2. 7Sommaire
3 Manager et suivre les usages / page 204
La construction d’un tableau de bord pour accompagner
l’appropriation des TIC / page 206
Véronique Dumont, Christelle Mallet, Anne Rousseau
D’une gestion de la « résistance au changement » au management
des usages / page 236
Denis Chaumat
Postface / page 270
Alexandre Mallard (Orange Labs)
Bibliographies / page 274
4. 9Préface
En second lieu, le défi, pour les DSI, est de veiller à leur bonne articulation pour
en tirer le meilleur profit pour leurs entreprises. Ainsi, nous pensons que la
relation TIC, performance et capacité des organisations à changer, repose sur les
acteurs de l’organisation et leurs pratiques professionnelles. Les DSI et leurs
collaborateurs savent qu’il est fondamental d’impliquer les utilisateurs dans les
projets SI pour une conception d’usage des solutions déployées et assurer une
meilleure appropriation de celles-ci. C’est un point fort du présent ouvrage de
souligner cette dimension.
Enfin, nous pensons qu’en matière d’usage des systèmes d’information, les
schémas organisationnels doivent aussi évoluer pour prendre en compte la
réalité des usages et favoriser la réalisation des solutions implantées. Au
CIGREF nous avons la conviction que les systèmes d’information participent à la
réelle création de valeur et à la véritable innovation organisationnelle, dont les
entreprises françaises ont besoin. Les TIC sont un moyen, parmi d’autres, de
transformation des organisations et des modes de travail. Leur utilisation peut
favoriser la réussite des changements organisationnels et/ou managériaux, à
condition d’être associées à une politique de gestion des compétences, à
l’évolution des structures organisationnelles et du management ainsi qu’à une
conduite du changement adéquate pour aider les entreprises à se transformer
et à être performantes dans la durée. Savoir analyser l’usage est un levier de
création de valeur dans la mesure où l’on pourra anticiper, ajuster et suivre les
conditions nécessaires à l’appropriation du SI par l’organisation et ses
utilisateurs.
Cet ouvrage, avec ses contributions associant des chercheurs et des consultants,
permet d’enrichir la réflexion des DSI et de leurs collaborateurs pour les aider à
conduire une démarche d’analyse de l’usage des TIC. Il n’y a pas seulement une
perception « théorique » des bénéfices mais aussi un retour terrain « pratique »
et effectif. En cela, c’est un ouvrage nécessaire qui renforce la collaboration
entre le CIGREF et le réseau ANACT.
Didier Lambert,
Président du CIGREF1,
DSI groupe ESSILOR
1. Club Informatique des GRandes Entreprises Françaises (www.cigref.fr)
6. 11Introduction
l’innovation technique peut être fortement réduite par un manque
d’appropriation des utilisateurs, des contournements d’usages, une sous
utilisation, voire une dégradation des conditions de réalisation du travail.
Mais sait-on bien aujourd’hui comment comprendre ces phénomènes et les
analyser pour créer les conditions de l’innovation organisationnelle, d’une
amélioration des conditions de travail et de la performance ?
Sept laboratoires ou groupements de recherche et un cabinet de consultant
ont été sélectionnés pour participer à ce travail collectif « d’inventaire ». Ainsi,
cet ouvrage présente les contributions de ces auteurs, huit regards se croisent
sur la notion d’usage, apportant huit points de vue différents, tant par les
disciplines et les démarches mobilisées, que par la nature des objets techni-
ques et organisationnels étudiés, ou bien encore par le secteur d’activité.
L’ensemble de ces apports constitue, à notre sens, un précieux document, qui
parvient à puiser dans des réflexions théoriques et des ancrages scientifiques
variés de véritables outils pour l’action, avec un caractère opérationnel ou
« opérationnalisable » immédiatement, qu’il convient de souligner.
Notons alors que si les approches et les méthodes proposées sont très
variées, elles entretiennent néanmoins entre elles une certaine proximité.
En ce sens, cet ouvrage propose un tout cohérent : les principes d’action sont
partagés par l’ensemble des contributeurs. Ces principes sont les mêmes
que ceux qui guident les actions de l’ANACT et de son réseau. C’est pourquoi
il nous semble important de les mentionner ici.
Dans la plupart des contributions, l’accent est mis sur la dimension
organisationnelle des processus d’appropriation, davantage que sur les
variables individuelles. Il ne s’agit pas bien sûr de nier l’importance de ces
dernières (âge, parcours…), mais de faire le pari que l’organisation du travail
peut être un levier d’action extrêmement fort dans l’accompagnement des
changements.
Autre point de convergence : la plupart des démarches et méthodes
proposées comportent une forte dimension participative. Elles proposent
d’associer les utilisateurs à chaque étape de la vie d’un projet, rompant ainsi
avec les clivages classiques entre conception d’une part et usage d’autre
part… Là encore, sans que cela soit explicite dans chaque contribution, on
retrouve un principe « classique » pour le Réseau ANACT, selon lequel les
usagers ne sauraient se cantonner à un rôle de simples « adoptants » des
TIC mais qu’ils sont véritablement acteurs de la trajectoire d’appropriation à
l’œuvre au sein de l’organisation.
De ces deux points découle un troisième : les démarches et méthodes
proposées dans cet ouvrage reposent également sur des principes
d’intervention spécifiques, défendant notamment qu’il est nécessaire de
reformuler les demandes opérationnelles adressées aux consultants pour
mener à bien une analyse d’usage. En effet, comme on le verra dans
8. 13Introduction
Ce découpage nous permet, néanmoins, de mettre en avant l’apport de
chaque contribution à la compréhension de phénomènes spécifiques à
chaque moment de la vie d’un projet, de présenter des démarches ou
méthode directement applicables selon la nature de la demande.
Intégrer l’analyse des usages en conception
L’usage des technologies ne se déduit pas de façon naturelle du travail des
concepteurs, qu’ils soient éditeurs, SSII ou cabinets conseil spécialisés en
accompagnement du changement. L’usage ne se limite pas à pas une
transposition d’intentions portées par différentes méthodes pendant les
phases de conception et de conduite du changement. Il témoigne également
d’une autonomie de l’utilisateur, vérifiée dans l’écart entre les usages
effectifs réels et les usages attendus. L’usage est une construction sociale
qui s’accompagne d’une reconception par l’utilisateur. Autrement dit la
conception se poursuit dans l’usage.
Cela ne nous conduit pas pour autant à oublier la question de la conception.
En effet, il est impossible d’appréhender l’usage sans se référer au travail de
conception et aux intentions stratégiques portées par la direction de
l’entreprise, les chefs de projets ou les responsables métiers. L’usage est
également le résultat d’une offre technique dans laquelle se cristallisent
toutes ces intentions stratégiques, économiques et métiers. C’est donc un
autre déterminant à prendre en compte pour comprendre l’usage.
La question posée par l’analyse d’usage lors des phases de conception
tourne donc autour d’une problématique importante dans le contexte de
modernisation continue des organisations : comment favoriser le rappro-
chement entre l’offre technique et le volet usage ? Pour mieux répondre à
cette question, les contributeurs de cet ouvrage cherchent à comprendre et
à analyser ce qui se joue dans la construction de l’usage, en mobilisant
différentes disciplines allant de la sociologie à la psychologie, en passant la
gestion ou l’ergonomie.
On pourrait objecter que nombre de projets techniques implantés dans les
entreprises ne sont pas conçus de manière ad hoc, mais sont souvent des
outils « clés en main » avec des marges de manœuvre réduites. Le « travail
d’organisation »1 et la question des adaptations techniques (paramétrage
fonctionnel…) se posent alors d’autant plus que le travail de conception par
l’usage n’aura pas été effectué en amont. Plus encore, la compréhension de
l’usage du système informatique pourra être remobilisée pour assurer la
réussite des projets suivants, en pensant cette fois leur conception à travers
l’analyse des usages. En effet, dans un contexte de succession des projets
1. Le travail d’ajustement organisationnel nécessaire à la réalité des situations de travail
10. 15Introduction
logique du système. Il s’agit alors de renvoyer à l’entreprise l’importance du
« travail d’organisation » qui peut avoir un coût social et économique :
- perte de sens du métier, et perte de confiance dans l’organisation ;
- augmentation des erreurs, baisse de la qualité ;
- absentéisme ;
- atteinte à la santé : TMS, stress…
L’analyse d’usage participe alors à la prévention et à la recherche de
solutions pour concilier mutations techniques et transformations organi-
sationnelles. Mais également pour assurer les conditions d’une création de
valeur et d’une innovation organisationnelle permises par l’appropriation du
système d’information.
Manager et suivre les usages
Le troisième grand moment de l’intervention que nous présentons pour
l’analyse des usages est celui de l’accompagnement du changement. La
perspective est radicalement différente : l’écart entre usage prescrit et réel
n’est au fond plus un « problème », mais la solution ! En effet, il ne s’agit plus
de réduire l’écart en réalisant des ajustements du côté des innovations ou du
côté de l’organisation, mais il faut, à l’inverse, partir de cet écart pour créer
une dynamique, et « mettre en mouvement » les acteurs de l’entreprise.
La mise en relief, par l’analyse d’usage, des écarts de représentations et
leurs incidences sur les pratiques permet aux dirigeants d’effectuer un
retour réflexif sur leurs intentions et sur leur vision des innovations.
Du côté des utilisateurs, il s’agit là encore d’aller au-delà d’une conduite du
changement trop souvent réduite à des aspects de communication ou
d’information, en permettant aux acteurs de faire également évoluer leurs
représentations et de construire lien et cohérence entre leur activité et les
nouvelles technologies implantées.
Ainsi, au final, à travers la présentation de différentes démarches et
méthodes pour l’analyse des usages des TIC en entreprise, cet ouvrage
permet de proposer, en filigrane, une façon innovante de considérer l’écart
souvent irréductible entre usage prescrit et usage réel. Cet écart devient le
cœur d’une dynamique d’appropriation, en faisant des différentes intentions,
représentations et rationalités, une force et non un « problème », une
menace ou une source d’échecs des projets.
Marie Benedetto-Meyer
Romain Chevallet
11. Intégrer l’analyse
des usages
en conception
PAGES 16 À 75
17
On pourrait s’étonner d’un chapitre sur des méthodes d’analyse des usages en
conception dans la mesure où ceux-ci se révèlent dans la mise en situation réelle.
Pourtant, lorsque les entreprises font le choix d’un système sur mesure, les projets de
conception passent, notamment, par des phases de paramétrages pour adapter l’outil à
« des intentions d’usages ».
On cherche ainsi à anticiper les conditions d’une acceptabilité des TIC, en s’appuyant sur
des facteurs individuels tels que l’utilité et l’utilisabilité perçue ; on peut aussi mobiliser
les méthodes de conception orientée utilisateur ou de conception participative
(Février/Jamet). On peut, enfin, initier la construction de réseaux d’acteurs, favoriser
une co-conception avec les utilisateurs par des boucles de conception-évaluation grâce
à un prototype (Pascal/Thomas).
13. 39Partie 1 - Chap. 1 - Utilisabilité, utilité et acceptabilité des TIC :
une approche de psychologie ergonomique
ANNEXE
Exemple d’un questionnaire d’intentions d’usage
Le but de cette annexe est de présenter un exemple de questionnaire utilisé
pour évaluer les intentions d’usage d’une TIC. En fonction de l’objectif de
l’enquête, il est possible d’ajouter des items socio-démographiques.
1) Cette technologie est facile à utiliser.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
2) Utiliser cette technologie me permettrait de réaliser une plus grande quantité
de travail.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
3) Peu d’efforts sont nécessaires pour utiliser cette technologie.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
4) Utiliser cette technologie me permettrait d’améliorer mon efficacité au travail.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
5) Je suis favorable à l’utilisation cette technologie en complément de mes outils
de travail habituels.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
6) Je trouve cette technologie utile dans mon travail.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
7) Utiliser cette technologie me permettrait d’être plus performant(e)
dans la réalisation de certaines missions.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
8) Il est facile de naviguer dans ce logiciel.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
9) Utiliser cette technologie serait une bonne idée.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
10) Il est facile d’apprendre à se servir de cette technologie.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Pas du tout d’accord Tout-à-fait d’accord
16. Diagnostiquer
les usages
dans l’organisation
du travail
PAGES 76 A 203
77
Si l’analyse des usages permet, en amont d’un projet, d’en améliorer la conception, elle
permet également, une fois les TIC introduites, d’en comprendre les processus
d’appropriation et les dynamiques d’usage. Les intervenants en entreprises sont souvent
sollicités dans cette phase. Leur rôle est alors, avant de formuler des préconisations, de
construire des hypothèses explicatives de l’usage en réalisant un diagnostic.
Ces hypothèses renvoient parfois à la multiplication d’enjeux contradictoires associés
aux innovations, aux intentions et aux représentations des dirigeants des PME
(Boutary/Monnoyer) ou bien, plus largement au « travail d’organisation » qui transforme
les modalités d’appropriation et les usages des TIC (/Cléach/Craipeau /Metzger).
Une fois identifiées ces sources de dysfonctionnement, le diagnostic permet d’aller plus
loin, soit en modélisant les écarts de représentations et les formes d’appropriation pour
mettre en avant le rôle des acteurs et la construction d’une confiance mutuelle
(Boutet/Chauvin-Blottiaux), soit en aidant les usagers à se projeter dans des scénarios
d’usage (Bachelet/ El Harouchi).
22. 263Partie 3 - Chap. 2 - D’une gestion de la « résistance au changement »
au management des usages
ANNEXE
Grille de questionnement
L'ordre dans lequel seront abordés les différents points listés ci-dessous est
sans importance puisqu'ils se renvoient tous partiellement les uns aux
autres comme différents angles de vue d'une même situation.
Selon la position de l'acteur qui utilisera la grille, certaines réponses
pourront être plus ou moins difficiles à obtenir, mais ce qui importe n'est pas
tant l'exhaustivité de l'information que sa pertinence.
Le questionnement ci-dessous constitue un guide, mais il n'a absolument
pas la prétention d'être exhaustif.
AXE 1 : HISTORIQUE DU CHOIX DE L'OUTIL
Qui est à l'origine de la proposition de mise en œuvre de l'outil ?
- La direction ?
- Un expert en technologie interne ou externe ?
- Un expert en organisation, management, G.R.H. ?
- Le management ?
- Les utilisateurs potentiels ?
Si plusieurs acteurs sont à l'origine de la proposition, reconstruire
l'enchaînement et les glissements d'enjeux ou d'objectifs dans la chaîne
conduisant de la proposition initiale à la prise de décision.
Quel est l'objet de la proposition TIC ?
- La recherche de performance externe (qualité / performance pour le client,
le fournisseur, le partenaire…) ?
- La recherche de performance interne (efficacité ou efficience du ou des
services, qualité dans le service rendu à d'autres services internes…) ?
- Amélioration et/ou maîtrise et/ou la maîtrise de la qualité et de la fiabilité
des processus ?
- Mise à niveau technique imposée par l'environnement ?
- Anticipation de l'avenir, recherche de la performance future ?
- Volonté de disposer d'un outil de production moderne, image… ?
- Autres objets ?
Il s'agit ici d'identifier les objectifs ou le problème source. Plusieurs choix
peuvent bien sûr se superposer.
24. 265Partie 3 - Chap. 2 - D’une gestion de la « résistance au changement »
au management des usages
volonté et injonction de la direction ou du management pour que les
acteurs utilisent l'outil.
L'outil est-il indispensable ou non au travail des collaborateurs ?
- Indépendamment de l'injonction faite par le management, les
collaborateurs ont-ils la nécessité technique d'utiliser l'outil, ou peuvent-
ils le contourner partiellement ou totalement ?
Rapporté à l'organisme dans sa globalité, ou à l'unité concernée par l'outil,
le coût d'implémentation de l'outil est-il lourd ou au contraire léger ?
Compte tenu de la technicité des utilisateurs, l'outil est-il, en matière de
maintenance technique, très lourd ou au contraire plutôt léger ?
Rapport au changement, l'outil est-il considéré :
- comme accompagnant un changement conduit par ailleurs ;
- comme vecteur du changement voulu par ailleurs ;
- ou encore comme neutre vis-à-vis du changement ?
AXE 3 : ACTEURS ET JEUX D'ACTEURS
AUTOUR DE L'OUTIL
Aborder une problématique sous l'angle des représentations implique de
bien identifier les acteurs et leurs enjeux respectifs :
Cartographie des parties intéressées par l'outil :
- Qui sont les organes de prise de décision, les experts en technologie, les
autres experts mobilisés (organisation, ressources humaines…) ?
- Qui sont les responsables de l'usage de l'outil, le gestionnaire de l'outil, les
utilisateurs ?
- Qui sont les bénéficiaires des apports de l'outil (internes, externes) ?
- Qui sont les autres parties intéressées, qu'elles soient associées au projet,
extérieures au projet, dissimulées derrière un autre acteur ou encore
représentées par l'un d'eux ?
Pour chacune des parties intéressées :
- Quels sont ses objectifs et/ou son discours autour de l'outil ?
- Quels sont ses enjeux avoués ou non ?
- Quels sont les atouts ou les ressources dont elles disposent ?