriculture en place. L’établissement d’une confiance
entre acteurs agricoles et les collectivités nécessite une production de
connaissances mutuelles pour négocier et mettre en place des projets
de protection de la ressource. Il s’agit pour le monde agricole de
reconnaître que les activités actuelles ont un impact sur la qualité de
l’environnement, et pour les collectivités de reconnaître l’impact des
contraintes sur les activités agricoles.
« Les formes d’action proposées sont fortement liées à la posture des maîtres
d’œuvre. Quand ces derniers adoptent la troisième posture (adaptation des
formes agricoles présentes), on assiste à la mise en place de négociations
entre l’autorité compétente en matière de qualité de la ressource et la
profession agricole ».
1414
En 2011-2012, l’agriculture se fait une place dans le SCoT LHPCE et
les travaux de la Charte Paysagère et Environnementale – Un virage
progressif
Lorsque le premier SCoT du Pays Le Havre Pointe de Caux Estuaire
est approuvé en 2008, la question agricole y apparaît en filigrane à
travers quelques recommandations. Aussi, les élus majoritairement
ruraux et les services de l’État souhaitent-ils un approfondissement
de la thématique. L’élaboration d’une politique de préservation des
espaces agricoles est attendue.
Dans la perspective d’une modification du document, L’AURH lance
fin 2008 un travail de fond pour apporter des compléments. En 2009, ce
travailestmarquéparl’apportdetroisateliersassociantdesreprésentants
du monde agricole à des personnes aux sensibilités plus urbaines
(en tout, une quarantaine d’acteurs : agriculteurs, institutionnels,
techniciens, élus référents). Le but est de réduire la méconnaissance,
mieux identifier les besoins et les enjeux de chacun afin de co-construire
les orientations agricoles du SCoT.
Après un portrait agricole collectif effectué au premier atelier, les
possibilités offertes dans le cadre du SCoT et les premières pistes sont
explorées et discutées au deuxième atelier. Enfin, le troisième atelier
permet de valider avec l’ensemble des participants des propositions
qui seront soumises au vote des élus.
Compte tenu de la richesse du travail plusieurs types de valorisation
des travaux ont été utilisés :
•	 L’étude paysagère et environnementale (étude visant à
enrichir globalement le SCoT) a permis d’apporter une meilleure
connaissance et des perspectives pour redonner une place de
choix à l’agriculture du territoire (ces éléments sont accessibles
dès la mise en ligne du site internet du SCoT en octobre 2011
http://www.scot-lhpce.fr/ et « sous forme papier » dans la
publication « Vers une plus grande attractivité » sortie en juillet 2014),
•	 La signature d’une Charte Paysagère et Environnementale par
l’ensemble des élus en octobre 2011 dans laquelle l’agriculture est
très présente,
•	 Enfin, une dimension réglementaire autour de l’agriculture se fait
jour avec l’approbation de la 2e
version du SCoT en février 2012.
Dans le SCoT 2012, des avancées majeures apparaissent pour
l’agriculture :
•	 Le mitage est jugulé,
•	 Le cadre d’application de la loi littoral est clairement défini par
secteur et l’urbanisation s’en trouve strictement contrôlée sur tout
le secteur côtier,
•	 Des secteurs qualifiés « d’espaces agricoles d’enjeux partagés »
sont identifiés et cartographiés sur les zones soumises aux plus fortes
pressions urbaines afin d’y garantir durablement une vocation
agricole (cf – carte ci-contre),
•	 Pour des raisons de qualité de paysage et de maîtrise de
l’urbanisation linéaire, de vastes secteurs d’inconstructibilité sont
définis le long des principales voies de circulation routières et
ferroviaires du territoire du SCoT. Cette mesure s’avère tout à fait
favorable au maintien et à l’accessibilité des espaces agricoles.
Agriculture en filigrane en 2008, logique de préservation des espaces
agricoles en 2012, les élus progressivement plus conscients des enjeux
agricoles pour leur territoire souhaitent désormais aller plus loin et
sentent que le débat doit être mieux posé.
1515
Carte du SCoT approuvé en Février 2012
1616
1717
I - Un territoire réinterrogé à long terme
pour fonder un dialogue porteur d’avenir
1818
1919
1 - Agriculture, territoire et « résilience »
L’agriculture, un élément incontournable des projets de territoire ?
A l’échelle d’un territoire, l’agriculture représente une force souvent
sous-estimée. Pourtant, c’est un acteur qui s’implique à différentes
échelles avec plusieurs fonctions, comme l’illustre la figure 1 :
L’agriculture produit des biens alimentaires, énergétiques, des
matériaux ; elle définit le paysage et intègre une dimension sociale
large. Elle est entièrement dépendante de la qualité des sols, mais aussi
de leur disponibilité. En France, elle représente une source d’emplois
avec 970 000 personnes travaillant directement dans le secteur agricole
et 5 millions de personnes travaillant dans le secteur agro-alimentaire
(soit 18% de la population active). L’agriculture conditionne la qualité
environnementale avec laquelle les collectivités doivent composer.
Au niveau du SCoT LHPCE, les deux-tiers du territoire sont couverts par
des surfaces agricoles. Si l’on raisonne en matière d’espace, c’est
l’activité majoritaire. De surcroît, les bassins de captage fournissant
l’eau courante s’alimentent via des circuits de récupération des
eaux pluviales débutant au niveau des parcelles agricoles.
Parallèlement, la gestion de ces eaux pluviales, problématique lors
d’orages, doit aussi être intégrée à la réflexion sur l’agriculture. En
matière d’aménagement, cette dernière conditionne les espaces de
respiration, tout en permettant la fourniture d’aliments locaux comme
les légumes, certains produits laitiers (beurre par exemple), de la
viande, ou encore du cidre.
À l’échelle de l’Estuaire, l’agriculture du Pays de Caux, principale-
ment tournée vers l’exportation, génère une valeur économique non
négligeable. L’agriculture du Pays d’Auge, situé sur l’autre rive de la
Seine, est reconnue comme activité à haute valeur naturelle. Ainsi,
une certaine diversité se dégage entre les deux rives de l’Estuaire de
la Seine (voir encadré n°2). En Haute-Normandie, l’agriculture génère
1.2 milliards d’euros par an. Certaines cultures sont spécifiques. Le lin
régional, culture emblématique, représente 30% de la production
mondiale et est reconnu pour sa haute qualité, fruit d’une maîtrise
de savoir-faire. Les terres du Pays de Caux sont parmi les plus riches
d’Europe d’un point de vue agronomique, ce qui leur confère un
avenir agricole certain. On remarque donc que cette agriculture est
importante à l’échelle européenne et mondiale. Cependant, des
voix s’élèvent souvent concernant les impacts que les techniques de
production peuvent occasionner.
Un territoire réintérrogé à long terme ...
Figure 1 : L’agriculture multifonctionnelle
2020
Encadré n°2
L’agriculture duale de l’Estuaire de la Seine : Pays de Caux et
Pays d’Auge
•	 L’agriculture du Pays de Caux
Le paysage agricole du plateau de Caux est très ouvert, composé de plaines
étendues contrastées par des clos-masures, des villes et villages repérables
de loin par le clocher de leur église. Les parcelles de polyculture reposant sur
un sol très riche parent les plaines d’une couverture en mosaïque. La taille
de ces parcelles varie de quelques hectares à plusieurs dizaines d’hectares.
Paysages ouverts du Pays de Caux (source AURH)
Ces dernières ont tendance à devenir de plus en plus grandes avec le processus
de remembrement débuté au début des années 60, dû à l’agrandissement
continu des exploitations entraînant une simplification et une rationalisation
des pratiques. Certaines exploitations peuvent atteindre plusieurs centaines
d’hectares. En zone périurbaine proche du Havre, on observe tout de même
que la taille reste plus limitée, autour de cent hectares en général.	
Les cultures sont principalement organisées autour du blé (plus précisément
blé, orge, escourgeon). Sont également cultivés la pomme de terre,
le colza, le lin, la betterave, le maïs ensilage, la luzerne, la féverole (les
trois derniers pour nourrir l’élevage). Le modèle économique est orienté
vers l’exportation. C’est une agriculture mondialisée, représentée par
des cultures que l’on retrouve ailleurs (à part le lin).	
Les exploitations ayant conservé l’élevage maintiennent des prairies
permanentes ou temporaires, pour faire pâturer les vaches. La race normande
tend à diminuer au profit de la Prim’Holstein ou de la Montbéliarde, plus
performantes en production de lait. Le maraîchage, présent aux abords des
villes, a fortement reculé ces dernières décennies. Des projets sont réalisés
pour tenter d’enrayer cette évolution. Des systèmes de vente directe se
développent çà et là, via des organisations de producteurs, de cueillette, etc.
Paysages ouverts du Pays de Caux (source AURH)
2121
Un territoire réintérrogé à long terme ...
•	 L’agriculture du Pays d’Auge
Le paysage offert sur la rive sud de l’Estuaire de
la Seine est totalement différent. L’organisation
est celle du bocage, où les haies d’arbres et
d’arbustes structurent les parcelles. L’élevage est la
principale activité agricole (bovine et équine). Les
cultures associées sont principalement destinées
à l’alimentation animale, avec tout de même
l’existence de zones de grandes cultures. Des
fromages labellisés y sont produits : camembert,
pont l’évêque, ou encore le livarot. Les vergers de
pommiers, également très présents, permettent la
fabrication du cidre, du calvados et du pommeau. Il
est à noter que ces alcools sont aussi fabriqués dans le
Pays de Caux, à une moindre échelle. 	
Figure 2 : Les complémentarités agricoles à l’échelle de l’Estuaire de la Seine entre le Pays de Caux au nord marqué par les grandes
cultures et le Pays d’Auge au sud de l’Estuaire, traditionnellement un pays d’élevage.
Le bocage du Pays d’Auge : carte postale de Normandie (source AURH)
Le bocage du Pays d’Auge : carte postale de Normandie
(source AURH)
Ce paysage agricole est qualifié à haute valeur naturelle (comprenant entre autre la diversité
d’assolement, l’extensivité des pratiques et la densité des éléments paysagers). Cette agriculture est
un vecteur d’attractivité, d’activité touristique et de résidences secondaires non négligeable.
2222
Ainsi, la gestion de l’eau potable, de l’eau de ruissellement et la
consommation foncière semblent être une source de tensions entre les
collectivités et les agriculteurs. L’ensemble de ces difficultés a marqué
le territoire depuis des années sans qu’il y ait de plan d’actions à
proprement parler. L’intuition d’une situation tendue entre les différents
acteurs du territoire justifie l’étude présente.
La Politique Agricole Commune européenne (PAC), dont la nouvelle
version est entrée en vigueur en 2014, a marqué une certaine transition.
Même si cette dernière est encore loin d’être aussi verte qu’annoncée,
elle marque le début d’une meilleure prise en compte de l’environne-
ment au niveau de l’agriculture européenne. Dans ce contexte, il est
intéressant de rappeler que le budget de cette politique représente
40% du budget européen. C’est le plus important poste de dépense,
atteignant 200 euros par européen prélevés par an pour assurer le
fonctionnement de l’agriculture de l’Union.
Si l’agriculture paraît incontournable à première vue, elle a été assez
peu prise en compte à l’échelle de l’Estuaire de la Seine et du SCoT
LHPCE dans les projets de territoire. Ce contexte semble avoir généré
des tensions entre le monde agricole et les collectivités. Contrainte par
sa spécificité géographique, la ville du Havre s’étend vers l’Est avec
un angle de 50° environ, accentuant la pression sur les terres agricoles
concernées. Ce phénomène est réputé comme mal vécu car les terres
sont riches, comme il a été précisé en amont. De plus, il est important
d’ajouter que malgré cette consommation foncière, la population de
la CODAH et en particulier de la ville du Havre diminue chaque année
d’environ mille habitants, comme illustré dans la figure 3.
Malgré la diminution de la population, on observe un étalement urbain,
que l’on peut supposer comme une source de tensions assez vives
entre le monde agricole et les collectivités. Si l’on compare l’évolution
de l’urbanisation à l’échelle de la CODAH sur trente ans, le constat est
remarquable, comme en témoigne la figure 4.
Figure 3 : Évolution des zones artificialisées comparée à celle de la population sur le territoire de la
CODAH de 1973 à 2011 (source Audrey Malicorne, SIGU)
2323
Un territoire réintérrogé à long terme ...
Figure 4 : L’étalement urbain à l’échelle de la CODAH entre 1973 et 2011
Source : Rapport de stage d’Audrey Malicorne, SIGU, AURH
2424
La « résilience » comme outil d’approche
S’interroger sur l’avenir de l’agriculture de l’Estuaire de la Seine et du
SCoT LHPCE, c’est étudier son impact sur les capacités du territoire à
s’adapter aux changements socio-économiques et climatiques qui
sont susceptibles de se produire durant les prochaines décennies.
Autrement dit, c’est étudier sa « résilience ». Ce terme dépend de trois
caractéristiques principales :
•	 la quantité de changements que peut endurer le système sans
altérer ses fonctions
•	 le degré d’auto-organisation
•	 le degré de plasticité et la capacité d’apprendre et de s’adapter
En d’autres termes, la « résilience » fait référence aux capacités des
communautés humaines (celles du SCoT en ce qui concerne l’étude)
à ne pas se désorganiser ou disparaître lors d’une crise, d’un choc,
d’une pénurie, mais d’y répondre en s’adaptant.
« La résilience, ce n’est pas accepter les caprices de la nature. C’est
gérer notre environnement naturel de manière responsable, dans la
quête d’un avenir meilleur pour chacun d’entre nous » (Joseph Michel
Martelly, président de Haïti).
L’outil de la «  résilience  » permet ainsi de ré-interroger de manière
prospective et transversale le territoire à long terme. Pour réaliser cette
étude, l’hypothèse selon laquelle l’agriculture est une des clés de la
« résilience » de notre territoire a été formulée. Il s’est agit de considérer
une multitude d’aspects afin de connaître le degré de «  résilience  »
socio-économique et environnementale du territoire en matière
d’autonomie alimentaire, d’indépendance énergétique, de cohésion
sociale, d’emploi, de préservation des ressources naturelles, de gestion
des pollutions ou des externalités négatives au sens large et de sécurité
sanitaire.
L’agriculture à l’épreuve des changements
Afin de vérifier et d’approfondir les intuitions présentées plus haut à
propos du défaut de communication entre le monde agricole et les
collectivités, la démarche adoptée lors de cette étude a d’abord
consisté à élaborer des scénarios d’évolution à long terme (à l’horizon
2050), afin de voir quels sont les possibles chocs ou crises que pourrait
endurer l’agriculture du territoire du SCoT et de l’Estuaire de la Seine.
Ensuite, les scénarios ont été présentés de manière individuelle à divers
acteurs du monde agricole dans l’optique de les faire réagir, puis
aborder dans la mesure du possible des champs d’actions potentiels
pour intégrer l’agriculture dans un projet de territoire durable. La
réflexion sur le long-terme est centrale, car il ne s’agit pas de savoir si
un projet agricole plus durable est pertinent aujourd’hui, mais s’il paraît
réaliste pour demain. Il convient de se demander si le territoire actuel
est résilient ou non, et comment il serait possible d’améliorer la situation
aussi bien du point de vue économique que social ou environnemental : 
c’est le principe du développement durable.
Figure 5 : Déroulement des événements marquants de l’étude entre février et juin 2014
2525
Le propre de la démarche est la mobilisation de l’analyse qualitative,
générique d’une approche sociologique. Il est effectivement
primordial de connaître les acteurs d’un territoire pour proposer des
axes de travail cohérents et rétablir un lien pérenne entre l’agriculture
et le monde urbain. Cet élément est d’autant plus important que la
plupart des travaux réalisés jusqu’alors sur l’Estuaire de la Seine n’ont
pour ainsi dire pas pris en compte l’information qualitative. De même,
la plupart des techniques développées en agronomie depuis le début
des années 1950 sont critiquées pour le manque d’intégration de
l’outil sociologique. On a pensé aux cultures mais peut-être oublié
l’agriculteur. Les rendements ont été décuplés, mais qu’en est-il de
la condition sociale des agriculteurs  ? Il est connu qu’aujourd’hui, il
existe un certain malaise au sein de la profession. À titre d’exemple, les
agriculteurs figureraient parmi les plus représentés en ce qui concerne
le taux de suicide. Par conséquent, il est nécessaire de rétablir un côté
humain à cette activité, quelle que soit l’échelle de travail, du SCoT à
l’Union Européenne.
Réaliser un travail de prospective comme celui-ci est un premier pas vers
la « résilience ». Il représente en quelque sorte un diagnostic transversal
du territoire. Un diagnostic agricole de la pointe du Pays de Caux a été
réalisé en 2011. Celui-ci reprend les évolutions jusqu’en 2011, mais n’en-
treprend pas de retranscrire le discours des acteurs du monde agricole,
ni d’offrir une perspective à long terme. Le travail réalisé dans cette
étude de 2011 est primordial pour appréhender le paysage agricole et
pour le compléter, il s’agit à présent de réaliser un diagnostic qualitatif
pour comprendre ce paysage de l’intérieur, mettant en lumière le
potentiel agricole du territoire pour espérer atteindre une situation de
« résilience » à long terme, dans une démarche de développement
durable. Une frise chronologique reprenant l’organisation de l’étude
est présentée en figure 5.
Un territoire réintérrogé à long terme ...
2626
2 - L’élaboration de scénarios	
à l’échelle de l’Estuaire de la Seine
Des lectures clés à la base des scénarios
Dans un premier temps, un travail de bibliographie provenant d’études
existantes a été mené. L’objectif ici est d’enrichir les hypothèses quant
à l’avenir du territoire, en intégrant des données agricoles, climatiques
et socio-économiques. Il ne s’agit pas de parler uniquement d’agri-
culture, mais bel et bien de connecter l’agriculture à son territoire,
pas seulement dans une logique de long terme. Les lectures sont
présentées en figure 6.
Les prospectives présentes dans cette bibliographie sont le résultat de
plusieurs mois de travail et ont été réalisés par des équipes d’experts,
répondant à des commandes où le propre du sujet est centré sur les
scénarios. Dans le cas de l’étude présente la démarche de travail est
différente. Elle s’appuie sur les études scientifiques de la bibliographie
ci-contre, mais ne vise pas à être exhaustive. Son but principal est la
production d’éléments caricaturaux visant à faire réagir l’interlocuteur,
à susciter l’interrogation. Les éléments retenus dans les lectures sont
donc condensés et résumés, pour que la communication soit par
la suite plus aisée. Les scénarios produits sont donc différents des
documents dont ils s’inspirent. Il ne s’agit pas de produire une étude
scientifique, mais un matériel qui servira de base lors de la phase d’en-
tretiens avec les différents acteurs agricoles du territoire. En d’autres
termes, l’élaboration de ces scénarios correspond à une étape de
travail essentielle puisqu’elle représente le fondement de l’étude. Figure 6 : Sources utilisées pour l’élaboration des scénarios
2727
La force publique n’aurait ici que peu d’influence sur un monde privé,
représenté par des firmes dont le capital et les instances décisionnelles
sont extérieures au territoire. Ce territoire étant déjà en déficit
d’attractivité, on note que l’évolution tendancielle n’améliore en rien
la situation.
Ce scénario tendanciel n’a pas été utilisé directement lors des
entretiens avec les acteurs du territoire. Il a en revanche permis de
réaliser une première approche de l’avenir du territoire en déterminant
une liste d’événements tendanciels, nourrisant la réflexion pour
l’élaboration des trois scénarios présentés dans la partie suivante.
Proposer un premier scénario tendanciel
L’objet principal de cette phase a été d’adapter les données récoltées
dans un contexte local, à l’échelle du SCoT LHPCE, ainsi que de les
combiner à des hypothèses. Les éléments tendanciels pour le territoire
sont les suivants :
•	 hausse du prix des énergies fossiles,
•	 menace sanitaire (qualité de l’eau, exposition aux résidus de produits
phytosanitaires via les aliments pour les consommateurs et exposition
directe pour les producteurs),
•	 impacts de la zone industrielle sur la qualité de vie,
•	 passage de l’exploitation agricole familiale conventionnelle à
l’agriculture industrielle de firme,
•	 réduction du budget de la PAC,
•	 changement climatique, hausse de la température moyenne,
•	 élévation du niveau de la mer.
À première vue, on constate que la plupart des éléments ici n’intègrent
pas d’informations tendancielles relatives aux comportements
alimentaires et aux modes de vie, bien que ces derniers soient
conditionnés par l’ensemble des facteurs tendanciels présentés
ci-dessus. L’espace de vie pour la population du SCoT LHPCE peut
paraître confiné, pris en double étau entre un espace industriel d’un
côté et une activité agro-industrielle ou agro-business de l’autre
(voir figure 7). On peut préciser que la zone industrialo portuaire est
un élément représentatif du territoire, car générateur incontestable
d’emplois. Néanmoins, l’aspect sanitaire concernant ce secteur
d’activité peut questionner quant à la sécurité pour la population.
Figure 7 : Scénario tendanciel du double étau
Un territoire réintérrogé à long terme ...
2828
Élaborer trois scénarios, socles des futurs entretiens
•	 Journée séminaire
Pour structurer ces scénarios, la stratégie adoptée a été celle de la
co-construction. Il a été décidé de réunir une équipe de techniciens
experts du territoire concernés lors d’une journée séminaire, pour valider
et enrichir les idées récoltées dans la partie précédente et obtenir une
base solide afin de gagner en crédibilité auprès des entretiens de la
phase suivante de l’étude. Cette étape s’est avérée être le premier
événement fondamental de l’étude, allant au-delà des espérances en
matière de résultats.
La journée séminaire a réuni quinze techniciens du territoire provenant
des entités suivantes :
•	 Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie (ADEME),
•	 Communauté de l’agglomération havraise (CODAH),
•	 Communauté de communes Caux Estuaire,
•	 Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’estuaire de la
Seine (AURH),
•	 Ville du Havre,
•	 Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement 76 (CAUE
76),
•	 SCoT Le Havre Pointe de Caux Estuaire (SCoT LHPCE),
•	 Syndicat Mixte de Bassin Versant.
Un maraîcher retraité a également été convié. Les compétences
mobilisées sont les suivantes : urbanisme, développement durable,
agriculture, gestion des risques, espaces verts, écologie, paysagisme…
L’ensemble des personnes invitées n’appartiennent pas ou plus
directement au monde agricole, car il a semblé préférable de garder
l’exclusivité des acteurs du monde agricole pour la suite du travail,
lors des entretiens futurs. Un modérateur a été invité : François Léger,
enseignant chercheur à AgroParisTech et à l’Inra, co-encadrant de
l’étude présente. Lors de cette journée, trois ébauches de scénarios
ont été proposées aux invités, afin de cadrer la discussion, intégrant au
maximum deux facteurs tendanciels, en les caricaturant suffisamment
pour qu’ils passent du statut de tendanciel à celui de rupture.
L’équipe de la journée séminaire a été répartie en trois groupes
équilibrés en fonction des compétences présentes, afin que chacun
travaille sur un scénario pendant la matinée. Après la présentation des
ébauches des scénarios, un guide de balayage des scénarios a été
distribué pour ne pas considérer uniquement l’échelle du SCoT LHPCE,
mais intégrer la réflexion avec une vision plus large et globale (voir
figure 8).
Figure 8 : Guide de balayage des scénarios
2929
scénarios élaborés par chaque groupe ont été présentés, commentés
et discutés. Pour conclure sur l’atmosphère de la journée, il semble que
ce modèle d’échange est à retenir, d’autant plus que les techniciens
n’ont pas toujours l’occasion de pouvoir communiquer librement
entre eux, sans avoir à rester dans le cadre de l’entité pour laquelle ils
travaillent.
On peut considérer aujourd’hui que les résultats proposés ont sans
doute permis de comprendre et d’analyser la moitié des résultats de
l’étude globale, au vu de la qualité et de la complémentarité des
arguments avancés.
La co-construction lors de cette journée séminaire s’est avérée très
efficace et a suscité une remarquable ébullition d’idées. Le fait de
croiser les compétences de techniciens de spécialités différentes s’est
avéré très riche pour l’étude. Un soin particulier a été apporté pour
permettre des échanges constructifs dans une ambiance détendue
mais studieuse. Une des règles majeures lors de cette journée était de
ne surtout pas se cantonner à sa compétence, mais plutôt proposer
une discussion large, libre de tout cadre institutionnel. Le terme de
« brainstorming » (signifiant la recherche d’idées originales en se basant
sur une communication libre au sein d’un groupe) est ici adéquat
pour qualifier l’ambiance de travail. Les échanges se sont poursuivis
dans la deuxième phase de la journée séminaire, pendant laquelle les
Discussion des scénarios lors de la journée séminaire, à l’Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine 
Un territoire réintérrogé à long terme ...
3030
3131
3 - LES TROIS SCÉNARIOS RETENUS
Trois scénarios visant à faire réagir
La journée séminaire a permis de dégager trois scénarios d’évolution
distincts. Il est important de noter que dans un souci d’efficacité des
entretiens, le travail produit a fait l’objet de synthèse.
La présentation des scénarios qui suit ne sous-entend pas un ordre
d’importance entre les trois possibilités d’évolution, dans la mesure où
chaque proposition inclut seulement un à deux éléments de rupture
pour organiser la discussion ultérieure avec le monde agricole. Les
supports utilisés lors des entretiens illustrant les scénarios sont présentés
en Annexe 1. Des résumés respectifs sont présentés ici, visant à formuler
les événements marquants pour assurer une bonne compréhension
des différentes situations déterminées lors du séminaire. Chaque
scénario comporte une entrée spécifique : crise politique et fin de la
PAC, changement climatique et hausse du potentiel de rendements
agricoles, élévation du niveau de la mer et transposition de la ville du
Havre et de la zone industrielle sur le plateau de Caux.
3232
« LA CRISE EUROPÉENNE ET DE LA FIN DE LA POLITIQUE AGRICOLE
COMMUNE (PAC) »
•	 Entre aujourd’hui et 2030 :
L’Union Européenne continue de se fragiliser jusqu’à se disloquer et
les États ferment leurs frontières. Le budget européen s’effondre. Ce
scénario qui pourrait tendre vers une guerre dans le pire des cas a
deux conséquences principales pour notre étude. Le pouvoir national
est affaibli et les collectivités territoriales tentent d’assurer un minimum
de qualité de vie aux habitants, suivant le modèle de la ville-territoire.
La fermeture des frontières rend les exportations difficiles. Si le budget
européen périclite, cela s’accompagne de la fin de la PAC. Ces deux
éléments vont avoir pour conséquence une fragilisation et disparition
d’un grand nombre d’exploitations agricoles.
Ainsi, au niveau de la Pointe de Caux, Le Havre essaie de gérer tant
que possible sa zone périurbaine en décrétant des « zones à enjeux »
visant la protection de certaines ressources vitales pour la population
comme l’eau ou le bois. La fermeture des frontières génère des tensions
et la faim apparaît, (d’autant plus que nous vivons aujourd’hui sous
la dépendance d’importations alimentaires). Ceux qui peuvent avoir
accès à des lopins de terre commencent à produire des légumes,
sous la forme de jardins potagers. Ce n’est pas pour le plaisir, mais
bel et bien pour pouvoir se nourrir. Cette situation de crise force à la
« débrouille », et des techniques novatrices sont inventées pour pouvoir
produire de la nourriture pour sa famille, en essayant de parfaire les
circuits fermés, économes en intrants et en énergie, que l’on pourrait
qualifier d’agroécologiques.
Plus loin, au-delà des zones à enjeux, la collectivité ne peut pas gérer
la situation. On assiste à l’apparition de zones « déterritorialisées ».
Une des possibles évolutions pour ces zones est le regroupement des
exploitations agricoles les plus puissantes cherchant à rester dans le
modèle actuel d’agriculture conventionnelle et continuent d’exporter
leur production. Vu qu’aucune réglementation n’est en vigueur, un
certain retour en arrière s’effectue quant aux progrès environnementaux
qui avaient été réalisés jusqu’alors, dans la recherche du profit
immédiat.
Entre 2030 et 2050 :
Un nouvel élément de rupture vient s’ajouter à la situation : la crise
pétrolière. Après avoir été maintenu à un prix acceptable dans la
mesure du possible jusqu’en 2030, la raréfaction puis la disparition
du pétrole devient une réalité. C’est la fin du système mondialisé. En
revanche, le système de « ville territoire », déjà forcé de fonctionner
à une échelle locale, s’est armé pour faire face à ce nouveau choc.
L’agriculture qui s’était maintenue dans les zones déterritorialisées,
dépendante des énergies fossiles et fortement affaiblie, disparaît.
En parallèle, les techniques agroécologiques développées dans les
espaces interstitiels et dans les zones à enjeux se répandent peu à
peu. Une nouvelle agriculture conquiert le territoire, localisée, avec
la possibilité d’alimenter l’hinterland via l’Axe Seine et grâce à une
complémentarité avec le Pays d’Auge.
•	 Prise de recul :
Ce scénario, catastrophique dans un premier temps, montre qu’une
fois le choc passé, des possibilités d’adaptation sont possibles et
envisageables à l’échelle d’un territoire local. Il pose cependant des
questions importantes pour le monde agricole : est-il possible de rester
agriculteur si le schéma actuel devait changer ? Doit-on continuer à
avoir un seul modèle d’agriculture, visant le rendement à tout prix ?
Plus largement, si l’on rapproche cette réflexion de la situation actuelle,
on peut se questionner à propos de la vision du métier d’agriculteur au
sein du monde agricole.
Un territoire réintérrogé à long terme ...
SCÉNARIO1
3333
•	 « Résilience » :
Ce système subit de plein fouet la crise politique et économique
européenne, ainsi que la crise énergétique. Le seuil a été franchi. On
remarque une bascule vers un nouvel état basé sur une économie
différente, d’échelle territoriale et locale. Cette idée de production
agroécologique s’applique à un schéma n’intégrant pas seulement
les techniques appliquées sur les parcelles agricoles, mais aussi à une
réflexion à propos du système alimentaire. La gestion de crise est aussi
préoccupante : quid des comportements relatifs à la tension générée
par la faim sur le territoire ?
Cet aspect est dépendant de la gestion politique locale, qui se doit
d’être autoritaire pour asseoir le partage des ressources. Le modèle de
ville territoire peut dans ce cas avoir un rôle important.
Figure 9 : Scénario de la crise européenne et de la fin de la Politique Agricole Commune (PAC) Cf. annexe page 88
3434
« L’AGRICULTURE, ACTIVITÉ PHARE DU TERRITOIRE »
Une des conséquences du changement climatique est l’augmentation
des températures. Au niveau de l’Estuaire de la Seine, il est fort
probable que la température moyenne augmente de 2°C d’ici 2050.
L’agriculture mondiale subit des perturbations. En France, la moitié sud
a des difficultés à produire. Dans le Nord-Ouest de la France, la situation
est différente. Bien que les prévisions ne prennent pas forcément en
compte l’ensemble des facteurs agronomiques (l’activité microbienne
du sol par exemple), on peut prévoir une hausse des rendements et
l’intégration de nouvelles cultures dans les rotations.
En poussant ces éléments à l’extrême, il est alors possible d’avancer
le fait que les terres normandes deviennent convoitées pour leur
potentiel productif alors que certaines régions du pays ou d’autres
États perdent leurs capacités de production agricole. L’agriculture
est alors considérée comme un potentiel certain pour le territoire de
l’Estuaire de la Seine. Elle occupe la place d’activité phare du territoire.
En d’autres termes, tout est bon pour produire, la moindre parcelle
de terre est utilisée. En ville, c’est le développement de l’agriculture
urbaine à destination directe de la population. Le potentiel marin
devient pleinement exploité : aquaculture, cultures d’algues pour
en tirer de l’énergie, pour amender les sols, pour la consommation ;
éoliennes offshore, hydroliennes. L’agriculture terrestre évolue  : elle
devient écologiquement intensive. Les normes sanitaires et environ-
nementales sont de plus en plus contraignantes et cela va inciter la
recherche agronomique à développer des procédés innovants,
inspirés par exemple de l’agroforesterie pour faire de l’agriculture une
activité de production respectueuse de l’environnement. Cet appui de
la R&D (recherche et développement) est d’autant plus important que
l’agriculture génère d’importants bénéfices avec ses rendements
accrus. La zone industrielle actuelle, en déclin, peut saisir une
remarquable opportunité pour se diriger vers des activités nouvelles
qui s’intègrent au cœur de la chimie verte. L’agriculture en place
n’est pas uniquement dirigée vers la production alimentaire, mais se
diversifie vers des cultures énergétiques. Cela génère une demande de
traitement des produits, qui peut apporter une haute valeur ajoutée
pour le territoire. Le scénario du territoire agricole se réalise alors
complètement.
Le secteur agricole génère donc des profits considérables. En effet,
le capital extérieur entre en jeu, ou que des firmes agroalimentaires
actuellement détachées de la production saisissent l’opportunité de
déposer leur marque sur la phase de production. Il est intéressant de
préciser que ce dernier élément est déjà en vigueur dans certains
secteurs de l’élevage comme l’activité avicole. Ce capital peut
également provenir de la nouvelle zone industrielle de chimie verte.
Figure 10 : Scénario de l’agriculture, activité phare du territoire
Un territoire réintérrogé à long terme ...
SCÉNARIO2
35
À l’échelle du territoire de l’Estuaire de la Seine, du Pays de Caux ou
encore du SCoT LHPCE, on pourrait aboutir à une agriculture à deux
vitesses. Une agriculture locale et diversifiée dans la ville et dans la
première ceinture périurbaine se rétracte au profit d’une agriculture de
firme écologiquement intensive, intégrée dans la chaîne agroalimen-
taire ou dans celle de la zone industrielle de chimie verte.
•	 Prise de recul :
La question de gouvernance territoriale se pose dans ce scénario. Quel
peut-être l’impact d’une politique locale d’aménagement du territoire
sur des zones agricoles certes écologiques, mais dont les représentants
ne sont pas sur le territoire ?
Au niveau du monde agricole, la question est tout aussi préoccu-
pante : un chef d’exploitation acceptera-t-il de devenir salarié d’une
multinationale, dont le capital est par exemple étranger ? Certains
pays investissent actuellement à l’étranger pour assurer leur avenir
alimentaire. Pourquoi ne se dirigeraient-ils pas vers nos terres alors si
convoitées ?
•	 « Résilience » :
Ce scénario représente une opportunité environnementale certaine
pour le territoire. Néanmoins, si une agriculture de firme se met en
place, la politique locale, nationale, ou même européenne pourrait
voir son emprise réduite sur ce modèle de production. Une incertitude
apparaît alors sur le volet socio-économique, rendant le système peu
résilient. En effet, si la concertation et la communication entre acteurs
est difficile, les capacités d’adaptation sont limitées.
Cf. annexe page 90
3636
dans un futur proche, en prenant la vision actuelle de l’agriculteur par
les aménageurs du territoire, il est alors probable qu’il se réaliserait de
cette manière. Pourquoi garde-t-on une image de réserve foncière
quand on fait allusion à l’agriculture ? Certainement car le lien entre
l’agriculture et le territoire de l’Estuaire de la Seine est quasiment
inexistant. La plupart des élus, comme les citoyens, ne connaissent
pas l’agriculture du Pays de Caux. Que cultive-t-on ? Qui y travaille ?
Quelle est la valeur économique de l’agriculture en place ? Qui sont les
agriculteurs ? Le fait que 90% des produits agricoles produits sur
ce territoire soient exportés n’aide pas forcément. Il est d’ailleurs
nécessaire de rappeler que la zone havraise est plutôt orientée vers
une activité industrialo-portuaire, plutôt que vers son arrière-pays.
Autrement dit, comment régénérer du lien pour que les citoyens et les
élus soient les premiers à défendre « leur » agriculture ?
« LA FUITE VERS LE PLATEAU »
Pour ce scénario, une autre conséquence du changement climatique
est utilisée : l’élévation du niveau de la mer. D’ici 2050, si l’on
combine cet effet à des tempêtes hivernales plus fréquentes (selon
MétéoFrance) et à des marées de coefficients importants, la plaine
alluviale de l’Estuaire de la Seine est submergée à plusieurs reprises,
rendant l’activité industrielle installée compromise, questionnant
également la sécurité pour la population du centre-ville du Havre. Ces
conditions menacent de pousser la zone industrielle et la ville basse à
se délocaliser. Où ? Il est important de rappeler que l’Estuaire de la
Seine constitue un espace stratégique pour le territoire, car le port est
un atout réel. Il est alors envisageable que le port actuel soit aménagé
de manière à ce qu’il soit offshore. La reconstruction sur le plateau va
nécessiter des imports conséquents et le port joue un rôle clé dans ce
processus.
Ainsi, pour rester au niveau de l’Estuaire de la Seine, la zone industrielle
et la ville basse du Havre se transposent sur la pointe du plateau de
Caux. Cet événement ne peut se faire que si le pilotage des opérations
est conditionné à une autorité forte, d’ordres préfectoral, national
et européen. Cette transposition entraîne une préemption agricole
massive pour dégager de l’espace pour les « naufragés », ce qui
pourrait déclencher des tensions sociales marquées. L’autorité qui
accompagne le déménagement est indispensable.
•	 Prise de recul :
Ce scénario, comme le premier présenté ci-dessus, semble catastro-
phique. S’il est pris au premier degré, il n’est pas très engageant pour
commencer une discussion avec le monde agricole. La puissance
financière paraît trop prégnante pour pouvoir espérer lutter contre la
consommation foncière des terres agricoles. Néanmoins, la question
soulevée par ce scénario est essentielle. Si ce scénario devait avoir lieu
Un territoire réintérrogé à long terme ...
SCÉNARIO3
3737
Figure 11 : Scénario de la fuite vers le plateau
•	 « Résilience » :
Comme pour le scénario de la fin de la PAC, la crise n’est pas évitée.
L’impact de l’élévation du niveau de la mer est conséquent. En
fonction de la gestion de cet événement, la « résilience » peut être
très différente. Avec les détails présentés ici, la transposition de la ville
et de la zone industrielle sur le plateau se fera en remplaçant l’agri-
culture en place, menaçant les possibilités de développer des projets
d’autonomie alimentaire. Des issues sont néanmoins possibles. Il est
important de noter que lors du séminaire, les personnes ayant travaillé
sur ce scénario ont été force de propositions. Ces dernières ont été
gardées en ressource pour de futurs travaux concernant le SCoT, afin
d’optimiser la discussion avec les différents acteurs rencontrés pendant
la phase suivante.
Cf. annexe page 86
3838
Les trois scénarios élaborés sont représentés schématiquement
dans la figure 12. L’élément déclencheur est dans le cadre violet, la
conséquence directe dans le cadre turquoise et la question émergente
dans le cadre vert.
S’interroger à long terme permet de questionner judicieusement
le présent. Cela permet d’interroger l’agriculture différemment,
sans uniquement recourir à une approche environnementale de la
problématique.
Un territoire réintérrogé à long terme ...
Figure 12 : Bilan des scénarios à long terme et questions actuelles
On peut constater que cela dure depuis quelques années, sans qu’il
y ait un réel succès dans la démarche. Les scénarios ici présents
amènent plutôt à se poser des questions identifiant des points de
convergence sur lesquelles collectivités et agriculteurs pourraient
travailler ensemble.
BILAN
3939
Les scénarios, base de discussion avec les acteurs rencontrés
La deuxième phase de l’étude a consisté en la rencontre individuelle
de 32 acteurs du territoire du SCoT LHPCE ou extérieurs à celui-ci, ayant
une activité directement liée à l’agriculture, ou ayant une vision à
considérer sur la filière agricole dans son ensemble (voir la répartition
géographique des entretiens en figure 13). 15 agriculteurs (dont deux
maraîchers) ont été rencontrés, dont certains sont élus à la Chambre
d’Agriculture. D’autres acteurs, plus ou moins éloignés du monde
agricole ont été également rencontrés, pour leur vision du territoire. Ils
proviennent des structures suivantes :
•	 Communauté de l’Agglomération Havraise (CODAH),
•	 Ville de Montivilliers,
•	 Communauté d’Agglomération Seine-Eure (CASE),
•	 Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la
Seine (AURH),
•	 Conseil général de la Seine Maritime,
•	 Chambre d’agriculture de la Seine Maritime,
•	 SAFER de Haute Normandie,
•	 Associations (Défis Ruraux, Terres de Lien, GRAB),
•	 Centre de Formation Professionnelle Pour Adultes (CFFPPA),
•	 Entreprises spécialisées (Kusmitea),
•	 Coopérative (Senalia, Agylin),
•	 Grand Port Maritime de Rouen (GPMR),
•	 Fondation Sefacil.
Il est à noter que ces acteurs ont été identifiés via des réseaux
différents, afin d’obtenir des discours distincts et ouvrir les débats vers
des horizons variés. Un grand merci est adressé à tous pour leur disponi-
bilité. La méthodologie appliquée pour les entretiens est détaillée dans
l’encadré n°3.
4040
Un territoire réintérrogé à long terme ...
Figure 13 : Carte de localisation des entretiens réalisés lors de l’étude (source Google Maps)
4141
Encadré n°3
Méthodologie appliquée pour les entretiens
Organisation
Il n’y a pas eu d’ordre défini entre les entretiens avec les agriculteurs et
les autres acteurs. Le printemps étant une période très chargée pour les
agriculteurs, les rendez-vous ont été fixés en fonction de leur disponibilité.
Le fait d’avoir pu rencontrer quasiment la plupart de ceux identifiés pour
l’étude est une réussite en soi. Il n’y a donc pas eu d’organisation logique
quant à l’agenda, mais plutôt une gestion pragmatique de celui-ci, en fonction
des contraintes de chacun.
Entre l’entretien semi-directif et la conversation
Initialement, le type d’entretien semi-directif avait été choisi. Cependant,
dans un souci de maintenir le climat de bienveillance tout au long de chaque
entrevue et afin de générer de la discussion avec des acteurs tous très
différents les uns des autres, c’est plutôt sous la forme de conversation que
se sont déroulés les échanges. Une des règles de base annoncées à l’entame
de la rencontre a été justement de ne pas trop fixer de cadre, afin que chacun
se libère de sa structure professionnelle. Le but est de trouver des solutions
pour le territoire et la notion de « brainstorming » peut aussi s’appliquer dans
ce contexte.
Plasticité et modèle d’enquête judiciaire
De fil en aiguille, chaque entretien a construit les entrevues suivantes. Des
idées proposées ont été « testées » avec les personnes rencontrées par la
suite. Dans ce sens, le titre d’enquête sociologique ne correspond pas d’un
point de vue scientifique, car le matériel expérimental, le guide d’entretien,
n’a pas été le même pour chaque acteur rencontré. L’étude se situe dans
un contexte de recherche appliquée. Une liberté a été prise par rapport à la
rigueur méthodologique nécessaire en recherche. Une adaptation constante
a été appliquée entre chaque conversation, permettant de faire avancer la
discussion. Il ne s’est pas agi de placer la comparaison des discours des
différents acteurs en objet central de l’étude, mais plutôt d’avancer pas à
pas, à l’image d’une enquête judicaire. Par exemple, l’idée de dégager une
grande question par scénario a été proposée par un technicien du territoire
et cela a permis une discussion plus efficace et riche pendant les échanges
suivants.
D’une certaine manière, la mission de l’enquête, source de proposition pour
un projet agricole résilient dont il est question pour le territoire du SCoT
LHPCE s’apparente à la transcription des idées des acteurs du territoire.
C’est la première étape de la valorisation de ces derniers au sein du territoire
et cela représente une porte d’entrée pour les ateliers de concertation pour le
SCoT LHPCE qui seront mis en place à l’avenir.
4242
4343
II - Des échanges riches faisant émerger les
bases d’un projet agricole « résilient »
4444
4545
meilleure prise en compte de l’agriculture dans les projets de territoire.
La construction d’une vision stratégique autour de trois axes de travail
pour engager le territoire sur une démarche s’articulant autour de la
« résilience » et de l’agriculture sera partagée dans la partie suivante. 	
Le plan de présentation est résumé en figure 14.
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
Cette partie expose les résultats de la phase terrain de l’étude. Dans
un premier temps, des données « à l’état brut » sont proposées à partir
des entretiens avec les agriculteurs uniquement quant au climat des
échanges entre le monde agricole et les collectivités. Ensuite, une
analyse des entretiens avec l’ensemble des acteurs de l’étude sera
exposée, illustrant les pistes d’innovation et opportunités pour une
Figure 14 : Principaux résultats de l’étude de la partie 1
4646
1 - Un accueil chaleureux malgré une tension
palpable avec les pouvoirs publics
Un environnement propice à la discussion
L’accueil offert par ces derniers a été très chaleureux. Cette ambiance
a permis une communication aisée ainsi qu’une discussion riche,
générée à partir des scénarios d’évolution. Le préjugé selon lequel les
agriculteurs raisonnent essentiellement à court terme s’est rapidement
avéré inexact. Les remarques émises et les réactions ont été proactives.
Elles ont fait avancer la discussion à propos des scénarios à long terme.
Ces acteurs connaissent le territoire sur lequel ils évoluent, notamment
sur le plan des spécificités pédoclimatiques et leurs évolutions. Les
scénarios, pourtant alarmistes pour l’activité agricole, ont été bien
compris et reçus. Il ne s’est pas agi de simplement refuser les éléments
avancés dans chaque scénario, mais bien de les discuter, aller plus loin.
Il existe un fort esprit d’innovation, propre à l’existence même de
l’exploitation agricole. L’évolution du contexte réglementaire nécessite
une adaptation constante que chaque chef d’exploitation doit
intégrer en accommodant ses pratiques. La prise en compte de cet
état d’esprit, s’il est sollicité et valorisé, pourrait apporter une valeur
ajoutée non négligeable aux projets de territoire. Prendre en compte
l’agriculture dans ces projets, c’est prendre en compte les hommes qui
la font vivre, et non pas que les techniques agronomiques à l’échelle
du champ.
Une volonté de communiquer davantage avec les collectivités a été
formulée à plusieurs reprises par les agriculteurs, d’une part pour mieux
comprendre ce que peuvent entreprendre les élus et d’autre part pour
pouvoir valoriser leur expérience de terrain et leur savoir.
Une confirmation de la tension présente sur le territoire
Les hypothèses concernant le contexte de tension entre le monde
agricole et les collectivités ont en général été le premier élément
abordé lors de la conversation après la présentation de l’objet de
l’étude. Ces tensions existent pour plusieurs raisons.
•	 La consommation foncière
Comme le montrent les figures 2 et 3, présentées plus haut, un grand
nombre d’agriculteurs sont concernés par l’artificialisation des sols.
C’est cependant surtout la nature des ouvrages qui pose problème.
L’extension de la ville n’est pas forcément en cause, car les acteurs ne
sont pas conscients de la diminution de la population à l’échelle de la
CODAH. En revanche, les zones d’activité, les infrastructures routières et
les ouvrages hydrauliques (bassins d’orage) ne font pas l’unanimité. Les
zones d’activités sont souvent considérées comme très gourmandes en
espace, notamment la construction de parkings géants, d’autant plus
que l’effet de création d’emploi pour le territoire est considéré comme
éphémère. Leur présence n’est donc pas jugée comme essentielle.
Pour les ouvrages hydrauliques et les infrastructures de gestion du
ruissellement, leur nécessité n’est pas remise en cause. C’est plutôt
la nature des ouvrages qui est discutée. Les infrastructures routières
consomment beaucoup d’espace (comme par exemple, les bretelles
d’insertion ou les ronds-points), et l’absence de prise en compte du
discours agricole aboutit à l’impossibilité d’exploiter l’espace en herbe
restant. Les ouvrages hydrauliques sont déconsidérés. Il en résulte un
discrédit d’une partie des techniciens et des ouvrages réalisés.
4747
•	 Le comportement des néoruraux
La périurbanisation, pendant les cinquante dernières années, s’est faite
par le déplacement d’un certain nombre de citadins vers les zones
rurales. Même s’il existe un certain idéal français quant à l’envie d’avoir
une maison avec un jardin au calme à la campagne, la plupart des
citadins qui deviennent propriétaires à la campagne font ce choix
en fonction de leur budget, les prix étant plus attractifs en milieu rural.
Cette population « néorurale » se retrouve au contact de l’agriculture,
sans pour autant en comprendre les modalités de fonctionnement
associées. Les différentes conversations avec les agriculteurs font
ressortir le fait que ces néoruraux viennent vivre à la campagne, sans
accepter les contraintes qu’elle peut comporter. Effectivement, il n’est
pas rare que la gendarmerie se déplace pour pointer des problèmes
de routes boueuses après le passage des engins agricoles par temps
pluvieux, ou de bruit la nuit pendant la récolte de blé au mois de
juillet. Les agriculteurs ressentent un certain mépris quand ils doivent
se déplacer sur les routes avec leurs engins agricoles, gênant ainsi la
circulation, alors que les infrastructures routières ne leur permettent
pas de faire autrement. Ce sentiment est également éprouvé lors des
traitements chimiques, ou encore des travaux de fertilisation (souvent
avec les mêmes équipements que pour les traitements). On peut aussi
ajouter à cette liste la grogne des riverains lors de l’épandage de
fumier sur les champs, ce qui génère une forte odeur.
Ainsi, les néoruraux vivent à la campagne, mais en gardant une culture
et mode de vie citadin. L’éclairage public, par exemple, est souvent
contesté et considéré comme une dépense importante mais inutile
aux yeux du monde agricole.
•	 Image de pollueur
Depuis quelques années déjà, un certain nombre de scandales
concernant l’agriculture ont éclaté. Il semble aujourd’hui que la plupart
des messages diffusés par les médias à propos de l’agriculture soient
orientés autour de l’impact des produits phytosanitaires (pesticides) et
des nitrates sur la santé et sur l’environnement. Le terme « agriculteur
pollueur », relayé par un grand nombre de médias, d’associations pour
l’environnement, a eu un certain impact auprès de la population. Les
agriculteurs pointent le fait que la communication sur l’agriculture est
uniquement négative et qu’on ne démontre pas leur utilité à l’échelle
d’un territoire, d’un pays, ou même de la planète. De nombreuses
fois pendant les entretiens, il a été répété que le monde agricole se
cache, car les agriculteurs se sentent en quelque sorte rejetés pour
les raisons exposées dans les deux points précédents. Cependant, ils
reconnaissent aussi que ce « repli » ne les invite pas à communiquer
davantage sur leur métier, ne permettant pas aux néoruraux de mieux
connaître leur activité. De même, on peut constater aujourd’hui que les
agriculteurs sont beaucoup moins représentés dans les conseils
municipaux qu’auparavant. La discussion n’est de ce fait pas facilitée
pour exposer les contraintes du monde agricole.
•	 Des discours discordants au sein de la profession
Le défaut de communication identifié ci-dessus s’accompagne aussi
de la reconnaissance par les agriculteurs qu’il n’existe pas d’unité dans
le discours agricole. Le sujet de la consommation foncière semble
sensible, par manque d’unicité. Les agriculteurs considèrent cette
situation comme une porte ouverte pour les promoteurs immobiliers et
de travaux publics.
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
4848
•	 Des contraintes qui se superposent sans harmonisation
L’évolution constante des réglementations inquiète le monde agricole.
Selon les agriculteurs, les contraintes sont de plus en plus nombreuses.
Assez souvent, il y a plusieurs organismes référents en fonction des
contraintes. Ces derniers ne communiquent pas toujours entre eux et
il en résulte certaines contradictions réglementaires (voir encadré n°4).
•	 Agacement par le manque d’investissement des élus
Si les agriculteurs reconnaissent qu’ils ne s’engagent pas dans des
opérations de communication sur leur profession, la plupart font aussi
part du manque de reconnaissance des élus du territoire envers l’agricul-
ture. L’absence régulière des élus aux quelques réunions de discussion
entre agriculteurs et collectivités agace. Cela traduit un intérêt peu
prononcé pour l’agriculture. Effectivement, les élus urbains s’ouvrent
à des territoires ruraux depuis la création des intercommunalités,
mais ils restent peu enclins à discuter avec le monde agricole, soit par
crainte, soit par un manque de connaissance de ce que peut apporter
l’agriculture au territoire.
Ces points divers montrent l’importance de mener une étude
qualitative. On peut identifier un certain manque en matière d’études
sociologiques concernant le secteur agricole sur le territoire. Les
collectivités semblent désarmées pour mettre en place des mesures
de protection des ressources naturelles et enclencher la concertation
avec le monde agricole, car une césure s’est effectuée entre le
monde urbain (aussi composé des néoruraux) et le monde agricole,
comme on peut le voir sur la figure 15.
Figure 15 : Un climat d’échanges difficile entre agriculteurs et collectivités
4949
Encadré n°4
Exemples de contradictions réglementaires autour de
l’agriculture
Préservation des prairies permanentes et talus non tondus
Un grand nombre de communes ont adopté des mesures visant à réduire
la tonte des talus pour promouvoir la biodiversité. Cependant, le fait de ne
plus tondre les talus a un inconvénient principal sur le territoire : la pousse
des chardons. Ces derniers se répandent rapidement, y compris dans les
prairies permanentes, où les bovins pâturent. Les vaches sont gênées par ces
végétaux et de ce fait, des parcelles en herbe peuvent devenir inexploitables
pour les éleveurs.
Or, le maintien des prairies est primordial pour le contrôle du ruissellement,
de l’érosion et aussi pour promouvoir la biodiversité. Les agriculteurs
éleveurs sont encouragés par les collectivités à maintenir des surfaces en
herbe pour leurs troupeaux, mais cela n’est pas toujours possible si les talus
voisins ne sont pas tondus.
Mare et terre polluée
Les sols du Pays de Caux sont sujets à l’érosion, car leur caractère limoneux
leur confère une structure très fine. Ceci génère un risque prononcé de
formation de croûte de battance pendant les fortes pluies. Cette croûte
est semblable à un ciment imperméable et conduit au ruissellement. La
disparition des mares et le remembrement des parcelles ont intensifié le
problème puisque l’eau circule librement et termine en général sa course
dans les fonds de vallée. Des ouvrages hydrauliques ont été construits pour
retenir l’eau, mais des dispositifs de concertation ont parfois également
permis d’aboutir à la création d’une mare, que l’agriculteur accepte de faire
sur une de ses parcelles. Avec cela, il perd donc en surface de production.
L’eau de ruissellement transporte de la terre, qui se retrouve au fond de
la mare. Il serait donc logique que l’agriculteur puisse la récupérer pour
l’épandre sur la parcelle à nouveau, mais cela est impossible, car cette terre
est considérée comme polluée (par les produits phytosanitaires). Au final,
l’agriculteur perd de l’espace et de la terre.
Chardon-marie, poussant sur les talus - http://fr.wikipedia.org/wiki/Chardon-Marie
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
5050
2 - Pistes d’innovation et opportunités –
l’agriculteur, véritable acteur du
territoire ?
Après avoir posé les bases du climat général quant à la situation entre
le monde agricole et les collectivités, les résultats de la discussion sur les
scénarios avec l’ensemble des acteurs sont proposés. Il est important
de noter qu’on ne parle plus uniquement du discours des agriculteurs,
mais aussi de la vision de territoire des autres acteurs rencontrés, qu’ils
appartiennent ou non au monde agricole. Les résultats sont exposés
en fonction de chaque question posée par les scénarios, ainsi que
d’autres points qui ont émergé lors des différentes discussions.
Pistes d’innovation
•	 L’agriculture de firme est-elle la solution ?
Le scénario de « l’agriculture, activité phare du territoire » a démontré
cette tendance vers une agriculture d’échelle industrielle même
si celle-ci pourrait répondre à des normes environnementales plus
exigeantes. À l’échelle du SCoT LHPCE, il faut souligner que le cadre
périurbain a certainement permis de maintenir des exploitations d’une
taille relativement raisonnable de l’ordre de cent hectares ou moins,
alors que plus loin sur le plateau, les exploitations grandissent plus vite
et il n’est pas rare à présent de rencontrer des exploitations de trois
cents ou quatre cents hectares. Pour autant, aujourd’hui, des parcelles
du territoire du SCoT LHPCE sont déjà rachetées par de grosses
exploitations plus éloignées sur le plateau de Caux. Ce phénomène
a une incidence sur le territoire, le paysage et aussi un impact
psychologique auprès des agriculteurs voisins de ces parcelles
rachetées. Effectivement, ces parcelles restent gérées par des
exploitants agricoles, mais qui ne se trouvent pas sur le territoire. Les
nouveaux propriétaires ou locataires ont moins d’états d’âme à
recourir au remembrement massif. Cela pose un réel problème pour la
collectivité, car les sièges d’exploitation en question peuvent se trouver
très loin des intercommunalités. La logique d’entreprise peut orienter
les choix en favorisant des aspects financiers aux dépens d’objectifs
environnementaux, sociaux et humains. L’échelle décisionnelle risque
d’être déplacée, dépassant le rôle des agriculteurs chefs d’exploita-
tion, peu à peu remplacés par des groupes agricoles ou d’autres entités
externes à l’agriculture. Il devient dans ce cas difficile de négocier ou
discuter de mesures agro-environnementales.
Cet élément de perte de contrôle ou de capacités d’échanges
sur le territoire est à même d’interpeler les agriculteurs ainsi que les
collectivités. Voici sans un doute un premier élément de convergence
5151
susceptible de favoriser des liens nouveaux. Du côté des agriculteurs,
c’est la perte de la place de chef d’exploitation, de la « liberté »
décisionnelle qui entre en jeu :
« Les agriculteurs sont nés dans l’agriculture et meurent dans l’agri-
culture. Ils sont des terriens et sont ancrés dans la terre. Ils ne sont pas
habitués à travailler pour d’autres et aiment faire ce qu’ils veulent,
avec les seules contraintes que le métier engendre. C’est mieux d’avoir
une exploitation plus petite que de travailler pour les Chinois. Par
contre, si c’est le seul moyen de rester dans l’agriculture, la question
n’est pas anodine et il vaut mieux rester dans la terre. Il y a déjà des
exploitations qui sont énormes en Seine Maritime. L’agriculteur ne fait
que commander et gère ses 500 ha avec une dizaine de salariés,
qu’il n’a pas de mal à trouver, car ceux-ci n’ont pas les moyens de
s’installer » (propos d’un agriculteur).
Cette notion de liberté décisionnelle est discutable, car ce terme
clamé à nombreuses reprises par les agriculteurs semble tout de même
limité. Effectivement, le corporatisme et le système de succession
familiale, très puissants en agriculture, rendent difficile l’innovation et
l’expérimentation. Les agriculteurs répondent avant tout à des
demandes de production provenant des coopératives, à un marché
(par exemple celui de la bourse de Chicago pour les céréales) et
orientent leurs productions en fonction de la PAC. Cet ensemble leur
laisse finalement peu de libertés quant à la gestion des assolements.
On peut relever dans la citation, ci-avant, que le rachat des terres
est conditionnel au départ à la retraite qui ne génère pas forcément
une nouvelle installation, mais l’agrandissement d’une autre exploi-
tation, voisine ou non. L’accès au foncier est donc plus que jamais
problématique. À ceci s’ajoute le risque de perdre le modèle d’exploi-
tation familiale.
Trois pistes évoquées lors des échanges pourraient réduire les effets
présentés ci-dessus :
•	Des GAEC plus grands
Actuellement, les agriculteurs fonctionnent souvent en association
avec d’autres, de la même famille ou non, au sein de Groupements
Agricole d’Exploitations en Commun (GAEC), à deux, trois, ou quatre
membres. On pourrait imaginer, pour garder cette base organisation-
nelle, d’encourager la formation de GAEC plus grands, devenant ainsi
plus puissants, à une dizaine d’exploitants. Cette structure permettrait
d’insérer les plus jeunes dans le circuit, quand d’autres plus âgés
partent à la retraite. De l’extérieur, ceci pourrait paraître comme un
groupe de grande taille, mais à l’intérieur, c’est bien l’échelle humaine
qui domine. Cela nécessite évidemment une gestion nouvelle, car
plus on ajoute de membres dans un groupe, plus les modalités d’or-
ganisation doivent être définies. Cependant, le contexte culturel a été
évoqué à plusieurs reprises comme élément de blocage :
« Ici, on est Cauchois, on est assez individualiste. Même moi, j’ai fait une
expérience d’association, je n’étais pas fait pour ça. Peut-être que nos
enfants seront plus intelligents que nous » (propos d’un agriculteur).
•	Attractivité pour les jeunes
L’avenir de l’agriculture repose sur l’investissement de la profession dans
la réflexion autour des différences problématiques régissant l’agricul-
ture, mais aussi et surtout, sur l’investissement des jeunes dans le métier.
Ce qui a été dit sur les GAEC précédemment est un élément pour
attirer les plus jeunes, mais un travail de communication est nécessaire
pour donner une image attrayante du métier. Il est important de noter
ici que cette image ne doit pas uniquement être celle de la grande
culture, mais celle de la diversité. Avoir une agriculture résiliente au
sein d’un territoire suppose en effet une pluralité de modèles agricoles
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
5252
complémentaires. La diversité est l’élément clé pour gagner en
résistance face à des crises ou à des chocs. La spécialisation de l’agri-
culture à laquelle on peut assister aujourd’hui représente un problème
pour la «  résilience  », poussé par le profit immédiat. Le désintérêt
pour les activités telles que l’élevage, l’horticulture, le maraîchage
et d’autres est questionnant. De même, les métiers para-agricoles
souffrent, comme ceux que l’on peut trouver dans les entreprises de
location de matériel agricole par exemple. Au-delà d’une certaine
ségrégation entre les différents métiers du monde agricole, il est
important de souligner la nécessité de renforcer l’attractivité du secteur
de l’agriculture aux « hors cadre familiaux », c’est-à-dire ceux qui n’ont
pas de famille travaillant directement dans ce secteur. Il est courant
d’entendre qu’il existe un protectionnisme au sein du monde agricole
et que les extérieurs ne sont pas forcément les bienvenus, d’autant
plus que ces derniers sont souvent marginaux par rapport aux idées
principales diffusées dans le monde agricole. Or, à travers cette étude,
il a été répété de nombreuses fois par des agriculteurs qu’il faut ouvrir
la profession aux extérieurs, qui sont porteurs de projets innovants.
•	Organiser la session ou la vente des terres lors d’un départ à la
retraite
Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer)
sont les organismes permettant d’instaurer un contrôle lors de la vente
des terres. Elles sont fortes d’un droit de véto quand l’acte de vente
est jugé ne pas être en cohérence avec la politique locale et l’intérêt
général. Ces entités jouissent également d’un droit de préemption si les
accords ne sont pas faits à l’amiable. Ceci permet de libérer de la terre
aux porteurs de projets viables, qu’ils soient agricoles ou non. Cet outil
pourrait représenter une aubaine pour maintenir les terres agricoles
en place, ou pour permettre de vérifier que la vente s’effectue
au bénéfice des exploitants agricoles respectant l’agriculture
voisine en place. Certaines voix s’élèvent contre la pertinence du
contrôle des structures, car ce dernier ne tiendrait pas compte des
réalités économiques. Cependant, l’agriculture gérant un espace très
conséquent à l’échelle des territoires, la dérégulation n’ira pas obli-
gatoirement dans l’intérêt général. Il semble alors légitime d’exercer
une action de regard sur ce qui est fait. Il convient de se demander
si l’agriculture est une activité purement économique, ou une activité
privée qui entretient des biens publics ? De nombreux exemples
dans d’autres secteurs montrent aujourd’hui les conséquences de la
dérégulation. Comme il a été précisé plus haut, l’activité agricole,
sortie du contexte du système alimentaire globalisé, s’exerce encore
à échelle humaine. Ne serait-ce pas une fierté de pouvoir préserver et
améliorer ce système ?
Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui la SAFER a un droit de regard
sur environ 50% des échanges fonciers. L’autre moitié n’est pas
concernée par cet organisme, car les conditions d’actions sont très
précises et bien souvent, la SAFER ne peut agir.
Mettre en place un outil performant, en parallèle des autres points
d’innovation présentés dans l’étude, permettrait de garder les atouts
présents sur le territoire du SCoT LHPCE, tout en les intégrant à une
échelle plus grande comme celle de l’estuaire de la Seine.
5353
•	 Comment générer du lien entre le territoire et son agriculture ?
•	Promouvoir une agriculture diversifiée, sans favoritisme pour la
vente directe ou l’export
La question du lien entre l’agriculture et le territoire, soulevée par le
scénario de « la fuite vers le plateau », est essentielle. Comme il a été
précisé dans le descriptif du scénario concerné, si les aménageurs du
territoire se retrouvaient dans l’impossibilité d’exploiter la plaine alluviale,
ils se tourneraient probablement vers le plateau de Caux dans un souci
de proximité avec l’Estuaire de la Seine. Si ce constat paraît alarmant,
il exprime une réalité : les élus semblent ne pas avoir une connaissance
approfondie de l’agriculture présente sur leur territoire d’actions. Ils
représentent la population et cela signifie que la plupart des habitants
du territoire du SCoT LHPCE, l’Estuaire de la Seine, la France et plus
largement les sociétés occidentales, n’ont pas conscience de ce que
représente l’agriculture. Que produit-on ? Qui produit ? Qui est l’agri-
culteur aujourd’hui ? Consomme-t-on ce qui est produit ? Quelle force
économique représente l’agriculture ? (voir encadré n°5).
Cette méconnaissance provient certainement du fait que la consom-
mation s’est totalement détachée de l’acte de production et vice versa.
En d’autres termes, consommateurs et producteurs se côtoient très peu.
L’idée, pour tenter de rapprocher les deux entités, n’est pas uniquement
de développer ou favoriser une agriculture minoritaire. Travailler sur les
circuits courts, bien qu’essentiel, ne suffit pas. Il faut aussi s’attacher à
travailler à la mise en place d’une agriculture diversifiée. D’un côté, des
activités agricoles de proximité permettraient d’améliorer la sécurité
alimentaire locale. De l’autre, l’agriculture d’export représentera un
potentiel fort pour le territoire à condition qu’elle devienne durable et
qu’elle résiste au développement de l’agriculture de firme. « Durable »
comprend les aspects sociaux, économiques et environnementaux.
À cette méconnaissance de l’agriculture s’ajoute un déséquilibre au
niveau de la vision du territoire. L’intérêt des collectivités se concentre
sur la zone industrielle et sur le port du Havre, tradition (historique)
détournant l’attention d’autres réalités présentes et complémentaires.
Certes, c’est un secteur d’emploi conséquent, mais est-il durable ? Des
débats émergent autour de cet espace économique. A contrario, le
secteur agricole, bien que générant moins d’emplois qu’auparavant,
a toujours été nécessaire et le sera tout autant à l’avenir. Si un projet
résilient était mis en place, le scénario de la fuite vers le plateau se
déroulerait certainement d’une manière différente, les habitants et
élus seraient les premiers à défendre l’agriculture de leur territoire,
conscients de son importance. Les deux modèles économiques
présentés dans ce paragraphe paraissent aujourd’hui déconnectés. Il
semble pourtant possible d’accentuer leurs complémentarités poten-
tielles, élément qui sera détaillé dans les prochains points.
•	Créer une logistique pour soutenir et développer les filières
courtes
De nombreux agriculteurs ont aujourd’hui orienté une partie de leur
production vers des circuits courts, que ce soit en produits laitiers, ou
en viande par exemple. Lors des entretiens, ceux engagés dans ce
processus ont précisé à plusieurs reprises leur intérêt pour réorienter
une plus grande partie de leur production. Cependant, il n’existe pas
de soutien logistique fort pour appuyer cette prospective. Permettre
d’ancrer certaines productions dans le territoire pourrait dégager des
revenus nouveaux aux agriculteurs. Ces revenus seraient alors moins
dépendants des marchés mondiaux et offriraient une fonction tampon
quant à la volatilité des cours des matières premières agricoles. In fine,
cette résistance aux crises, profitable aux exploitants, permettrait de
faire gagner en autonomie alimentaire le territoire local.
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
5454
Encadré n° 5
Des réalités agricoles contrastées approchées à l’échelle de la
CODAH
Une qualité exceptionnelle des sols pour une activité économique
majeure
Le territoire bénéficie des terres parmi les plus fertiles d’Europe et
d’un climat permettant un large panel de productions. Plusieurs formes
d’agriculture cohabitent. Cependant le modèle traditionnel, jouant des
complémentarités cultures/élevage, est en déclin au profit de formes
très spécialisées d’exploitations (ex : céréaliculteurs, «patatiers»...). Le
maraîchage,luiaussienrégression,resteprésentessentiellementenpériphérie
urbaine. L’agriculture valorise 40 % du territoire de l’agglomération et y
représente une activité économique majeure. Si l’élevage connaît des
difficultés et se trouve en fort recul, les grandes cultures génèrent quant à elles
des marges considérables. L’agriculture du Pays de Caux est largement
mondialisée (lin pour la Chine, pommes de terre pour l’Espagne, blé pour
le Maghreb...). Les agriculteurs sont des chefs d’entreprise bénéficiant d’un
bon niveau d’études.
•	 En 2010, la valeur de production agricole régionale était de 1,2 milliards
d’euros.
•	 264 emplois agricoles directs (équivalent temps plein) en 2010 sur le
territoire de la CODAH.
•	 Le maraîchage est pourvoyeur d’emplois : il requiert plus d’1 actif par
hectare. Cependant il risque de disparaître du territoire d’ici 10 ans,
faute de reprise des exploitations.
•	 2 hectares de maraîchage permettent de fournir en fruits et légumes
150 habitants par semaine.
•	 Le déclin du maraîchage
Au-delà de la production de fourrage pour les animaux, la majeure partie des
productions liées aux grandes cultures est vouée à l’exportation. De leur côté,
les 21 exploitations maraîchères restantes gèrent un peu plus de 100 hectares
cultivés en légumes. 85 % de ces surfaces produisent pour la vente locale
(grossiste, vente à la ferme, marchés, cantines scolaires, …) et n’assurent
finalement que 11 % de l’autonomie alimentaire du territoire. Pour un
territoire adossé à des terres aussi fertiles c’est très peu. Il apparaît tout
à fait paradoxal d’importer de la nourriture en masse.
•	 Des techniques pointées du doigt
Si le nombre d’exploitations sur la CODAH a été divisé par 3 depuis le
recensement de 1979, leur surface moyenne a elle été multipliée par plus
de 2. Afin de gérer plus de surfaces avec un minimum de main d’œuvre et
de s’inscrire dans des modèles portés par la Politique Agricole Commune
(PAC), les exploitations s’intensifient parfois via des méthodes de culture
polluantes, encouragées également par la volonté des consommateurs de
réserver une part minime du budget à l’alimentation. Ce qui est flagrant
c’est que nous croisons de moins en moins d’agriculteurs et apercevons bien
moins d’animaux dans nos campagnes.
Les sols du territoire sont de très grande qualité et indispensables aux cultures.
Cependant, nous assistons désormais à des phénomènes d’érosion de plus
en plus préoccupants. Les ruissellements ont engendré des inondations
et des coulées de boue telles que la CODAH a dû démultiplier le nombre
d’ouvrages de gestion des eaux (136 en 2012, peut-être 200 à termes), alors
qu’il n’y en avait aucune nécessité avant les années 70. La gestion de ce
risque représente un des budgets principaux de la CODAH.
5555
Cette question de circuit court amène
une réflexion sur les questions d’échelles
à considérer. L’image de circuit court fait
couramment référence aux AMAP (Associations
pour le maintien d'une agriculture paysanne)
Figure 16 : Différents niveaux d’intégration pour les circuits courts, complémentaires de l’agriculture d’export
« Avoir des structures régionales (couveuse
régionale par exemple), avec une
mutualisation des filières courtes, soulève la
question fondamentale de la logistique. On
n'a encore rien fait dans ce domaine-là. Une
structure bien organisée pourrait multiplier par
10 le chiffre d’affaire dans cette situation et
attirer davantage d’agriculteurs ». (Propos d’un
agriculteur).
Les agriculteurs avancent souvent le fait que
le circuit court ne génère pas suffisamment
de revenus et que cette activité est trop
chronophage pour qu’elle les intéresse. Il est
crucial, face à cet argument, de travailler
à une meilleure communication. D’ailleurs,
l’idée n’est pas forcément d’utiliser le circuit
court existant, mais d’établir des débouchés
novateurs en mobilisant des acteurs de
différentes compétences. En ce qui concerne
le temps nécessaire à l’activité de circuit court,
l’idée de GAEC plus important exposée plus
haut permettrait d’organiser les tâches diffé-
remment ainsi que de tisser des plus liens plus
forts entre les agriculteurs, ainsi qu’entre eux
et le territoire. Cela représente une motivation
supplémentaire pour promouvoir le maintien
de l’exploitation familiale.
qui mettent en place des réseaux à l’échelle
d’une ville, mais on peut aussi imaginer d’autres
réseaux intercommunaux, départementaux,
régionaux, etc. (voir figure 16).
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
5656
•	Produire avec une plus grande valeur ajoutée
À l’heure actuelle, autour de 90% des productions du Pays de Caux
sont exportées à l’étranger. Les céréales sont expédiées au Maghreb
(surtout en Algérie), les pommes de terre vers l’Espagne, le lin vers la
Chine. Il s’avère que les produits sont souvent exportés à l’état brut. La
principale valeur ajoutée qu’ils produisent correspond à leur stockage,
dans des silos pour les céréales par exemple. Une à une, les étapes
de transformation ont été délocalisées par les pays importateurs et
cela représente une clé d’interrogation pour le territoire. Le lin, une
des cultures phares de la Normandie, est quasiment entièrement
transformé en Chine. La seule étape se faisant encore sur le territoire
est celle du teillage (phase d’extraction des fibres provenant des tiges
de la plante).
Est-ce pour cette raison en partie que notre agriculture génère peu
d’intérêt ? Certainement. Il paraît cependant utopique d’imaginer
relocaliser ou reprendre les parts de marchés perdues. Ne pourrait-on
pas en revanche explorer de nouveaux débouchés pour valoriser les
cultures, ou des filières permettant l’arrivée de nouvelles cultures ?
Des exemples de diversification de production ont déjà émergé. Le
lin n’est pas uniquement destiné au textile à présent. Deux nouveaux
débouchés ont été créés localement. Le premier correspond à l’incor-
poration des fibres de lin dans un matériau de construction en terre
(Cématerre ®), le second permet quant à lui l’utilisation de ces fibres
dans les portières de voiture (EcoTechnilin ®).
•	Vers de nouvelles filières ?
La recherche de nouvelles filières représente l’avenir pour générer
des débouchés viables et durables valorisant l’agriculture du territoire.
La quête de valeur ajoutée s’articule autour de la mise en place de
projets innovants, si possible non délocalisables, afin qu’ils durent dans
le temps. On peut imaginer différentes possibilités (voir encadré n°6).
Ce qui est important dans cette démarche est la recherche de points
de performances additionnels à l’argument économique. Certes, cet
argument permet de convaincre les chefs d’exploitations agricoles,
mais une vision globale permet de dégager une série d’avantages
pour le territoire. Le scénario de l’agriculture activité phare du territoire
rappelle que l’Estuaire de la Seine possède un fort potentiel marin. Les
ressources marines n’ont pas été mobilisées. L’éolien offshore est à ses
débuts, mais il existe d’autres sources. Outre l’hydrolien, l’aquaculture
d’algues peut par exemple se positionner comme symbole moteur
d’une transition de la zone industrielle vers la chimie verte, à des fins
énergétiques, mais aussi alimentaires. Cet aspect alimentaire ne
correspond pas uniquement à la consommation de ces algues, mais
aussi (et surtout) au potentiel énergétique et à l’apport d’une possible
fertilisation des terres avec ce produit inépuisable et propre si l’on en
maîtrise la production d’un point de vue écologique. Peut-on y voir ici
un des prémices de l’économie circulaire  ?
Pendant les entretiens avec l’ensemble des acteurs, il est ressorti
l’intérêt de développer ce potentiel de nouvelles filières au sein des
petites et moyennes entreprises (PME). Celles-ci représentent certai-
nement la clé vers une réactivité efficace par rapport à des grands
groupes agro-alimentaires ou énergétiques. La force novatrice de
cette échelle d’entités économiques s’accorde davantage avec
l’idée d’une diversité sur le territoire. Cette diversité peut aboutir, à
termes, à une « résilience ». Des PME travaillant en partenariat avec
les GAEC, créatrices d’emplois, donneraient du crédit à une force
politique encore tournée vers les géants industriels.
À titre d’exemple d’échelle de travail à dimension humaine, on
peut citer la méthanisation. Depuis quelques années, on assiste
à l’émergence de cette forme d’utilisation du fumier produit en
5757
Encadré n° 6
Vers de nouveaux débouchés pour l’agriculture du territoire
Les propositions présentées ci-dessous doivent être considérées comme
des pistes à approfondir et à ajuster en fonction des réalités de terrain. Il
s’agit plutôt d’une démonstration concernant la recherche. Ces idées ont
été proposées par certains acteurs rencontrés (Fondation Sefacil, Grand
Porte Maritime de Rouen et agriculteurs)
La mise en valeur de l’élevage pour répondre à un besoin en lait
croissant
La Normandie produit 15% du lait français (deuxième grande région
productrice de lait derrière la Bretagne). En parallèle, certaines régions
du monde commencent à exprimer de forts besoins en consommation de
lait, notamment en Chine et en Afrique. Ces régions sont en recherche de
quantité et/ou de qualité. Même si l’élevage tend vers une intensification
avec l’essor de la stabulation permanente, on pourrait imaginer produire un
lait de qualité supérieure avec une étape de mise en poudre (car exporter du
lait liquide est trop coûteux). Ce débouché, pourrait aider à conserver les
prairies permanentes, car la qualité du lait de vaches élevées en plein air
est supérieure. Cela pourrait représenter un argument de communication
incontestable. De plus, il est intéressant de noter que le port du Havre ne
possède pas de filière de produits frais, résultat d’un choix stratégique de
se spécialiser en activité conteneur et en pétrole. Le fait que l’Axe Seine
n’exploite absolument pas cette filière peut sembler regrettable. Pourquoi
ne pas diversifier l’activité du port et exploiter cette aubaine ?
(On considère que le lait en poudre n’est pas obligatoirement un produit
frais, mais la discussion sur le lait pose la question des produits frais à une
échelle plus large.)
agriculture. Même s’il est nécessaire d’avancer avec précaution dans
ce domaine (un certain nombre de projets ne s’avèrent pas orientés
dans une démarche de production durable, uniquement conduits
pas l’attrait économique), des projets sont à l’étude et certains ont
déjà été mis en place. L’idée n’est pas d’installer un méthaniseur par
exploitation agricole, ce qui rendrait l’exploitant dépendant de l’instal-
lation, mais de regrouper cinq à dix exploitations pour faire fonctionner
un méthaniseur et alimenter une petite ville ou un village en gaz. A
priori, le digestat issu du processus de méthanisation peut être utilisé
pour fertiliser les champs. La combinaison de fumier et de digestat
permet de gagner en indépendance quant à l’utilisation des engrais
chimiques (azote minéral).
Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
5858
Ainsi, cette opportunité économique pourrait valoriser une image déjà
existante sur le territoire, tout en ayant un avantage environnemental. Ce
gage de qualité est nécessaire pour pouvoir faire perdurer un élevage à taille
humaine, sans forcément s’orienter vers l’élevage industriel en stabulation.
La création d’une filière bois
Il n’existe pas à proprement parler de filière bois sur le territoire du SCoT
LHPCE et sur la Pointe de Caux. 121 000 tonnes de bois mobilisables ne sont
pas exploités à l’échelle de l’Estuaire de la Seine. Mettre en place des projets
de chaufferie collective (en plus de la méthanisation), en alimentant en partie
les installations avec du bois produit localement permettrait d’augmenter
le revenu des agriculteurs s’ils installent des haies autour des parcelles.
Cet effet permettrait d’ailleurs de réduire le ruissellement et s’insèrerait
dans le schéma de transition énergétique à l’ordre du jour de la politique
nationale en 2014. Il est important de préciser qu’on ne peut alimenter une
chaufferie uniquement avec les haies, mais cela peut constituer une part non
négligeable de l’apport.
Source : AURH
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Regarder vers l'avenir avec les agricultures de la Pointe de Caux

  • 1. REGARDER VERS L’AVENIR Thomas ANDRIEU Septembre 2014 Pour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Caux valorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole avec les agricultures de la Pointe de Caux
  • 2.
  • 3. Travail encadré par Boris MENGUY - Chef de projets Alix GUILLEMETTE - Chargée d’études Suivi Agro ParisTech : François LÉGER - Enseignant - Chercheur Mise en page par Véronique LEDIER et Boris MENGUY AURH - Étude 1457 REGARDER VERS L’AVENIR Pour un dialogue renouvelé avec les collectivités de la Pointe de Caux valorisant les capacités de proposition et d’innovation de la sphère agricole avec les agricultures de la Pointe de Caux
  • 4.
  • 6. 66
  • 7. 77 S O M M A I R E DES ÉVOLUTIONS AGRICOLES ET SOCIÉTALES DIVERGENTES...................................................................................................... 9 I - UN TERRITOIRE RÉINTERROGÉ À LONG TERME POUR FONDER UN DIALOGUE PORTEUR D’AVENIR..................................... 17 1 - Agriculture, territoire et « résilience »....................................................................................................................................................... 19 2 - L’élaboration de scénarios à l’échelle de l’Estuaire de la Seine.......................................................................................................... 26 3 - Les trois scénarios retenus........................................................................................................................................................................ 31 II - DES ÉCHANGES RICHES FAISANT EMERGER LES BASES D’UN PROJET AGRICOLE « RÉSILIENT »......................................... 43 1 - Un accueil chaleureux malgré une tension palpable avec les pouvoirs publics.............................................................................. 46 2 - Pistes d’innovation et opportunités – l’agriculteur, véritable acteur du territoire ?............................................................................. 50 III - VISION STRATÉGIQUE POUR LA MISE EN PLACE D’UN PROJET AGRICOLE TERRITORIAL.................................................... 67 1 - L’enjeu de la « résilience » pour l’action publique................................................................................................................................. 69 2 - Une vision stratégique basée sur une réflexion sur le système alimentaire........................................................................................ 72 3 - Axes de travail pour entreprendre un projet agricole territorial durable............................................................................................ 73 QUELS AXES DE TRAVAIL ? ........................................................................................................................................................... 79 ANNEXES ....................................................................................................................................................................................... 85
  • 8.
  • 9. 99 Des évolutions agricoles et sociétales divergentes
  • 10. 1010
  • 11. 11 Des évolutions agricoles et sociétales divergentes Les mutations sociologiques de l’espace rural périurbain Les cinquante dernières années ont été marquées par de profondes mutations d’ordres sociologique et démographique, motivées par de nouveaux modes d’habitation et de déplacement. Ceci a conduit à la croissance des communes rurales proches des villes et au déve- loppement des hameaux, phénomène appelé périurbanisation. De nombreux citadins continuent à déménager en zone rurale où l’agricul- ture était auparavant exclusive. Cette situation a transformé les surfaces périurbaines, où un mode de vie citadin s’installe dans les campagnes environnantes, touchant des zones continuellement plus éloignées du centre-ville (jusqu’à 50 à 80 kilomètres aujourd’hui). L’agriculture en place doit, par conséquent, composer sur une toile nouvelle, car les surfaces périurbaines ne sont plus uniquement le support des activités agricoles, mais aussi celui de lieux de vie et de loisirs de la population issus d’un certain fantasme de la nature lié à l’idée de campagne. En d’autres termes, l’agriculture périurbaine concerne aujourd’hui une multitude d’acteurs, n’évoluant pas tous dans le secteur agricole, avec des motivations différentes voire divergentes. Les transformations agricoles de l’après-guerre Parallèlement à ces changements, les techniques agricoles ont évolué. Une forte mécanisation des techniques a permis de rendre le travail agricole auparavant difficilement soutenable physiquement plus acceptable. Cette dernière a fortement réduit les besoins en main d’œuvre. L’utilisation de la chimie pour amender les sols et contrôler les maladies s’est rapidement démocratisée. Les parcelles ont été remembrées, l’élevage s’est intensifié, conduisant dans un premier temps à l’augmentation de la surface enherbée. A partir des années 80, cette dernière a diminué avec l’apparition de la stabulation permanente. Notre agriculture s’est insérée dans un schéma d’exportation, marquant un fort développement des grandes cultures. L’ensemble de ces éléments a conduit à la diminution du nombre d’exploitants agricoles, ne représentant aujourd’hui plus que 3% de la population active (contre 30% en 1945), ce qui explique leur quasi-dis- paration ou leur moindre place dans le débat public. Aujourd’hui, une promenade en campagne peut soulever un sentiment de vide face au caractère improbable d’apercevoir un agriculteur dans les champs et aussi de moins en moins d’animaux. Une agriculture qui s’efface ? Les deux tendances présentées plus ci-dessus ont peu été prises en compte dans les processus d’aménagement du territoire. L’observation d’une carte topographique est révélateur : l’espace entre les villages et petites villes rurales apparaît blanc. Qu’est-il advenu de l’agriculture aux yeux des cartographes ? Le monde agricole n’a suscité qu’un intérêt limité de la part de l’appareil politique territorial, engendrant une rupture sociale. D’un côté, la consommation foncière des terres agricoles par la périurbanisation crée des tensions au sein de la population agricole. De l’autre, les externalités négatives générées par l’agriculture conventionnelle inquiètent l’opinion publique quant à la pollution et l’augmentation des risques pour l’environnement et de leurs impacts sur la santé humaine. De ce fait, les collectivités locales accordent depuis une dizaine d’années une importance croissante aux questions portant sur le lien entre l’agriculture, le développement et l’aménagement du territoire (voir encadré n°1). La naissance des intercommunalités a également impulsé une nouvelle démarche dans les projets de territoires. Des élus citadins aujourd’hui travaillent avec des élus ruraux, et sont donc à même de se questionner sur l’agriculture, activité occupant généralement la majorité de la surface de leur territoire d’action. 11
  • 12. 12 Susciter l’intérêt pour l’agriculture du SCoT LHPCE et de l’Estuaire de la Seine A l’échelle de l’Estuaire de la Seine et du Schéma de Cohérence Territoriale Le Havre Pointe de Caux Estuaire (SCoT LHPCE), territoire comprenant la Communauté de l’Agglomération du Havre (CODAH) et la Communauté de Communes Caux Estuaire, ces évolutions sont avérées et un certain nombre d’indicateurs laissent à supposer qu’il existe aujourd’hui un décalage entre les attentes du territoire et la réalité agricole présente. Si le terme de fracture sociale est probablement un peu fort, la protection des ressources naturelles, garante d’une qualité de vie pour l’épanouissement de la population, est fragilisée par le manque de collaboration entre les acteurs. Comment considérer ou reconsidérer l’agriculture ? Est-elle uniquement une force de production  ? Représente-t-elle un facteur de cohésion sociale ? Peut-elle s’insérer à part entière dans un schéma d’aménagement du territoire, afin d’être le moteur d’un renouveau, qui permettrait d’asseoir une attractivité qui semble faire actuellement défaut ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, une étude sur l’avenir de l’agriculture de l’Estuaire de la Seine et du SCoT LHPCE a été réalisée, afin de déterminer les marges de manœuvre pour valoriser l’agriculture et ses différents potentiels au sein du territoire. Cette étude se positionne de manière originale par rapport aux travaux existants de par la mobilisation de nombreux acteurs du territoire et notamment ceux du monde agricole pour témoigner avec « un regard de l’intérieur ». Source : AURH Octeville-sur-Mer : Une forte identité agricole pour une commune très attractive aux portes du Havre (maraîchage, grandes cultures, agriculture de loisir, un mélange typique des bordures d’agglomération) 12
  • 13. 13 Des évolutions agricoles et sociétales divergentes 13 Encadré n°1 Intérêt grandissant des collectivités territoriales pour l’agriculture Extraits de l’article de Bertille Thareau et Mathilde Farby paru dans Terres Agricoles, Editions Quae, pages 135 à 153 : Actions foncières au nom de l’environnement : des élus locaux interviennent dans l’évolution de l’agriculture. « Depuis une quinzaine d’années, les politiques d’aménagement et de développement des territoires ont été particulièrement auscultées sous cet angle [prise en compte de l’agriculture par les politiques locales] […]. On assiste de ce fait à une prise en compte de plus en plus prégnante de l’agriculture par les collectivités dans le cadre de leurs projets de planification et de développement local. Cette prise en compte amène une redéfinition, à partir de débats locaux, de la place et du rôle de l’agriculture sur les territoires ». L’origine de cet intérêt croissant pour l’agriculture est la protection de l’eau, autour des bassins d’alimentation de captage. Face à une pollution croissante générant des coûts de dépollution importants, « certains maires se substituent au préfet pour réglementer l’agriculture, certains proposent aux agriculteurs qui le souhaitent de faire évoluer leurs pratiques afin de prévenir les risques de pollution, soit par des actions de formation, de sensibilisation, d’animations de groupes, soit par des contrats […], d’autres utilisent l’acquisition foncière afin de maîtriser et imposer sur ces espaces un usage compatible avec la préservation de la ressource ». Les dispositifs d’intervention sont contrastés, et sont souvent fonction de l’agriculture en place. Trois formes se dégagent : • La préemption agricole ou « l’exit de l’agriculture comme projet pour la protection des ressources » : la collectivité devenue propriétaire, impose les techniques agronomiques. Cette mesure n’est pas toujours acceptée par le monde agricole, car jugée brutale. • « Le soutien à une forme d’agriculture minoritaire » via la formation et la sensibilisation : les techniciens soutiennent une agriculture minoritaire souvent alternative sur le territoire. Cette démarche est souvent considérée en décalage avec les réalités agricoles locales par l’agriculture en place, d’autant plus si celle-ci s’insère dans le schéma conventionnel. • « L’adaptation des formes agricoles présentes » : le but premier est de maintenir l’agriculture en place. L’établissement d’une confiance entre acteurs agricoles et les collectivités nécessite une production de connaissances mutuelles pour négocier et mettre en place des projets de protection de la ressource. Il s’agit pour le monde agricole de reconnaître que les activités actuelles ont un impact sur la qualité de l’environnement, et pour les collectivités de reconnaître l’impact des contraintes sur les activités agricoles. « Les formes d’action proposées sont fortement liées à la posture des maîtres d’œuvre. Quand ces derniers adoptent la troisième posture (adaptation des formes agricoles présentes), on assiste à la mise en place de négociations entre l’autorité compétente en matière de qualité de la ressource et la profession agricole ».
  • 14. 1414 En 2011-2012, l’agriculture se fait une place dans le SCoT LHPCE et les travaux de la Charte Paysagère et Environnementale – Un virage progressif Lorsque le premier SCoT du Pays Le Havre Pointe de Caux Estuaire est approuvé en 2008, la question agricole y apparaît en filigrane à travers quelques recommandations. Aussi, les élus majoritairement ruraux et les services de l’État souhaitent-ils un approfondissement de la thématique. L’élaboration d’une politique de préservation des espaces agricoles est attendue. Dans la perspective d’une modification du document, L’AURH lance fin 2008 un travail de fond pour apporter des compléments. En 2009, ce travailestmarquéparl’apportdetroisateliersassociantdesreprésentants du monde agricole à des personnes aux sensibilités plus urbaines (en tout, une quarantaine d’acteurs : agriculteurs, institutionnels, techniciens, élus référents). Le but est de réduire la méconnaissance, mieux identifier les besoins et les enjeux de chacun afin de co-construire les orientations agricoles du SCoT. Après un portrait agricole collectif effectué au premier atelier, les possibilités offertes dans le cadre du SCoT et les premières pistes sont explorées et discutées au deuxième atelier. Enfin, le troisième atelier permet de valider avec l’ensemble des participants des propositions qui seront soumises au vote des élus. Compte tenu de la richesse du travail plusieurs types de valorisation des travaux ont été utilisés : • L’étude paysagère et environnementale (étude visant à enrichir globalement le SCoT) a permis d’apporter une meilleure connaissance et des perspectives pour redonner une place de choix à l’agriculture du territoire (ces éléments sont accessibles dès la mise en ligne du site internet du SCoT en octobre 2011 http://www.scot-lhpce.fr/ et « sous forme papier » dans la publication « Vers une plus grande attractivité » sortie en juillet 2014), • La signature d’une Charte Paysagère et Environnementale par l’ensemble des élus en octobre 2011 dans laquelle l’agriculture est très présente, • Enfin, une dimension réglementaire autour de l’agriculture se fait jour avec l’approbation de la 2e version du SCoT en février 2012. Dans le SCoT 2012, des avancées majeures apparaissent pour l’agriculture : • Le mitage est jugulé, • Le cadre d’application de la loi littoral est clairement défini par secteur et l’urbanisation s’en trouve strictement contrôlée sur tout le secteur côtier, • Des secteurs qualifiés « d’espaces agricoles d’enjeux partagés » sont identifiés et cartographiés sur les zones soumises aux plus fortes pressions urbaines afin d’y garantir durablement une vocation agricole (cf – carte ci-contre), • Pour des raisons de qualité de paysage et de maîtrise de l’urbanisation linéaire, de vastes secteurs d’inconstructibilité sont définis le long des principales voies de circulation routières et ferroviaires du territoire du SCoT. Cette mesure s’avère tout à fait favorable au maintien et à l’accessibilité des espaces agricoles. Agriculture en filigrane en 2008, logique de préservation des espaces agricoles en 2012, les élus progressivement plus conscients des enjeux agricoles pour leur territoire souhaitent désormais aller plus loin et sentent que le débat doit être mieux posé.
  • 15. 1515 Carte du SCoT approuvé en Février 2012
  • 16. 1616
  • 17. 1717 I - Un territoire réinterrogé à long terme pour fonder un dialogue porteur d’avenir
  • 18. 1818
  • 19. 1919 1 - Agriculture, territoire et « résilience » L’agriculture, un élément incontournable des projets de territoire ? A l’échelle d’un territoire, l’agriculture représente une force souvent sous-estimée. Pourtant, c’est un acteur qui s’implique à différentes échelles avec plusieurs fonctions, comme l’illustre la figure 1 : L’agriculture produit des biens alimentaires, énergétiques, des matériaux ; elle définit le paysage et intègre une dimension sociale large. Elle est entièrement dépendante de la qualité des sols, mais aussi de leur disponibilité. En France, elle représente une source d’emplois avec 970 000 personnes travaillant directement dans le secteur agricole et 5 millions de personnes travaillant dans le secteur agro-alimentaire (soit 18% de la population active). L’agriculture conditionne la qualité environnementale avec laquelle les collectivités doivent composer. Au niveau du SCoT LHPCE, les deux-tiers du territoire sont couverts par des surfaces agricoles. Si l’on raisonne en matière d’espace, c’est l’activité majoritaire. De surcroît, les bassins de captage fournissant l’eau courante s’alimentent via des circuits de récupération des eaux pluviales débutant au niveau des parcelles agricoles. Parallèlement, la gestion de ces eaux pluviales, problématique lors d’orages, doit aussi être intégrée à la réflexion sur l’agriculture. En matière d’aménagement, cette dernière conditionne les espaces de respiration, tout en permettant la fourniture d’aliments locaux comme les légumes, certains produits laitiers (beurre par exemple), de la viande, ou encore du cidre. À l’échelle de l’Estuaire, l’agriculture du Pays de Caux, principale- ment tournée vers l’exportation, génère une valeur économique non négligeable. L’agriculture du Pays d’Auge, situé sur l’autre rive de la Seine, est reconnue comme activité à haute valeur naturelle. Ainsi, une certaine diversité se dégage entre les deux rives de l’Estuaire de la Seine (voir encadré n°2). En Haute-Normandie, l’agriculture génère 1.2 milliards d’euros par an. Certaines cultures sont spécifiques. Le lin régional, culture emblématique, représente 30% de la production mondiale et est reconnu pour sa haute qualité, fruit d’une maîtrise de savoir-faire. Les terres du Pays de Caux sont parmi les plus riches d’Europe d’un point de vue agronomique, ce qui leur confère un avenir agricole certain. On remarque donc que cette agriculture est importante à l’échelle européenne et mondiale. Cependant, des voix s’élèvent souvent concernant les impacts que les techniques de production peuvent occasionner. Un territoire réintérrogé à long terme ... Figure 1 : L’agriculture multifonctionnelle
  • 20. 2020 Encadré n°2 L’agriculture duale de l’Estuaire de la Seine : Pays de Caux et Pays d’Auge • L’agriculture du Pays de Caux Le paysage agricole du plateau de Caux est très ouvert, composé de plaines étendues contrastées par des clos-masures, des villes et villages repérables de loin par le clocher de leur église. Les parcelles de polyculture reposant sur un sol très riche parent les plaines d’une couverture en mosaïque. La taille de ces parcelles varie de quelques hectares à plusieurs dizaines d’hectares. Paysages ouverts du Pays de Caux (source AURH) Ces dernières ont tendance à devenir de plus en plus grandes avec le processus de remembrement débuté au début des années 60, dû à l’agrandissement continu des exploitations entraînant une simplification et une rationalisation des pratiques. Certaines exploitations peuvent atteindre plusieurs centaines d’hectares. En zone périurbaine proche du Havre, on observe tout de même que la taille reste plus limitée, autour de cent hectares en général. Les cultures sont principalement organisées autour du blé (plus précisément blé, orge, escourgeon). Sont également cultivés la pomme de terre, le colza, le lin, la betterave, le maïs ensilage, la luzerne, la féverole (les trois derniers pour nourrir l’élevage). Le modèle économique est orienté vers l’exportation. C’est une agriculture mondialisée, représentée par des cultures que l’on retrouve ailleurs (à part le lin). Les exploitations ayant conservé l’élevage maintiennent des prairies permanentes ou temporaires, pour faire pâturer les vaches. La race normande tend à diminuer au profit de la Prim’Holstein ou de la Montbéliarde, plus performantes en production de lait. Le maraîchage, présent aux abords des villes, a fortement reculé ces dernières décennies. Des projets sont réalisés pour tenter d’enrayer cette évolution. Des systèmes de vente directe se développent çà et là, via des organisations de producteurs, de cueillette, etc. Paysages ouverts du Pays de Caux (source AURH)
  • 21. 2121 Un territoire réintérrogé à long terme ... • L’agriculture du Pays d’Auge Le paysage offert sur la rive sud de l’Estuaire de la Seine est totalement différent. L’organisation est celle du bocage, où les haies d’arbres et d’arbustes structurent les parcelles. L’élevage est la principale activité agricole (bovine et équine). Les cultures associées sont principalement destinées à l’alimentation animale, avec tout de même l’existence de zones de grandes cultures. Des fromages labellisés y sont produits : camembert, pont l’évêque, ou encore le livarot. Les vergers de pommiers, également très présents, permettent la fabrication du cidre, du calvados et du pommeau. Il est à noter que ces alcools sont aussi fabriqués dans le Pays de Caux, à une moindre échelle. Figure 2 : Les complémentarités agricoles à l’échelle de l’Estuaire de la Seine entre le Pays de Caux au nord marqué par les grandes cultures et le Pays d’Auge au sud de l’Estuaire, traditionnellement un pays d’élevage. Le bocage du Pays d’Auge : carte postale de Normandie (source AURH) Le bocage du Pays d’Auge : carte postale de Normandie (source AURH) Ce paysage agricole est qualifié à haute valeur naturelle (comprenant entre autre la diversité d’assolement, l’extensivité des pratiques et la densité des éléments paysagers). Cette agriculture est un vecteur d’attractivité, d’activité touristique et de résidences secondaires non négligeable.
  • 22. 2222 Ainsi, la gestion de l’eau potable, de l’eau de ruissellement et la consommation foncière semblent être une source de tensions entre les collectivités et les agriculteurs. L’ensemble de ces difficultés a marqué le territoire depuis des années sans qu’il y ait de plan d’actions à proprement parler. L’intuition d’une situation tendue entre les différents acteurs du territoire justifie l’étude présente. La Politique Agricole Commune européenne (PAC), dont la nouvelle version est entrée en vigueur en 2014, a marqué une certaine transition. Même si cette dernière est encore loin d’être aussi verte qu’annoncée, elle marque le début d’une meilleure prise en compte de l’environne- ment au niveau de l’agriculture européenne. Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler que le budget de cette politique représente 40% du budget européen. C’est le plus important poste de dépense, atteignant 200 euros par européen prélevés par an pour assurer le fonctionnement de l’agriculture de l’Union. Si l’agriculture paraît incontournable à première vue, elle a été assez peu prise en compte à l’échelle de l’Estuaire de la Seine et du SCoT LHPCE dans les projets de territoire. Ce contexte semble avoir généré des tensions entre le monde agricole et les collectivités. Contrainte par sa spécificité géographique, la ville du Havre s’étend vers l’Est avec un angle de 50° environ, accentuant la pression sur les terres agricoles concernées. Ce phénomène est réputé comme mal vécu car les terres sont riches, comme il a été précisé en amont. De plus, il est important d’ajouter que malgré cette consommation foncière, la population de la CODAH et en particulier de la ville du Havre diminue chaque année d’environ mille habitants, comme illustré dans la figure 3. Malgré la diminution de la population, on observe un étalement urbain, que l’on peut supposer comme une source de tensions assez vives entre le monde agricole et les collectivités. Si l’on compare l’évolution de l’urbanisation à l’échelle de la CODAH sur trente ans, le constat est remarquable, comme en témoigne la figure 4. Figure 3 : Évolution des zones artificialisées comparée à celle de la population sur le territoire de la CODAH de 1973 à 2011 (source Audrey Malicorne, SIGU)
  • 23. 2323 Un territoire réintérrogé à long terme ... Figure 4 : L’étalement urbain à l’échelle de la CODAH entre 1973 et 2011 Source : Rapport de stage d’Audrey Malicorne, SIGU, AURH
  • 24. 2424 La « résilience » comme outil d’approche S’interroger sur l’avenir de l’agriculture de l’Estuaire de la Seine et du SCoT LHPCE, c’est étudier son impact sur les capacités du territoire à s’adapter aux changements socio-économiques et climatiques qui sont susceptibles de se produire durant les prochaines décennies. Autrement dit, c’est étudier sa « résilience ». Ce terme dépend de trois caractéristiques principales : • la quantité de changements que peut endurer le système sans altérer ses fonctions • le degré d’auto-organisation • le degré de plasticité et la capacité d’apprendre et de s’adapter En d’autres termes, la « résilience » fait référence aux capacités des communautés humaines (celles du SCoT en ce qui concerne l’étude) à ne pas se désorganiser ou disparaître lors d’une crise, d’un choc, d’une pénurie, mais d’y répondre en s’adaptant. « La résilience, ce n’est pas accepter les caprices de la nature. C’est gérer notre environnement naturel de manière responsable, dans la quête d’un avenir meilleur pour chacun d’entre nous » (Joseph Michel Martelly, président de Haïti). L’outil de la «  résilience  » permet ainsi de ré-interroger de manière prospective et transversale le territoire à long terme. Pour réaliser cette étude, l’hypothèse selon laquelle l’agriculture est une des clés de la « résilience » de notre territoire a été formulée. Il s’est agit de considérer une multitude d’aspects afin de connaître le degré de «  résilience  » socio-économique et environnementale du territoire en matière d’autonomie alimentaire, d’indépendance énergétique, de cohésion sociale, d’emploi, de préservation des ressources naturelles, de gestion des pollutions ou des externalités négatives au sens large et de sécurité sanitaire. L’agriculture à l’épreuve des changements Afin de vérifier et d’approfondir les intuitions présentées plus haut à propos du défaut de communication entre le monde agricole et les collectivités, la démarche adoptée lors de cette étude a d’abord consisté à élaborer des scénarios d’évolution à long terme (à l’horizon 2050), afin de voir quels sont les possibles chocs ou crises que pourrait endurer l’agriculture du territoire du SCoT et de l’Estuaire de la Seine. Ensuite, les scénarios ont été présentés de manière individuelle à divers acteurs du monde agricole dans l’optique de les faire réagir, puis aborder dans la mesure du possible des champs d’actions potentiels pour intégrer l’agriculture dans un projet de territoire durable. La réflexion sur le long-terme est centrale, car il ne s’agit pas de savoir si un projet agricole plus durable est pertinent aujourd’hui, mais s’il paraît réaliste pour demain. Il convient de se demander si le territoire actuel est résilient ou non, et comment il serait possible d’améliorer la situation aussi bien du point de vue économique que social ou environnemental :  c’est le principe du développement durable. Figure 5 : Déroulement des événements marquants de l’étude entre février et juin 2014
  • 25. 2525 Le propre de la démarche est la mobilisation de l’analyse qualitative, générique d’une approche sociologique. Il est effectivement primordial de connaître les acteurs d’un territoire pour proposer des axes de travail cohérents et rétablir un lien pérenne entre l’agriculture et le monde urbain. Cet élément est d’autant plus important que la plupart des travaux réalisés jusqu’alors sur l’Estuaire de la Seine n’ont pour ainsi dire pas pris en compte l’information qualitative. De même, la plupart des techniques développées en agronomie depuis le début des années 1950 sont critiquées pour le manque d’intégration de l’outil sociologique. On a pensé aux cultures mais peut-être oublié l’agriculteur. Les rendements ont été décuplés, mais qu’en est-il de la condition sociale des agriculteurs  ? Il est connu qu’aujourd’hui, il existe un certain malaise au sein de la profession. À titre d’exemple, les agriculteurs figureraient parmi les plus représentés en ce qui concerne le taux de suicide. Par conséquent, il est nécessaire de rétablir un côté humain à cette activité, quelle que soit l’échelle de travail, du SCoT à l’Union Européenne. Réaliser un travail de prospective comme celui-ci est un premier pas vers la « résilience ». Il représente en quelque sorte un diagnostic transversal du territoire. Un diagnostic agricole de la pointe du Pays de Caux a été réalisé en 2011. Celui-ci reprend les évolutions jusqu’en 2011, mais n’en- treprend pas de retranscrire le discours des acteurs du monde agricole, ni d’offrir une perspective à long terme. Le travail réalisé dans cette étude de 2011 est primordial pour appréhender le paysage agricole et pour le compléter, il s’agit à présent de réaliser un diagnostic qualitatif pour comprendre ce paysage de l’intérieur, mettant en lumière le potentiel agricole du territoire pour espérer atteindre une situation de « résilience » à long terme, dans une démarche de développement durable. Une frise chronologique reprenant l’organisation de l’étude est présentée en figure 5. Un territoire réintérrogé à long terme ...
  • 26. 2626 2 - L’élaboration de scénarios à l’échelle de l’Estuaire de la Seine Des lectures clés à la base des scénarios Dans un premier temps, un travail de bibliographie provenant d’études existantes a été mené. L’objectif ici est d’enrichir les hypothèses quant à l’avenir du territoire, en intégrant des données agricoles, climatiques et socio-économiques. Il ne s’agit pas de parler uniquement d’agri- culture, mais bel et bien de connecter l’agriculture à son territoire, pas seulement dans une logique de long terme. Les lectures sont présentées en figure 6. Les prospectives présentes dans cette bibliographie sont le résultat de plusieurs mois de travail et ont été réalisés par des équipes d’experts, répondant à des commandes où le propre du sujet est centré sur les scénarios. Dans le cas de l’étude présente la démarche de travail est différente. Elle s’appuie sur les études scientifiques de la bibliographie ci-contre, mais ne vise pas à être exhaustive. Son but principal est la production d’éléments caricaturaux visant à faire réagir l’interlocuteur, à susciter l’interrogation. Les éléments retenus dans les lectures sont donc condensés et résumés, pour que la communication soit par la suite plus aisée. Les scénarios produits sont donc différents des documents dont ils s’inspirent. Il ne s’agit pas de produire une étude scientifique, mais un matériel qui servira de base lors de la phase d’en- tretiens avec les différents acteurs agricoles du territoire. En d’autres termes, l’élaboration de ces scénarios correspond à une étape de travail essentielle puisqu’elle représente le fondement de l’étude. Figure 6 : Sources utilisées pour l’élaboration des scénarios
  • 27. 2727 La force publique n’aurait ici que peu d’influence sur un monde privé, représenté par des firmes dont le capital et les instances décisionnelles sont extérieures au territoire. Ce territoire étant déjà en déficit d’attractivité, on note que l’évolution tendancielle n’améliore en rien la situation. Ce scénario tendanciel n’a pas été utilisé directement lors des entretiens avec les acteurs du territoire. Il a en revanche permis de réaliser une première approche de l’avenir du territoire en déterminant une liste d’événements tendanciels, nourrisant la réflexion pour l’élaboration des trois scénarios présentés dans la partie suivante. Proposer un premier scénario tendanciel L’objet principal de cette phase a été d’adapter les données récoltées dans un contexte local, à l’échelle du SCoT LHPCE, ainsi que de les combiner à des hypothèses. Les éléments tendanciels pour le territoire sont les suivants : • hausse du prix des énergies fossiles, • menace sanitaire (qualité de l’eau, exposition aux résidus de produits phytosanitaires via les aliments pour les consommateurs et exposition directe pour les producteurs), • impacts de la zone industrielle sur la qualité de vie, • passage de l’exploitation agricole familiale conventionnelle à l’agriculture industrielle de firme, • réduction du budget de la PAC, • changement climatique, hausse de la température moyenne, • élévation du niveau de la mer. À première vue, on constate que la plupart des éléments ici n’intègrent pas d’informations tendancielles relatives aux comportements alimentaires et aux modes de vie, bien que ces derniers soient conditionnés par l’ensemble des facteurs tendanciels présentés ci-dessus. L’espace de vie pour la population du SCoT LHPCE peut paraître confiné, pris en double étau entre un espace industriel d’un côté et une activité agro-industrielle ou agro-business de l’autre (voir figure 7). On peut préciser que la zone industrialo portuaire est un élément représentatif du territoire, car générateur incontestable d’emplois. Néanmoins, l’aspect sanitaire concernant ce secteur d’activité peut questionner quant à la sécurité pour la population. Figure 7 : Scénario tendanciel du double étau Un territoire réintérrogé à long terme ...
  • 28. 2828 Élaborer trois scénarios, socles des futurs entretiens • Journée séminaire Pour structurer ces scénarios, la stratégie adoptée a été celle de la co-construction. Il a été décidé de réunir une équipe de techniciens experts du territoire concernés lors d’une journée séminaire, pour valider et enrichir les idées récoltées dans la partie précédente et obtenir une base solide afin de gagner en crédibilité auprès des entretiens de la phase suivante de l’étude. Cette étape s’est avérée être le premier événement fondamental de l’étude, allant au-delà des espérances en matière de résultats. La journée séminaire a réuni quinze techniciens du territoire provenant des entités suivantes : • Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie (ADEME), • Communauté de l’agglomération havraise (CODAH), • Communauté de communes Caux Estuaire, • Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’estuaire de la Seine (AURH), • Ville du Havre, • Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement 76 (CAUE 76), • SCoT Le Havre Pointe de Caux Estuaire (SCoT LHPCE), • Syndicat Mixte de Bassin Versant. Un maraîcher retraité a également été convié. Les compétences mobilisées sont les suivantes : urbanisme, développement durable, agriculture, gestion des risques, espaces verts, écologie, paysagisme… L’ensemble des personnes invitées n’appartiennent pas ou plus directement au monde agricole, car il a semblé préférable de garder l’exclusivité des acteurs du monde agricole pour la suite du travail, lors des entretiens futurs. Un modérateur a été invité : François Léger, enseignant chercheur à AgroParisTech et à l’Inra, co-encadrant de l’étude présente. Lors de cette journée, trois ébauches de scénarios ont été proposées aux invités, afin de cadrer la discussion, intégrant au maximum deux facteurs tendanciels, en les caricaturant suffisamment pour qu’ils passent du statut de tendanciel à celui de rupture. L’équipe de la journée séminaire a été répartie en trois groupes équilibrés en fonction des compétences présentes, afin que chacun travaille sur un scénario pendant la matinée. Après la présentation des ébauches des scénarios, un guide de balayage des scénarios a été distribué pour ne pas considérer uniquement l’échelle du SCoT LHPCE, mais intégrer la réflexion avec une vision plus large et globale (voir figure 8). Figure 8 : Guide de balayage des scénarios
  • 29. 2929 scénarios élaborés par chaque groupe ont été présentés, commentés et discutés. Pour conclure sur l’atmosphère de la journée, il semble que ce modèle d’échange est à retenir, d’autant plus que les techniciens n’ont pas toujours l’occasion de pouvoir communiquer librement entre eux, sans avoir à rester dans le cadre de l’entité pour laquelle ils travaillent. On peut considérer aujourd’hui que les résultats proposés ont sans doute permis de comprendre et d’analyser la moitié des résultats de l’étude globale, au vu de la qualité et de la complémentarité des arguments avancés. La co-construction lors de cette journée séminaire s’est avérée très efficace et a suscité une remarquable ébullition d’idées. Le fait de croiser les compétences de techniciens de spécialités différentes s’est avéré très riche pour l’étude. Un soin particulier a été apporté pour permettre des échanges constructifs dans une ambiance détendue mais studieuse. Une des règles majeures lors de cette journée était de ne surtout pas se cantonner à sa compétence, mais plutôt proposer une discussion large, libre de tout cadre institutionnel. Le terme de « brainstorming » (signifiant la recherche d’idées originales en se basant sur une communication libre au sein d’un groupe) est ici adéquat pour qualifier l’ambiance de travail. Les échanges se sont poursuivis dans la deuxième phase de la journée séminaire, pendant laquelle les Discussion des scénarios lors de la journée séminaire, à l’Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine  Un territoire réintérrogé à long terme ...
  • 30. 3030
  • 31. 3131 3 - LES TROIS SCÉNARIOS RETENUS Trois scénarios visant à faire réagir La journée séminaire a permis de dégager trois scénarios d’évolution distincts. Il est important de noter que dans un souci d’efficacité des entretiens, le travail produit a fait l’objet de synthèse. La présentation des scénarios qui suit ne sous-entend pas un ordre d’importance entre les trois possibilités d’évolution, dans la mesure où chaque proposition inclut seulement un à deux éléments de rupture pour organiser la discussion ultérieure avec le monde agricole. Les supports utilisés lors des entretiens illustrant les scénarios sont présentés en Annexe 1. Des résumés respectifs sont présentés ici, visant à formuler les événements marquants pour assurer une bonne compréhension des différentes situations déterminées lors du séminaire. Chaque scénario comporte une entrée spécifique : crise politique et fin de la PAC, changement climatique et hausse du potentiel de rendements agricoles, élévation du niveau de la mer et transposition de la ville du Havre et de la zone industrielle sur le plateau de Caux.
  • 32. 3232 « LA CRISE EUROPÉENNE ET DE LA FIN DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (PAC) » • Entre aujourd’hui et 2030 : L’Union Européenne continue de se fragiliser jusqu’à se disloquer et les États ferment leurs frontières. Le budget européen s’effondre. Ce scénario qui pourrait tendre vers une guerre dans le pire des cas a deux conséquences principales pour notre étude. Le pouvoir national est affaibli et les collectivités territoriales tentent d’assurer un minimum de qualité de vie aux habitants, suivant le modèle de la ville-territoire. La fermeture des frontières rend les exportations difficiles. Si le budget européen périclite, cela s’accompagne de la fin de la PAC. Ces deux éléments vont avoir pour conséquence une fragilisation et disparition d’un grand nombre d’exploitations agricoles. Ainsi, au niveau de la Pointe de Caux, Le Havre essaie de gérer tant que possible sa zone périurbaine en décrétant des « zones à enjeux » visant la protection de certaines ressources vitales pour la population comme l’eau ou le bois. La fermeture des frontières génère des tensions et la faim apparaît, (d’autant plus que nous vivons aujourd’hui sous la dépendance d’importations alimentaires). Ceux qui peuvent avoir accès à des lopins de terre commencent à produire des légumes, sous la forme de jardins potagers. Ce n’est pas pour le plaisir, mais bel et bien pour pouvoir se nourrir. Cette situation de crise force à la « débrouille », et des techniques novatrices sont inventées pour pouvoir produire de la nourriture pour sa famille, en essayant de parfaire les circuits fermés, économes en intrants et en énergie, que l’on pourrait qualifier d’agroécologiques. Plus loin, au-delà des zones à enjeux, la collectivité ne peut pas gérer la situation. On assiste à l’apparition de zones « déterritorialisées ». Une des possibles évolutions pour ces zones est le regroupement des exploitations agricoles les plus puissantes cherchant à rester dans le modèle actuel d’agriculture conventionnelle et continuent d’exporter leur production. Vu qu’aucune réglementation n’est en vigueur, un certain retour en arrière s’effectue quant aux progrès environnementaux qui avaient été réalisés jusqu’alors, dans la recherche du profit immédiat. Entre 2030 et 2050 : Un nouvel élément de rupture vient s’ajouter à la situation : la crise pétrolière. Après avoir été maintenu à un prix acceptable dans la mesure du possible jusqu’en 2030, la raréfaction puis la disparition du pétrole devient une réalité. C’est la fin du système mondialisé. En revanche, le système de « ville territoire », déjà forcé de fonctionner à une échelle locale, s’est armé pour faire face à ce nouveau choc. L’agriculture qui s’était maintenue dans les zones déterritorialisées, dépendante des énergies fossiles et fortement affaiblie, disparaît. En parallèle, les techniques agroécologiques développées dans les espaces interstitiels et dans les zones à enjeux se répandent peu à peu. Une nouvelle agriculture conquiert le territoire, localisée, avec la possibilité d’alimenter l’hinterland via l’Axe Seine et grâce à une complémentarité avec le Pays d’Auge. • Prise de recul : Ce scénario, catastrophique dans un premier temps, montre qu’une fois le choc passé, des possibilités d’adaptation sont possibles et envisageables à l’échelle d’un territoire local. Il pose cependant des questions importantes pour le monde agricole : est-il possible de rester agriculteur si le schéma actuel devait changer ? Doit-on continuer à avoir un seul modèle d’agriculture, visant le rendement à tout prix ? Plus largement, si l’on rapproche cette réflexion de la situation actuelle, on peut se questionner à propos de la vision du métier d’agriculteur au sein du monde agricole. Un territoire réintérrogé à long terme ... SCÉNARIO1
  • 33. 3333 • « Résilience » : Ce système subit de plein fouet la crise politique et économique européenne, ainsi que la crise énergétique. Le seuil a été franchi. On remarque une bascule vers un nouvel état basé sur une économie différente, d’échelle territoriale et locale. Cette idée de production agroécologique s’applique à un schéma n’intégrant pas seulement les techniques appliquées sur les parcelles agricoles, mais aussi à une réflexion à propos du système alimentaire. La gestion de crise est aussi préoccupante : quid des comportements relatifs à la tension générée par la faim sur le territoire ? Cet aspect est dépendant de la gestion politique locale, qui se doit d’être autoritaire pour asseoir le partage des ressources. Le modèle de ville territoire peut dans ce cas avoir un rôle important. Figure 9 : Scénario de la crise européenne et de la fin de la Politique Agricole Commune (PAC) Cf. annexe page 88
  • 34. 3434 « L’AGRICULTURE, ACTIVITÉ PHARE DU TERRITOIRE » Une des conséquences du changement climatique est l’augmentation des températures. Au niveau de l’Estuaire de la Seine, il est fort probable que la température moyenne augmente de 2°C d’ici 2050. L’agriculture mondiale subit des perturbations. En France, la moitié sud a des difficultés à produire. Dans le Nord-Ouest de la France, la situation est différente. Bien que les prévisions ne prennent pas forcément en compte l’ensemble des facteurs agronomiques (l’activité microbienne du sol par exemple), on peut prévoir une hausse des rendements et l’intégration de nouvelles cultures dans les rotations. En poussant ces éléments à l’extrême, il est alors possible d’avancer le fait que les terres normandes deviennent convoitées pour leur potentiel productif alors que certaines régions du pays ou d’autres États perdent leurs capacités de production agricole. L’agriculture est alors considérée comme un potentiel certain pour le territoire de l’Estuaire de la Seine. Elle occupe la place d’activité phare du territoire. En d’autres termes, tout est bon pour produire, la moindre parcelle de terre est utilisée. En ville, c’est le développement de l’agriculture urbaine à destination directe de la population. Le potentiel marin devient pleinement exploité : aquaculture, cultures d’algues pour en tirer de l’énergie, pour amender les sols, pour la consommation ; éoliennes offshore, hydroliennes. L’agriculture terrestre évolue  : elle devient écologiquement intensive. Les normes sanitaires et environ- nementales sont de plus en plus contraignantes et cela va inciter la recherche agronomique à développer des procédés innovants, inspirés par exemple de l’agroforesterie pour faire de l’agriculture une activité de production respectueuse de l’environnement. Cet appui de la R&D (recherche et développement) est d’autant plus important que l’agriculture génère d’importants bénéfices avec ses rendements accrus. La zone industrielle actuelle, en déclin, peut saisir une remarquable opportunité pour se diriger vers des activités nouvelles qui s’intègrent au cœur de la chimie verte. L’agriculture en place n’est pas uniquement dirigée vers la production alimentaire, mais se diversifie vers des cultures énergétiques. Cela génère une demande de traitement des produits, qui peut apporter une haute valeur ajoutée pour le territoire. Le scénario du territoire agricole se réalise alors complètement. Le secteur agricole génère donc des profits considérables. En effet, le capital extérieur entre en jeu, ou que des firmes agroalimentaires actuellement détachées de la production saisissent l’opportunité de déposer leur marque sur la phase de production. Il est intéressant de préciser que ce dernier élément est déjà en vigueur dans certains secteurs de l’élevage comme l’activité avicole. Ce capital peut également provenir de la nouvelle zone industrielle de chimie verte. Figure 10 : Scénario de l’agriculture, activité phare du territoire Un territoire réintérrogé à long terme ... SCÉNARIO2
  • 35. 35 À l’échelle du territoire de l’Estuaire de la Seine, du Pays de Caux ou encore du SCoT LHPCE, on pourrait aboutir à une agriculture à deux vitesses. Une agriculture locale et diversifiée dans la ville et dans la première ceinture périurbaine se rétracte au profit d’une agriculture de firme écologiquement intensive, intégrée dans la chaîne agroalimen- taire ou dans celle de la zone industrielle de chimie verte. • Prise de recul : La question de gouvernance territoriale se pose dans ce scénario. Quel peut-être l’impact d’une politique locale d’aménagement du territoire sur des zones agricoles certes écologiques, mais dont les représentants ne sont pas sur le territoire ? Au niveau du monde agricole, la question est tout aussi préoccu- pante : un chef d’exploitation acceptera-t-il de devenir salarié d’une multinationale, dont le capital est par exemple étranger ? Certains pays investissent actuellement à l’étranger pour assurer leur avenir alimentaire. Pourquoi ne se dirigeraient-ils pas vers nos terres alors si convoitées ? • « Résilience » : Ce scénario représente une opportunité environnementale certaine pour le territoire. Néanmoins, si une agriculture de firme se met en place, la politique locale, nationale, ou même européenne pourrait voir son emprise réduite sur ce modèle de production. Une incertitude apparaît alors sur le volet socio-économique, rendant le système peu résilient. En effet, si la concertation et la communication entre acteurs est difficile, les capacités d’adaptation sont limitées. Cf. annexe page 90
  • 36. 3636 dans un futur proche, en prenant la vision actuelle de l’agriculteur par les aménageurs du territoire, il est alors probable qu’il se réaliserait de cette manière. Pourquoi garde-t-on une image de réserve foncière quand on fait allusion à l’agriculture ? Certainement car le lien entre l’agriculture et le territoire de l’Estuaire de la Seine est quasiment inexistant. La plupart des élus, comme les citoyens, ne connaissent pas l’agriculture du Pays de Caux. Que cultive-t-on ? Qui y travaille ? Quelle est la valeur économique de l’agriculture en place ? Qui sont les agriculteurs ? Le fait que 90% des produits agricoles produits sur ce territoire soient exportés n’aide pas forcément. Il est d’ailleurs nécessaire de rappeler que la zone havraise est plutôt orientée vers une activité industrialo-portuaire, plutôt que vers son arrière-pays. Autrement dit, comment régénérer du lien pour que les citoyens et les élus soient les premiers à défendre « leur » agriculture ? « LA FUITE VERS LE PLATEAU » Pour ce scénario, une autre conséquence du changement climatique est utilisée : l’élévation du niveau de la mer. D’ici 2050, si l’on combine cet effet à des tempêtes hivernales plus fréquentes (selon MétéoFrance) et à des marées de coefficients importants, la plaine alluviale de l’Estuaire de la Seine est submergée à plusieurs reprises, rendant l’activité industrielle installée compromise, questionnant également la sécurité pour la population du centre-ville du Havre. Ces conditions menacent de pousser la zone industrielle et la ville basse à se délocaliser. Où ? Il est important de rappeler que l’Estuaire de la Seine constitue un espace stratégique pour le territoire, car le port est un atout réel. Il est alors envisageable que le port actuel soit aménagé de manière à ce qu’il soit offshore. La reconstruction sur le plateau va nécessiter des imports conséquents et le port joue un rôle clé dans ce processus. Ainsi, pour rester au niveau de l’Estuaire de la Seine, la zone industrielle et la ville basse du Havre se transposent sur la pointe du plateau de Caux. Cet événement ne peut se faire que si le pilotage des opérations est conditionné à une autorité forte, d’ordres préfectoral, national et européen. Cette transposition entraîne une préemption agricole massive pour dégager de l’espace pour les « naufragés », ce qui pourrait déclencher des tensions sociales marquées. L’autorité qui accompagne le déménagement est indispensable. • Prise de recul : Ce scénario, comme le premier présenté ci-dessus, semble catastro- phique. S’il est pris au premier degré, il n’est pas très engageant pour commencer une discussion avec le monde agricole. La puissance financière paraît trop prégnante pour pouvoir espérer lutter contre la consommation foncière des terres agricoles. Néanmoins, la question soulevée par ce scénario est essentielle. Si ce scénario devait avoir lieu Un territoire réintérrogé à long terme ... SCÉNARIO3
  • 37. 3737 Figure 11 : Scénario de la fuite vers le plateau • « Résilience » : Comme pour le scénario de la fin de la PAC, la crise n’est pas évitée. L’impact de l’élévation du niveau de la mer est conséquent. En fonction de la gestion de cet événement, la « résilience » peut être très différente. Avec les détails présentés ici, la transposition de la ville et de la zone industrielle sur le plateau se fera en remplaçant l’agri- culture en place, menaçant les possibilités de développer des projets d’autonomie alimentaire. Des issues sont néanmoins possibles. Il est important de noter que lors du séminaire, les personnes ayant travaillé sur ce scénario ont été force de propositions. Ces dernières ont été gardées en ressource pour de futurs travaux concernant le SCoT, afin d’optimiser la discussion avec les différents acteurs rencontrés pendant la phase suivante. Cf. annexe page 86
  • 38. 3838 Les trois scénarios élaborés sont représentés schématiquement dans la figure 12. L’élément déclencheur est dans le cadre violet, la conséquence directe dans le cadre turquoise et la question émergente dans le cadre vert. S’interroger à long terme permet de questionner judicieusement le présent. Cela permet d’interroger l’agriculture différemment, sans uniquement recourir à une approche environnementale de la problématique. Un territoire réintérrogé à long terme ... Figure 12 : Bilan des scénarios à long terme et questions actuelles On peut constater que cela dure depuis quelques années, sans qu’il y ait un réel succès dans la démarche. Les scénarios ici présents amènent plutôt à se poser des questions identifiant des points de convergence sur lesquelles collectivités et agriculteurs pourraient travailler ensemble. BILAN
  • 39. 3939 Les scénarios, base de discussion avec les acteurs rencontrés La deuxième phase de l’étude a consisté en la rencontre individuelle de 32 acteurs du territoire du SCoT LHPCE ou extérieurs à celui-ci, ayant une activité directement liée à l’agriculture, ou ayant une vision à considérer sur la filière agricole dans son ensemble (voir la répartition géographique des entretiens en figure 13). 15 agriculteurs (dont deux maraîchers) ont été rencontrés, dont certains sont élus à la Chambre d’Agriculture. D’autres acteurs, plus ou moins éloignés du monde agricole ont été également rencontrés, pour leur vision du territoire. Ils proviennent des structures suivantes : • Communauté de l’Agglomération Havraise (CODAH), • Ville de Montivilliers, • Communauté d’Agglomération Seine-Eure (CASE), • Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine (AURH), • Conseil général de la Seine Maritime, • Chambre d’agriculture de la Seine Maritime, • SAFER de Haute Normandie, • Associations (Défis Ruraux, Terres de Lien, GRAB), • Centre de Formation Professionnelle Pour Adultes (CFFPPA), • Entreprises spécialisées (Kusmitea), • Coopérative (Senalia, Agylin), • Grand Port Maritime de Rouen (GPMR), • Fondation Sefacil. Il est à noter que ces acteurs ont été identifiés via des réseaux différents, afin d’obtenir des discours distincts et ouvrir les débats vers des horizons variés. Un grand merci est adressé à tous pour leur disponi- bilité. La méthodologie appliquée pour les entretiens est détaillée dans l’encadré n°3.
  • 40. 4040 Un territoire réintérrogé à long terme ... Figure 13 : Carte de localisation des entretiens réalisés lors de l’étude (source Google Maps)
  • 41. 4141 Encadré n°3 Méthodologie appliquée pour les entretiens Organisation Il n’y a pas eu d’ordre défini entre les entretiens avec les agriculteurs et les autres acteurs. Le printemps étant une période très chargée pour les agriculteurs, les rendez-vous ont été fixés en fonction de leur disponibilité. Le fait d’avoir pu rencontrer quasiment la plupart de ceux identifiés pour l’étude est une réussite en soi. Il n’y a donc pas eu d’organisation logique quant à l’agenda, mais plutôt une gestion pragmatique de celui-ci, en fonction des contraintes de chacun. Entre l’entretien semi-directif et la conversation Initialement, le type d’entretien semi-directif avait été choisi. Cependant, dans un souci de maintenir le climat de bienveillance tout au long de chaque entrevue et afin de générer de la discussion avec des acteurs tous très différents les uns des autres, c’est plutôt sous la forme de conversation que se sont déroulés les échanges. Une des règles de base annoncées à l’entame de la rencontre a été justement de ne pas trop fixer de cadre, afin que chacun se libère de sa structure professionnelle. Le but est de trouver des solutions pour le territoire et la notion de « brainstorming » peut aussi s’appliquer dans ce contexte. Plasticité et modèle d’enquête judiciaire De fil en aiguille, chaque entretien a construit les entrevues suivantes. Des idées proposées ont été « testées » avec les personnes rencontrées par la suite. Dans ce sens, le titre d’enquête sociologique ne correspond pas d’un point de vue scientifique, car le matériel expérimental, le guide d’entretien, n’a pas été le même pour chaque acteur rencontré. L’étude se situe dans un contexte de recherche appliquée. Une liberté a été prise par rapport à la rigueur méthodologique nécessaire en recherche. Une adaptation constante a été appliquée entre chaque conversation, permettant de faire avancer la discussion. Il ne s’est pas agi de placer la comparaison des discours des différents acteurs en objet central de l’étude, mais plutôt d’avancer pas à pas, à l’image d’une enquête judicaire. Par exemple, l’idée de dégager une grande question par scénario a été proposée par un technicien du territoire et cela a permis une discussion plus efficace et riche pendant les échanges suivants. D’une certaine manière, la mission de l’enquête, source de proposition pour un projet agricole résilient dont il est question pour le territoire du SCoT LHPCE s’apparente à la transcription des idées des acteurs du territoire. C’est la première étape de la valorisation de ces derniers au sein du territoire et cela représente une porte d’entrée pour les ateliers de concertation pour le SCoT LHPCE qui seront mis en place à l’avenir.
  • 42. 4242
  • 43. 4343 II - Des échanges riches faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 44. 4444
  • 45. 4545 meilleure prise en compte de l’agriculture dans les projets de territoire. La construction d’une vision stratégique autour de trois axes de travail pour engager le territoire sur une démarche s’articulant autour de la « résilience » et de l’agriculture sera partagée dans la partie suivante.  Le plan de présentation est résumé en figure 14. Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient » Cette partie expose les résultats de la phase terrain de l’étude. Dans un premier temps, des données « à l’état brut » sont proposées à partir des entretiens avec les agriculteurs uniquement quant au climat des échanges entre le monde agricole et les collectivités. Ensuite, une analyse des entretiens avec l’ensemble des acteurs de l’étude sera exposée, illustrant les pistes d’innovation et opportunités pour une Figure 14 : Principaux résultats de l’étude de la partie 1
  • 46. 4646 1 - Un accueil chaleureux malgré une tension palpable avec les pouvoirs publics Un environnement propice à la discussion L’accueil offert par ces derniers a été très chaleureux. Cette ambiance a permis une communication aisée ainsi qu’une discussion riche, générée à partir des scénarios d’évolution. Le préjugé selon lequel les agriculteurs raisonnent essentiellement à court terme s’est rapidement avéré inexact. Les remarques émises et les réactions ont été proactives. Elles ont fait avancer la discussion à propos des scénarios à long terme. Ces acteurs connaissent le territoire sur lequel ils évoluent, notamment sur le plan des spécificités pédoclimatiques et leurs évolutions. Les scénarios, pourtant alarmistes pour l’activité agricole, ont été bien compris et reçus. Il ne s’est pas agi de simplement refuser les éléments avancés dans chaque scénario, mais bien de les discuter, aller plus loin. Il existe un fort esprit d’innovation, propre à l’existence même de l’exploitation agricole. L’évolution du contexte réglementaire nécessite une adaptation constante que chaque chef d’exploitation doit intégrer en accommodant ses pratiques. La prise en compte de cet état d’esprit, s’il est sollicité et valorisé, pourrait apporter une valeur ajoutée non négligeable aux projets de territoire. Prendre en compte l’agriculture dans ces projets, c’est prendre en compte les hommes qui la font vivre, et non pas que les techniques agronomiques à l’échelle du champ. Une volonté de communiquer davantage avec les collectivités a été formulée à plusieurs reprises par les agriculteurs, d’une part pour mieux comprendre ce que peuvent entreprendre les élus et d’autre part pour pouvoir valoriser leur expérience de terrain et leur savoir. Une confirmation de la tension présente sur le territoire Les hypothèses concernant le contexte de tension entre le monde agricole et les collectivités ont en général été le premier élément abordé lors de la conversation après la présentation de l’objet de l’étude. Ces tensions existent pour plusieurs raisons. • La consommation foncière Comme le montrent les figures 2 et 3, présentées plus haut, un grand nombre d’agriculteurs sont concernés par l’artificialisation des sols. C’est cependant surtout la nature des ouvrages qui pose problème. L’extension de la ville n’est pas forcément en cause, car les acteurs ne sont pas conscients de la diminution de la population à l’échelle de la CODAH. En revanche, les zones d’activité, les infrastructures routières et les ouvrages hydrauliques (bassins d’orage) ne font pas l’unanimité. Les zones d’activités sont souvent considérées comme très gourmandes en espace, notamment la construction de parkings géants, d’autant plus que l’effet de création d’emploi pour le territoire est considéré comme éphémère. Leur présence n’est donc pas jugée comme essentielle. Pour les ouvrages hydrauliques et les infrastructures de gestion du ruissellement, leur nécessité n’est pas remise en cause. C’est plutôt la nature des ouvrages qui est discutée. Les infrastructures routières consomment beaucoup d’espace (comme par exemple, les bretelles d’insertion ou les ronds-points), et l’absence de prise en compte du discours agricole aboutit à l’impossibilité d’exploiter l’espace en herbe restant. Les ouvrages hydrauliques sont déconsidérés. Il en résulte un discrédit d’une partie des techniciens et des ouvrages réalisés.
  • 47. 4747 • Le comportement des néoruraux La périurbanisation, pendant les cinquante dernières années, s’est faite par le déplacement d’un certain nombre de citadins vers les zones rurales. Même s’il existe un certain idéal français quant à l’envie d’avoir une maison avec un jardin au calme à la campagne, la plupart des citadins qui deviennent propriétaires à la campagne font ce choix en fonction de leur budget, les prix étant plus attractifs en milieu rural. Cette population « néorurale » se retrouve au contact de l’agriculture, sans pour autant en comprendre les modalités de fonctionnement associées. Les différentes conversations avec les agriculteurs font ressortir le fait que ces néoruraux viennent vivre à la campagne, sans accepter les contraintes qu’elle peut comporter. Effectivement, il n’est pas rare que la gendarmerie se déplace pour pointer des problèmes de routes boueuses après le passage des engins agricoles par temps pluvieux, ou de bruit la nuit pendant la récolte de blé au mois de juillet. Les agriculteurs ressentent un certain mépris quand ils doivent se déplacer sur les routes avec leurs engins agricoles, gênant ainsi la circulation, alors que les infrastructures routières ne leur permettent pas de faire autrement. Ce sentiment est également éprouvé lors des traitements chimiques, ou encore des travaux de fertilisation (souvent avec les mêmes équipements que pour les traitements). On peut aussi ajouter à cette liste la grogne des riverains lors de l’épandage de fumier sur les champs, ce qui génère une forte odeur. Ainsi, les néoruraux vivent à la campagne, mais en gardant une culture et mode de vie citadin. L’éclairage public, par exemple, est souvent contesté et considéré comme une dépense importante mais inutile aux yeux du monde agricole. • Image de pollueur Depuis quelques années déjà, un certain nombre de scandales concernant l’agriculture ont éclaté. Il semble aujourd’hui que la plupart des messages diffusés par les médias à propos de l’agriculture soient orientés autour de l’impact des produits phytosanitaires (pesticides) et des nitrates sur la santé et sur l’environnement. Le terme « agriculteur pollueur », relayé par un grand nombre de médias, d’associations pour l’environnement, a eu un certain impact auprès de la population. Les agriculteurs pointent le fait que la communication sur l’agriculture est uniquement négative et qu’on ne démontre pas leur utilité à l’échelle d’un territoire, d’un pays, ou même de la planète. De nombreuses fois pendant les entretiens, il a été répété que le monde agricole se cache, car les agriculteurs se sentent en quelque sorte rejetés pour les raisons exposées dans les deux points précédents. Cependant, ils reconnaissent aussi que ce « repli » ne les invite pas à communiquer davantage sur leur métier, ne permettant pas aux néoruraux de mieux connaître leur activité. De même, on peut constater aujourd’hui que les agriculteurs sont beaucoup moins représentés dans les conseils municipaux qu’auparavant. La discussion n’est de ce fait pas facilitée pour exposer les contraintes du monde agricole. • Des discours discordants au sein de la profession Le défaut de communication identifié ci-dessus s’accompagne aussi de la reconnaissance par les agriculteurs qu’il n’existe pas d’unité dans le discours agricole. Le sujet de la consommation foncière semble sensible, par manque d’unicité. Les agriculteurs considèrent cette situation comme une porte ouverte pour les promoteurs immobiliers et de travaux publics. Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 48. 4848 • Des contraintes qui se superposent sans harmonisation L’évolution constante des réglementations inquiète le monde agricole. Selon les agriculteurs, les contraintes sont de plus en plus nombreuses. Assez souvent, il y a plusieurs organismes référents en fonction des contraintes. Ces derniers ne communiquent pas toujours entre eux et il en résulte certaines contradictions réglementaires (voir encadré n°4). • Agacement par le manque d’investissement des élus Si les agriculteurs reconnaissent qu’ils ne s’engagent pas dans des opérations de communication sur leur profession, la plupart font aussi part du manque de reconnaissance des élus du territoire envers l’agricul- ture. L’absence régulière des élus aux quelques réunions de discussion entre agriculteurs et collectivités agace. Cela traduit un intérêt peu prononcé pour l’agriculture. Effectivement, les élus urbains s’ouvrent à des territoires ruraux depuis la création des intercommunalités, mais ils restent peu enclins à discuter avec le monde agricole, soit par crainte, soit par un manque de connaissance de ce que peut apporter l’agriculture au territoire. Ces points divers montrent l’importance de mener une étude qualitative. On peut identifier un certain manque en matière d’études sociologiques concernant le secteur agricole sur le territoire. Les collectivités semblent désarmées pour mettre en place des mesures de protection des ressources naturelles et enclencher la concertation avec le monde agricole, car une césure s’est effectuée entre le monde urbain (aussi composé des néoruraux) et le monde agricole, comme on peut le voir sur la figure 15. Figure 15 : Un climat d’échanges difficile entre agriculteurs et collectivités
  • 49. 4949 Encadré n°4 Exemples de contradictions réglementaires autour de l’agriculture Préservation des prairies permanentes et talus non tondus Un grand nombre de communes ont adopté des mesures visant à réduire la tonte des talus pour promouvoir la biodiversité. Cependant, le fait de ne plus tondre les talus a un inconvénient principal sur le territoire : la pousse des chardons. Ces derniers se répandent rapidement, y compris dans les prairies permanentes, où les bovins pâturent. Les vaches sont gênées par ces végétaux et de ce fait, des parcelles en herbe peuvent devenir inexploitables pour les éleveurs. Or, le maintien des prairies est primordial pour le contrôle du ruissellement, de l’érosion et aussi pour promouvoir la biodiversité. Les agriculteurs éleveurs sont encouragés par les collectivités à maintenir des surfaces en herbe pour leurs troupeaux, mais cela n’est pas toujours possible si les talus voisins ne sont pas tondus. Mare et terre polluée Les sols du Pays de Caux sont sujets à l’érosion, car leur caractère limoneux leur confère une structure très fine. Ceci génère un risque prononcé de formation de croûte de battance pendant les fortes pluies. Cette croûte est semblable à un ciment imperméable et conduit au ruissellement. La disparition des mares et le remembrement des parcelles ont intensifié le problème puisque l’eau circule librement et termine en général sa course dans les fonds de vallée. Des ouvrages hydrauliques ont été construits pour retenir l’eau, mais des dispositifs de concertation ont parfois également permis d’aboutir à la création d’une mare, que l’agriculteur accepte de faire sur une de ses parcelles. Avec cela, il perd donc en surface de production. L’eau de ruissellement transporte de la terre, qui se retrouve au fond de la mare. Il serait donc logique que l’agriculteur puisse la récupérer pour l’épandre sur la parcelle à nouveau, mais cela est impossible, car cette terre est considérée comme polluée (par les produits phytosanitaires). Au final, l’agriculteur perd de l’espace et de la terre. Chardon-marie, poussant sur les talus - http://fr.wikipedia.org/wiki/Chardon-Marie Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 50. 5050 2 - Pistes d’innovation et opportunités – l’agriculteur, véritable acteur du territoire ? Après avoir posé les bases du climat général quant à la situation entre le monde agricole et les collectivités, les résultats de la discussion sur les scénarios avec l’ensemble des acteurs sont proposés. Il est important de noter qu’on ne parle plus uniquement du discours des agriculteurs, mais aussi de la vision de territoire des autres acteurs rencontrés, qu’ils appartiennent ou non au monde agricole. Les résultats sont exposés en fonction de chaque question posée par les scénarios, ainsi que d’autres points qui ont émergé lors des différentes discussions. Pistes d’innovation • L’agriculture de firme est-elle la solution ? Le scénario de « l’agriculture, activité phare du territoire » a démontré cette tendance vers une agriculture d’échelle industrielle même si celle-ci pourrait répondre à des normes environnementales plus exigeantes. À l’échelle du SCoT LHPCE, il faut souligner que le cadre périurbain a certainement permis de maintenir des exploitations d’une taille relativement raisonnable de l’ordre de cent hectares ou moins, alors que plus loin sur le plateau, les exploitations grandissent plus vite et il n’est pas rare à présent de rencontrer des exploitations de trois cents ou quatre cents hectares. Pour autant, aujourd’hui, des parcelles du territoire du SCoT LHPCE sont déjà rachetées par de grosses exploitations plus éloignées sur le plateau de Caux. Ce phénomène a une incidence sur le territoire, le paysage et aussi un impact psychologique auprès des agriculteurs voisins de ces parcelles rachetées. Effectivement, ces parcelles restent gérées par des exploitants agricoles, mais qui ne se trouvent pas sur le territoire. Les nouveaux propriétaires ou locataires ont moins d’états d’âme à recourir au remembrement massif. Cela pose un réel problème pour la collectivité, car les sièges d’exploitation en question peuvent se trouver très loin des intercommunalités. La logique d’entreprise peut orienter les choix en favorisant des aspects financiers aux dépens d’objectifs environnementaux, sociaux et humains. L’échelle décisionnelle risque d’être déplacée, dépassant le rôle des agriculteurs chefs d’exploita- tion, peu à peu remplacés par des groupes agricoles ou d’autres entités externes à l’agriculture. Il devient dans ce cas difficile de négocier ou discuter de mesures agro-environnementales. Cet élément de perte de contrôle ou de capacités d’échanges sur le territoire est à même d’interpeler les agriculteurs ainsi que les collectivités. Voici sans un doute un premier élément de convergence
  • 51. 5151 susceptible de favoriser des liens nouveaux. Du côté des agriculteurs, c’est la perte de la place de chef d’exploitation, de la « liberté » décisionnelle qui entre en jeu : « Les agriculteurs sont nés dans l’agriculture et meurent dans l’agri- culture. Ils sont des terriens et sont ancrés dans la terre. Ils ne sont pas habitués à travailler pour d’autres et aiment faire ce qu’ils veulent, avec les seules contraintes que le métier engendre. C’est mieux d’avoir une exploitation plus petite que de travailler pour les Chinois. Par contre, si c’est le seul moyen de rester dans l’agriculture, la question n’est pas anodine et il vaut mieux rester dans la terre. Il y a déjà des exploitations qui sont énormes en Seine Maritime. L’agriculteur ne fait que commander et gère ses 500 ha avec une dizaine de salariés, qu’il n’a pas de mal à trouver, car ceux-ci n’ont pas les moyens de s’installer » (propos d’un agriculteur). Cette notion de liberté décisionnelle est discutable, car ce terme clamé à nombreuses reprises par les agriculteurs semble tout de même limité. Effectivement, le corporatisme et le système de succession familiale, très puissants en agriculture, rendent difficile l’innovation et l’expérimentation. Les agriculteurs répondent avant tout à des demandes de production provenant des coopératives, à un marché (par exemple celui de la bourse de Chicago pour les céréales) et orientent leurs productions en fonction de la PAC. Cet ensemble leur laisse finalement peu de libertés quant à la gestion des assolements. On peut relever dans la citation, ci-avant, que le rachat des terres est conditionnel au départ à la retraite qui ne génère pas forcément une nouvelle installation, mais l’agrandissement d’une autre exploi- tation, voisine ou non. L’accès au foncier est donc plus que jamais problématique. À ceci s’ajoute le risque de perdre le modèle d’exploi- tation familiale. Trois pistes évoquées lors des échanges pourraient réduire les effets présentés ci-dessus : • Des GAEC plus grands Actuellement, les agriculteurs fonctionnent souvent en association avec d’autres, de la même famille ou non, au sein de Groupements Agricole d’Exploitations en Commun (GAEC), à deux, trois, ou quatre membres. On pourrait imaginer, pour garder cette base organisation- nelle, d’encourager la formation de GAEC plus grands, devenant ainsi plus puissants, à une dizaine d’exploitants. Cette structure permettrait d’insérer les plus jeunes dans le circuit, quand d’autres plus âgés partent à la retraite. De l’extérieur, ceci pourrait paraître comme un groupe de grande taille, mais à l’intérieur, c’est bien l’échelle humaine qui domine. Cela nécessite évidemment une gestion nouvelle, car plus on ajoute de membres dans un groupe, plus les modalités d’or- ganisation doivent être définies. Cependant, le contexte culturel a été évoqué à plusieurs reprises comme élément de blocage : « Ici, on est Cauchois, on est assez individualiste. Même moi, j’ai fait une expérience d’association, je n’étais pas fait pour ça. Peut-être que nos enfants seront plus intelligents que nous » (propos d’un agriculteur). • Attractivité pour les jeunes L’avenir de l’agriculture repose sur l’investissement de la profession dans la réflexion autour des différences problématiques régissant l’agricul- ture, mais aussi et surtout, sur l’investissement des jeunes dans le métier. Ce qui a été dit sur les GAEC précédemment est un élément pour attirer les plus jeunes, mais un travail de communication est nécessaire pour donner une image attrayante du métier. Il est important de noter ici que cette image ne doit pas uniquement être celle de la grande culture, mais celle de la diversité. Avoir une agriculture résiliente au sein d’un territoire suppose en effet une pluralité de modèles agricoles Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 52. 5252 complémentaires. La diversité est l’élément clé pour gagner en résistance face à des crises ou à des chocs. La spécialisation de l’agri- culture à laquelle on peut assister aujourd’hui représente un problème pour la «  résilience  », poussé par le profit immédiat. Le désintérêt pour les activités telles que l’élevage, l’horticulture, le maraîchage et d’autres est questionnant. De même, les métiers para-agricoles souffrent, comme ceux que l’on peut trouver dans les entreprises de location de matériel agricole par exemple. Au-delà d’une certaine ségrégation entre les différents métiers du monde agricole, il est important de souligner la nécessité de renforcer l’attractivité du secteur de l’agriculture aux « hors cadre familiaux », c’est-à-dire ceux qui n’ont pas de famille travaillant directement dans ce secteur. Il est courant d’entendre qu’il existe un protectionnisme au sein du monde agricole et que les extérieurs ne sont pas forcément les bienvenus, d’autant plus que ces derniers sont souvent marginaux par rapport aux idées principales diffusées dans le monde agricole. Or, à travers cette étude, il a été répété de nombreuses fois par des agriculteurs qu’il faut ouvrir la profession aux extérieurs, qui sont porteurs de projets innovants. • Organiser la session ou la vente des terres lors d’un départ à la retraite Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont les organismes permettant d’instaurer un contrôle lors de la vente des terres. Elles sont fortes d’un droit de véto quand l’acte de vente est jugé ne pas être en cohérence avec la politique locale et l’intérêt général. Ces entités jouissent également d’un droit de préemption si les accords ne sont pas faits à l’amiable. Ceci permet de libérer de la terre aux porteurs de projets viables, qu’ils soient agricoles ou non. Cet outil pourrait représenter une aubaine pour maintenir les terres agricoles en place, ou pour permettre de vérifier que la vente s’effectue au bénéfice des exploitants agricoles respectant l’agriculture voisine en place. Certaines voix s’élèvent contre la pertinence du contrôle des structures, car ce dernier ne tiendrait pas compte des réalités économiques. Cependant, l’agriculture gérant un espace très conséquent à l’échelle des territoires, la dérégulation n’ira pas obli- gatoirement dans l’intérêt général. Il semble alors légitime d’exercer une action de regard sur ce qui est fait. Il convient de se demander si l’agriculture est une activité purement économique, ou une activité privée qui entretient des biens publics ? De nombreux exemples dans d’autres secteurs montrent aujourd’hui les conséquences de la dérégulation. Comme il a été précisé plus haut, l’activité agricole, sortie du contexte du système alimentaire globalisé, s’exerce encore à échelle humaine. Ne serait-ce pas une fierté de pouvoir préserver et améliorer ce système ? Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui la SAFER a un droit de regard sur environ 50% des échanges fonciers. L’autre moitié n’est pas concernée par cet organisme, car les conditions d’actions sont très précises et bien souvent, la SAFER ne peut agir. Mettre en place un outil performant, en parallèle des autres points d’innovation présentés dans l’étude, permettrait de garder les atouts présents sur le territoire du SCoT LHPCE, tout en les intégrant à une échelle plus grande comme celle de l’estuaire de la Seine.
  • 53. 5353 • Comment générer du lien entre le territoire et son agriculture ? • Promouvoir une agriculture diversifiée, sans favoritisme pour la vente directe ou l’export La question du lien entre l’agriculture et le territoire, soulevée par le scénario de « la fuite vers le plateau », est essentielle. Comme il a été précisé dans le descriptif du scénario concerné, si les aménageurs du territoire se retrouvaient dans l’impossibilité d’exploiter la plaine alluviale, ils se tourneraient probablement vers le plateau de Caux dans un souci de proximité avec l’Estuaire de la Seine. Si ce constat paraît alarmant, il exprime une réalité : les élus semblent ne pas avoir une connaissance approfondie de l’agriculture présente sur leur territoire d’actions. Ils représentent la population et cela signifie que la plupart des habitants du territoire du SCoT LHPCE, l’Estuaire de la Seine, la France et plus largement les sociétés occidentales, n’ont pas conscience de ce que représente l’agriculture. Que produit-on ? Qui produit ? Qui est l’agri- culteur aujourd’hui ? Consomme-t-on ce qui est produit ? Quelle force économique représente l’agriculture ? (voir encadré n°5). Cette méconnaissance provient certainement du fait que la consom- mation s’est totalement détachée de l’acte de production et vice versa. En d’autres termes, consommateurs et producteurs se côtoient très peu. L’idée, pour tenter de rapprocher les deux entités, n’est pas uniquement de développer ou favoriser une agriculture minoritaire. Travailler sur les circuits courts, bien qu’essentiel, ne suffit pas. Il faut aussi s’attacher à travailler à la mise en place d’une agriculture diversifiée. D’un côté, des activités agricoles de proximité permettraient d’améliorer la sécurité alimentaire locale. De l’autre, l’agriculture d’export représentera un potentiel fort pour le territoire à condition qu’elle devienne durable et qu’elle résiste au développement de l’agriculture de firme. « Durable » comprend les aspects sociaux, économiques et environnementaux. À cette méconnaissance de l’agriculture s’ajoute un déséquilibre au niveau de la vision du territoire. L’intérêt des collectivités se concentre sur la zone industrielle et sur le port du Havre, tradition (historique) détournant l’attention d’autres réalités présentes et complémentaires. Certes, c’est un secteur d’emploi conséquent, mais est-il durable ? Des débats émergent autour de cet espace économique. A contrario, le secteur agricole, bien que générant moins d’emplois qu’auparavant, a toujours été nécessaire et le sera tout autant à l’avenir. Si un projet résilient était mis en place, le scénario de la fuite vers le plateau se déroulerait certainement d’une manière différente, les habitants et élus seraient les premiers à défendre l’agriculture de leur territoire, conscients de son importance. Les deux modèles économiques présentés dans ce paragraphe paraissent aujourd’hui déconnectés. Il semble pourtant possible d’accentuer leurs complémentarités poten- tielles, élément qui sera détaillé dans les prochains points. • Créer une logistique pour soutenir et développer les filières courtes De nombreux agriculteurs ont aujourd’hui orienté une partie de leur production vers des circuits courts, que ce soit en produits laitiers, ou en viande par exemple. Lors des entretiens, ceux engagés dans ce processus ont précisé à plusieurs reprises leur intérêt pour réorienter une plus grande partie de leur production. Cependant, il n’existe pas de soutien logistique fort pour appuyer cette prospective. Permettre d’ancrer certaines productions dans le territoire pourrait dégager des revenus nouveaux aux agriculteurs. Ces revenus seraient alors moins dépendants des marchés mondiaux et offriraient une fonction tampon quant à la volatilité des cours des matières premières agricoles. In fine, cette résistance aux crises, profitable aux exploitants, permettrait de faire gagner en autonomie alimentaire le territoire local. Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 54. 5454 Encadré n° 5 Des réalités agricoles contrastées approchées à l’échelle de la CODAH Une qualité exceptionnelle des sols pour une activité économique majeure Le territoire bénéficie des terres parmi les plus fertiles d’Europe et d’un climat permettant un large panel de productions. Plusieurs formes d’agriculture cohabitent. Cependant le modèle traditionnel, jouant des complémentarités cultures/élevage, est en déclin au profit de formes très spécialisées d’exploitations (ex : céréaliculteurs, «patatiers»...). Le maraîchage,luiaussienrégression,resteprésentessentiellementenpériphérie urbaine. L’agriculture valorise 40 % du territoire de l’agglomération et y représente une activité économique majeure. Si l’élevage connaît des difficultés et se trouve en fort recul, les grandes cultures génèrent quant à elles des marges considérables. L’agriculture du Pays de Caux est largement mondialisée (lin pour la Chine, pommes de terre pour l’Espagne, blé pour le Maghreb...). Les agriculteurs sont des chefs d’entreprise bénéficiant d’un bon niveau d’études. • En 2010, la valeur de production agricole régionale était de 1,2 milliards d’euros. • 264 emplois agricoles directs (équivalent temps plein) en 2010 sur le territoire de la CODAH. • Le maraîchage est pourvoyeur d’emplois : il requiert plus d’1 actif par hectare. Cependant il risque de disparaître du territoire d’ici 10 ans, faute de reprise des exploitations. • 2 hectares de maraîchage permettent de fournir en fruits et légumes 150 habitants par semaine. • Le déclin du maraîchage Au-delà de la production de fourrage pour les animaux, la majeure partie des productions liées aux grandes cultures est vouée à l’exportation. De leur côté, les 21 exploitations maraîchères restantes gèrent un peu plus de 100 hectares cultivés en légumes. 85 % de ces surfaces produisent pour la vente locale (grossiste, vente à la ferme, marchés, cantines scolaires, …) et n’assurent finalement que 11 % de l’autonomie alimentaire du territoire. Pour un territoire adossé à des terres aussi fertiles c’est très peu. Il apparaît tout à fait paradoxal d’importer de la nourriture en masse. • Des techniques pointées du doigt Si le nombre d’exploitations sur la CODAH a été divisé par 3 depuis le recensement de 1979, leur surface moyenne a elle été multipliée par plus de 2. Afin de gérer plus de surfaces avec un minimum de main d’œuvre et de s’inscrire dans des modèles portés par la Politique Agricole Commune (PAC), les exploitations s’intensifient parfois via des méthodes de culture polluantes, encouragées également par la volonté des consommateurs de réserver une part minime du budget à l’alimentation. Ce qui est flagrant c’est que nous croisons de moins en moins d’agriculteurs et apercevons bien moins d’animaux dans nos campagnes. Les sols du territoire sont de très grande qualité et indispensables aux cultures. Cependant, nous assistons désormais à des phénomènes d’érosion de plus en plus préoccupants. Les ruissellements ont engendré des inondations et des coulées de boue telles que la CODAH a dû démultiplier le nombre d’ouvrages de gestion des eaux (136 en 2012, peut-être 200 à termes), alors qu’il n’y en avait aucune nécessité avant les années 70. La gestion de ce risque représente un des budgets principaux de la CODAH.
  • 55. 5555 Cette question de circuit court amène une réflexion sur les questions d’échelles à considérer. L’image de circuit court fait couramment référence aux AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) Figure 16 : Différents niveaux d’intégration pour les circuits courts, complémentaires de l’agriculture d’export « Avoir des structures régionales (couveuse régionale par exemple), avec une mutualisation des filières courtes, soulève la question fondamentale de la logistique. On n'a encore rien fait dans ce domaine-là. Une structure bien organisée pourrait multiplier par 10 le chiffre d’affaire dans cette situation et attirer davantage d’agriculteurs ». (Propos d’un agriculteur). Les agriculteurs avancent souvent le fait que le circuit court ne génère pas suffisamment de revenus et que cette activité est trop chronophage pour qu’elle les intéresse. Il est crucial, face à cet argument, de travailler à une meilleure communication. D’ailleurs, l’idée n’est pas forcément d’utiliser le circuit court existant, mais d’établir des débouchés novateurs en mobilisant des acteurs de différentes compétences. En ce qui concerne le temps nécessaire à l’activité de circuit court, l’idée de GAEC plus important exposée plus haut permettrait d’organiser les tâches diffé- remment ainsi que de tisser des plus liens plus forts entre les agriculteurs, ainsi qu’entre eux et le territoire. Cela représente une motivation supplémentaire pour promouvoir le maintien de l’exploitation familiale. qui mettent en place des réseaux à l’échelle d’une ville, mais on peut aussi imaginer d’autres réseaux intercommunaux, départementaux, régionaux, etc. (voir figure 16). Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 56. 5656 • Produire avec une plus grande valeur ajoutée À l’heure actuelle, autour de 90% des productions du Pays de Caux sont exportées à l’étranger. Les céréales sont expédiées au Maghreb (surtout en Algérie), les pommes de terre vers l’Espagne, le lin vers la Chine. Il s’avère que les produits sont souvent exportés à l’état brut. La principale valeur ajoutée qu’ils produisent correspond à leur stockage, dans des silos pour les céréales par exemple. Une à une, les étapes de transformation ont été délocalisées par les pays importateurs et cela représente une clé d’interrogation pour le territoire. Le lin, une des cultures phares de la Normandie, est quasiment entièrement transformé en Chine. La seule étape se faisant encore sur le territoire est celle du teillage (phase d’extraction des fibres provenant des tiges de la plante). Est-ce pour cette raison en partie que notre agriculture génère peu d’intérêt ? Certainement. Il paraît cependant utopique d’imaginer relocaliser ou reprendre les parts de marchés perdues. Ne pourrait-on pas en revanche explorer de nouveaux débouchés pour valoriser les cultures, ou des filières permettant l’arrivée de nouvelles cultures ? Des exemples de diversification de production ont déjà émergé. Le lin n’est pas uniquement destiné au textile à présent. Deux nouveaux débouchés ont été créés localement. Le premier correspond à l’incor- poration des fibres de lin dans un matériau de construction en terre (Cématerre ®), le second permet quant à lui l’utilisation de ces fibres dans les portières de voiture (EcoTechnilin ®). • Vers de nouvelles filières ? La recherche de nouvelles filières représente l’avenir pour générer des débouchés viables et durables valorisant l’agriculture du territoire. La quête de valeur ajoutée s’articule autour de la mise en place de projets innovants, si possible non délocalisables, afin qu’ils durent dans le temps. On peut imaginer différentes possibilités (voir encadré n°6). Ce qui est important dans cette démarche est la recherche de points de performances additionnels à l’argument économique. Certes, cet argument permet de convaincre les chefs d’exploitations agricoles, mais une vision globale permet de dégager une série d’avantages pour le territoire. Le scénario de l’agriculture activité phare du territoire rappelle que l’Estuaire de la Seine possède un fort potentiel marin. Les ressources marines n’ont pas été mobilisées. L’éolien offshore est à ses débuts, mais il existe d’autres sources. Outre l’hydrolien, l’aquaculture d’algues peut par exemple se positionner comme symbole moteur d’une transition de la zone industrielle vers la chimie verte, à des fins énergétiques, mais aussi alimentaires. Cet aspect alimentaire ne correspond pas uniquement à la consommation de ces algues, mais aussi (et surtout) au potentiel énergétique et à l’apport d’une possible fertilisation des terres avec ce produit inépuisable et propre si l’on en maîtrise la production d’un point de vue écologique. Peut-on y voir ici un des prémices de l’économie circulaire  ? Pendant les entretiens avec l’ensemble des acteurs, il est ressorti l’intérêt de développer ce potentiel de nouvelles filières au sein des petites et moyennes entreprises (PME). Celles-ci représentent certai- nement la clé vers une réactivité efficace par rapport à des grands groupes agro-alimentaires ou énergétiques. La force novatrice de cette échelle d’entités économiques s’accorde davantage avec l’idée d’une diversité sur le territoire. Cette diversité peut aboutir, à termes, à une « résilience ». Des PME travaillant en partenariat avec les GAEC, créatrices d’emplois, donneraient du crédit à une force politique encore tournée vers les géants industriels. À titre d’exemple d’échelle de travail à dimension humaine, on peut citer la méthanisation. Depuis quelques années, on assiste à l’émergence de cette forme d’utilisation du fumier produit en
  • 57. 5757 Encadré n° 6 Vers de nouveaux débouchés pour l’agriculture du territoire Les propositions présentées ci-dessous doivent être considérées comme des pistes à approfondir et à ajuster en fonction des réalités de terrain. Il s’agit plutôt d’une démonstration concernant la recherche. Ces idées ont été proposées par certains acteurs rencontrés (Fondation Sefacil, Grand Porte Maritime de Rouen et agriculteurs) La mise en valeur de l’élevage pour répondre à un besoin en lait croissant La Normandie produit 15% du lait français (deuxième grande région productrice de lait derrière la Bretagne). En parallèle, certaines régions du monde commencent à exprimer de forts besoins en consommation de lait, notamment en Chine et en Afrique. Ces régions sont en recherche de quantité et/ou de qualité. Même si l’élevage tend vers une intensification avec l’essor de la stabulation permanente, on pourrait imaginer produire un lait de qualité supérieure avec une étape de mise en poudre (car exporter du lait liquide est trop coûteux). Ce débouché, pourrait aider à conserver les prairies permanentes, car la qualité du lait de vaches élevées en plein air est supérieure. Cela pourrait représenter un argument de communication incontestable. De plus, il est intéressant de noter que le port du Havre ne possède pas de filière de produits frais, résultat d’un choix stratégique de se spécialiser en activité conteneur et en pétrole. Le fait que l’Axe Seine n’exploite absolument pas cette filière peut sembler regrettable. Pourquoi ne pas diversifier l’activité du port et exploiter cette aubaine ? (On considère que le lait en poudre n’est pas obligatoirement un produit frais, mais la discussion sur le lait pose la question des produits frais à une échelle plus large.) agriculture. Même s’il est nécessaire d’avancer avec précaution dans ce domaine (un certain nombre de projets ne s’avèrent pas orientés dans une démarche de production durable, uniquement conduits pas l’attrait économique), des projets sont à l’étude et certains ont déjà été mis en place. L’idée n’est pas d’installer un méthaniseur par exploitation agricole, ce qui rendrait l’exploitant dépendant de l’instal- lation, mais de regrouper cinq à dix exploitations pour faire fonctionner un méthaniseur et alimenter une petite ville ou un village en gaz. A priori, le digestat issu du processus de méthanisation peut être utilisé pour fertiliser les champs. La combinaison de fumier et de digestat permet de gagner en indépendance quant à l’utilisation des engrais chimiques (azote minéral). Des échanges riches, faisant émerger les bases d’un projet agricole « résilient »
  • 58. 5858 Ainsi, cette opportunité économique pourrait valoriser une image déjà existante sur le territoire, tout en ayant un avantage environnemental. Ce gage de qualité est nécessaire pour pouvoir faire perdurer un élevage à taille humaine, sans forcément s’orienter vers l’élevage industriel en stabulation. La création d’une filière bois Il n’existe pas à proprement parler de filière bois sur le territoire du SCoT LHPCE et sur la Pointe de Caux. 121 000 tonnes de bois mobilisables ne sont pas exploités à l’échelle de l’Estuaire de la Seine. Mettre en place des projets de chaufferie collective (en plus de la méthanisation), en alimentant en partie les installations avec du bois produit localement permettrait d’augmenter le revenu des agriculteurs s’ils installent des haies autour des parcelles. Cet effet permettrait d’ailleurs de réduire le ruissellement et s’insèrerait dans le schéma de transition énergétique à l’ordre du jour de la politique nationale en 2014. Il est important de préciser qu’on ne peut alimenter une chaufferie uniquement avec les haies, mais cela peut constituer une part non négligeable de l’apport. Source : AURH