1.
Libres
contributions
économiques
Tome
III
N°
ISBN
:
9782322026036
1
2. Introduction
Depuis
2008,
le
monde
occidental
et
singulièrement
l'Europe
subissent
une
crise
économique
dont
il
n'est
pas
interdit
de
penser
qu'elle
est
doublement
structurelle.
D'un
côté,
une
crise
des
pratiques
de
l'endettement
privé
et
d'un
certain
laxisme
public.
De
l'autre,
une
crise
à
valeur
de
mutation
de
civilisation
comme
ne
cesse
de
le
répéter
–
et
de
le
démontrer
–
le
philosophe
Michel
Serres.
Face
à
cette
crise
des
chiffres
et
du
monde
numérique
naissant,
le
corps
social
souffre
et
nul
ne
saurait
nier
que
la
crise
comporte
un
coût
humain
par
les
inflexions
de
trajectoires,
les
lignes
brisées
qu'elle
impose.
Cet
ouvrage
s'inscrit
dans
la
suite
chronologique
des
deux
précédents
(
"
Crise
et
libres
contributions
économiques
"
et
"
Risques,
espoirs
et
libres
contributions
économiques
"
)
et
représente
la
compilation
méthodique
de
documents
de
recherches
qui
ont
fait
l'objet
de
publications.
Des
versions
plus
étoffées
demeurant
destinées
aux
soutiens
du
jeune
Think
tank
:
Archer
58
Research.
Puissent
ces
pages
nourrir
la
réflexion
personnelle
du
lecteur
dans
des
temps
troublés
pour
tellement
de
citoyens.
Avec
l'expression
de
mon
dévouement,
Juin
2013.
Jean-‐Yves
Archer
Economiste
cabinetarcher@orange.fr
2
3.
Sommaire
LA
QUESTION
NON
RESOLUE
DES
RISQUES
BANCAIRES
I.
Une
supervision
bancaire
a
minima
II.
Banques
et
rapport
Liikanen
:
passion
ou
raison
?
III.
Le
"
shadow
banking
"
et
le
côté
obscur
de
la
finance
IV.
Emprunts
toxiques
:
Dexia
et
l'opacité
des
taux
d'intérêt
V.
Certaines
banques
et
le
non-‐respect
des
lignes
jaunes
VI.
Les
banques
intragroupes
:
utilité
et
risques
L'EUROPE
EN
CRISE
VII.
Allemagne
exaspérée
et
syndrome
de
la
Mitteleuropa
VIII.
Espagne
:
temps
de
récession
et
de
régressions
plurielles
IX.
Caterpillar
:
la
Belgique
est
sous
le
choc
X.
PSA
en
perte
de
5
milliards
:
que
penser
?
XI
:
Virgin,
Fnac
:
condamnées
à
fermer
?
XII.
La
marque
Findus
est-‐elle
morte
?
XIII.
La
crise
pour
trois
ans
?
3
4. CROISSANCE,
CHOMAGE,
INVESTISSEMENTS,
INFLATION
XIV.
Prévisions
de
croissance
:
erreurs
et
mensonges
XV.
Haut-‐conseil
des
finances
publiques
:
véritable
efficacité
?
XVI.
La
crise
et
la
rectitude
des
chiffres
:
objectif
ou
chimère
?
XVII.
L'Amérique
:
un
relais
de
croissance
XVIII.
Chômage
:
le
Président
Hollande
et
le
"
coûte
que
coûte
"
XIX.
La
France
et
l'exportation
:
avaries
à
répétition
XX.
Investissements
étrangers
:
le
mythe
de
l'attractivité
française
XXI.
Inflation
et
apparition
de
la
slumpflation
XXII.
Les
femmes
et
le
monde
du
travail
ECONOMIE
ET
POLITIQUE
XXIII.
La
crise
et
le
discrédit
de
la
parole
politique
XXIV.
A
jeudi
Monsieur
le
Président
et
à
votre
écoute
XXV.
Le
ressac
du
premier
ministrable
Cahuzac
XXVI.
Certaines
grandes
lois
sont-‐elles
irréversibles
?
HOMMAGES
XXVII.
Hommage
à
Olivier
Ferrand
XXVIII.
Le
chef
***
Bernard
Loiseau
:
dix
ans
déjà
CONCLUSION
XXIX.
Autour
de
la
dépense
publique
4
5.
La
question
non
résolue
des
risques
bancaires
5
6.
I
Une
supervision
bancaire
a
minima
Le
principe
de
l'Union
bancaire
demandait
de
l'ambition
:
il
faut
dresser
un
constat
de
carence
et
se
contenter
d'un
accord
qui
instaure
une
supervision
bancaire
a
minima.
La
prévention
du
risque
systémique
en
Europe
n'est
donc
pas
valablement
assurée
pour
les
années
à
venir.
Tout
ceci
est
objectivement
regrettable.
Les
négociateurs
européens
ont
travaillé
des
heures
pour
aboutir
à
un
résultat
que
certains
ont
qualifié
avec
un
triomphalisme
qui
n'est
pourtant
pas
de
mise.
Reprenons
posément
les
faits.
Il
y
a
un
peu
plus
de
6000
banques
à
superviser.
Par
l'introduction
d'un
seuil
élevé
(
30
milliards
d'euros
d'actifs
ou
plus
de
20%
du
PIB
du
pays
d'origine
),
la
BCE
ne
sera
compétente
que
pour
environ
200
banques.
Autrement
dit,
les
200
plus
importantes
mais
la
supervision
nationale
restera
de
mise
pour
96%
des
établissements.
Est-‐cela
une
ambition
européenne
?
Est-‐cela
une
prévention
européenne
du
risque
systémique
?
Le
lecteur
attentif
pourra
reprendre
les
seuils
qui
existent
dans
différents
domaines
du
droit
communautaire
(
concurrence
et
concentrations,
ententes,
etc
)
et
constater
que
l'Europe
n'est
pas
aussi
démunie
que
dans
le
cas
de
la
pseudo
Union
bancaire.
Nous
avons
eu
l'occasion
de
développer,
dans
un
précédent
ouvrage,
l'effet
pervers
du
système
de
seuils
et
sommes
véritablement
perplexe
face
à
un
tel
accord
que
feu
le
diplomate
Claude
Cheysson
aurait,
à
regret,
qualifié
de
"traité-‐croupion".
De
surcroît,
tout
praticien
ou
analyste
du
monde
bancaire
sait
bien
que
la
création
monétaire
va
bien
au-‐delà
des
actifs
et
qu'en
plus
les
engagements
hors-‐bilan
sont
non
négligeables
et
par
essence
exclus
du
calcul
du
seuil
tels
des
habitats
troglodytes
pour
passifs
non
révélés.
Autrement
dit,
ce
sont
les
très
grandes
banques
qui
vont
être
contrôlées
et
on
laissera
les
superviseurs
nationaux
tenter
de
réaliser
leur
mission
face
à
des
entités
bancaires
transnationales.
Pour
convaincre
clairement
et
frontalement
le
lecteur
:
est-‐on
certain
que
l'Autorité
de
Contrôle
Prudentiel
et
la
Banque
de
France
avaient
une
vision
claire
de
l'exposition
du
Crédit
Agricole
au
risque
de
sa
filiale
grecque
Emperiki
il
y
a
encore
quelques
semaines
?
6
7. L'accord
ménage
la
susceptibilité
de
certains
pays
dont
l'Allemagne
qui
ne
voulait
pas
de
supervision
BCE
pour
ses
banques
régionales
et
certaines
caisses
d'épargne.
Que
le
pays
vertueux
en
orthodoxie
budgétaire
soit
aussi
souple
en
matière
de
supervision
bancaire
est,
à
tout
le
moins,
une
énigme
voire
une
déception
analytique.
L'accord
reconnait
une
compétence
limitée
à
la
BCE
à
la
seule
zone
euro
ce
qui
se
conçoit
au
plan
des
faits
et
du
droit.
Il
reste
donc
à
bâtir
une
articulation
pertinente
des
futures
actions
de
supervision
entre
l'ABE
et
la
BCE.
Nous
avions
écrit,
il
y
a
des
semaines,
qu'il
faudrait
être
minutieux
sur
ce
point
et
n'aurions
pas
imaginé,
étant
donnée
la
profondeur
de
la
crise
bancaire,
un
accord
aux
contours
aussi
flous
sur
ce
nœud
gordien.
Décidément
le
souffle
chaud
des
pères
fondateurs
de
l'Europe
ou
la
rigueur
des
analystes
du
monde
bancaire
n'auront
pas
atteint
les
paragraphes
de
cet
accord.
Comble
de
la
situation,
le
pays
européen
le
plus
bancarisé,
à
savoir
le
Royaume-‐Uni,
ainsi
que
la
Suède
et
la
Tchéquie
ne
sont
pas
partie
prenante
à
l'accord.
Autant
dire
que
des
tensions
de
compétences
et
d'interprétation
vont
exister
entre
l'ABE
basée
à
Londres
et
la
BCE.
Ce
matin,
certains
banquiers
doivent
être
déçus
car
ils
savent
qu'ils
vont
devoir
continuer
à
travailler
avec
la
notion
de
risque
de
contrepartie.
D'autres
moins
friands
de
rectitude
doivent
fêter
le
réveillon
de
la
Saint-‐Sylvestre
avant
l'heure.
Il
faut
dire
que
le
ministre
français
Pierre
Moscovici
a
cru
opportun
de
dire
que
cet
accord
était
"
un
cadeau
de
Noël
pour
l'ensemble
de
l'Europe".
L'ensemble
n'est
pas
exhaustif
puisque
trois
pays
manquent
à
l'appel
et
la
supervision
est
réduite,
par
le
niveau
important
des
seuils,
à
une
expression
qui
fait
d'elle
une
couverture
radar
poreuse
alors
même
que
les
superviseurs
nationaux
ont
déjà
publiquement
émis
le
besoin
d'un
cran
européen
pour
cette
notion-‐clef.
L'industrie
bancaire
est
au
cœur
de
nos
vies
de
producteurs
ou
de
consommateurs
:
nous
le
voyons
bien
en
la
période
actuelle
de
resserrement
du
crédit
(
"credit-‐crunch"
).
Elle
est
donc
un
maillon
fort
de
la
chaîne
qui
forge
la
confiance
indispensable
aux
rouages
(
marché
interbancaire
)
comme
à
l'ensemble
des
échanges.
Ce
maillon
fort
peut
être,
ici
ou
là,
pour
de
multiples
raisons
entaché
par
des
faiblesses
de
certains
de
ses
éléments.
La
supervision
était
un
bouclier
pertinent
pour
la
sécurité
des
transactions
:
elle
a
été
vue
comme
une
contrainte
et
réduite
a
minima
au
prix
de
notre
liberté
future
et
de
notre
quiétude
de
contribuables.
Regrettable.
Il
restera
à
suggérer
aux
amateurs
de
cadeau
de
Noël
la
relecture
de
Léon
Blum
dans
ses
"Nouvelles
conversations
de
Goethe
avec
Eckermann
"
:
"
Toute
société
qui
prétend
assurer
aux
hommes
la
liberté
doit
commencer
par
en
garantir
l'existence".
Si
un
établissement
de
moyenne
taille
fait
défaut
et
qu'il
y
a
un
"bank-‐run",
nul
doute
que
les
épargnants
inquiets
voudront
que
l'on
rende
sa
liberté
à
leur
argent
et
nul
doute
qu'ils
n'auront
plus
en
tête
les
noms
et
visages
des
négociateurs
de
cet
accord
tristement
marqué
du
sceau
de
l'imprévoyance.
7
8.
II
Banques
et
rapport
Liikanen
:
passion
ou
raison
?
Dans
une
France
marquée
par
le
poids
de
la
Loi
de
finances
pour
2013
et
par
l’accumulation
–
hélas
-‐
des
plans
sociaux,
une
information
importante
a
été
engloutie
par
le
flot
incessant
des
«
news
».
Il
s’agit
de
la
parution
d’un
rapport
européen
relatif
à
l’avenir
des
banques.
Alors
que
le
Gouvernement
vient
de
proposer
au
Parlement
d'adopter
une
loi
bancaire
à
la
française
dite
loi
Moscovici,
examinons
les
enjeux
de
la
future
Directive
européenne.
La
loi
française
paraissant
timorée
à
nombre
d'observateurs.
Même
si
la
matière
que
nous
allons
traiter
est
sérieuse,
commençons
par
une
anecdote
savoureuse.
En
Février
2012,
le
Commissaire
européen
Michel
Barnier
a
demandé
que
soit
composé
un
groupe
d’experts
afin
de
proposer
des
adaptations
structurelles
à
l’exercice
de
la
profession
bancaire.
Un
peu
plus
de
dix
personnes
se
sont
réunies
régulièrement
sous
la
présidence
de
Erkki
Liikanen,
Gouverneur
de
la
Banque
de
Finlande
et
membre
du
directoire
de
la
BCE.
Le
clin
d’œil
franco-‐français
vient
du
fait
que
le
seul
français
membre
de
la
commission
Liikanen
n’était
autre
qu’un
certain
Louis
Gallois.
On
observera,
au
scanner,
sa
puissance
de
travail
incontestable
tout
en
pensant
aux
travaux
de
l’historien
et
sociologue
Gérard
Vincent
qui
stigmatisait
dans
son
ouvrage
«
Les
jeux
français
»
le
danger
de
ce
«
multipositionnement
»
(sic)
d’éminentes
personnalités.
A
l’heure
où
le
rapport
Gallois
relatif
à
la
compétitivité
reçoit
un
accueil
assez
étonnant
et
ingrat
de
la
part
de
ses
commanditaires,
on
observera
que
le
rapport
Liikanen
remis
le
2
Octobre
2012
n’a
pas
reçu
–
fort
heureusement
–
le
même
traitement.
Cette
remarque
d’introduction
effectuée,
passons
donc
au
centre
du
sujet
résumé
par
le
titre
même
du
document
:
«
Rapport
de
la
commission
d’experts
européen
sur
la
réforme
bancaire
».
Ce
rapport
se
veut
à
finalité
opérationnelle
:
autrement
dit,
il
sera
pour
une
large
partie
la
matrice
de
futures
Directives
de
Bruxelles
visant
à
assurer
l’efficacité
et
la
stabilité
des
banques.
En
premier
lieu,
le
rapport
Liikanen
a
été
influencé
par
l’idée
d’un
retour
aux
principes
du
Glass-‐Steagall
Act
de
1933
malencontreusement
abrogé
par
le
Président
Clinton
en
1999.
De
nombreux
analystes
et
économistes
militaient
pour
cette
solution.
Le
rapport
la
repousse
et
milite
pour
une
séparation
des
activités
de
marché
fortement
risquées
du
reste
des
établissements
bancaires.
Autrement
dit,
les
travaux
du
groupe
du
Gouverneur
Liikanen
rejette
l’idée
en
vogue
qui
viserait
à
séparer
les
activités
de
banques
de
dépôts
de
celles
des
banques
d’investissement.
8
9. Le
dispositif
préconisé
est
plus
subtil
:
les
experts
se
prononcent
en
faveur
d’une
«
compartimentation
»
(ring-‐fencing)
des
fonds
dédiés
à
des
activités
de
marché
pour
compte
propre
de
celles
effectuées
pour
compte
de
tiers.
Ainsi,
il
s’agit
de
prévenir
les
risques
et
d’établir
un
véritable
pare-‐feu
crédible
avec
les
activités
de
«
retail-‐banking
».
Concrètement,
cela
signifie
que
le
trading
devrait
être
juridiquement
isolé
en
ayant
ses
propres
dotations
en
capital
et
ses
propres
résultats
sans
que
ceux-‐ci
ne
puissent
impacter
les
activités
de
banques
de
dépôts.
Cette
quête
d’autonomie
comptable
des
traders
est
une
idée
notamment
issue
de
la
commission
britannique
Vickers
et
de
la
loi
américaine
Dodd-‐Franck.
Si
cette
proposition
fait
son
chemin,
elle
visera
les
seules
activités
de
trading
à
haut
risque
et
d’autres
produits
comme
le
crédit
aux
hedges
funds,
etc.
Pour
la
Fédération
Française
des
Banques
(
FFB
),
ce
«
rapport
reconnait
l’efficacité
du
modèle
de
banque
universelle
au
service
des
clients
»
mais
«
laisse
ouverte
de
nombreuses
questions
».
Il
convient
d’en
citer
une
qui
n’est
pas
neutre
pour
l’activité
économique
d’un
pays,
on
ne
sait
pas
si
le
«
private
equity
»
sera
englobé
dans
le
périmètre
de
la
zone
d’activité
à
hauts
risques.
En
deuxième
lieu,
on
ne
peut
qu’être
un
peu
sur
la
réserve
face
à
un
projet
de
réforme
aux
frontières
d’application
incertaine.
Pour
oser
une
formule
simple
à
mémoriser
:
le
rapport
Liikanen
ne
casse
pas
la
banque
universelle
mais
ne
sera
pas
d’application
universelle.
En
effet,
du
fait
des
seuils
d’application
définis
par
le
rapport,
seule
une
vingtaine
de
banques
seront
concernées
dans
l’Union.
Dont
quatre
en
France
:
BNP
Paribas,
BPCE,
Société
Générale
et
Crédit
Agricole
(
encore
convalescent
de
son
aventure
grecque).
Au
plan
conceptuel,
on
se
dit
que
des
contrats
de
sous-‐traitance
entre
grandes
et
petites
banques
vont
faire
florès
et
reporter
le
risque
à
l’étage
d’en-‐dessous.
Or,
par
les
liens
interbancaires,
n’est-‐ce
pas
une
voie
venimeuse
pour
le
pare-‐feu
que
l’on
cherche
à
élaborer
?
En
troisième
lieu,
les
experts
réunis
autour
du
Gouverneur
Liikanen
recommandent
une
réforme
des
rémunérations
et
une
meilleure
cohérence
de
celles-‐ci
face
à
l’intérêt
social
des
établissements
bancaires.
Notamment
en
versant
des
bonus
sous
forme
d’obligations
à
maturité
assez
longue
pour
motiver
les
traders
à
la
durabilité
du
caractère
sain
de
l’exploitation
bancaire
qui
les
fait
travailler.
En
quatrième
lieu,
concernant
ce
chantier
d’envergure,
nous
rappellerons
notre
position
qui
consistait
à
vivement
préconiser
d’accorder
le
statut
de
mandataire
social
aux
principaux
traders
opérant
dans
des
filiales
dédiées.
Double
avantage
:
la
possibilité
de
la
révocation
ad
nutum
et
aussi
l’exigence
de
loyauté
juridiquement
définie
par
des
chartes
de
bonne
gouvernance
mais
surtout
encadrée
par
des
jurisprudences
rendues
sous
l’impulsion
du
Doyen
Pierre
Bézard
de
la
chambre
commerciale
de
la
Cour
de
cassation.
Pour
mémoire
et
en
guise
de
conclusion,
un
extrait
de
notre
ouvrage
"
Crise
et
libres
contributions
économiques"
en
son
chapitre
II
intitulé
«
Quatre
ans
après,
désarroi
et
maintien
de
l’industrie
bancaire
»
:
«
Au
prix
de
modifications
de
formes
organisationnelles
évidemment
admissibles
et
gérables,
l'industrie
bancaire
pourrait
aisément
élargir
le
nombre
de
ses
mandataires
sociaux
dans
le
but
avoué
d'une
diffusion
de
la
responsabilité.
9
10.
Cette
extension
numérique
–
que
les
Pouvoirs
publics
pourraient
quant
à
eux
sans
difficultés
majeures
requérir
–
permettrait
ainsi
d'intégrer
les
rémunérations
–
par
exemple
des
traders
–
sous
le
coup
des
dispositions
de
l'article
L
225
–
102
–
1
du
Code
de
commerce
(
traitant
du
Rapport
annuel
sur
les
rémunérations
et
avantages
)
dont
on
observera
au
demeurant
que
leur
respect
est
soumis
à
attestation
(
en
exactitude
et
sincérité
)
des
commissaires
aux
comptes
depuis
la
promulgation
du
décret
de
2006.
(
D.
2006
–
1566
du
11
Décembre
2006,
article
54
).
Notre
proposition
a
certes
un
impact
organisationnel
à
calibrer
(
créations
de
filiales
thématiques
dédiées
entrainant
la
création
de
mandats
sociaux
)
mais
peut
être
déployée
à
strict
droit
constant
ce
qui
constitue
un
atout
au
regard
de
deux
éléments
bien
identifiés
:
d'une
part,
l'encombrement
parlementaire
post-‐présidentielle...
)
du
fait
d'autres
réformes
à
mettre
en
œuvre,
d'autre
part,
la
nécessaire
recherche
d'une
quote-‐
part
maximale
de
stabilité
des
situations
juridiques.
Si
décisions
il
y
a
dans
le
secteur
bancaire,
notre
analyse
nous
conduit
à
énoncer
qu'elles
seront
tôt
ou
tard
transposées
à
d'autres
secteurs
ce
qui
n'altère
pas
la
faisabilité
opérationnelle
de
la
proposition.
Une
certitude
demeure
ancrée
:
ce
n'est
pas
le
montant
nominal
des
rémunérations
qu'il
faut
soumettre
à
la
toise,
c'est
l'exposition
au
risque
que
l'exercice
irrationnel
d'un
métier
fait
courir
à
l'ensemble.
»
Puisse
l’Europe
bancaire
faire
un
vrai
pas
vers
des
filiales
thématiques
dédiées
à
valeur
de
compartiments
étanches
d’un
sous-‐marin
nommé
stabilité
bancaire.
Convenons
qu’il
serait
irresponsable,
à
l’heure
du
HFT
(
high
frequency
trading
)
d’attendre
les
méfaits
sociaux
et
sociétaux
d’un
futur
Nick
Leeson
(
Banque
Barings
en
2001
)
ou
d’un
autre
Jérôme
Kerviel
(
Société
Générale
).
10
11.
III
Le
"
shadow
banking
"
et
le
côté
obscur
de
la
finance
Le
«
shadow
banking
»
est
l’anglicisme
qui
décrit
la
notion
de
«
finance
de
l’ombre
».
Par
ce
terme,
on
désigne
l’activité
des
intermédiaires
financiers
non
bancaires.
Autrement
dit,
essentiellement
l’activité
des
hedge
funds,
des
fonds
d’investissement
et
des
fonds
spéculatifs
monétaires.
En
Novembre
2012,
la
firme
Bloomberg
a
relevé
une
croissance
inattendue
des
SBS
(
Shadow
Banking
System
)
qui
représente
désormais
une
somme
de
67.000
milliards
de
dollars
dont
24.000
pour
les
Etats-‐Unis,
22.000
pour
la
zone
euro
et
près
de
10.000
milliards
pour
le
Royaume-‐Uni.
L’ampleur
de
ces
sommes
décrites
ci-‐dessus
est
à
rapprocher
immédiatement
de
la
quasi-‐absence
de
régulation
concernant
ces
activités
financières
non
directement
bancaires.
Chacun
comprend
que
la
défaillance
d’un
acteur
du
«
shadow
banking
»
aurait
des
conséquences
au
moins
aussi
périlleuses
que
la
faillite
de
Lehman
Brothers
d’autant
que
les
superviseurs
publics
ont
évidemment
des
difficultés
juridiques
et
opérationnelles
pour
suivre
les
flux
engendrés.
A
priori,
ces
activités
–
notamment
illustrées
par
le
développement
exponentiel
des
CDS
(
credit
default
swaps
)
et
par
des
opérations
sur
dérivés
«
over-‐the-‐counter
»
-‐
peuvent
donc
être
un
poison
sérieux,
une
sorte
de
curare
foudroyant
pour
le
système
financier
occidental
voire
planétaire.
Effectivement,
cette
finance
de
l’ombre
repose
sur
une
évaluation
perpétuelle
des
risques
puisqu’elle
ne
dispose
pas
de
dépôts
–
comme
les
établissements
bancaires
–
et
qu’elle
se
fonde
sur
des
financements
à
court
terme.
Selon
le
FSB
(
Financial
Stability
Board
),
le
SBS
représenterait
entre
25
à
30%
du
volume
du
système
financier
mondial.
Les
forts
effets
de
levier
dont
se
servent
les
acteurs
de
la
finance
de
l’ombre
posent
problème
dans
la
mesure
où
ils
sont
pro-‐cycliques.
Lourdement
générateurs
de
gains
en
cas
de
bonne
conjoncture
et
évidemment
producteurs
de
pertes
très
significatives
en
cas
de
défaut
de
paiement
ponctuel
à
effet
de
dominos.
La
récente
loi
Dodd-‐Franck
Wall
Street
de
2011
a
tenté
de
réguler
quelque
peu
le
risque
systémique
issu
de
la
SBS.
Les
observateurs
et
l’économiste
Paul
Krugman
jugent
cette
situation
insuffisante
et
de
type
«
malign
neglect
».
Toutefois,
deux
remarques
importantes
et
conclusives
s’imposent
à
l’analyste
:
11
12. 1
)
L’existence
de
cette
finance
de
l’ombre
démontre
à
quel
point
les
opérateurs
peuvent
contourner
les
risques
de
régulation
trop
contraignantes
de
type
Bâle
III
pour
les
banques.
2
)
La
désintermédiation
financière
(
qui
permet
à
une
entreprise
de
trouver
du
crédit
sur
les
marchés
et
non
plus
seulement
auprès
des
banques
commerciales
)
trouve
ici
sa
pleine
application.
En
effet,
si
la
finance
de
l’ombre
pose
question
en
tant
que
poison
elle
est
aussi
un
formidable
outil
permettant
de
bâtir
des
correspondances
entre
emprunteurs
et
investisseurs.
Si
cette
finance
présente
un
risque,
elle
est
une
respiration
par
ces
temps
de
resserrement
du
crédit
(
«
credit
crunch
»)
et
surtout
elle
est
une
réalité
tangible
que
nul
régulateur
ne
pourrait
avoir
la
prétention
de
rayer
d’un
trait
de
plume.
Dans
«
La
mère
coupable
»
écrit
en
1791,
Beaumarchais
nous
indiquait
déjà
:
«
Quand
on
craint
une
chose,
tous
nos
regards
se
portent
vers
cet
objet
trop
alarmant
:
quoi
qu’on
dise
ou
qu’on
fasse,
la
frayeur
empoisonne
tout
!
»
12
13.
IV
Emprunts
toxiques
:
Dexia
et
l'opacité
des
taux
d'intérêt
La
banque
Dexia
vient
d'être
condamnée
en
première
instance
dans
le
procès
qui
l'oppose
au
département
de
la
Seine-‐Saint-‐Denis.
Ainsi,
ce
dernier
n'est
désormais
contraint
qu'aux
seuls
versements
du
taux
d'intérêt
légal
et
non
plus
aux
taux
contractuellement
définis.
A
partir
de
ce
cas,
examinons
l'opacité
des
taux
d'intérêts.
Face
à
la
pente
impressionnante
des
taux
d'intérêts
à
payer
suite
aux
emprunts
dits
toxiques,
le
département
longtemps
dirigé
par
Monsieur
Claude
Bartolone
(
qui
avait
hérité
de
cette
situation
d'endettement
)
avait
décidé
de
surseoir
à
ces
règlements.
Le
Tribunal
de
grande
instance
de
Nanterre
intime
l'ordre
à
cette
collectivité
de
reprendre
ses
paiements
mais
à
partir
du
seul
taux
d'intérêt
légal.
Le
manque
à
gagner
pour
Dexia
va
être
significatif
puisque
le
taux
de
l'intérêt
légal
issu
du
décret
n°2012-‐182
du
7
février
2012
l'a
fixé
à
0,72%
contre
5
à
9%
pour
le
taux
unissant
les
parties
en
cause.
Il
est
à
noter
que
la
condamnation
de
la
banque
ne
provient
pas
de
la
complexité
des
emprunts
proposés
(
trois
prêts
pour
un
total
de
200
millions
d'euros
)
mais
du
seul
fait
que
le
taux
effectif
global
n'a
pas
été
mentionné
explicitement
à
l'emprunteur.
C'est
donc
le
défaut
d'information
que
le
Tribunal
a
retenu,
évidemment
à
bon
droit.
Là
où
l'opacité
de
l'évolution
des
taux
d'intérêts
va
demeurer
sera
lorsque
le
formalisme
de
l'information
du
débiteur
aura
été
respectée.
En
effet
le
TGI
de
Nanterre
apporte
une
précision
embarrassante
pour
de
nombreuses
collectivités
locales.
Celles-‐ci
ne
cessent
de
clamer
que
les
banques
ont
manqué
à
leur
devoir
de
conseil
et
ainsi
profité
d'une
asymétrie
d'information
–
chère
à
l'économiste
George
Akerlof
–
entre
les
compétences
inégales
des
parties.
Or,
le
tribunal
a
considéré
qu'il
s'agissait
bien
de
"
prêts
conformes
à
la
règlementation
qui
distingue
opération
de
crédit
et
instrument
financier
".
Autrement
dit,
la
Justice
considère
et
affirme
que
les
élus
avaient
toute
compétence
formelle
et
intellectuelle
pour
appréhender
la
nature
risquée
des
emprunts
structurés.
Le
Tribunal
est
limpide
dans
sa
formulation
:
"
le
département
de
Seine-‐Saint-‐Denis
était
un
emprunteur
particulièrement
averti
qui
connaissait
le
mécanisme
des
emprunts
structurés
et
était
conscient
des
risques
que
ces
emprunts
généraient
en
fonction
de
l'évolution
des
marchés
financiers
".
A
ce
stade,
les
collectivités
locales
n'ont
pas
vu
examiner
en
détail
la
question
de
l'obligation
de
conseil
et
son
degré
d'applicabilité
au
cas
d'espèce.
A
partir
du
moment
où
l'emprunteur
est
reconnu
compétent,
l'obligation
de
conseil
décroit
en
intensité
requise.
Pourtant,
selon
nous,
la
question
demeure
posée
par
exemple
dans
le
cas
de
la
ville
de
Saint-‐Etienne
où
certaines
conditions
de
démarchage
bancaire
semblent
poser
question.
13
14. Sur
le
fond,
on
peut
s'interroger
sur
l'opportunité
que
va
avoir
Dexia
d'éventuellement
faire
appel
de
ce
jugement
qui
consacre
sa
pratique
mais
sanctionne
le
seul
défaut
d'information.
La
cour
d'Appel
de
Versailles
connue
pour
la
qualité
de
ses
arrêts
par
les
avocats
d'affaires
pourrait
–
si
elle
devait
être
saisie
–
procéder
à
une
lecture
différente.
A
l'inverse,
les
élus
sont
placés
devant
un
dilemme.
Faire
appel,
c'est
la
possibilité
de
voir
leurs
charges
allégées
ou
au
contraire
leurs
responsabilités
d'emprunteurs
éclairés
sinon
avertis
reconnues.
En
dépassant
le
cas
d'espèce,
il
parait
troublant
qu'un
établissement
bancaire
de
cette
surface
et
de
ce
renom
n'est
pas
estimé
requis
de
suivre
les
prescriptions
sur
le
TEG
dont
le
caractère
obligatoire
de
l'information
remonte
à
un
célèbre
arrêt
de
la
cour
de
Cassation
d'avril
1988.
(ndlr
:
1988
).
Le
TEG
lui-‐même
étant
issu
de
la
loi
du
28
décembre
1966.
L'ancienneté
de
ces
dispositions
tend
à
prouver
que
la
non-‐communication
du
TEG
au
débiteur
pourrait
avoir
eu
une
finalité
intentionnelle.
Première
question
pendante.
Deuxième
élément,
faute
de
maîtriser
le
TEG,
peut-‐on
dire
qu'il
y
a
eu
dol
au
préjudice
de
l'emprunteur
?
Troisième
élément,
la
question
du
crédit
ruineux.
Des
emprunts
sont
qualifiés
de
ruineux
lorsque
l'établissement
de
crédit
a
connaissance
de
la
gravité
des
déséquilibres
financiers
de
son
client.
C'est
vrai
dans
le
secteur
privé
avec
la
notion
de
situation
irrémédiablement
compromise.
C'est
aussi
applicable
au
secteur
des
collectivités
territoriales
dont
l'endettement
semble
disproportionné
à
ses
ressources
présentes
et
futures.
L'absence
de
viabilité
a
été
retenue
à
plusieurs
reprises
:
arrêt
de
la
cour
de
Cassation
du
25
avril
2001.
Dernier
élément
cher
aux
juristes,
la
question
du
manquement
à
la
loyauté
du
co-‐contractant.
En
matière
de
crédit
classique,
il
faut
en
effet
savoir
que
la
non-‐information
écrite
du
TEG
est
pénalement
sanctionnée
selon
l'alinéa
2
de
l'article
L313-‐2
du
Code
de
la
consommation.
La
nullité
partielle
dont
a
bénéficié
le
"
9-‐3
"
aurait
éventuellement
pu
recouvrir
une
dimension
répressive
si
certaines
conditions
se
trouvent
réunies.
Les
taux
variables
représentent
une
opportunité
et
parfois
un
risque
:
c'est
à
chaque
agent
de
se
déterminer.
Les
lignes
qui
précèdent
vous
ont
rapporté
le
caractère
audacieux
–
pour
ne
pas
dire
plus
–
de
certaines
pratiques.
Venant
de
surcroît
d'un
établissement
auquel
le
présent
site
web
a
dédié
une
chronique
littéraire
en
date
du
17
septembre
2012
:
"
Dexia,
l'autopsie
d'une
chute
".
En
matière
de
contentieux,
souvenons-‐nous
que
Dexia
est
sous
contrôle
public
et
que
c'est
en
quelque
sorte
–
hélas
-‐
un
procès
entre
délégataires
de
contribuables
:
ces
derniers
étant
appelés
à
payer
ici
ou
là.
Plus
généralement,
depuis
le
scandale
du
Libor,
structure
pivot
de
la
plupart
des
taux
variables
en
Occident,
nous
savons
que
les
TEG
sont
viciés
par
construction
puisque
bâti
à
partir
d'un
mécanisme
frauduleux.
Peut-‐être
aura-‐t-‐on
l'opportunité
de
lire
une
intéressante
construction
jurisprudentielle
sur
la
validité
juridique
d'un
taux
dont
l'opacité
frauduleuse
d'un
élément
prépondérant
pose
question
.
A
suivre.
14
15. V
Certaines
banques
et
le
non-‐respect
des
lignes
jaunes
Echaudés
et
échauffés
par
les
interminables
ondes
de
chocs
de
la
crise
bancaire
de
2008,
les
différents
législateurs
ont
échafaudé
des
dispositifs
visant
à
cantonner
les
activités
à
risque
menées
par
les
établissements
financiers.
Au
premier
abord,
ces
règlementations
semblent
poreuses
et
très
perfectibles
ce
qui
laisse
dangereusement
sa
chance
au
risque
systémique.
La
crise
a
débuté
aux
Etats-‐Unis
par
la
conjonction
de
trois
phénomènes
distincts.
En
premier
lieu,
il
y
a
eu
une
politique
abusive
de
prêts
et
d'économie
d'endettement
(
"over-‐draft
economy"
)
où
les
ménages
se
sont
endettés
de
manière
excessive
notamment
dans
l'immobilier
(
sub-‐primes
)
mais
pas
seulement
:
voir
la
délicate
question
du
niveau
actuel
d'endettement
des
étudiants
nord-‐américains.
En
deuxième
lieu,
il
y
a
eu
des
excès
de
cupidité
des
équipes
de
trading
qui
ont
ainsi
fait
courir
chaque
semestre
davantage
de
risques
à
leurs
employeurs.
Oubliant
les
cas
de
Nick
Leeson
(
banque
Barings
1995
),
des
arbitragistes
du
fonds
LTCM
(
1998
)
et
plus
récemment
de
Jérôme
Kerviel
(
Société
Générale
2008
),
certains
incontestables
virtuoses
de
la
finance
ont
parfois
quitté
le
sens
des
réalités
et
engagé
un
préjudice
certain.
En
troisième
lieu,
se
pose
la
question
de
l'origine
des
fonds
avec
lesquels
les
banques
ont
été
attirées
par
la
notion
de
spéculation.
Il
est
loisible
de
dire
qu'il
s'agit
d'activités
pour
compte
propre.
Certains
exemples
attestent
que
des
fonds
étaient
issus
du
cœur
de
métier
des
banques.
(
Sempiternelle
question
du
hors-‐bilan
bancaire
).
Fort
de
ce
constat
non
limitatif,
le
commun
des
mortels
juge
opportun
que
la
ligne
jaune
a
été
franchie
et
qu'une
règlementation
doit
venir
mettre
de
l'ordre
dans
cette
situation
où
l'échelle
des
risques
est
manifestement
excessive
comme
l'a
montré
la
faillite
de
Lehman
Brothers
de
2008.
Les
Etats-‐Unis
ont
ainsi
adopté
le
21
juillet
2010
la
loi
Dodd-‐Franck
qui
vise
à
accroître
la
supervision
bancaire
par
les
autorités
de
contrôle
et
à
renforcer
la
sécurité.
Près
de
trois
ans
après,
certaines
banques
ont
toutefois
franchi
la
ligne
jaune
et
ont
vu
Daniel
Tarullo
(
responsable
de
la
régulation
bancaire
à
la
FED
)
annoncer
de
nouvelles
règles
afin
de
stopper
les
jeux
de
contournement
de
la
loi
de
2010.
Deux
établissements
sont
particulièrement
concernés
:
la
Deutsche
Bank
et
la
Barclays
Bank.
Ainsi,
ils
ont
modifié
les
statuts
de
leurs
holdings
américaines
de
sorte
qu'ils
se
trouvent
exonérés
de
l'obligation
de
renforcer
leurs
dotations
en
capital
(
de
plusieurs
dizaines
de
milliards
de
dollars
).
Des
holdings
intermédiaires
devront
être
constituées
(
IHCs
)
afin
que
le
renforcement
en
capital
soit
effectif.
Concomitamment,
la
FED
a
introduit
une
perspective
importante
concernant
les
règles
de
liquidité
et
les
normes
qui
président
aux
"stress
tests".
Pour
les
banques
étrangères,
tentées
de
flirter
avec
la
ligne
jaune
–
autrement
dit
de
gérer
un
éventuel
conflit
interprétatif
des
textes
et
règlementations
–
la
situation
est
donc
désormais
plus
complexe.
15
16. Là
où
la
complexité
éclate
au
grand
jour,
c'est
dans
le
cas
du
contournement
assez
évident
de
la
règle
Volcker
(
du
nom
d'un
ancien
Président
de
la
FED
dans
les
années
80
)
par
des
institutions
prestigieuses.
Une
récente
enquête
de
l'agence
Bloomberg
révèle
en
effet
que
la
section
de
la
loi
Dodd-‐
Franck
qui
comprend
des
dispositions
visant
à
interdire
le
trading
pour
compte
propre
n'a
pas
été
respectée
par
plusieurs
établissements
notamment
par
l'éminente
Goldman
Sachs.
A
la
rentrée
dernière,
le
Président
Lloyd
Blankfein
assurait
que
la
banque
avait
stoppé
toute
activité
de
spéculation
pour
compte
propre.
Dans
une
certaine
mesure,
cette
assertion
est
exacte
mais
trois
difficultés
viennent
atténuer
sa
portée.
Tout
d'abord,
la
règlementation
Volcker
et
la
loi
Dodd-‐Franck
n'interdisent
que
le
"prop-‐
trading"
à
court
terme,
c'est
à
dire
relatif
à
des
positions
détenues
pour
une
durée
inférieure
à
60
jours.
Puis,
la
rédaction
définitive
de
l'amendement
est
encore
en
cours
de
discussion
tandis
que
sa
date
d'entrée
en
vigueur
ne
se
fera
pas
avant
2014.
Enfin,
Goldman
Sachs
–
connue
pour
ses
capacités
d'ingénierie
financière
–
a
utilisé
un
véhicule
d'investissement
nommé
MSI
pour
poursuivre
un
vrai
prop-‐trading.
Le
Multi-‐Strategy
Investing
gérait
environ
un
milliard
de
dollars
sauf
que
selon
Bloomberg,
MSI
n'a
pas
de
client
externe
à
GS.
De
surcroît,
l'affaire
devient
poivrée
pour
la
FED
si
on
ajoute
que
le
MSI
n'était
pas
tenu
de
publier
ses
résultats
puisque
relevant
des
"Special
situations
group"
de
Goldman
Sachs.
Ainsi,
le
bolide
de
la
finance
a
franchi
une
portion
de
ligne
jaune
dans
le
dos
du
régulateur
en
profitant
de
failles
juridiques.
Selon
notre
analyse,
il
n'y
a
pas
eu
fraude
mais
abus
de
droit
au
sens
où
notre
législation
fiscale
définit
cette
notion.
Dans
le
schéma
marxiste
de
la
reproduction
capitaliste,
il
faut
distinguer
le
schéma
M-‐A-‐
M'
du
schéma
A-‐M-‐A'.
Dans
le
premier
cas
le
producteur
d'une
marchandise
(M
)
se
rend
sur
un
marché
et
obtient
de
l'argent
(
A
)
qui
lui
permet
d'acquérir
d'autres
marchandises
(
M'
)
et
ainsi
de
suite.
Dans
la
phase
spéculative,
l'argent
est
le
mètre-‐
étalon
qui
est
détenu
(
A
),
échangé
via
un
produit
d'investissement
(
M
)
pour
donner
un
résultat
bénéfique
(
A'
)
qui
sera
aussitôt
réinvesti.
Il
parait
illusoire,
même
après
avoir
entendu
le
discours
du
Bourget
de
Février
2012
du
candidat
Hollande,
de
penser
qu'une
ou
plusieurs
lois
pourront
modifier
cette
phase
historique
du
capitalisme.
Dès
lors
que
les
lois
du
type
de
celle
que
le
Ministre
Pierre
Moscovici
veut
voir
aboutir
en
France
paraissent
assez
aisément
contournables
(
voir
sur
ce
site
l'opinion
de
Karel
Vereycken
),
il
nous
semble
que
trois
foyers
devraient
faire
l'objet
de
l'attention
des
régulateurs
afin
de
prévenir
le
risque
systémique.
En
premier
lieu,
définir
un
régime
spécifique
de
responsabilité
civile
et
pénale
des
mandataires
sociaux
des
établissements
bancaires
et
assimilés.
Pour
prendre
une
illustration,
si
Jérôme
Kerviel
était
effectivement
coupable,
n'y
avait-‐il
aucun
défaut
de
surveillance
de
la
direction
générale
de
la
salle
des
marchés
?
La
jurisprudence
de
la
chambre
commerciale
de
la
Cour
de
cassation
impose
aux
dirigeants
de
consacrer
temps,
soin
et
diligence
"
aux
affaires
sociales
".
En
deuxième
lieu,
il
faut
que
l'horizon
des
placements
soit,
pour
une
quote-‐part
des
bilans
bancaires,
significativement
rallongés.
On
ne
changera
pas
A-‐M-‐A'
mais
on
peut
exiger
que
M
soit
un
véhicule
de
moyen
terme
le
plus
souvent
possible.
16
17. En
troisième
lieu,
il
y
a
lieu
de
croiser
deux
notions.
Une
chère
au
Doyen
Pierre
Bézard
(
Doyen
de
la
Cour
de
cassation,
là
encore
chambre
commerciale
)
qui
traite
de
la
"
loyauté"
des
dirigeants
vis
à
vis
des
intérêts
sociétaux.
Des
personnes
qui
jouent
à
la
roulette
russe
avec
l'avenir
d'une
banque
ne
sont
pas
frappés
du
sceau
de
la
loyauté
et
posent
un
problème
d'éthique
et
de
droit.
L'autre
notion
est
celle
d'AAG
:
acte
anormal
de
gestion.
Création
jurisprudentielle,
l'AAG
n'est
pas
formellement
défini
par
le
Code
des
impôts
mais
repose
sur
un
principe
simple.
Toutes
dépenses
qui
"
n'ont
pas
été
engagées
dans
l'intérêt
de
l'exploitation
"
doivent
être
exclues
des
charges
d'exploitation
retenues
dans
la
détermination
du
résultat
imposable.
Par
l'application,
définie
dans
une
loi
bancaire,
d'un
AAG,
il
est
hautement
probable
que
certains
virtuoses
joueraient
moins
avec
les
lignes
jaunes.
Nul
ne
peut
lutter
contre
la
force
de
l'évolution
capitaliste
mais
le
législateur
et
le
régulateur
(
au
niveau
de
la
BCE
autant
que
faire
se
peut
selon
notre
analyse
appuyée
)
peuvent
recourir
à
des
outils
crédibles
qui
guideront
une
auto-‐retenue
sectorielle.
Franchement,
la
clef
d'une
rectitude
fortement
stimulée
parait
au
moins
aussi
intéressante
à
cultiver
que
des
dizaines
d'articles
de
lois
dont
l'exégèse
mal
intentionnée
permet
de
beaux
franchissements
de
lignes
jaunes.
17
18.
VI
Les
banques
intragroupes
:
utilité
et
risques
Certaines
grandes
entreprises
possèdent
des
banques
au
sens
le
plus
strict
de
la
définition
réglementée
d'un
établissement
financier.
Généralement,
ces
banques
intragroupe
(
ou
banques
d'entreprise
)
ont
des
fonctions
distinctes
:
elles
peuvent
être
un
moyen
d'optimiser
la
trésorerie.
Elles
peuvent
aussi
être
une
faculté
de
financement
pour
les
clients.
Elles
peuvent
enfin
avoir
un
rôle
stratégique
en
cas
de
croissance
externe
ou
de
gestion
de
crise.
1
)
Une
filiale
bancaire
pour
optimiser
la
trésorerie
:
Notre
pays
est
marqué
par
une
caractéristique
délicate
à
manier
:
l'importance
du
crédit
inter-‐entreprises.
Dans
les
transactions
de
niveau
commercial
raisonnable,
cela
demeure
une
question
de
rapport
de
forces
entre
acheteurs
et
vendeurs.
(
question
des
délais
de
paiement
)
En
revanche,
s'il
s'agit
d'une
vente
d'importance
pour
une
filiale
donnée,
cette
entité
peut
avoir
besoin
d'apports
de
liquidités
de
la
part
de
la
société
holding.
Dans
ces
cas-‐là,
on
retrouve
le
poste
comptable
bien
connu
"
créances
rattachées
à
des
participations
".
Toutefois,
l'époque
récente
a
vu
se
développer
ce
que
l'on
nomme
la
désintermédiation
:
autrement
dit,
le
fait
que
les
entreprises
accèdent
directement
aux
marchés
financiers
(
émissions
de
titres
ou
levée
de
fonds
)
sans
passer
par
l'intermédiaire
des
acteurs
habituels
que
sont
les
banques.
Dès
lors,
afin
de
présenter
des
capacités
d'effet
de
levier,
les
entreprises
ont
développé
des
techniques
de
"cash
pooling
"
c'est
à
dire
des
systèmes
centralisés
de
trésorerie.
Une
filiale
dédiée
est
alors
généralement
chargée
d'effectuer
la
centralisation
des
avoirs
disponibles
des
filiales
afin
que
ceux-‐ci
puissent
être
placés
sur
des
marchés
ou
via
des
produits
financiers
sophistiqués
au
rendement
intéressant
(
selon
le
traditionnel
principe
du
couple
rendement
-‐
risque
).
Au
plan
fiscal,
il
s'agit
de
ne
pas
omettre
que
la
filiale
centralisatrice,
par
nature
commerciale,
doit
percevoir
des
intérêts
sur
les
montants
qui
transitent
par
elle
à
défaut
d'être
soumise
à
la
notion
répréhensible
d'acte
anormal
de
gestion.
Par
la
fusion
des
échelles
d'intérêts
que
le
cash
pooling
permet,
il
est
un
outil
désormais
assez
répandu
mais
parfois
mal
encadré
juridiquement.
Ainsi,
la
société
pivot
doit
physiquement
signer
une
convention
d'omnium
afin
d'éviter
que
l'incrimination
d'abus
de
bien
social
ne
puisse
éventuellement
être
retenue
en
cas
de
difficultés
ultérieures
(
et
extérieures
au
cash
pooling
).
Parallèlement,
les
conventions
de
centralisation
de
trésorerie
réunissant
des
sociétés
ayant
des
administrateurs
en
commun
doivent
obligatoirement
faire
l'objet
de
la
procédure
de
contrôle
prévue
par
les
articles
L225-‐38
et
L225-‐86
du
Code
de
commerce
18
19. lorsque
les
conditions
de
fait
ne
permettent
pas
de
considérer
que
les
conventions
ont
été
conclues
selon
des
conditions
normales.
(
Voir
bulletin
de
septembre
1990
de
la
Compagnie
nationale
des
commissaires
aux
comptes
)
Ces
trois
points
(
acte
anormal
de
gestion,
abus
de
bien
social,
nature
réelle
et
portée
juridique
des
conventions
)
sont
souvent
négligés.
Or
la
centralisation
de
trésorerie
est
constitutive
d'un
abus
de
bien
social
si
les
entités
ne
sont
réunies
que
par
des
mouvements
comptables
"
dénués
de
pertinence
économiques"
(
Cassation,
chambre
criminelle,
23
avril
1991
).
Parallèlement,
une
stratégie
commune
est
exigée
des
sociétés
réunies
par
le
cash
pooling
(
Cour
d'appel
de
Paris,
17
décembre
1990
).
En
fait,
la
jurisprudence
est
vigilante
sur
au
moins
un
point
très
net
:
l'apport
en
trésorerie
ne
peut
être
exempt
de
contreparties
ou
dépasser
les
facultés
contributives
de
celle
qui
en
a
la
charge.
L'expérience
rapporte
que,
sous
la
pression
des
emplois
du
temps
ou
par
manque
de
sensibilité
au
formalisme
juridique,
bien
des
trésoriers
centraux
ont
tendance
à
en
écrire
le
moins
possible
et
à
utiliser
habilement
le
"netting"
des
créances
et
dettes
intragroupes.
Ce
type
de
paiement
par
compensation,
lorsqu'il
est
massif
et
complexe,
se
heurte
à
la
rédaction
rigoureuse
de
l'article
L511-‐7
du
Code
monétaire
et
financier
qui
dispose
qu'une
entreprise,
quelle
que
soit
sa
nature,
"
peut
procéder
à
des
opérations
de
trésorerie
avec
des
sociétés
ayant
avec
elle,
directement
ou
indirectement,
des
liens
de
capital
conférant
à
l'une
des
entreprises
liées
un
pouvoir
de
contrôle
effectif
sur
les
autres
".
A
défaut,
la
société
holding
et
ses
dirigeants
contreviendraient
avec
le
monopole
des
établissements
bancaires.
Dès
lors,
de
nombreux
groupes
ont
franchi
le
pas
et
se
sont
dotés
de
filiales
bancaires
ou
assimilées.
C'est
le
cas
du
groupe
Peugeot,
c'est
le
cas
d'Alcatel
(
depuis
1956...),
c'est
le
cas
de
fonds
d'investissement
américain
de
type
Starwood,
etc.
Ainsi,
la
société
faîtière
dispose
de
l'avantage
d'un
accès
privilégié
aux
marchés
financiers
via
"sa"
banque
et
peut
déployer
un
cash
pooling
d'envergure
sans
crainte
de
requalification
fiscale
voire
judiciaire.
2
)
Une
filiale
bancaire
pour
faciliter
les
opérations
commerciales
:
Au
premier
plan
de
ces
banques
intragroupes
qui
ont
pour
but
de
faciliter
la
vie
des
clients,
on
trouve
les
banques
qui
sont
des
filiales
de
grands
distributeurs
tels
que
Casino
ou
Carrefour.
L'ancienne
S2P
(
Société
des
Paiements
PASS
et
CARMA
Carrefour
Assurances
)
est
devenue
début
2011
l'enseigne
"
Carrefour
Banque
"
:
elle
a
pour
fonction
de
commercialiser
la
carte
Pass
(
près
de
3
millions
d'exemplaires
)
lancée
en
2009
en
liaison
avec
le
groupe
Mastercard.
Parallèlement,
Carrefour
Banque
a
émis
des
crédits
à
la
consommation
pour
un
encours
de
près
de
3
milliards
d'euros
en
2011.
A
côté
de
cette
activité
de
"retail-‐banking",
cette
banque
a
collecté
et
géré
près
de
2
milliards
d'euros
avec
ses
produits
d'épargne
et
commercialisé
une
gamme
complète
de
produits
d'assurances
:
auto,
habitation,
santé,
etc.
Elle
comptait,
fin
2011,
un
total
de
1.800
collaborateurs
dont
1.400
sur
le
terrain.
19
20. Mais
à
côté
de
cette
filiale
bancaire
destinée
au
grand
public,
il
faut
relever
la
présence
de
banques
intragroupe
dédiée
à
des
opérations
significatives.
Extrait
du
rapport
financier
ALCATEL
(
un
peu
ancien
:
2003
mais
non
modifié
)
:
"
La
filiale
bancaire
d'Alcatel
(
Electrobanque
)
est
consolidée
par
intégration
globale,
les
charges
et
produits
d'exploitation
bancaires
sont
présentés
en
résultat
financier,
l'activité
de
la
banque
étant
pour
l'essentiel
un
prolongement
de
l'activité
du
Groupe
permettant
de
faire
des
économies
de
coût
financier
et
de
contribuer
au
financement
des
ventes
".
Plus
loin
(
annexe,
note
1t
)
:
"
Le
financement
client
effectué
par
le
Groupe
est
de
deux
natures
:
un
financement
qui
s'inscrit
dans
le
cadre
du
cycle
d'exploitation
et
directement
rattaché
à
des
contrats
identifiés.
Un
financement
qui
s'inscrit
dans
un
projet
à
plus
long
terme
dépassant
le
cadre
du
cycle
d'exploitation
et
qui
prend
la
forme
d'un
accompagnement
sur
une
durée
longue
de
certains
clients
au
travers
de
prêts,
de
prises
de
participation
minoritaires
ou
de
toute
autre
forme
de
financement.
La
première
partie
est
comptabilisée
dans
l'actif
circulant.
/.../
La
deuxième
catégorie
est
comptabilisée
dans
les
autres
immobilisations
financières.
/.../
Par
ailleurs,
le
Groupe
peut
donner
des
garanties
à
des
banques
pour
le
financement
des
clients
du
Groupe.
Celles-‐ci
sont
comprises
dans
les
engagements
hors-‐bilan".
Cet
exemple
–
de
nature
classique
–
montre
au
lecteur
l'échelle
des
risques.
Sans
être
pour
le
régulateur
européen
des
G-‐SIBs
(
Global
systemically
important
banks
),
ces
banques
d'entreprise
posent
question.
Tout
d'abord,
il
convient
de
présenter
la
rentabilité
d'une
vente
par-‐delà
son
aspect
de
marge
commerciale
en
y
intégrant
ses
éventuels
coûts
financiers
liés
(
crédit
fait
à
l'achateur
).
Puis,
il
peut
y
avoir
gonflement
de
l'actif
immobilisé
par
des
immobilisations
financières
qui
dépendent
nécessairement
de
la
bonne
fin
commerciale
du
contrat
(
risque
d'actif
fictif
).
Enfin,
il
y
a
le
risque
de
mésestimation
des
engagements
hors)
bilan
pour
des
groupes
transnationaux.
La
prudence
s'impose
d'autant
plus
que
les
administrateurs
de
ce
type
de
banques
sont
des
mandataires
(
ou
anciens
mandataires
sociaux
)
de
la
société
faîtière.
Bien
évidemment,
le
lecteur
gardera
à
l'esprit
que
les
constructeurs
automobiles
ont
des
banques
afion
d'aider
le
financement
de
leurs
clientèles
(
concessionnaires
et
clientèle
finale
)
ce
qui,
en
temps
de
récession
marquée,
ne
peut
que
poser
question.
3
)
Une
filiale
bancaire
pour
la
croissance
externe
ou
pour
gérer
une
crise
interne
:
La
décision
de
se
doter
d'une
banque
intragroupe
peut
venir
d'une
société
dont
l'objectif
est
le
croissance
externe.
Au
lieu
de
régler
des
"fees"
à
de
prestigieuses
banques
d'affaires,
la
banque
du
groupe
considéré
peut
procéder
à
d'éminents
recrutements
et
fonder
sa
stratégie
de
repérage
de
cibles
sur
une
"dream
team"
maison.
Dans
certains
cas,
cela
peut
accroître
la
confidentialité
et
le
sérieux
des
opérations
comme
le
montre,
à
titre
de
bel
exemple,
le
mode
de
fonctionnement
d'Investor
AB
et
surtout
de
la
holding
des
Wallenberg
:
EQT
Partners.
Vecteur
de
la
croissance
externe,
comme
certaines
sociétés
financières
de
l'IFIL
(
Agnelli
)
le
furent,
ces
banques
n'ont
guère
de
vocation
à
épauler
les
clients
des
sociétés
d'exploitation
mais
bien
davantage
à
fédérer
des
pools
bancaires
une
fois
la
cible
identifiée.
20
21. Parallèlement,
une
banque
intragroupe
peut
aussi
être
un
véhicule
permettant
de
gérer
une
crise
interne.
Dans
le
cas
de
PSA,
la
banque
PSA
Finance
est
une
filiale
à
100%
du
groupe
qui
a
pour
fonction
d'assister
le
financement
des
clients.
Parallèlement,
elle
a
pour
fonction
d'assurer
le
financement
des
stocks
de
véhicules
et
de
pièces
de
rechanges
de
ces
deux
marques.
En
2011,
son
encours
global
dépassait
les
24
milliards
d'euros
dont
6
dédiés
aux
concessionnaires
pour
un
résultat
courant
de
530
millions.
Face
aux
difficultés
de
trésorerie
du
Groupe
PSA,
celui-‐ci
a
obtenu
de
l'Etat
une
caution
sur
des
emprunts
effectués
par
la
banque
du
Groupe
à
hauteur
de
7
milliards
d'euros
(
fin
2012
).
Ceci
permet,
pour
la
Puissance
publique,
de
contourner
certaines
règles
européennes
(
aides
directes
proscrites
)
mais
il
ne
faut
toutefois
pas
méconnaître
les
nombreuses
jurisprudences
françaises
qui
ont
condamné
des
situations
dans
lesquelles
des
apports
de
fonds
ont
lieu
(
comptes-‐courants,
recapitalisations,
engagements
reçus,
etc
)
alors
que
la
situation
"
est
irrémédiablement
compromise".
Au
demeurant,
en
dépassant
le
cas
de
PSA,
il
faut
garder
en
mémoire
que
l'état
de
cessation
des
paiements
intervient
lorsque
la
société
pivot
prend
la
décision
de
ne
plus
apporter
de
soutien
à
sa
ou
ses
filiales.
On
peut
imaginer
le
cas
où
la
banque
du
groupe
soit
jugée
comme
un
risque
excessif
par
ses
partenaires
extérieurs
voire
par
l'ACP
(
Autorité
de
contrôle
prudentiel
).
Dans
ce
cas
de
figure
–
extrême
–
les
éléments
décisifs
viendront
du
calcul
des
résultats
après
retraitements
de
consolidation
et
de
leur
impact
sur
le
résultat
consolidé
(
part
du
groupe
).
Dans
toutes
les
hypothèses,
une
banque
de
groupe
peut
être
une
sorte
de
béquille
mais
pas
une
voie
de
traverse
pour
organiser
une
fuite
en
avant.
Selon
la
définition
de
l'article
L621-‐1
du
Code
de
commerce,
l'état
de
cessation
des
paiements
se
définit
par
"
l'impossibilité
de
faire
face
au
passif
exigible
avec
son
actif
disponible
".
C'est
donc
bien
avant
tout
une
notion
de
trésorerie
qui
ne
peut
être
établie
qu'à
la
lecture
du
bilan
de
la
société.
A
l'heure
où
le
Comité
de
Bâle
veut
imposer
aux
banques
des
"dispositifs
de
gouvernance
solides
"
(
voir
les
14
principes
réaffirmés
en
Janvier
2013
)
et
des
mesures
de
risques
capables
de
capturer
et
de
suivre
l'évolution
par
entité
légale,
type
d'actifs,
lignes
d'activités,
on
en
déduit
que
ceci
vaut
appel
à
la
prudence
pour
les
banques
intragroupe.
En
guise
de
conclusion
:
Les
banques
d'entreprise
ne
paraissent
pas
souvent
au
cœur
des
problématiques
du
risque
bancaire
alors
que
l'exemple
en
cours
de
déploiement
de
PSA
montre
qu'il
ne
faut
pas
sous-‐estimer
ce
champ
de
l'activité
financière.
Parallèlement,
ces
banques
intragroupe
sont
bel
et
bien
des
banques
de
plein
exercice.
Ainsi,
la
banque
du
Groupe
Volkswagen
a
grandement
eu
recours
au
mécanisme
de
la
BCE
mis
en
place
en
2012
:
le
LTRO
(
Long
term
refinancing
operations
).
Consistant
à
accorder
des
conditions
de
financement
favorables,
ces
LTRO
ont
permis
à
la
banque
de
VW
de
bénéficier
de
prêts
à
trois
ans
à
un
taux
fixe
de
1%.
Chaque
banque
a
pu
bénéficier
de
ses
prêts
en
fonction
des
garanties
qu'elle
pouvait
apporter
à
la
BCE.
Le
Groupe
VW
a
donc
pu
obtenir
un
avantage
concurrentiel
et
accorder
à
sa
clientèle
des
conditions
avantageuses
qualifiées
de
rabais
agressifs
par
ses
concurrents.
Il
y
a
donc
une
prime
à
la
qualité
bilancielle
bancaire
intragroupe
qui
s'additionne
alors
avec
21
22. l'efficacité
commerciale
tangible.
Pour
information,
le
banque
intragroupe
de
VW
a
réalisé
993
millions
d'euros
en
2011
de
bénéfices
avant
impôts
et
escompte
des
résultats
2012
plus
favorables.
Vecteur
de
prospérité
ou
facteur
de
risque,
telles
sont
les
deux
voies
possibles
des
banques
d'entreprise.
"
L'argent
qu'on
possède
est
l'instrument
de
la
liberté;
celui
que
l'on
pourchasse
est
celui
de
la
servitude
".
Jean-‐Jacques
Rousseau
(
Confessions
).
22
23.
L'Europe
en
crise
23
24.
VII
Allemagne
exaspérée
et
syndrome
de
la
Mitteleuropa
Depuis
des
mois,
nos
voisins
allemands
sont
dans
l'obligation
d'accepter
de
se
voir
montrer
du
doigt
par
des
accusateurs
de
qualité
inégale.
Cette
forme
de
stigmatisation
affecte
l'honneur
allemand
et
finira
par
avoir
une
forme
de
traduction
électorale
en
septembre.
Prenons
donc
garde
au
syndrome
de
la
Mitteleuropa.
Nombre
de
prises
de
paroles
venues
de
différents
pays
(
Espagne,
France,
Italie
)
visent
l'Allemagne
en
lui
imputant
une
large
part
de
responsabilités
dans
les
situations
d'austérité
que
connaissent
ces
pays.
Ceci
parait
excessif
voire
faux
pour
plusieurs
raisons.
En
premier
lieu,
l'Europe
est
dans
un
cycle
récessif.
Comme
l'a
dit,
il
y
a
trois
mois,
l'ancien
président
de
la
BCE
Jean-‐Claude
Trichet
:
"
En
2008,
la
crise
venait
des
Etats-‐
Unis.
Désormais
elle
vient
d'Europe
".
Effectivement,
nos
réalisations
et
nos
prévisions
de
croissance
continentales
sont
révélatrices,
au
mieux,
d'une
croissance
atone.
Au
pire,
d'une
vague
récessive
pour
2013.
L'Allemagne
connaîtra
aussi
une
année
tendue
(
0,4%
voire
0,5%
de
croissance
).
En
deuxième
lieu,
il
serait
intellectuellement
surprenant
d'oser
imputer
à
l'Allemagne
les
niveaux
d'endettement
public
de
certains
pays.
Quelle
corrélation
objective
et
avérée
établir
entre
les
quelques
2.000
milliards
d'euros
de
dette
souveraine
italienne
accumulée
depuis
des
décennies
et
la
politique
menée
par
l'Allemagne
dans
la
dernière
période
?
En
troisième
lieu,
nul
ne
doit
oublier
que
la
France
et
l'Allemagne
contribuent
ensemble
à
hauteur
de
47%
des
plans
de
sauvetage
de
l'Union
qui
ont
concerné
différents
pays
:
depuis
le
Portugal
jusqu'à
la
Grèce.
Lorsqu'un
pays
concède
un
tel
effort
de
solidarité,
il
faut
avancer
à
pas
comptés
avant
d'énoncer
ce
que
l'on
entend
de
plus
en
plus
:
l'Allemagne,
par
sa
passion
frénétique
pour
la
rigueur
budgétaire,
a
provoqué
des
politiques
de
rigueur
trop
contraignantes
pour
ses
partenaires.
Toute
affirmation
économique
a
toujours
une
part
de
vérité
comme
l'a
démontré
à
maintes
reprises
l'élégant
Jean-‐François
Deniau
mais
l'argumentaire
consistant
à
dire
que
l'austérité
prônée
par
notre
partenaire
d'Outre-‐Rhin
asphyxie
notre
croissance
et
fait
bondir
notre
chômage
est
à
nuancer.
S'il
est
exact,
comme
l'a
démontré
–
notamment
-‐
Henri
Sterdyniak
(
OFCE
)
qu'il
est
audacieux
et
risqué
de
mener
une
politique
de
rigueur
en
période
de
fort
ralentissement
économique
car
ceci
affecte
à
la
fois
l'investissement
(offre
)
et
la
consommation
(
demande
),
il
n'en
demeure
pas
moins
que
la
charge
des
intérêts
de
la
dette
française
est
notre
premier
poste
budgétaire
et
qu'il
faut
agir
face
à
cet
état
de
fait.
24
25. Parallèlement,
il
ne
faut
pas
mésestimer
l'impact
–
lui
aussi
–
pro-‐cyclique
de
l'application
des
normes
comptables
IFRS
qui
obligent
à
constater
derechef
des
dépréciations
d'actifs
significatives
qui
aggravent
le
climat
ambiant
des
affaires
et
ce
qu'il
est
convenu
de
nommer
le
moral
des
entrepreneurs.
Moral
au
demeurant
soumis
à
plusieurs
chocs
d'incertitude,
en
France,
depuis
un
an.
Le
procès
de
la
rigueur
budgétaire
à
l'allemande
aurait
déplu
à
un
homme
de
la
qualité
et
de
l'envergure
de
feu
Raymond
Barre
:
il
convient
donc
de
l'instruire
avec
modération
et
le
terme
de
"
confrontation
"
récemment
utilisé
par
un
haut
décideur
public
est
aussi
téméraire
qu'insupportable
pour
qui
songe
à
l'Histoire
du
XXème
siècle
et
à
ses
deux
conflits
majeurs.
Quand
on
revoit
la
sublime
poignée
de
main
du
22
septembre
1984
entre
le
Chancelier
Kohl
et
le
Président
François
Mitterrand
à
Verdun,
on
se
dit
qu'un
socialiste
du
XXIème
siècle
ne
peut
pas
avoir
utiliser
le
terme
de
confrontation
autrement
que
par
mégarde.
S'il
s'est
agit
de
malice
et
de
vouloir
frapper
les
imaginations,
alors
nous
vient
en
tête
le
discours
d'André
Malraux
lors
de
l'entrée
de
Jean
Moulin
au
Panthéon
qui
avait
évoqué
cette
cohorte
"
des
tondus
et
des
rayés
".
D'ailleurs,
sauf
erreur,
le
wagon
emblématique
de
Drancy
est
en
Seine
–Saint-‐Denis.
Pour
revenir
au
déroulé
de
notre
analyse,
deux
éléments
méritent
examen.
D'une
part,
l'argumentaire
suivant
:
l'Allemagne
à
la
démographie
déclinante
a
besoin
d'une
monnaie
de
rentiers
d'où
un
euro
surévalué
et
parallèlement
une
rigueur
qui
asphyxient
la
croissance
et
les
capacités
exportatrices
de
ces
partenaires
et
voisins.
Autrement
dit,
la
pyramide
des
âges
et
les
propres
contraintes
de
la
société
allemande
auraient
un
impact
excessif
sur
le
reste
de
l'Union.
Cette
assertion
représente
nécessairement
un
facteur
explicatif
mais
n'ouvre
aucun
droit
–
pour
les
autres
pays
–
au
laxisme
budgétaire
qu'ils
ont
largement
pratiqué
dans
les
deux
voire
trois
dernières
décennies.
D'autre
part,
l'Allemagne
serait
un
pays
au
profil
de
profiteur
:
c'est
à
dire
qu'il
profiterait
de
l'euro
(
voir
supra
)
mais
aussi
de
sa
position
en
termes
de
commerce
extérieur.
Nous
vivons
là
sur
des
chiffres
que
la
crise
a
actualisés
mais
qui
n'ont
pas
encore
intégrés
nos
mentalités.
L'Allemagne
est
nettement
moins
dépendante
que
par
le
passé
de
son
commerce
avec
les
pays
de
l'Arc
du
Sud
que
de
la
grande
exportation
(
vers
l'Est
du
Monde
:
Chine
et
Japon
notamment
)
et
que
de
ses
liens
de
plus
en
plus
étroits
avec
les
pays
d'Europe
centrale
:
ceux
de
la
Mitteleuropa
(
Autriche,
Hongrie,
Tchéquie,
etc
).
Un
simple
exemple
:
il
a
été
assemblé
en
2012
plus
d'appareils
complexes
d'imagerie
médicale
Siemens
(
scanners,
etc
)
en
Chine
qu'en
Allemagne.
Quant
au
train
à
grande
vitesse
qui
est
opérationnel
en
Chine,
il
repose
pour
une
large
partie
sur
la
technologie
de
l'ICE
allemand.
Autrement
dit,
là
où
la
France
oscille
autour
de
1%
du
montant
des
importations
chinoises,
l'Allemagne
est
à
plus
de
5,4%
et
ne
cesse
de
progresser.
N'est-‐il
pas
hors
de
fondement
que
stigmatiser
les
performances
germaniques
là
où
notre
pays
a
un
vrai
défi
à
régler?
Car
enfin,
il
y
a
longtemps
que
toute
une
sélection
de
nos
produits
ne
sont
pas
compétitifs
:
ni
en
prix,
ni
en
éléments
hors-‐prix
(
niveau
de
gamme,
qualité,
innovation
incorporée,
etc
).
Rien
ne
servirait
de
se
flageller
mais
rien
ne
serait
pire
que
de
se
masquer
les
comparaisons
(
automobiles
ou
produits
industriels
).
D'autant
que
ceci
n'est
en
rien
imputable
à
la
monnaie
unique
et
ne
date
clairement
pas
de
l'euro
:
il
suffit
de
se
reporter
aux
plans
pour
la
machine-‐outil
des
ministres
Fourcade
(
1975
)
et
Monory
(
1978
)
et
d'analyser
la
situation
présente.
Ou
encore
de
relire
les
actes
des
Assises
de
la
recherche
et
de
l'industrie
d'octobre
1982
pilotée
par
25