2. https://droitetcharia.wordpress.com/
« Il n’y a pas de fiqh sans sunna ni de sunna sans fiqh »
Certaines personnes, pour des raisons connues, font circuler un hadith du
Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - comme étant une illustration de la
bassesse et de la vulgarité du Prophète - a'uthu billah - ou comme étant un exemple de
la nécessité de rejeter cette religion. D'autres encore ont pris l'initiative d'utiliser ce
hadith pour critiquer la sunna et la science du hadith.
Ce hadith est rapporté par l'imam Ahmad dans son mousnad selon cinq
narrations1
. Nous citons ici la narration la plus explicite de ce hadith comme
illustration de l'objet de notre analyse :
« Quiconque tire des vanités des affiliations de l’époque anté-islamique (jâhiliya) en
se rattachant à celles-ci, dites-lui de mordre le sexe de son père et n'insinuez pas (sans
sous-entendre) ».
»منتعزىبعزاءالجاهليةفأعضوهبهنأبيهوالتكنوا«
D'autres narrateurs ont transmis ce hadith2
. Certaines chaînes de transmission
de ce hadith sont très faibles et n'ont aucun poids dans la science du hadith toutefois,
d'autres chaînes sont considérées comme bonnes ou fortes. Les spécialistes du hadith
lors du tahqiq (l'analyse) de ces chaînes ont considéré ce hadith comme « hassan »,
celui-ci étant donc un argument juridique.
Par conséquent, la question suivante se pose directement : comment le
Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - a-t-il pu dire une telle parole ?
Ainsi, nous analyserons ce hadith sur plusieurs niveaux :
Premièrement : Les mœurs de notre Bien aimé - que la bénédiction de Dieu soit
sur lui :
Le Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - a été loué par Dieu dans
le Coran en le décrivant :
»َكَّنِإَوىَلَعَلقُلُخيمَِظع«
« Et tu es certes d'une moralité éminente »3
.
1
- Ahmad : « Musnad Ahmad », Hadiths n°21233 à 21237.
2
- Al-Bukhari : « al-Adab al-Mufrad », n°963 ; Al-Nasa'i : « al-Sunnan al-Kubrâ », n°8813 ; Ibn Hibbân :
« Sahih d'Ibn Hibbân », n°3153 et autres.
3
- Le Noble Coran : Al-Qalam (La plume), verset n°4.
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Cet éloge de Dieu écarte toute critique en la rendant nulle et sans aucune
valeur. Le Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - était en effet connu de
ses ennemis, avant et après la déclaration de son message, par le comportement le plus
parfait. Ainsi, toute critique d'une parole isolée utilisée comme un argument pour
diffamer le Prophète n'est qu'une hérésie.
Deuxièmement : La pudeur du Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur
lui :
Notre bien aimé - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - est loué par les
narrateurs et rédacteurs de sa biographie comme ayant le plus de pudeur. De même, la
législation islamique réglemente tous les domaines de la vie comme les règles
juridiques propres aux parties intimes ('awra). Dans ces sujets, nous remarquons la
politesse prophétique qui éclaire le sens des choses dans de sublimes expressions. Il
utilisait effectivement la vastitude de la langue arabe pour s'exprimer d'une manière
convenable, s'adressant aux hommes et aux femmes. Le hadith suivant explicite sa
pudeur :
»َنعَةَشِئَاعَّنَأةَأَرامتَلَأَسَّيِبَّنالىَّلَصُ َّّللاِهيَلَعَمَّلَسَوَنعاَهِلسُغنِمِيضِحَمال،َاهَرَمَأَف
َفيَكُلَِستَغت،َالَق( :يِذُخةَصرِفنِمكسَميَِّرهَطَتَفاَهِب)،تَلاَق:َفيَكُرَّهَطَتَأ؟َالَق:
(يَِّرهَطَتاَهِب)تَلاَق:َفيَك؟َالَق( :َانَحُبسِ َّّللايَِّرهَطَت)،اَهُتذَبَتاجَفَّيَلِإُتلُقَف:يِعَّبَتَتاَهِبَرَثَأ
ِمَّدال«.
« Une femme interrogea le Prophète sur les ablutions majeures à cause des
menstrues. Il lui montra la façon de se laver puis lui dit: «Prends un morceau de laine
parfumé de musc et purifie-toi en faisant l'usage ! -Comment dois-je me purifier ?
Demanda la femme - Purifie-toi en faisant l'usage! - Comment ? Insista-t-elle. - Gloire
à Dieu ! S'exclama le Prophète, purifie-toi !" Sur ce, je la tirai vers moi et lui dis: «
Passe le morceau sur les traces de sang ! »4
.
Selon une autre version de ce hadith, notre mère 'Aicha a dit que le Prophète a
rougi suite à la question de la femme5
.
Troisièmement : L'effet de la pudeur prophétique sur ce hadith :
La réponse sèche présente dans le hadith objet de notre analyse est atténuée
par l'effet de la pudeur du Prophète sur deux niveaux :
1- Le hadith objet de notre analyse ne mentionne pas explicitement le nom du
sexe, une métaphore étant utilisée.
2- Le Prophète n'a légiféré l'insulte qu'en réponse à un crime. Ainsi, c'est une
sanction et non pas une autorisation d'insulte envers des innocents. Ce hadith contient
4
- Al-Bukhari : « Le recueil authentique », n°314 ; et Muslim : « Le recueil authentique », n°332.
5
- Al-Bukhari : « Le recueil authentique », n°315.
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une intimidation violente pour celui qui s'appuie sur les appartenances politiques,
tribales, raciales ou autres. Ce fanatisme et cette étroitesse d'appartenance constituent
une des caractéristiques de l'ère préislamique. Ainsi, cette rude expression est une
réponse à un crime plus grave qui ne peut être condamné que par une réponse rude
dans les limites des choses permises lors de la réponse comme nous le présenterons
ultérieurement. En effet, les peines en Islam visent à interdire l’accomplissement de
crimes. Ainsi, l'évaluation de la peine seule, isolément du crime qu'elle sanctionne et
de la finalité qu'elle vise, constitue une analyse bancale. C'est pourquoi ceux qui
critiquent les peines, comme le fait de couper la main des voleurs ou de tuer les
meurtriers, ne regardent en réalité qu'un côté de la chose : la sanction du voleur assure
la protection de la propriété, la sanction du meurtrier assure la protection de la vie des
innocents, la sanction de l'adultère assure la protection de l'honneur et de la filiation
etc. Ainsi, cette analyse est bancale et inéquitable.
Quatrièmement : Le principe de l'interdiction des mauvaises paroles :
Remarquons que ceux qui font circuler ce hadith visent à convaincre les gens
que l'Islam autorise les insultes et les obscénités ou que la sunna n'est pas une source
législative vu les prétendues horreurs qu'elle contient. Cela est certainement erroné et
est basé sur une intention malhonnête. Le principe général en Islam est l'interdiction
des insultes et des paroles impolies. Dieu a explicitement décrit le statut de ces paroles
dans le Coran comme étant détestées par Lui. Il dit :
»َالبُِحيُ َّّللاَرهَجالِءوالسِبَنِمِلوَقالَّالِإنَمَمِلُظَانَكَوُ َّّللاايعِمَسايمِلَع«
« Allah n'aime pas que l'on profère de mauvaises paroles sauf quand on a été
injustement provoqué. Et Allah est Audient et Omniscient »6
.
La déclaration et la profération d’obscénités englobent les mauvaises paroles
qui ne doivent pas être prononcées, y compris les insultes et les invocations par le mal
etc. Le Prophète a illustré ce principe dans le hadith suivant :
« Le croyant n'est pas injurieux, ni maudisseur, ni grossier, ni indécent. »
(Rapporté par al-Tirmithi n°1977).
Cinquièmement : Les mauvaises paroles sont-elles autorisées ?
Le principe précité constitue la règle générale régissant les paroles tandis que
dans certains cas les mauvaises paroles sont autorisées. Dieu le Très Haut dit dans
sourate Al-Shura (la Consultation) :
6
- Le Noble Coran : Al-Nisa’ (Les femmes), verset 148.
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»ُءاَزَجَوةَئِّيَسةَئِّيَساَهُلثِمنَمَفاَفَعَحَلصَأَوُهُرجَأَفىَلَعِ َّّللاُهَّنِإَالبُِحيَينِمِلاَّالظ(04)
ِنَمَلَوَرَصَتانَدعَبِهِملُظَكِئَلوُأَفاَممِهيَلَعنِميلِبَس(04)اَمَّنِإُليِبَّسالىَلَعَينِذَّال
َونُمِلظَيَاسَّنالَوَونُغبَييِفِضرَاْلِريَغِبِّقَحالَكِئَلوُأُمهَلابَذَعيمِلَأ(04(.{
« 40. La sanction d'une mauvaise action est une mauvaise action [une peine]
identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Allah. Il n'aime
point les injustes ! 41. Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés, ceux-là pas de
voie (recours légal) contre eux; 42. Il n'y a de voie [de recours] que contre ceux qui
lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là
auront un châtiment douloureux ».
Celui qui est victime d'une injustice et qui réagit pour récupérer son droit, par
la parole ou par l'action, ne commet aucune infraction même si son acte constitue une
mauvaise parole du point de vue du criminel ou lui porte préjudice. Rappelons que
l'acte qui vise à protéger le droit ou le réacquérir est autorisé par l’unanimité : la
parole n’atteint pas le degré de l'acte mais lui est inférieure et doit donc être autorisée.
Ce hadith autorise le fait de répondre par des offenses à ceux qui les méritent. Cela ne
peut être qu'un cas extrême qui touche la sécurité des gens et la protection de la
religion et de la foi des gens comme nous le présenterons ci-dessous.
De plus, nous citons l'explication de ce hadith ambigu rédigé par l'imam al-
Tahawi dans son fameux ouvrage « Le commentaire des narrations ambiguës » ( شرح
مشكلاآلثار ). Nous résumons son analyse dans les lignes suivantes7
:
((L’interdiction des paillardises concerne celui qui ne mérite pas ces paroles
tandis que ce qui est cité dans le hadith est envers celui qui reprend le fanatisme et
l'étroitesse des appartenances selon les habitudes préislamiques. Ainsi, celui qui incite
les gens à se combattre du fait de leur appartenance ethnique sera offensé pour
dénigrer son appartenance ethnique et ceci afin d'interdire aux gens de se combattre
pour des causes d'appartenance ethniques ou raciales. En fait, la cause de ce châtiment
réside dans la nature du crime commis : le châtiment est propre aux personnes qui se
réfèrent aux gens de la période préislamique. En effet, le hadith dispose du mot
« ta'azza » qui est dérivé de « 'azâ' » qui signifie « se référer » ou « s'ajouter »)).
Nous ajoutons aussi que l'usage du recours au soutien des autres personnes
pour des raisons d'appartenance tribales, familiales, régionales, raciales etc. paraît
fréquent dans la pratique et c'est une habitude de la période antéislamique (jâhiliya).
Ces appels sont généralement destinés à la masse des gens pour présenter un soutien
militaire ou physique pour combattre les autres, rechercher un droit prétendu etc.
Ainsi, cet appel provoque évidemment des effets qui ne peuvent pas être contrôlés
suite à la réaction de la foule, notamment lorsqu'il s'agit d'un appel à la guerre, au
combat et à la vengeance. C'est pourquoi ce hadith autorise une telle réponse rude en
rappelant que le Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - n'a utilisé qu'une
7
- Al-Tahawi : « Le commentaire des narrations ambiguës » ( شرحمشكلاآلثار ), vol.8, p.231 à 234.
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métaphore ; en effet il est sublime et ne se dégrade pas à prononcer des paroles de
bassesse.
De plus, nous nous demandons : y a-t-il un crime plus grave que celui qui
déclare appartenir à la période préislamique et incite les gens à se référer aux
comportements de celle-ci et d'avoir de l'orgueil à cause de ses appartenances, ce qui
aboutit au dépassement des règles de la vie en société par les individus en s'appuyant
sur le soutient desdites appartenances ; ces derniers pouvant tuer, voler, arnaquer etc.
en se cachant derrière leurs tribus, familles, régions…
Remarquons que certains essayent de donner l'illusion que ce hadith signifie
qu'il faille insulter celui qui fait l'éloge ou ressent de l'orgueil à cause de son
appartenance à son pays, à sa famille, à sa région comme s'il disait : « j'aime ma ville,
ma famille ou mon pays ». Cette compréhension du hadith est malhonnête et inexacte.
En application de ce principe, Abû Bakr a répondu à ceux qui ont déclaré que
les musulmans fuiraient la bataille et qui les ont incité à le faire en disant : « suce le
sexe de la Late [une idole adoré » par les Quraychites], est ce qu'on s'enfuit en le
laissant ? »8
. Abu Bakr a utilisé une insulte connue dans la période préislamique pour
répondre à celui qui a dévalorisé les musulmans et qui les a incité à abandonner leur
Prophète lors d'une situation de guerre. Ibn Hajar al-Asqalani a dit dans le
commentaire de ce hadith d'Abu Bakr ce qui suit : « il contient l'autorisation de
prononcer les paroles vilaines afin de réprimer celui qui a commis une chose qui le
rend méritant d'une telle parole. Ibn al-Munir a dit : la réponse d'Abou Bakr contient
un rabaissement des ennemis, une preuve de leur mensonge et une réponse implicite à
leur dogme prétendu qui considère la Late comme la fille de Dieu avec prétexte
imposant que la Late dispose d'un sexe féminin »9
. Enfin, L'imam al-Baghawî a
affirmé que celui qui appartient et tire des vanités de son appartenance aux
musulmans n'est pas soumis à ce hadith car l'appartenance à l'Islam ne peut aboutir
qu'à l'application des règles et préceptes de l'Islam10
.
Conclusion :
L'Islam réglemente tous les domaines de la vie. Il ne laisse aucun cas ou
situation sans le régir même si ce cas semble extrême, exceptionnel ou rare. Ainsi, les
solutions sont appropriées à ces cas et se caractérisent par les mêmes qualités
d’extrémité, d'exceptionnalité et de rareté. L'interdiction des mauvaises paroles
constitue le principe général qui régit les paroles ; cependant, elle n'est pas absolue.
Donc, nous remarquons chez ceux qui utilisent ce hadith deux types d'erreurs :
certains essayent de généraliser l'interdiction des mauvaises paroles pour la rendre
absolue et d'autres essayent de présenter l'autorisation restreinte et exceptionnelle des
8
- Al-Bukhari : « Le recueil authentique », n°2581.
9
- Ibn Hajar al-Asqalani : « Fath al-Barî », vol.5, p.340
10
- Al-Baghawî : « Le commentaire de la sunna », vol.13, p.120.
7. https://droitetcharia.wordpress.com/
mauvaises paroles comme étant une autorisation absolue, une règle générale, en
Islam.
Enfin, l'analyse de ce hadith constitue une réponse à ceux qui affaiblissent les
hadiths selon leur propre gré en prétendant que tel ou tel hadith est faible car le
Prophète - que la bénédiction de Dieu soit sur lui - ne disait jamais ce type de paroles
ni ne les acceptaient ou que tel ou tel hadith est contradictoire avec le Coran. En
réalité, les contradictions ne sont que dans leurs propres pensées à cause de leur
ignorance des limites des règles juridiques.
Concluons par la demande à Allah Le plus Puissant de nous guider et de nous
élever en science et en foi.
Dieu est plus Savant.
Abû Zakariyyâ al-Ḥussaynî al-Shâfiʿî